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  • Fées noires & Dames sombres – Ieles

    Fées noires & Dames sombres – Ieles

    Ieles

    Dans les forêts de l’Est, au bord des fontaines et des sources, les Ieles veillent sur la nature environnante. Sous leur apparence féline, elles se jettent sur les imprudents pour leur sucer le sang. Sous celle de belles jeunes demoiselles, elles attirent leurs amants d’un soir vers d’insoupçonnés plaisirs, souvent les derniers.

    Ieles

    Il devait être près de minuit quand Raoul entendit des bruits de fête en provenance de la route près de la ferme familiale. Des éclats de rire aurait-on dit. Son épouse était bien endormie à ses côtés, mais lui ne parvenait à détacher son esprit de ces moqueries qu’il percevait, s’infiltrant par la fenêtre ouverte. Il s’imaginait quelques jeunes voyous de la région ou quelques ivrognes attardés sur les chemins et présageait du pire pour ses bêtes, sa grange ou son foin. N’y tenant plus, il se leva, enfila fissa un pantalon, une chemise et ses bottes tout en se saisissant au passage de son fusil pendu dans le vestibule, puis, il se glissa dans la nuit. S’orientant aux éclats de voix, il s’approcha d’un carrefour menant d’un côté au village, de l’autre à sa ferme tandis que le chemin qui barrait cette première direction envoyait tantôt à la forêt, tantôt vers la grande ville. C’est en cet endroit précis que, depuis le buisson où il s’était dissimulé, Raoul vit le plus étonnant des spectacles. Des jeunes filles dansaient, s’ébattant joyeusement sous les yeux incrédules du paysan. Certaines de ces demoiselles tenaient à la main des chandelles dont les flammes vacillantes ne s’éteignaient jamais, même lorsque leurs farandoles secouaient leurs bras avec vigueur. Leurs pas de danse s’accompagnaient de tintements légers dus aux bracelets de clochettes qui pendaient à leurs chevilles. Mais ce qui marqua surtout le paysan était la tenue de ces jeunes délurées, ou plutôt l’absence de vêtements car ces belles demoiselles aux formes voluptueuses étaient nues. Abandonnant son fusil au buisson, l’homme se leva et se dirigea vers cette belle compagnie qui l’invita immédiatement à rejoindre la danse. Les fées, car c’en était bien entendu, offraient leurs sourires et leurs caresses à ce nouveau compagnon de leurs jeux nocturnes. Le paysan était tout à sa joie quand des coups de feu retentirent. L’épouse n’était plus endormie. Elle se trouvait à quelques mètres de la fête, le fusil de son mari en main, le canon fumant. Elle tira une seconde salve et toutes les fées s’envolèrent.

    Le lendemain matin, le mari revenu sur les lieux ne trouva que des herbes brûlées, formant un cercle. Quant à la femme, elle tomba sévèrement malade quelques jours seulement après cette tumultueuse nuit. Les Ièles n’aimant rien moins que d’être interrompues en leurs sabbats.

  • Fées noires & Dames sombres – Harpies

    Fées noires & Dames sombres – Harpies

    Harpies

    Détrousseuses d’âmes, voleuses d’enfants, les Harpies hantèrent autrefois toute la Grèce antique. Elles répondaient aux noms d’Aello, Ocypète ou Podarge et apparaissaient lors de tempêtes, surgissant dans les chambres des derniers-nés pour les enlever. Esprit au corps d’oiseau surmonté d’une tête de femme haineuse, la Harpie ne connaît ni pitié, ni repos. On dit que de nos jours, elles gardent l’entrée des Enfers et les quittent de temps à autre pour survoler les villages et se rappeler leurs cruautés passées.

     Harpy

    C’est une affaire étrange qui secoua la petite école de H. Pensez donc, douze enfants qui disparaissent d’un coup et une institutrice retrouvée dans la lande, en prise avec un délire qui l’a conduit à l’internement. Un an après les évènements, les parents ne reçurent aucune autre explication que l’histoire abracadabrante racontée par l’institutrice. Les inspecteurs chargés de l’enquête avouèrent l’impuissance de la police à découvrir la moindre preuve permettant de relater le fil des événements de cette abominable journée. Les seuls faits avérés furent que la petite classe de maternelle était repartie de la visite d’une ferme vers quatorze heure, empruntant un sentier traversant la lande afin de regagner l’école du village. Les fermiers qui avaient accueilli les enfants le matin même n’avaient rien évoqué de particulier. Les élèves avaient été très intéressés par les animaux, l’institutrice s’était montrée bienveillante et guillerette. La petite troupe avait quitté la ferme enchantée de sa journée et rien ne laissait envisager toute l’horreur qui s’ensuivit.

