Auteur/autrice : Richard Ely

  • 2004, Peter Pan a 100 ans !

    Peter Pan a 100 ans !

    Qui n’a jamais rêvé de rester un enfant toute sa vie ? De vivre sans souci, dans un Imaginaire où se côtoient pirates et indiens, fées et créatures de toutes sortes… Lorsque James Matthew Barrie donne naissance à Peter Pan, c’est toute son âme qu’il lui insuffle et c’est toute notre jeunesse qui s’y inscrit. Cent ans plus tard et après être passé par les studios Disney ou encore, tout récemment, le crayon de Régis Loisel, Peter Pan demeure un mythe universel et sans ride aucune. Petit voyage à Neverland…

    Comme nous le rappelle la judicieuse publication de la pièce de Barrie aux éditions Terre de Brume, « Peter Pan a 100 ans et pas une ride…« . Ce petit garçon facétieux, naïf et éternellement jeune, est né en 1902 dans Le Petit Oiseau Blanc. Mais c’est réellement dans la pièce éponyme dont la première se tiendra en décembre 1904, que Peter Pan prend son envol. James Matthew Barrie décide de faire de la pièce à succès un roman, en 1911; il l’intitulera Peter and Wendy. Cette dernière prenant une importance de plus en plus grande. C’est encore l’auteur qui supervisera la première adaptation cinématographique en 1924. Un film muet, excellent, de Herbert Brenon avec, dans le rôle de Peter, Betty Bronson (Et oui, une fille ! Chose courante dans le théâtre lorsqu’il s’agit d’interpréter un jeune adolescent…). Mais le Peter Pan que nous connaissons certainement le mieux reste celui de Walt Disney qui finira de convaincre tous les petits et grands enfants de la force de ce personnage, de cette histoire qui traverse les années sans perdre de son charme et de sa puissance.

    Qui est Peter Pan ?

    Le héros de Barrie est d’abord et avant tout le symbole du refus de grandir. De nos jours, en effet, le complexe de Peter Pan, qui touche en majorité les hommes, désigne cet état d’esprit enfantin, ce refus des responsabilités, cette envie d’éternelle jeunesse… Dans l’œuvre, nombreux sont les points communs entre Peter et son auteur. Ne fut-ce que cette éternelle question de la mère, obsession perpétuelle pour Barrie (Sa tragédie: une mère adorée lui préférant son frère aîné, disparu à 13 ans). Pour un aperçu des liens entre l’auteur et son héros, nous vous conseillons la préface de Franck Thibault à l’édition de Terre de Brume (2004), riche en enseignements. Cette préface a le mérite de mettre l’accent sur Peter Pan en tant que « célébration de l’imagination au pouvoir et une glorification de la jeunesse… » mais relève que l’œuvre est également « l’expression d’une profonde blessure« .  Cette blessure, ce mal être seront quelque peu effacés par le dessin animé de Walt Disney (1953) et sa suite (Peter Pan, retour au pays imaginaire, de Robin Budd, 2002) pour être pleinement révélés par le Peter Pan de Loisel (Vents d’Ouest, 1996-2004), préambule à l’histoire de Barrie. Se faisant, Loisel réussit là un coup de maître, celui de recolorer Peter Pan de sa sublime noirceur…

    Un siècle pour une éternité

    Depuis la première représentation théâtrale jusqu’à aujourd’hui, rare sont ceux qui ont pu échapper à Peter et sa bande de gosses perdus. Le Pays de Jamais-Jamais a même donné son nom au parc de Mickaël Jackson, victime mondialement célèbre de ce fameux complexe d’éternelle jeunesse ou, dans le cas de la pop star, de jeunesse perdue qu’il cherche à retrouver…

    Le cinéma livrera une suite à Peter Pan (Robin Williams) au travers de Hook de Steven Spielberg (avec la délicieuse Julia Roberts en fée clochette !). Mais il faudra attendre la version de P.J. Hogan, en 2004, pour donner lieu à une véritable magie digne du Pays de Jamais-Jamais. Spectacle garanti !

