Interviews lutines

Rencontre avec Hervé Thiry-Duval, féericologue en Franche-Comté…

Hervé Thiry-Duval habite une région hantée par de nombreux esprits féeriques. Passionné de légendes, ce féericologue comme il aime se nommer, lorsqu’il n’est pas occupé à courir le pays en tant que conteur, écrit des ouvrages passionnants sur la Tante Arie, les lutins familiers, les vouivres, etc. Nous lui avons posé quelques questions suite à la parution en librairie des contes et légendes de la Haute-Saône et du territoire de Belfort aux éditions De Borée.
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Votre grand-mère croyait aux fées. C’est d’elle que vous est venue cette passion pour la féerie ? 
Ma grand-mère de conteur ! Quand j’écris des histoires, je respecte un vieil adage : il ne faut jamais laisser la vérité entraver le cours de la légende. Alors que ma grand-mère ait cru ou non aux fées importe peu, mon but est que le lecteur lui le croit. Mon goût pour le monde féerique, je le dois sans doute à la chère comtesse de Ségur (née Rostopchine) quand, très jeune, j’ai dévoré « les Nouveaux Contes de fées ». Un recueil bourré de forêts enchantées, de crapauds qui parlent et d’affreux maléfices jetés par de méchantes fées ; j’étais fasciné et terrifié mais je ne pouvais m’empêcher de le relire. Plus tard ce fut aussi l’émerveillement avec les livres de J.R.R. Tolkien et je n’ai plus quitté le trace des fées !
Vous vous dites « féericologue »… Un mot inventé en référence à l’elficologue Pierre Dubois ? 
Oui ! Cette idée d’elficologie m’a tout de suite emballé. La découverte de la Grande Encyclopédie des Lutins de Pierre Dubois, alias Petrus Barbygère !, a été un vrai bonheur de lecteur. J’ai aussitôt été séduit par sa belle et vivante façon d’aborder le domaine féerique. Outre sa puissante érudition, il apportait un ton nouveau, une poésie teintée d’humour. Peu de ses « suiveurs » lui arrivent à la cheville ! A l’époque je faisais des recherches sur les personnages merveilleux de ma région ; aussi pour donner un peu de lustre à ma signature pour l’avant-propos de mon dictionnaire des fées en pays comtois, j’ai trouvé plaisant de m’affubler moi aussi d’un titre ronflant. A la longue, ce terme  de « féericologue » défini assez bien mon activité.
Dans votre livre le plus récent, recueil de contes et légendes de Haute-Saône et du Belfort, vous nous présentez les Pâles-de-Nuit, rencontre mystérieuse et pas sans danger… Ce mélange de séduction et de prédation, eros et thanatos, une marque particulièrement inscrite en féerie ? 
Bien sûr, rencontrer une fée s’avère souvent dangereux à bien des égards. Certaines sont d’une beauté si envoûtante que l’on peut tomber définitivement «  fada » au premier regard. La vraie difficulté avec le Petit Peuple c’est qu’il ne respecte pas les mêmes codes que nous. Les fées, les lutins et tous les êtres faramineux sont des gens outrageusement susceptibles et l’on a vite fait de les offenser sans le vouloir. Ainsi si un soir vous vous promener en sifflant, les Fioles de Picardie vous agrippent et vous jettent à l’eau car ces lutins ne supportent pas les sifflements, encore faut-il le savoir ! Si pour lui faire plaisir vous offrez à un Caraquin d’Ecosse un vêtement neuf pour remplacer ses vieilles loques, ce dernier se vexe et disparaît pour toujours. En Irlande, il est hautement préférable de ne pas construire sa maison sur un « chemin de fées » car sinon, on n’aura jamais la paix…Je pourrais continuer cette liste jusqu’à la Saint-Glinglin.
D’autres créatures, les Trottes-Vieilles sont filles de Cernunnos, on entrevoit là une filiation avec les divinités celtiques…
Triade de fées cornues, les Trottes-Vieilles sont très actives durant la période de Noël. Elles ont comme beaucoup de leurs consœurs des origines gauloises. Ce phénomène d’anciennes divinités transformées en fées se rencontre assez couramment mais plus particulièrement avec les individus solitaires. Une fois la religion celtique effondrée, les anciens dieux ont cherché à survivre malgré tout, ils sont devenus des génies du terroir ou mêmes des saints et saintes catholiques !
 