    Le village avait été frappé en plein cœur par cette affaire et on ne s’en remit jamais. Douze enfants de quatre et cinq ans. Disparus, arrachés à leurs parents sans qu’on ne puisse en faire le deuil, sans qu’on ne comprenne ni pourquoi, ni comment. Cela est insupportable, inimaginable, incompréhensible et pourtant, c’est ce qui déchira le village de H. en cette année 1954.

     

    Quant à l’explication saugrenue de l’institutrice, personne n’y crut. Dans son délire certainement dû au choc, elle devait avoir transformé la réalité des ravisseurs par cette histoire invraisemblable de Harpies. Elle disait avoir entendu dans le ciel des cris aigus avant de voir une bande de femmes volantes se jeter sur les enfants. Les petits hurlaient, couraient tentant d’échapper aux griffes de ces créatures. Tout se fit rapidement. Devant l’impuissante institutrice paralysée par la terreur, les douze enfants furent emportés dans les airs par ces fées atroces aux ailes immenses. En un instant, il n’y avait plus trace des élèves. Seule une lande déserte au-dessus de laquelle planait un parfum de mort entourait la jeune femme dont l’esprit venait de se rompre devant l’impossible scène. Elle se jeta à terre, dans une position procrastinée, les ongles plantés dans le ventre, tentant de laisser échapper un hurlement qui ne vint jamais. C’est ainsi qu’on la retrouva le soir de ce cauchemar, lorsqu’on se mit à la recherche de cette classe qui ne revenait pas.

  • Fées noires & Dames sombres – La Goule

    Fées noires & Dames sombres – La Goule

    La Goule

    La Goule prend souvent l’apparence d’une belle jeune femme dont la nature féerique se trahit lorsque se découvrent ses pieds, en réalité deux pattes fourchues ou animales, celles de l’hyène dont elle est si proche qu’elle en prend également bien souvent les traits. Parmi ses occupations principales, citons le fait de déterrer les cadavres dans les cimetières ou d’attirer les voyageurs dans le désert afin de s’en nourrir.

     goule

    Chaque soir, le gardien du cimetière voyait venir la même femme, drapée de haut en bas, dissimulant à son regard les traits de son visage et les courbes de son corps. Chose étrange, s’il la voyait passer, entrer dans ce domaine réservé aux morts, il ne la voyait jamais ressortir. Ce soir-là, il était bien décidé à percer le mystère qui entourait l’étrange visiteuse. Posté devant la fenêtre de son cabanon, il surveillait les allées et venues des tristes visiteurs venus rendre hommage à leurs chers disparus. Les promeneurs se faisaient de plus en plus rares au fur et à mesure que s’avançait l’heure de la fermeture des lieux. Une heure avant la fin des visites, la femme se présenta. Elle pénétra dans le cimetière comme à son habitude voilée et invisible aux yeux de tous. Sa marche était rapide, son vêtement ne permettant pas sans doute de prendre une allure plus aisée que ces petits pas serrés. Le gardien sortit de sa cabane pour la saluer, mais aucun mot ne vint répondre à sa formule de politesse. Il la regarda s’éloigner et se posta cette fois devant la grille, bien décidé à n’en pas bouger d’ici la fermeture. Une heure plus tard, il souleva les lourdes grilles et passa le cadenas tout en demeurant à l’intérieur. La femme n’était pas sortie, cette fois, il en était sûr. La grille refermée, il se dirigea vers l’intérieur du cimetière. Les tombes étaient nombreuses, des centaines, mais il crut distinguer un mouvement tout au loin, dans la partie la plus récente. Il se glissa sans bruit, s’arrêtant derrière un arbre le temps de porter le regard au loin et de tenter de deviner ce qui occupait l’inconnue. A mesure qu’il s’approchait de la dame, il ressentait une peur étrange qui commençait à lui nouer la gorge et le ventre. Les lanternes s’étaient allumées, mais le ciel s’assombrissant, il lui était difficile de voir avec précision ce qui se tramait tout au fond du cimetière. A une dizaine de mètres, il remarqua que la femme n’avait plus ses vêtements. Elle était accroupie, penchée vers le sol, affairée semble-t-il à y déterrer quelque chose ou… quelqu’un. Le gardien fit demi-tour, il courut cette fois jusqu’à son cabanon et en ressortit, son fusil à la main. L’arme lui servait à effrayer les volatiles attirés par l’odeur persistante qui traversait parfois les tombes fraîchement closes. A une ou deux reprises, il était également intervenu pour chasser des pilleurs, ces personnes sans scrupule qui creusaient pour trouver quelques bagues, quelques bijoux abandonnés aux morts. Cette femme en était donc un ? Engaillardi par la présence de son arme, il courut jusqu’à la femme. Au cri poussé par le gardien, la tête penchée de la voleuse ressortit précipitamment de la tombe. Une affreuse figure émaciée aux yeux rouges fit soudain face au pauvre homme. La créature ricana en montrant les crocs auxquels étaient encore attachés des morceaux de chair. Son rire était celui d’une hyène et, le gardien, en pointant son fusil pendant que la mauvaise fée se levait, découvrit les pieds fourchus de cette engeance diabolique. C’était une Goule, un de ces esprits cauchemardesques qui se nourrissaient de cadavres. Le coup parti et atteignit sa cible. La monstrueuse bonne femme hurla, s’enfuit dans des bonds qui n’avaient rien d’humain et sauta par-dessus le mur du cimetière. Le gardien, affolé, regagna la grille aussitôt, ouvrant la chaîne et se jetant à son tour dans la rue pour gagner au plus vite la sécurité de la ville toute proche. Demain, il ne reviendrait plus au cimetière, ni les jours suivants. Jamais.