    Si le cinéma s’accapare la magie de Peter Pan, la bande dessinée penchera bien plus du côté sous-jacent de l’œuvre et éclairera de ses planches et de ses cases l’aspect poétique, toute la profondeur du monde de Barrie.

    Cosey, dans A la recherche de Peter Pan (Le Lombard), nous propose une histoire centrée autour d’un écrivain débarquant dans un paisible petit village suisse. Les références à Peter Pan sont multiples : la recherche de l’inspiration, les souvenirs d’enfance (du héros et de l’auteur), la poésie… Tout récemment, Marion Poinsot nous mène dans un univers plus accentué côté pirates avec les aventures de Dread Mac Farlane, la sœur de Peter Pan, aux éditions Clair de Lune. Mais encore une fois, l’œuvre ultime autour de Peter Pan reste celle de Loisel. Suivant un idée émise par Pierre Dubois, éminent spécialiste du Petit peuple mais également des récits de pirates, Loisel va lier Peter Pan à Jack l’éventreur, donnant au côté obscur de l’œuvre de Barrie encore plus de profondeur. Il nous ballade entre un Londres malsain et le Pays de Jamais-Jamais, où cette faculté qu’ont les habitants de l’île d’oublier sans cesse apparaîtra des plus cruelles. En six tomes, Loisel émeut, touche, pourfend nos âmes avides de merveilleux. Une œuvre sucrée et amère à la fois, un pur régal.

    La Fée clochette

    Si Barrie accorde au fil des réécritures de plus en plus d’importance au personnage de Wendy, le public, depuis l’adaptation de Disney, semble accorder ses faveurs à un autre personnage important de l’histoire: la Fée Clochette.

    Inspirée par le modèle-type de pin-up des années 50 pour sa version animée, la fée muette deviendra le symbole des programmes TV de Disney et des feux d’artifice de ses parcs d’attraction. Loisel lui rendra la parole, seulement intelligible par les habitants de Jamais-Jamais et en fera une fille sensuellement boudinée, aux bas de guêpe, qu’on s’arrache sous forme de posters, ex-libris, statuettes, etc.

    Devenue un véritable mythe, elle apparaît de tous côtés, que ce soit au final de Roger Rabbit, dans Shrek ou encore, sous les traits de Kylie Minogue, dans l’enchanteur Moulin Rouge. On la retrouve encore en littérature française, sous les trait de la fée Chandelle ­- qui faillit s’appeler Clochette -; délicieuse, espiègle et jalouse, elle tient compagnie au chevalier Kantz, dans le cycle de Wielstadt de Pierre Pevel (chez Fleuve Noir et réédités chez Pocket).

    La Fée clochette est devenue le véritable symbole de l’Imaginaire et de l’inspiration féerique. De toutes les fées de nos légendes, celle de Barrie reste la plus présente dans les esprits de chacun. Si Peter Pan représente l’envie de l’éternelle jeunesse, La Fée Clochette est, elle, le symbole du désir de l’Imaginaire. Un imaginaire toujours lié à l’enfance, ses jalousies, ses colères et ses actes irréfléchis.

    Barrie avait eu quelques craintes, lors de la première représentation, au sujet de Clochette. Son héros demandait au public d’applaudir pour faire revivre la fée mourante, empoisonnée. Car les fées ne meurent que si on arrête de croire en elles. Cent ans plus tard, l’auteur peut se reposer en paix, car les applaudissements fusent toujours pour la petite créature ailée, espiègle et bougonne mais éternellement adorable… comme le sont nos chers bambins.