La Franche-Comté est un territoire qui a su garder de nombreuses traces des fées et créatures féeriques. Comment l’expliquez-vous ? 
Camille Aymonier, un folkloriste franc-comtois, écrivait au début du vingtième siècle : « Quand les hommes avaient encore des yeux ingénus quand restait entier le mystère des monts et des forêts, nul pays plus que le nôtre n’était naturellement fait pour abriter les fées et les génies de toutes sortes, pour développer ce que j’appellerais l’esprit féerique. ». La  Franche-Comté a cette chance, c’est une région « verte »  avec des paysages très variés où l’urbanisation galopante laisse encore de grands espaces de nature à l’allure sauvage. On a certes plus de chance de rencontrer une Dame Verte en pleine forêt de Chaux que sur le parking d’un supermarché ou dans la rue piétonne de Besançon  (capitale franc-comtoise !). Bien sûr, il faut aussi rendre hommage aux conteurs, ce sont eux les prêtres du merveilleux qui, au fil du temps, ont permis à cette étrange culture de survivre jusqu’à nous. C’est par la magie des contes et des histoires que le peuple féerique continue d’exister.
 
Une des créatures les plus extraordinaires et représentatives est la Vouivre. Mais en Haute-Saône et au Belfort, on parle plutôt d’une Voivre…
On disait jadis que chaque village de Franche-Comté connaissait « sa » Vouivre. Autant dire que les fées-dragons pullulent dans cette région avec une prédilection pour les montagnes du Jura. Ici ou là, elles portent un nom local comme Voivre ou Vaivre. En Suisse, on parle plutôt de Ouïvra (vouivre blanche) et à Couches, en Bourgogne, se célèbre tous les vingt ans la singulière « Fête de la Vivre ».
 
J’ai également noté que cette Voivre vivait sur le territoire de lièvres-sorciers… Qui sont-ils ? 
Il est assez amusant de constater que certains villages ou cantons débordent littéralement de légendes. Le coin où vit la Voivre connaît une population faramineuse extrêmement dense, on ne peut y faire un pas sans marcher sur une Herbe d’Egarement, croiser Tante Arie ou une Dame Blanche, apercevoir les pas du Diable ou le bonnet rouge d’un Fouletot ou bien encore faire détaler des lièvres-sorciers. Ces derniers sont des sorciers ou sorcières connaissant le secret pour se métamorphoser en lièvres. De nombreuses histoires circulent où l’on raconte qu’un chasseur, ayant tiré avec une balle bénie sur la patte d’un lièvre maraudeur, a eu la surprise de voir sa voisine boiter le lendemain…
Pour rester dans ce côté sorcier, tout un chapitre de votre livre s’attarde d’ailleurs aux sorcières. Là où sont les fées, sont aussi les sorcières et vice-versa ? 
Il importe, je crois, de faire un distinguo entre fées et sorcières. Les fées appartiennent à une race différente de la nôtre, «  entre l’homme et l’ange » pensait le fameux révérend écossais Robert Kirk. Les sorcières dont je parle sont, elles, de nature humaine. Celles (vraies ou non) qui furent persécutées, torturées, brûlées…pendant des siècles par une religion fanatique. Fées et sorcières possèdent des univers légendaires distincts (même si ici ou là il peut y avoir confusion). Les sorcières vivent dans les villages, en cachant le plus souvent leur singularité. Elles peuvent tout aussi bien être votre voisine, votre boulangère ou même votre fiancée ! Les Sorcières sont liées au Diable avec des rituels précis comme leurs assemblées du samedi soir, leur vol sur des balais et le singulier talent de pouvoir traire les vaches à distance !
 
