Mélusine, jolie sorcière aux philtres d’humour !
En bande dessinée, la sorcière la plus connue est loin d’être la plus méchante. Créée en 1992 par Clarke et Gilson, Mélusine ravit ses lecteurs depuis 12 albums et 450 gags ! Après avoir publié dans les pages du magazine Spirou plusieurs récits avec Gilson, Clarke donne naissance à la mignonne petite sorcière rousse qui trouvera rapidement le chemin d’une série rien qu’à elle. D’un naturel jovial, cette jeune fille au pair chez un vampire se liera d’amitié avec une foule de personnages étranges qui viendront enrichir ses albums. Khimaira a posé quelques questions au papa dessinateur de cette jouvencelle ensorcelante…
D’où est parti le projet Mélusine ?
Clarke : Je suis arrivé chez Dupuis avec un projet de série sur un moulin hanté contenant tout ce que le cinéma fantastique et d’horreur compte de personnages emblématiques. Un chasseur de fantôme tournait en permanence autour de ce moulin et essayait d’exorciser les occupants. Le rédacteur en chef de l’époque n’a pas été très convaincu et a proposé à Gilson (présent ce jour-là à la rédaction) de travailler avec moi sur ce sujet. En deux heures, on avait posé toutes les bases de la série Mélusine…
Mélusine a un nom emprunt aux légendes… Pourtant on ne peut pas dire que votre personnage soit proche de la femme mi-serpent… Pourquoi avoir choisi ce nom dans ce cas?
C : C’est assez idiot. Dans la première page, où elle se présente, j’avais laissé la bulle vide. On cherchait un nom qui fasse moyenâgeux sans être trop éloigné de nous. Puis Gilson est venu avec « Mélusine » qui est le nom de la fille d’une copine commune. J’ai vérifié si le nom n’était pas trop long pour rentrer dans l’espace que j’avais laissé dans la bulle et voilà !
Et son aspect physique ? Comment l’avez-vous conçu ?
C : Ça a demandé beaucoup d’essais. Au départ, elle devait avoir les cheveux blancs, je crois. C’est une copine (une autre) qui m’a suggéré de la faire rousse. Le vert est venu naturellement à partir de là.
Dans votre bio, on apprend que vous adoriez dessiner des monstres lors de votre rencontre avec Gilson. D’où vous vient ce goût prononcé pour les monstres ?
C : J’adore les films d’horreur des années 50. Le côté système D et naïf de ces trucs me fait glousser de plaisir. Et puis ce qui est agréable avec les monstres, c’est qu’on peut partir de n’importe quoi. On peut dessiner ce qu’on veut tant que ça reste effrayant…
Le monde de Mélusine, s’il est fait de monstres et de sortilèges, reste très gentil. Par ce choix visiez-vous particulièrement un jeune public féru de monstres en tous genres?
C : Non, le sujet principal, ça reste tout de même une jeune fille « moderne » dans un environnement inquiétant ou, en tout cas, particulier. Au début, nous avions même l’intention de la faire sortir de temps en temps dans le monde moderne (boîtes, shopping, …) mais on a préféré s’en tenir à cette Transylvanie imaginaire. Ceci dit, il faut quand même aimer les monstres pour lire la série, même si ceux-ci ne sont souvent pas très effrayants…
Comme Harry Potter, Mélusine va à l’école, ici l’école des Maléfices… La sorcellerie s’apprend-elle sur les bancs d’une école ?
C : Harry Potter, ça nous a fait un drôle d’effet… La série existait déjà depuis un certain temps quand on a vu débouler ces romans où le sujet abordé était tout de même fort proche ! Mais Harry Potter est beaucoup plus ancré dans le monde moderne tandis que Mélusine fonctionne surtout sur des codes de films d’horreur dans les Carpates. Sinon, dans la mesure où il s’agissait d’une jeune sorcière, il nous a semblé tout naturel qu’elle soit toujours aux études.
Est-ce que le fait d’avoir autant de personnages secondaires (Cancrelune, Winston, Mélisande et autres habitants du château…) sont là comme sources pour de nouveaux gags?
C : Bien Sûr. Mais cela vient aussi du fait que, dans un univers pareil, les pistes à exploiter sont extraordinairement nombreuses. Et il faut aussi ne pas trop se cantonner sur un seul chemin au risque de voir la série s’appauvrir.
Wilson fait référence à la créature de Frankenstein, le vampire qui emploie Mélusine rappelle Bela Lugosi, mais pour les autres personnages, ont-il également des références, peut-être des gens que vous avez connus, on pense au professeur de magie, un mauvais souvenir d’école ?
C : Il y a souvent des ‘private jokes’ pour tous les personnages. Le professeur (dont le nom ‘Haaselblatt’ est celui des premiers appareils photos utilisés sur la lune par les astronautes) est une réminiscence d’un personnage que j’avais créé pour une série qui n’a jamais vu le jour. Boris Karloff, Bela Lugosi, et d’autres sont effectivement dans la série, sous divers déguisements. Le prêtre exorciste, lui, vient d’une caricature de Léopold II en missionnaire dans un quotidien du début du siècle… Comme quoi…
Dans la série, on rencontre deux autres sorcières. Cancrelune est des plus maladroites alors que la tante de Mélusine correspond plus à l’idée, du moins physique, que l’on se fait d’une sorcière… Les trois « sorcières-types » ?
C : La « sorcière-type » est évidemment la tante Adrazelle (nom que j’ai trouvé en adaptant Azraël, le chat de Gargamel dans les Schtroumpfs). Mélusine, en jeune fille moderne, avait besoin d’une camarade de classe. Par contraste, nous avons trouvé la maladroite Cancrelune (nom à tiroir : une cancre toujours dans la lune)…
Comment voyez-vous l’avenir de Mélusine ?
C : Comme une autoroute pavée de centaines de milliers d’albums.
Croyez-vous aux sorcières ?
C : Je crois aux sorcières « historiques », c’est-à-dire à ces sages-femmes qui ont été victimes de l’Eglise au Moyen-âge. Elles représentaient les dernières croyances populaires, le paganisme qu’il fallait à tout prix éliminer pour resserrer l’unité religieuse… Une époque formidable, à ce qu’on dit.
Propos recueillis pour Khimaira en avril 2005.
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