    Si l’envie vous prend de vous envoler vers le Pays imaginaire, on ne saurait trop vous conseiller d’emprunter la porte discrète mais combien fabuleuse de la vie de J.M. Barrie racontée dans le sublime Finding Neverland de Marc Forster avec dans le rôle de Barrie, un Johnny Depp très convaincant. Un film qui a su allier la réalité et la magie. Une magie qui a soufflé ses 100 bougies…

    Bon anniversaire Peter,

    bon anniversaire Clochette !

  • Les trolls

    Les Trolls

    De toutes les créatures étranges, il en existe une au nom connu de tous, mais dont la représentation diffère d’une imagination à l’autre. Gigantesque ou minuscule, méchant ou pourvu de bonnes intentions, farceur ou guerrier… Cet être mal défini, n’en reste pas moins intéressant. C’est pourquoi l’article suivant essaye de vous donner un maximum d’indices pour partir à sa rencontre…

    Il est bien difficile aux humains de décrire un troll car ils vivent en grande partie sous terre ou la nuit, craignant la lumière du jour qui les pétrifient ou les fait se gonfler subitement et éclater. Bien peu d’humains peuvent donc se vanter d’avoir vu un troll. C’est en fait essentiellement grâce aux Krägntrolls, de petits tas de pierres assemblés par les trolls pour laisser trace de leur passage que l’on sait qu’ils existent et qu’ils vivent, dans des pays du Nord de l’Europe, surtout la Norvège, où nombre de légendes les évoquent.

    A priori, les trolls ne sont pas sympathiques, on se les imagine parfois petits, de 25cm à 1m, maigres, 2kg en moyenne, à la peau brunâtre, aux cheveux hirsutes, aux yeux sombres et peu accueillants, et plutôt enclins à faire de mauvaises blagues. Mais il arrive qu’on les décrive assez grands : de 1m20 à 3m, aux longs bras, mais aussi trapus, aux courtes jambes et plutôt rondelets. Ou encore, on se les représente comme de véritables géants coiffés de sapins. Barbus, ils sont aussi très laids, des boutons plein le visage, un gros nez, et sentent, paraît-il, très mauvais. Râblés et costauds, ils sont au combat d’une force impressionnante et sont célèbres pour de nombreux faits d’armes autour desquels sont organisés la plupart des rites et des fêtes. Ces armes sont fabriquées au cœur de la terre, dans des grottes étranges et sombres, d’où les trolls tiennent les secrets des métaux. Cela les rapproche des nains, avec qui on a tendance à les confondre. La différence avec les lutins ou les gnomes n’est d’ailleurs pas toujours claire. Pourtant, si ces personnages viennent à se croiser, ce sera la plupart du temps le troll qui sera au service du mal. Si un gnome rencontre un troll, il passera un sale quart d’heure ! Ce n’est pas que le troll soit véritablement méchant, mais il est extrêmement bête. Il taquinera le gnome, lui fera sans doute mal, mais ne le tuera jamais : on dit qu’il ne fait le mal que par ignorance.

    Les trolls ont des mœurs bizarres : vivant en tribus de cinq ou six, on n’ose même pas décrire leurs comportements sexuels tant ils sont ignobles ! Ils mangent n’importe quoi, surtout des choses gluantes. Ils ne construisent pas de maisons et sont nomades, sans doute en raison de leurs problèmes de voisinage. Si certains disent qu’il y a parfaitement moyen de cohabiter avec eux, du moment qu’on ne les ennuie pas, la plupart des gens des pays où les trolls vivent évoquent plutôt leur sale caractère. Enfin, signalons que le troll aime le jeu, il ne rechigne donc pas à résoudre les énigmes ou à essayer de battre quiconque le met au défi, même si, là encore, sa naïveté ou sa bêtise lui jouent souvent de vilains tours… Mais si, par hasard, un humain rencontre un troll, il y a aussi quelques précautions à prendre. Par exemple : ne pas le regarder dans les yeux, par crainte de le provoquer; l’écouter parler et ne surtout ne jamais sous entendre qu’il est idiot, sous peine de le fâcher. Et mettre un troll en colère, ce n’est vraiment pas conseillé !