Un autre de vos livres est entièrement consacré à une recherche sur Tante Arie. Elle occupe une place particulière dans le folklore et les légendes de Franche-Comté. La fée Arie possède des visages multiples comme sont multiples ses fonctions. Peut-on imaginer qu’elle a remplacé plusieurs fées au départ dissociées ? 
J’avoue une tendresse particulière pour cette Dame merveilleuse. Un de mes premiers livres était un conte pour enfants (publié en 1995) qui racontait la rencontre d’une fillette avec Arie, la fée de Noël.  Depuis, on ne se quitte plus. Arie est une fée puzzle qui met une certaine malice à empêcher le laborieux féericologue d’emboîter ensemble tous les morceaux de sa légende. On peut évidemment s’étonner d’une telle richesse. En plus de sa fonction de Mère Noël, elle se charge de trouver un mari aux jeunes filles méritantes, elle se fait boulangère pour les laboureurs, inspecte les maisons pour juger de l’hospitalité des villageois, et peut se changer en Vouivre (j’en passe !). Par bien des aspects, elle est la bonne cousine  de Dame Hollé, la grande fée germanique, qui elle aussi assumait quantité de rôles variés. Divinité topique, la fée Arie se montrait, à son âge d’or, omniprésente et veillait comme une mère sur les habitants de son petit royaume.
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Sur son origine, certains prétendent qu’elle est le souvenir de la Comtesse Henriette mais vous, vous suivez la piste d’Epona… 
Il est sans doute aventureux de chercher à connaître l’origine d’Arie. Toutefois son patrimoine se compose de nombreux éléments archaïques qui à mon sens rendent totalement caduque l’hypothèse de la comtesse Henriette de Montbéliard. Cette hypothèse « Henriette »  montre une tentative assez absurde de vouloir rationaliser sa légende, dans la droite ligne de Michelet qui voyait dans Mélusine le souvenir d’Aliénor d’Aquitaine. Par contre, j’ai relevé un faisceau de concordances avec la déesse gallo-romaine Epona. Ce n’est certes pas une preuve mais Arie encapuchonnée de sa pèlerine et montée sur son âne comme on la représente le plus couramment  fait immanquablement songer aux statues d’Epona montée sur un petit cheval et drapée dans un « cucullus » manteau à capuchon gaulois.
 
Epona, déesse au cheval, chevaux féeriques… Iriez-vous jusqu’à trouver, pour la Fée Arie, une relation avec la célèbre marque de voiture italienne affichant pour logo un cheval justement ?  
OOHOH jeu de mot maître Capello ! La fée Arie ancêtre de ferrari !! Dire que je vous prenais pour quelqu’un de sérieux… Que la Tante Arie vous patafiole !
La fée Arie est également liée à de nombreuses grottes, c’est une habitation qu’on pourrait dire classique pour les êtres de féerie. Cette indication tend à faire penser à la réminiscence d’anciens cultes remontant au temps où les hommes vivaient justement dans des cavernes… Il y a aussi la piste suivie par la cryptozoologie qui lie nains, lutins, fées à un peuple d’hominidés qui auraient vécu à la même époque que nos ancêtres et se seraient ainsi inscrits dans notre mémoire universelle. Que pensez-vous de ces pistes ? 
A dire le vrai, je ne suis guère enclin à parler du peuple féerique au passé. Son présent m’intéresse davantage ! Pour autant, je trouve  la piste de la cryptozoologie  assez passionnante. Il serait  cependant bien hasardeux de généraliser car tous les êtres merveilleux ne sortent pas du même moule. En lisant les ouvrages des collecteurs et folkloristes du dix-neuvième siècle, on ne peut qu’être frappé par l’étrange parenté de certains témoignages recueillis. Je songe à des communautés de fées comme par exemples les Foellones de Savoie, les Faïes des Alpes vaudoises, les Fachilièras  de Tarn-et-Garonne ou les Hadas des Pyrénées. A chaque fois, on dresse le portrait d’un peuple joyeux très généralement bénéfique aux humains, avec un mode de vie assez similaire : dansant, ayant des enfants, faisant la lessive, pétrissant son pain. Presque humaines donc, ces fées possédaient un petit quelque chose en plus. Souvent douées de la capacité de divination, elles connaissaient  aussi des secrets qu’elles partageaient parfois. Les Hadas ont ainsi transmis une technique pour souder le fer, les Foellones ont enseigné l’art de fabriquer certains fromages.  Au bout du compte, reste toujours l’énigme de leur disparition ?
 
