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  • Godo nous dévoile son projet Orthana !

    Depuis quelques années, on croise l’illustrateur Godo et ses illustrations féeriques dans de nombreux salons. C’est ainsi que le Peuple féerique a croisé son chemin, le temps de lui poser quelques questions à propos de son mystérieux et énorme projet : Orthana. L’auteur nous en apprend un peu plus sur cet univers en cours de création…


    D’où est née votre passion pour l’illustration et la fantasy ?
    A vrai dire, je crois que la passion du dessin est venue en même temps que celle de la fantasy, dès que j’ai commencé à dessiner cela tournait souvent autours des chevaliers, des dragons et des êtres féeriques (bien que les personnages que je dessinais étaient sans aucun doute plus monstrueux qu’aujourd’hui). Certainement à cause de certains livres, films, dessins animés dont les images ont marqué mon enfance, comme les storyteller, Dark Cristal et l’Histoire sans fin entre-autres films, ou The flight of dragons, un dessin animé magnifique du début des années 80. En littérature, les premiers auteur qui m’ont fait voyager dans des mondes de fantasy sont évidement Tolkien puis Moorcock. Mais le dessin est très rapidement devenu un besoin, si je n’avais pas ma ramette de feuilles blanche et mon crayon sous le coude il me manquait quelque chose. Même aujourd’hui, je ne pars jamais sans ma “trousse de secours”, carnet de croquis, gomme mie de pain et graphite, on ne sait jamais, une idée est si vite arrivée! Ou si je croise un gnome qui veut bien prendre la pose…

    Quels sont les illustrateurs qui vous ont le plus apportés côté inspiration et technique ?
    Sans hésitation, je commencerai par Allan lee. J’ai eu l’occasion et la chance de le rencontrer et de le voir dessiner quelques fois et il y a une telle douceur dans son trait et dans sa manière de travailler, même lorsqu’il représente des scènes de batailles, on dirait que le crayon touche à peine la feuille. C’est véritablement magique et sa façon de dessiner les arbres et la nature est tout simplement géniale, on sent la vie et le poids des années dans ses forêts.
    D’autres illustrateurs m’ont beaucoup marqué, comme les frères Tom et Greg Hildebrant. Il y a presque toujours dans leurs peintures (plus dans leur peintures fantasy que S.F) une impression de grande intimité avec les personnages, j’ai adoré leurs calendriers 1978 autour du Seigneur des Anneaux. D’autres illustrateurs incontournables de la fantasy, John Howe, Brian Froud, Frazzetta plus loin Arthur Rackham m’ont sans doute influencé et la liste est longue dans les illustrateurs que j’apprécie. Paul Kidby, Paul Bonner, JB Monge, Jason Manley, Pascal Moguérou, Erlé Ferronière, Olivier Ledroit… Je ne les citerai pas tous, nous y passerions la nuit.

    Vous travaillez actuellement sur un gros projet féerique nommé Orthana. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet univers ?
    Avec grand plaisir, c’est un projet qui me trottait depuis tant de temps dans la tête que je suis impatient de voir le premier tome sous presse. Il me tient d’autant plus à coeur que j’ai cette fois-ci prit la plume pour écrire les contes en duo avec Gilles Da Costa un très bon ami passionné de fantasy avec qui je voulais travailler depuis longtemps.
    Sept tomes sont prévus, ce qui représente une somme de travail assez conséquente, tant en écriture qu’à l’illustration.
    Nous avons essayé de donner une dimension supplémentaire à ce livre. Le lecteur sera à la fois devant des contes et devant une saga. Donc deux façons de lire s’offriront à lui. D’une part la trame de fond de l’histoire est constituée des aventures de deux conteurs qui se retrouvent pour partager les contes du petit peuple qu’il ont pu recueillir après de longues saisons passées à parcourir les Grandes-Terres. Ainsi leurs aventures relient entres eux les différents contes qu’ils ont pu sauver. On peut donc si on le souhaite lire les contes individuellement ou profiter de l’évolution de la quête des conteurs et des mésaventures des peuples d’Orthana et des Grandes-Terres. Mais je pense qu’un petit texte d’introduction sera plus parlant. Il n’est pas définitif mais cela plante le décor.