    Des trolls dans l’imaginaire d’aujourd’hui…

    Moumine le troll
    Moumine le troll

    Même s’il reste assez méconnu, on ne peut pas dire que le troll n’a pas su inspirer nombre de créateurs d’histoires ! Le plus célèbre troll est très certainement Moumine, le héros des contes pour enfants de l’auteur suédois Tove Jansson. Illustrés par l’auteur, ces contes remplis d’humour, nous entraînent dans les aventures d’une famille de trolls bohèmes…

    Mentionnons encore, et toujours dans le registre pour enfants, l’excellent texte de Christine Duchesne, Jomush et le troll des cuisines (aux éditions Dominique et Compagnie). Signalons enfin l’apparition d’un Troll horrible dans le désormais incontournable et mondialement célèbre
    Harry Potter créé par Joanne K. Rowling !

    Passons aux romans pour adultes avec les trolls du Seigneur des Anneaux qui, eux aussi, se pétrifient au soleil et ont une taille imposante. Leur indécision et leurs interminables discussions leur vaudront un bien triste sort dans Bilbo le Hobbit de Tolkien ! Autres trolls, ceux qui croupissent dans le sol du Royaume de Maras-Dantia, dans le très bon roman de fantasy de Stan Nicholls, qui donne la vedette à d’autres créatures assez terrifiantes, les Orcs.

    Mais si, dans la littérature, le troll n’a pas la place qu’il mérite vraiment, dans la bande dessinée, il en est tout autrement. Deux séries mettent ces créatures bien en avant.

    La première est Troll de Morvan, Sfar et Boiscommun (aux éditions Delcourt). L’histoire nous conte les aventures merveilleuses de Larve, une jeune humaine et de ses « parents adoptifs » : Mangog le Troll et Albrecht le gobelin. Des aventures emplies d’humour et de combats sanglants.

    Trolls de Troy

    Tout aussi humoristique et tournant également autour d’un gore toutefois assez sympathique, Trolls de Troy (de Arleston et Mourier, aux éditions Soleil) est une série dérivée du célèbre Lanfeust de Troy (Arleston, Tarquin, Soleil) qui nous avait présenté Hébus, un terrible troll « apprivoisé » grâce à un charme magique. Dans Trolls de Troy, nous plongeons au coeur d’une communauté Troll où nos héros aux moeurs barbares ont adopté une jeune humaine (euh, au départ, ils avaient apporté le bébé humain comme dessert, mais, bon, on s’attache à ces petites bêtes…)… Il s’ensuit des situations bien loufoques et des aventures trépidantes…

    Voilà, nous espérons que vous en aurez appris un petit peu plus sur ces étranges créatures que sont les trolls. Et si, au cours de vos balades, vous apercevez des rochers qui auraient quelques points communs avec nos descriptions, n’hésitez pas à nous envoyer vos photos ! Car, sans nul doute, il s’agira très certainement d’un pauvre troll surpris par les rayons du soleil !

    Articlé rédigé en collaboration avec Julie Boitte

    Points de repère et lectures conseillées:

    • Arleston, Mourier, « Trolls de Troy », Soleil;
    • Brasey Edouard, « Géants et Dragons », Pygmalion;
    • Chaize A., « Un hiver dans la vallée de Moumine » de Tove Jansson, Nathan;
    • Duchesne Christine, « Jomush et le troll des cuisines », Edition Dominique et Compagnie;
    • Jansson Tove, » Moumine le troll », Pocket, Kid pocket n°55;
    • Jansson Tove, » L’Été dramatique de Moumine », Pocket, Kid pocket n°209;
    • Jansson Tove, « Un hiver dans la vallée de Moumine », Pocket, Kid pocket n°321;
    • Lecouteux Claude, « Les nains et les elfes au moyen âge », Imago;
    • Morvan, Sfar, Boiscommun, « Troll », Delcourt;
    • Nicholls Stan, « Orcs », Bragelonne;
    • Tolkien J.R.R., « Bilbo, le Hobbit », Christian Bourgeois;
    • Tolkien J.R.R., « Le Seigneur des Anneaux », Christian Bourgeois.
  • La Banshee – fée ou revenante ?