La Tante Arie est également devenue une Mère Noël. Connaît-on l’époque avec précision où cette coutume s’est installée ? Qu’apporte-t-elle aux enfants ?
Bien malin qui saurait dater ce glissement entre une pratique encore très vivace durant le dix-neuvième siècle dans toute l’Europe que Pierre Saintyves nomme « le service du nouvel an »  vers la tradition de la fée distributrice de cadeaux. La coutume originelle voulait qu’on fasse, pour la nouvelle année, l’offrande d’un repas aux fées afin de se les rendre favorables. Au fil du temps le sens de la fête s’est inversé et ce sont les fées qui se mirent à offrirent des présents. La même aventure est arrivée avec le Jul Tomte, lutin de Noël suédois. Jusqu’en 1870, on lui offrait pour Noël un bol de riz crémeux pour le remercier de tous les services qu’il rendait puis il s’est mué en petit père Noël qui distribue des cadeaux aux enfants. Tante Arie, à sa grande époque, ne se contentait pas d’apporter des friandises, elle amenait aussi des verges et des martinets pour les garnements ! Depuis l’arrivée dévastatrice du gros Père Noël, sa fonction s’est terriblement amoindrie même si elle reste fêtée dans son petit pays et distribue des papillotes chaque année sur le marché de Noël à Montbéliard. 
 
En-dehors de la Franche-Comté, on a tendance à retenir de la Fée Arie cette fonction de Mère Noël mais également ses fameuses pattes d’oie. Or, cet attribut semble limité à une partie seulement de la Franche-Comté? 
Les fées à pieds d’oies ou pieds palmés ne sont pas rares. Les dames blanches d’Eschêne dans le Territoire de Belfort, les fées suisses des grottes de Vallorbe, les Hadas pyrénéennes ou les Nains de Ferrette en Alsace possèdent la même particularité. 
N’oublions pas que ce sont les conteurs qui forgent les légendes alors certains ont préféré mettre l’accent sur ses pieds d’oie, d’autres sur sa faculté de se métamorphoser en Vouivre, certains préféraient la décrire comme une druidesse. J’ai cependant noté que les références à son aspect pédauque  ne se rencontrent que dans des contes hivernaux. De là à penser que c’est un attribut saisonnier ?
Que penser de la vedettisation de Tante Arie ? Elle passe au journal de TF1, elle circule sur le web… N’y a-t-il pas danger d’une évaporation de l’essence du mythe ?
Le vrai danger, c’est l’oubli. Tante Arie est une miraculée et bien des fées du terroir rêveraient d’avoir une légende aussi vivante que la sienne ! Demandez pour voir à Beuffenie de Bourgogne, à Naroua de Savoie, aux Blanquètes des Landes, à Herqueuche des Vosges ou aux Arôdes Suisses si elles n’aimeraient pas elles aussi gagner en notoriété ? Evidemment s’il venait à l’idée de forces mercantiles d’exploiter Tante Arie ou toute autre fée du folklore, il pourrait advenir une pitoyable dérive comme on l’a vu pour la fête d’Halloween. Nous en sommes loin !
 