  • Fées noires & Dames sombres – La Gorgone

    Fées noires & Dames sombres – La Gorgone

    La Gorgone

    Ses cheveux sont autant de serpents s’entrelaçant et prêts à vous mordre. Son regard à la pupille fendue vous captive et vous hypnotise pour vous changer doucement en pierre. Sa langue fourchue modifie chaque son sortant de sa bouche en une râpeuse mélodie qui vous attire en ses pièges. Malheur à l’imprudent qui se laisse prendre, nul ne le verra plus jamais si ce n’est sous sa forme de pierre, le visage tordu par la frayeur.

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    Franz von Stuck,

    C’est lors d’un voyage en Grèce que je l’ai vue. Le groupe avec qui j’étais parti s’était arrêté dans les ruines d’un ancien temple. Un de mes amis, archéologue, était occupé à nous expliquer l’histoire du site quand mon regard fut attiré par un trou béant sous un amoncellement de pierres, à quelques dizaines de mètres de là où nous nous tenions. Je m’éclipsais discrètement du groupe pour me diriger vers l’objet de ma curiosité. C’était l’entrée d’un autre temple, semblait-il, qui s’enfonçait, lui, dans la terre. La pierre de front était encore visible, sur celle-ci, on distinguait clairement la gravure d’un serpent. Je me remémorais les leçons de notre archéologue. Le serpent était considéré en Grèce comme un génie, une sorte de gardien des lieux, du foyer. Ce devait être là un temple où étaient célébrées les forces chthoniennes. Je m’y enfonçai.

     

    A la lueur de la torche que j’avais sortie de ma poche, je balayai les murs. Il y avait de nombreux signes gravés, certains au ras du sol faisaient preuve d’une écriture bien moins géométrique que les autres, comme si ces mots-là avaient été grattés de manière officieuse comme le sont ces phrases que laissent les amoureux sur les murs ou les prisonniers dans leurs cellules. Ce dernier exemple me donna le frisson. Et si cet édifice, qui descendait sous terre avait été une prison ? Au moment même où mon imagination m’entraînait vers cette idée, j’arrivai dans une grande salle qui terminait semble-t-il mon périple. Au centre, des pierres brisées laissaient penser qu’il y avait eu là un autel pour quelque sacrifice en l’honneur de celui ou celle à qui était dédié ce petit temple. Je m’apprêtai à faire demi-tour lorsque ma lampe porta sur une fissure dans le mur du fond. Je m’approchai et vis que les deux pans s’étaient écartés d’un demi-mètre. Le trou ainsi formé laissait entrevoir un second espace. Je grimpai sur les gravats obstruant en partie l’accès à cette seconde salle et passai la tête par l’orifice. Les murs étaient peints, des scènes de combat, des offrandes, des moments familiaux… Des tableaux très divers mais qui avaient tous un point en commun : partout, des serpents étaient représentés. C’était là sans doute une fameuse découverte, la brèche semblait récente. Je m’apprêtais à faire demi-tour pour aller chercher mon ami archéologue quand un léger sifflement attira mon attention sur la droite. Par réflexe, j’avais déjà pointé ma torche sur l’origine du bruit. Il y avait là quelqu’un. Une femme était assise. Elle tenait son visage entre ses mains et sanglotait. Sa chevelure était faite d’épaisses tresses ou de dreadlocks comme en portent souvent les jeunes. A travers ses mains, elle murmurait quelque chose. C’était du grec ancien. Mes rudiments en la matière me permirent de comprendre quelques mots. Elle disait « Fuir… Mort… Pierre… ». C’est alors que je vis la chevelure se mouvoir. Ce n’était pas des cheveux, c’était des dizaines de serpents entrelacés. Je me souvins des légendes sur les Gorgones et je sus à cet instant précis que ce n’était pas un temple, mais bel et bien une prison. Celle d’un être maudit et qui s’y morfondait depuis des millénaires. Je regagnai le groupe d’amis sans leur révéler ma découverte. J’espère toujours que la créature demeure au fond de son trou.