    LA BANSHEE

    Fée ou revenante ?

    Si vous imaginez les fées uniquement comme de petites demoiselles insouciantes et porteuses de joie, en voici une qui vous contredira sans aucun doute ! La Banshee (ou Bean-Sidhe) est une fée irlandaise dont le chant annonce une mort prochaine. La fatale créature est le plus souvent vêtue d’une robe verte et d’un long manteau. Ses cheveux longs cachent un visage pâle aux yeux rougis d’avoir tant pleuré. Tantôt tristement belle, tantôt vieille et laide, on la voit parfois accompagnée d’un corbeau (si ce n’est pas elle-même, transformée). La légende dit que chaque famille irlandaise en possède une qui lui reste attachée. Mais le territoire des Banshee dépasse la verte Irlande. Elles hantent également les terres écossaises sous le nom de Bean Nighe et, par là, se rattachent aux lavandières, ces esprits de femmes mortes en couches. Les apercevoir, près de quelque torrent, tentant de redonner blancheur aux draps ensanglantés, annonce toujours quelque grand malheur ! De la fée à la revenante, la Banshee s’est vite vue associée à la Dame blanche de nos propres légendes, dont les apparitions les plus contemporaines semblent se faire le long de nos routes. Là aussi, les avis se partagent entre une fée bienveillante, désirant avertir l’automobiliste imprudent, ou le présage funeste d’un accident mortel.

    Si Gaston Leroux (Mister Flow, 1927), ou encore Sheridan le Fanu ont tous deux célébré la triste créature, plus récemment c’est Corto Maltèse qui tombe amoureux d’une terroriste irlandaise répondant au nom porte-malheur de Banshee (Hugo Pratt, Les Celtiques, Casterman).

    La Banshee est renommée pour son cri. Et l’on prétend que les lamentations funéraires (keen), poussées par les paysans irlandais, découleraient de ce dernier. Du cri au chant, du chant à la musique, il n’y a qu’un pas et on ne s’étonnera donc pas de voir la fée inspirer son nom à de nombreuses compositions ou formations musicales, tels que le groupe français Banshee, proposant un rock celtique festif, ou encore l’incontournable Siouxie and the Banshees. Côté cinéma, si la créature proposée dans Cry of the banshee de Gordon Hessler (1970) nous laisse sur notre faim, nous attendons avec impatience la future production Disney, The Banshee, une histoire de fantômes qui promet des merveilles…

    Terminons sur une toute autre image de cette bien intrigante fée que nous devons à Marion Zimmer Bradley dans La Romance de Ténébreuse. On y découvre de terribles oiseaux appelés Banshee, capables de paralyser leurs proies au moyen de cris terrifiants. Un lien évident avec les anciennes légendes irlandaises.

  • Edouard Brasey – interview

    Edouard Brasey

    Il était une fois le Merveilleux…

    Après Pierre Dubois, nous poursuivons nos rencontres avec les amis du petit Peuple et de l’Imaginaire. Cette fois-ci, c’est le conteur et auteur Edouard Brasey qui nous entretient des univers féeriques. Lui qui vient d’entamer un projet bien ambitieux sous la forme de l’Encyclopédie du Merveilleux aux éditions Le Pré aux Clercs.