Dans votre livre, on croise d’autres fées de la région comme la Dame Verte qui apparaît bonne alors qu’en d’autres régions, comme du côté de Gérardmer, les dames vertes se montrent plutôt dangereuses? 
Les Dames Vertes abondent en Franche-Comté où elles sont presque aussi nombreuses que les Vouivres. Elles s’y montrent toujours très belles et le plus souvent bienveillantes, secourant les malheureux.  Elles ont cependant la réputation d’être d’incorrigibles « égareuses », s’amusant à faire courir toute la nuit jusqu’à l’épuisement les voyageurs attardés sur leur domaine. Pour certains folkloristes Diane Chasseresse, l’antique divinité romaine, serait l’ancêtre de nos Dames Vertes.
Vous avez également écrit un très beau et passionnant livre sur les lutins familiers. Comment expliquez-vous que, très présents encore au 19e siècle, on n’en entend guère parler de nos jours. Que s’est-il passé ?
Nous avons changé de culture ! L’industrialisation galopante a fait s’effondrer la société traditionnelle. La « fée électricité » a rejeté dans l’ombre le Petit Peuple ! Les veillées avec ses conteurs paysans ont disparu et du même coup la transmission des légendes. Pendant une assez longue période, les gens montraient même comme une espèce de honte vis-à-vis de ce passé rustique. On aurait pu craindre que l’homme en se goinfrant de technologie ne se détourne à tous jamais du Peuple Féerique. Heureusement nous avons aujourd’hui dépassé ce cap. Le Leprechaun reste l’indéboulonnable emblème de l’Irlande ! J’ai même noté ici ou là une évolution très intéressante dans le rôle joué par certains êtres féeriques : Au Japon, le Kuppa,( une sorte de lutin avec une carapace) est enrôlé comme défenseur de la nature, on  le voit sur des panneaux au bord des rivières japonaises incitant le promeneur à respecter l’environnement. Il en va de même pour le Curupira, lutin du Brésil, devenu la mascotte de la lutte contre la criminalité environnementale et le trafic d’animaux sauvages. En rêvant un peu, on verra peut-être bientôt les Vouivres défendre les rivières de Franche-Comté ou le Drac veiller à la protection des forêts des Cévennes ?
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Dans un des chapitres du livre, vous présentez les lutins par fonction. Il y en a même un pour les femmes battues ! Pouvez-vous nous en présenter l’un ou l’autre ici ? 
J’ai voulu montrer à quel point les Lutins exerçaient traditionnellement des activités variées, souvent d’ailleurs au bénéfice des humains. Alors, oui, chez les Slaves, le Domovoï, ce génie protecteur du foyer, possède la réputation de tirer les cheveux de la maîtresse de maison pour l’avertir que son mari va bientôt la battre. Ce genre d’avertissement peut s’avérer très salutaire ! On peut également citer, parmi les curiosités, le Sotré, lutin vosgien , aux qualités de nourrice incomparables. Pour les enfants qu’il affectionne, il prépare une bouillie fortifiante de couleur noire ! C’est, dit-on, grâce à elle que les vosgiens sont si costauds. Les Fois, Farfadets de l’île de Ré, ne sont pas mal non plus. Ils se glissent dans les maisons pour écouter les commérages et vont ensuite les colporter dans tout le village. Des lutins, crieurs publics, en quelque sorte.
Le livre est illustré par Yves Clément. Comment avez-vous travaillé le côté visuel. Plutôt libre ou avez-vous cherché à être le plus proche possible des descriptions relevées ? 
Pour chaque type de lutins, il existe des descriptions rapportées par les conteurs et collecteurs mais la plupart des portraits sont incomplets, parfois franchement contradictoires. Il suffit de lire trois ou quatre auteurs bretons décrivant les Korrigans pour comprendre la difficulté : pour les uns ils portent des cornes, pour d’autres des chapeaux ronds ! Au final, les dessins de Yves se nourrissent de tradition et d’inspiration. D’autant que nous ne voulions pas cantonner les Lutins aux neiges d’antan mais les montrer aussi tels qu’ils sont aujourd’hui.
Votre livre opère un joli tour de France, voire tour du monde des familiers. Pour y parvenir, avez-vous du en plus de la bibliographie, vous rendre dans certains lieux ? 
Hélas, à mon grand regret, je ne me suis pas rendu en Russie pour tenter d’apercevoir un Domovoï, ni même  au Nicaragua sur les traces des Duendes (ils ont la singularité d’avoir les pieds à l’envers !). Pour tout dire, j’ai plus visité les bibliothèques que les sites lutinesques ; mais, projet de livre ou pas, quand je voyage, j’essaie toujours de savoir quels sont les lieux légendaires du coin alors bien évidemment, au fil des années, j’ai visité bon nombre de fées ou lutins. Il faut en effet souligner que le Peuple Féerique ne vit pas uniquement dans les livres !
Vous parsemez votre livre de citations à propos des lutins. Comment les dénichez-vous ? 
C’est presque une manie de collectionneur. Comme je passe une grande partie de mon temps le nez dans les livres, dès que je tombe sur une phrase ou un passage ayant trait au peuple féerique, je les fourre dans ma musette, sans savoir s’ils me serviront un jour ou non.  Dans Elevez des Lutins, quand je cite une berceuse bretonne puis une comptine alsacienne, j’y vois une façon de démontrer à quel point ces génies familiers font partie de notre culture. Il y a aussi un doux plaisir de pouvoir discrètement rendre hommage à des auteurs que j’aime en glissant ici quelques mots de Robert Louis Stevenson puis là un dialogue de Lord Dunsany. Avec eux, je me sens en merveilleuse compagnie !
 
