Avec les fées, de Sylvain Tesson
Hier matin, j’ai reçu le dernier livre de Sylvain Tesson, l’écrivain-voyageur français. J’avoue, je l’ai ouvert et je n’ai pas pu le quitter. Le sujet m’avait bien sûr interpellé. Partir sur la trace des fées le long des côtes celtiques, depuis les Asturies jusqu’aux îles Shetland, en passant par la Bretagne, l’Angleterre, l’Irlande, l’Écosse ne pouvait me laisser indifférent !
L’auteur pose dès le départ le fait qu’il ne croit pas aux fées. Du moins aux filles-libellules qui volettent en tutu au-dessus des fontaines. Pourtant, ce voyage aura pour but de les rencontrer, de saisir l’instant où elles apparaissent. Pour ce faire, il embarque à bord d’un bateau avec deux camarades de jeu et s’amusera, pendant trois mois, à alterner les vues depuis la mer et les expéditions terrestres à pied ou en vélo, sans s’éloigner du rivage, allant et venant de la mer à la terre, de la terre à la mer, tel un amphibien. « Rester sur le fil », ne pas trop s’enfoncer dans le monde des hommes pour approcher le sujet celtique à travers les paysages, le goût salé des embruns et les nombreux auteurs emportés : Hugo, Aragon, Yeats, Scott, Marie de France, Markale… De la poésie, des études sur le roman arthurien, les Celtes…
Lire Tesson, c’est toujours s’évader sur l’instant. L’écriture est riche, précise, non dénuée de traits d’humour et de poésie. Un vrai bonbon qui nous fait oublier les heures et les devoirs pour renouer avec le présent de la Nature et le « génie du lieu » dont l’auteur parvient avec élégance à nous le faire ressentir. Pourtant, le lendemain, le réveil est plus lourd. Les mots de Tesson à l’égard de la Nature sonnent juste, mais moins du côté des hommes, du moins de ceux qu’ils croisent et n’éveillent pas en lui de l’admiration. Tesson est géographe, pas ethnologue, certes.
S’il a réussi à définir le merveilleux en tant que l' »admiration de ce qui se présente », d’un sentiment qui « émane des choses », s’il nous partage de vrais moments de contemplation et quelques pensées philosophiques fort agréables, il demeure quelque peu prisonnier encore de ce rêve de conquistador qui l’anime depuis trente ans, de l’attrait de l’exploit et d’une certaine vanité toute française ou propre aux habitants de grands royaumes. La sagesse est humilité et c’est peut-être là le Graal de Sylvain Tesson, car les fées habitent bien sûr les rivages et les sommets, mais aussi l’intérieur des terres et les cours des fermes, elles voyagent également dans le cœur des hommes et des femmes. En se tenant sur un fil, à la lisière des mondes, on peut sans doute entrevoir les fées, mais la vie est à embrasser dans son entièreté et son intériorité. « Ce monde me suffit », martèle le carnet de voyage d’un Sylvain Tesson affichant la cinquantaine, décennie du début de la sagesse. Et les fées de lui souffler à l’oreille : « Non, la vie te suffit ».
Avec les fées, de Sylvain Tesson, aux éditions Équateurs, 2024.