    Né le 25 mars 1954 à Marseille, Edouard Brasey effectuera d’abord des études en politique et en droit pour opter pour les sciences-économiques lors de son passage à l’ESSEC en 1977. Tout cela le mène à travailler dans un cabinet d’audit américain, puis, très vite, à devenir journaliste économique et enfin journaliste littéraire pour le magazine Lire. C’était sans compter sur les fées qui allaient lui suggérer d’emprunter un autre chemin. Titulaire d’un DEA en études cinématographiques en 1984, et fort de son expérience de journaliste, Edouard Brasey passe à l’écriture d’essais divers et se révèle dans une autre passion : l’art de conter. Si le conte le mène à rencontrer le public lors de nombreux spectacles, la plume l’entraîne dans le tourbillon de Faerie avec une première Enquête sur l’existence des fées et des esprits de la nature (Filipachi 1996, J’ai Lu 1998). Mais on le connaît surtout pour la collection l’Univers féerique chez Pygmalion ainsi que pour Le guide du Chasseur de fées (Le Pré aux Clercs, 2005). Et voilà que cette même année allait aboutir, avec la parution en octobre 2005, à l’Encyclopédie du Merveilleux.

     

    Peuples de la lumière

    Peuples de la LumièreLe premier volume de cette encyclopédie parue aux éditions Le Pré aux Clercs porte sur les peuples de la lumière. Anges, fées, elfes, nains, djinns et nymphes se partagent les nombreuses pages bien documentées, parsemées d’anecdotes. A ce premier tome feront suite des volumes consacrés à un bestiaire féerique, aux peuples de l’ombre , aux héros, aux lieux de légendes, aux objets. Un sixième et dernier tome prévu devrait faire la part belle aux auteurs de l’Imaginaire. Une œuvre colossale qui garnira bientôt toutes les bibliothèques des passionnés de merveilleux, de fantasy et de féerie.

    La magie de Sandrine Gestin

    Cerise sur le gâteau, un soin particulier a été apporté à la maquette et aux illustrations. Sur des pages imitant le parchemin, une très jolie iconographie mêlant tableaux de maître et esquisses diverses. Le livre a également bénéficié du talent de Sandrine Gestin, reconnue aujourd’hui comme l’une des meilleures illustratrices de l’Imaginaire avec une prédilection pour les êtres de lumière. Autant dire que l’accord pour ce premier volume est parfait.

    La parole au conteur

    Laissons maintenant l’auteur de cette ravissante encyclopédie répondre aux quelques questions que nous avons voulu lui poser…

    Comment est née votre passion pour l’Imaginaire ?
    Edouard Brasey : Je crois que j’ai toujours considéré l’Imaginaire non pas comme un refuge ou une évasion, mais comme l’intégralité du Réel, dont ce que nous nommons « réel » n’est qu’une petite succursale, celle où nous vivons… La présence de l’invisible me semble une réalité incontestable, une nécessité. Il y a quelques années, un journaliste sceptique avait demandé à Jeanne Moreau, alors qu’elle avait joué le rôle d’une fée dans un film, si elle croyait à l’existence des fées. Elle répondit, superbe: « J’y crois plus qu’à la vôtre… »

    Sur votre site, on propose un voyage conté en Afrique du Nord. Une terre particulièrement riche en contes ?
    Oui, bien sûr. Dans le désert, on raconte encore comme il y a deux mille ans. J’ai raconté dans le désert blanc d’Egypte au coucher du soleil, pour un groupe de Français, mais les chameliers égyptiens écoutaient. Même s’ils ne comprenaient pas notre langue, ils m’ont remercié à la fin et m’ont qualifié du terme de « vieil homme ». Ce qui pour eux voulait dire: « le sage », celui qui a suffisamment vécu pour raconter des histoires. C’était un beau compliment qui m’a beaucoup touché…

    Après plusieurs ouvrages sur les créatures féeriques chez Pygmalion, voilà que les éditions du Pré aux Clercs vous confie un projet plutôt ambitieux: une véritable Encyclopédie du Merveilleux. En quelques mots comment définissez-vous ce terme « Merveilleux » ? On pense de prime abord aux fées mais un des tomes portera sur les ombres dont le vampire… A prendre dans un sens très large dans ce cas ?
    Je définis le Merveilleux comme la présence permanente du miraculeux et du magique dans notre vie,