Combien de temps vous a pris la réalisation de cet ouvrage? 
J’aime bien laisser mûrir les projets, alors je dirais qu’il m’a fallu « un certain temps » pour engranger de la matière et trouver le genre de livre que j’avais envie de faire avec les Lutins. Il existe déjà tant de bons et de moins bons livres sur le sujet qu’il m’intéressait surtout de trouver une formule un peu novatrice pour présenter ces êtres passionnants. Ensuite, pendant un an, un an et demi, avec Yves, on se voyait chaque lundi soir. A l’époque, il habitait le même hameau que moi, j’allais chez lui à pieds et pendant plusieurs heures on bichonnait nos lutins. On a fait le livre entièrement sans  même savoir s’il serait publié ! En rentrant chez moi, à la nuit, un peu, j’imagine, comme les anciens rentraient de la veillée, il m’a bien semblé, une fois ou deux, que j’étais escorté par une bande de Fouletots… Cette façon de travailler était vraiment agréable, hors du temps.
N’étiez-vous pas inquiet de la réaction du Petit Peuple en révélant certains de leurs secrets ? 
Somme toute, je ne révèle que ce qu’ils ont bien daigné me confier car, même après une si longue fréquentation, ils me restent par bien des points très mystérieux. L’ambition de ce guide est de faciliter la compréhension entre Hommes et Lutins et de rappeler à nos contemporains que nos ancêtres entretenaient avec eux des relations complexes qui ne cessent de m’intriguer.
Votre lutin préféré et pourquoi ? 
Je ne suis pas dupe, je vois bien que vous voulez me fâcher avec tous les autres ! Tant pis, je concède un petit faible envers les Follets du Berry. Avec leur crête de coq en guise de bonnet et leur longue queue de rat dont ils se servent comme d’un fouet, je leur trouve une vraie belle allure.
Enfin, pour terminer, parlez-nous de vos futurs projets… 
Je prépare un beau  livre sur les bienfaits des autoroutes et des centrales nucléaires… Non, je plaisante ! Je ne quitte pas le Petit Peuple, je vais prochainement concocter avec mon ami  A. Dan (dessinateur de la BD Tahya El-Djazaïr) un livre sur…les Fées. Un compagnonnage dont je suis très heureux car si A. Dan a encore peu publié de dessins féeriques, c’est un vrai passionné du genre. Mon travail sur les Contes et Légendes m’a aussi redonné l’envie d’écrire des histoires alors, je sue sang et eau (mais avec un plaisir magique) sur un roman avec comme principaux personnages… des Lutins !
Propos recueillis par le Peuple féerique en juin 2010
 
Retrouvez l’auteur dans ses livres :
– Contes et Légendes de Haute-Saône et de Belfort, Editions De Borée, 2010.
–  Tante Arie, bonne fée et mère Noël, Cabédita, 2007.
–  Elevez des Lutins, guide pratique des génies domestiques, Editions Coprur, 2005. Illustrations de Yves Clément.
–  La Fée Arie, conte de Noël, Editions Marie-Noël, 1994. Illustration de Yves Clément.
–  L’esprit féerique, dictionnaire des fées en Pays Comtois, Dominique Guéniot éditeur, 2003.
–  Le livre secret des Vouivres, Sur les traces des fées-dragons, Editions Coprur, 2003. Illustrations d’Yves Clément.
Ou sur son blog :

Richard Ely

Né en Belgique, j'ai passé toute mon enfance à Ellezelles, village sorcier. J'ai ensuite étudié les fées, elfes et lutins à l'université tout en croisant les chemins de Pierre Dubois, Claude Seignolle, Thomas Owen... En 2007, après avoir parcouru bien des forêts et des légendes, je crée Peuple Féerique. Spécialiste du folklore féerique, auteur d'encyclopédies, de livres, d'albums, je poursuis mon exploration de ce Petit Monde de Merveilles pour le partager avec vous.

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