     

  • Fées noires & Dames sombres – La Glésine

    Fées noires & Dames sombres – La Glésine

    La Glésine

    Si la Glésine séduit de prime abord, c’est parce qu’il est difficile de deviner sous sa belle et ample robe, cette moitié de corps caprin qui l’associe à l’étrangeté monstrueuse des siens. C’est donc en parfaite insouciance que l’homme qui la croise accepte de danser avec elle, de tourner et tourner encore jusqu’à l’ivresse. Son corps ainsi abandonné aux joies d’une telle beauté ne réagira même plus lorsque la Glésine plongera ses crocs dans la nuque offerte. Si elle est avide de jeunes et robustes mâles, la fée se montre plutôt bienveillante envers les démunis, les enfants et les paysans qu’elle aide volontiers.

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    Eugène Grasset

    Tout mène à croire que la Glésine qui habitait près d’un torrent du côté du bois des fées avait un caractère qui tantôt la rendait sympathique, tantôt épouvantable. Les gens des environs avaient pris l’habitude de poser leur regard sur les pieds des jeunes inconnues qu’ils croisaient le soir sur les chemins. Ses sabots de chèvre la trahissaient et lorsqu’il la rencontrait, le paysan prenait ses jambes à son cou, se réfugiant dans le premier bistrot venu pour y conter sa mésaventure, noyant ce souvenir dans une douzaine de chopines bienvenues. C’est que, voyez-vous, la Glésine avait cette fâcheuse habitude de vous inviter à danser. Lorsqu’un homme lui plaisait, elle proposait quelques pas de danse, une ronde gracile, une valse entraînante que peu d’hommes lui refusaient. La Glésine était charmante, du moins de ses hanches à la tête, car ses jambes qu’elle dissimulait dans de belles et amples robes n’étaient que deux maigres pattes de chèvre. Elle présentait un visage d’ange, deux lèvres douces, des yeux profonds, une peau claire et une chevelure défaite parfumée de l’odeur sauvage des bords de rivière. Celui qui acceptait son invitation, était emporté dans une danse sans fin, mené plus que menant, tournant encore et encore jusqu’à ne plus pouvoir regarder le paysage alentour. Les yeux se contentant alors du spectacle ravissant de ce visage enchanteur. Le corps pressé contre celui de la fée, l’homme pouvait deviner une poitrine généreuse et ses mains posées sur les hanches lui renvoyaient la promesse d’une suite qui lui faisait battre le cœur. C’était l’effet recherché. Lorsque le cœur du cavalier battait à tout rompre, lorsque ses veines se gonflaient de désir, la Glésine plongeait le visage dans son cou et d’une morsure puissante, crevait l’artère et vidait le malheureux de son sang. Voilà l’affreuse vérité, la Glésine était aussi fée que vampire. Elle se nourrissait d’un sang enrichi d’envie, de passion.

    Mais cette redoutable créature pouvait tout aussi bien se montrer aimable. Son amour pour les bêtes la poussait souvent à garder les troupeaux. Le berger s’éloignait alors pour la laisser faire craignant plus pour sa vie que pour celles de ses moutons. Plusieurs enfants perdus dans les bois furent ramenés sur la route de leur village par la même fée qui était tant redouté par leurs pères. C’est ainsi qu’elle est la Glésine. Tantôt accomplissant de petits gestes qui la rendaient bien sympathique, tantôt entraînant un homme vers une mort affreuse, dévoilant la part épouvantable de son être.

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