    Le Bestiaire fantastiquecontrairement au fantastique qui suppose l’ingérence d’un surnaturel inquiétant dans le réel. Cela dit, vous avez raison de souligner que je vais consacrer un tome de l’Encyclopédie du Merveilleux à des créatures liées plutôt au fantastique! Mais au-delà des genres, l’idée est en effet de brosser un inventaire le plus complet et exhaustif possible de ce que l’on appelle l’Imaginaire: les êtres de Féerie, les vampires et démons, les trésors et objets magiques, les lieux imaginaires et îles enchantées, les héros et personnages, les créateurs… Cela n’a jamais été fait, en France du moins. Et cela manquait cruellement…

    Le terme « encyclopédie » fait de suite penser à celles de Pierre Dubois ou encore aux ouvrages universitaires de Claude Lecouteux. En quoi la vôtre est-elle semblable ou différente ?
    Je connais bien Pierre Dubois, qui est un ami, ainsi que Claude Lecouteux. Ce dernier est un pur universitaire. Celui-là est un poète, qui prend beaucoup de libertés avec ses sources documentaires en brodant à sa manière. Disons que je me situe modestement à mi-chemin, en essayant de concilier la rigueur de la recherche et le sérieux de la documentation avec une volonté de lisibilité, de clarté, voire d’humour. Je m’adresse à un public curieux de Fantasy ou de mythologie et qui désire savoir d’où viennent toutes ces croyances, à quelles sources elles s’alimentent… Tout en se divertissant.

    N’est-ce pas un peu paradoxal pour un conteur d’écrire des encyclopédies ? Pour un inventeur d’histoires de choisir des définitions précises ? Les dictionnaires et encyclopédies ne sont-ils pas des outils qui limitent l’imaginaire ?
    Au contraire! Car les sources auxquelles je me réfère sont vivantes: il s’agit de la tradition des légendes, des contes, des mythes, du folklore, que l’on trouve dans les livres, bien sûr, mais qui viennent avant tout de la tradition orale… Conter le monde féerique ou l’inventorier dans une encyclopédie correspond pour moi à deux aspects indispensables et complémentaires…

    Peut-on espérer un ancrage actuel dans un des tomes de cette encyclopédie, une sorte d’état des lieux d’aujourd’hui ?
    Oui, bien sûr. Nous avons prévu un tome sur les créateurs d’hier et d’aujourd’hui. Il y aura Tolkien, bien sûr, mais aussi les auteurs contemporains et les illustrateurs.

    L’illustration et la maquette sont très réussies… Sandrine Gestin fut véritablement un choix judicieux. Une volonté de proposer un bel objet ?
    Je connaissais Sandrine pour l’avoir rencontrée il y a quelques années au Salon du Livre de Figeac consacré au Fantastique. J’ai proposé son nom à l’éditeur, nous l’avons contactée et elle a accepté avec enthousiasme. Elle a notamment créé tous les croquis, une façon de dire: ce sont des êtres invisibles, on n’a pas le temps de les peindre, ils ne posent pas assez longtemps! Oui, nous avons voulu reproduire l’esprit des ouvrages médiévaux somptueusement enluminés. D’où le choix également du papier couleur de parchemin…

    On parle d’un succès pour l’imaginaire féerique ces dernières années en France. Comment expliquez-vous cette arrivée tardive et assez timide alors que ce n’est pas le cas dans la culture anglophone, par exemple ?
    Nous avons beaucoup de retard par rapport aux Anglo-Saxons, qui baignent véritablement dans cette culture. Nous autres Latins à culture cartésienne avons plus de difficultés avec le monde de Féerie. Pourtant, il s’agit de nos racines culturelles! Mais je crois qu’à présent le pli est pris, et on peut parler des fées et des elfes sans passer pour un illuminé…

    Vous qui êtes conteur et auteur, pensez-vous que l’Imaginaire doit être d’abord lu ou d’abord vécu ?
    C’est la même chose. On peut le lire et en rêver, ou le vivre et se reporter ensuite à des livres. C’est à chacun de suivre son propre chemin…

    Quels sont vos propres ouvrages de référence ?
    Parmi les collecteurs de légendes et mythes, Sébillot, Seignolle, tous les folkloristes du XIXe siècle, mais aussi Katrine Briggs, qui a publié de nombreuses encyclopédies de la Féerie en anglais. Parmi les romanciers, Arthur Machen, Charles Nodier, Anatole France…

    Pour terminer, votre plus beau souvenir de Faerie ?
    Alors que je faisais mes recherches sur la Féerie pour mon premier livre sur le sujet, Enquête sur l’existence des fées et des esprits de la nature, publié en 1996 (réedité chez J’ai Lu), j’allais souvent à la Bibliothèque Nationale de la rue de Richelieu à Paris. A plusieurs reprises, à des heures et des places très différentes, je sentais un fort parfum de lis. Ce ne pouvait pas être une voisine trop parfumée ni un système de diffusion d’odeurs inexistant dans cette vieille salle boisée surmontée d’une coupole. Alors je me suis dit qu’il s’agissait du parfum de la fée de la Bibliothèque Nationale, qui venait ainsi m’encourager… C’est un parfum délicieux, que je n’ai plus senti nulle part depuis, mais qui, étrangement, ressemble sans doute au parfum de lis qui, selon les témoignages, accompagne les apparitions mariales…

    Pour tout suivre de l’actualité d’Edouard Brasey, il vous suffit de vous rendre sur son BLOG

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  • Les Nutons

    Nous voici en route pour les forêts belges… Les Nutons sont d’aimables créatures rendant nombre de services aux hommes respectant leur habitat et leurs coutumes. C’est en effet au plus profond du Royaume de Belgique que se terrent ces êtres timides et de petite taille, qui sont avant tout d’excellents bricoleurs ! Habiles de leurs mains, ils vous réparent tantôt votre vieille chaussure toute trouée, tantôt votre clé bien rouillée.

    Côté habitat, les nutons vivent dans des grottes, qu’on appelle d’ailleurs trous de Nutons, au milieu de forêts ou dans les rochers. C’est en ces endroits même qu’ils travaillent à réparer des centaines de souliers dans l’atelier que comporte chaque habitation de nuton qui se respecte. Si vous vous baladez de ce côté boisé de Belgique, et que le malheur veuille que vos escarpins subissent quelque tort, il vous suffirait de les déposer près d’un trou de nutons pour les récupérer comme neufs dès le lendemain matin. Pour tout paiement, les nutons raffolent d’une belle et bonne tranche de pain frais couverte de miel ou de confiture de groseille. Rien ne peut leur faire plus plaisir. Certains prétendent encore que ces petites créatures ne rechignent pas devant les mets fumés et autres saucissons qui ont fait la réputation gastronomique des contrées ardennaises.

    Sous leur chapeau rouge et pointu, leur visage jovial inspire confiance mais leur regard malicieux en dit long sur certaines facéties qu’ils peuvent vous faire… Quoiqu’il en soit leur réputation n’est plus à faire dans la région d’Houffalize et c’est tout naturellement vers leur patronyme qu’une joyeuse bande de fêtards se sont tournés pour créer l’Académie des Nutons qui organise de sympathiques manifestations autour de Faerie (www.nutons.be).

    On raconte aussi que ces petits bougres sont à l’origine d’une recette de terrine au secret bien gardé. Malgré tout, certains humains seraient parvenus à leur dérober la recette et à commercialiser ce pâté dans nombre d’épiceries de Belgique et d’ailleurs…

     

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