    Il y a fort longtemps, les Grandes-Terres qui s’étendaient à l’ouest de l’infinie mer des sages jusqu’aux plaines-Sèches de l’est, n’étaient qu’un seul et unique royaume gouvernées par le grand roi Tildelion. Par son désir de justice et de paix, les humains et les autres peuples, que l’on avait coutume d’appeler les féeriques y vivaient cote à cote en harmonie. Chaque peuple mettait au service des autres ses connaissances et de ses facultés propres. Mais après de longues années de règne, le roi disparu soudainement laissant vide le trône de la majestueuse cité d’Ebel qui se gorgea des rumeurs les plus improbables sur sa disparition. Le royaume bienheureux se vit en quelques années balafré de frontières, morcelé en de nombreux territoires gouvernés par des clans, tous plus ou moins hostiles ou méfiants les uns envers les autres. Dés lors, la paix, entre les hommes et entre les différents êtres de féerie, maintenue jusqu’ici par Tildelion, s’effrita comme un parchemin trop vieux, et, tout comme la paix, le savoir immense des hommes et des féeriques qu’unifiaient et préservaient les sages du roi, disparu dans une nuit d’ignorance et de lutte aveugle pour une domination des terres.

    Miraculeusement, par la volonté du conseiller du roi, peu de temps avant ce grand chambardement, une confrérie nommée simplement les “frères conteurs” vit le jour. Neufs des membres de cet ordre avaient pour mission d’arpenter le monde afin de recueillir et sauver de l’oubli les témoignages les plus extraordinaires sur les êtres qui peuplaient les Grandes-Terres et tout particulièrement sur ceux qui vivaient dans l’impénétrable et légendaire forêt d’Orthana. Beaucoup de clans d’humains après la chute du Royaume unique s’allièrent à de viles créatures et profitèrent du chaos régnant pour traquer les plus fragiles et précieux êtres de féerie comme les fées, les lutins,les gnomes et bien d’autres encore.

    Dès lors, une fois l’an, les conteurs, le gardiens du livre blanc et l’archi-conteur se réunissaient dans un lieu secret de tous. Une clairière cachée, au milieu de laquelle se dressait la grande pierre de mémoire, flanquée de ses deux visages impassibles. Chaque conte écrit sur le livre était lu à haute voix alors que les conteurs chantaient silencieusement sur cinq notes. Si le conte était faux ou incomplet, le vent ballayait les lettres du livre comme de la poussière. Mais, s’il était vrai, les lettres s’élevaient des pages en minces filets de lumières multicolores et pénétraient dans la pierre de mémoire par un oeil, situés à l’emplacement de l’oreille. Une fois dans la pierre, les contes prenaient vie, ils devenaient énergie. Et la pierre, au fil des ans, pulsait d’un considérable amas de puissance et de savoir, prêtant aux frères-conteurs une vie dépassant de loin celle des autres hommes.

    Alors, plus que tout, les conteurs espéraient un jour entendre et ramener l’histoire de la mystérieuse reine des fées, mais celle-ci disait-on, vivait au coeur même de la gigantesque forêt d’Orthana, lieux sans âge, habité d’êtres inconnus et parsemé de tant de dangers et de secrets qu’aucun homme n’y pénétrant trop profond n’en revint jamais.
    Pourquoi recherchaient-ils celle-ci plus que toutes autres ? Car, si un jour, le conte de la reine fée entrait dans la pierre de mémoire, on dit que sa puissance serait telle qu’à travers-elle, déchirant les brumes du nord sur un destrier d‘argent, reviendrai le roi Tildelion et qu’il unifierai un nouveau royaume.

    L’histoire qui va suivre est celle de deux conteurs , Aldrim Quaeris et Fosco Triklin et de leur étranges aventures dans la quête extraordinaire des contes sur les chemins des Grandes-Terres et les sentiers d’Orthana…
    J’en profite également pour informer qu’entre chaque tome nous allons aussi lancer un CD de musique qui accompagnera les contes. D’une part avec mes propres composition et d’autre part avec les composition sur ces mêmes contes de la harpiste Eve Mc Tellen.
    Et par la suite, il y aura sûrement d’autres surprises, mais nous en parlerons le moment venu.
    Autre point important, nous allons bientôt lancer une souscription sur le premier tome !

    La féerie semble intéresser de plus en plus de gens. Partagez-vous ce sentiment ?

    C’est sans doute les adaptations cinématographiques et les jeux vidéos qui ont ouvert d’autres portes à la fantasy pour se faire connaître d’un plus grand public. Les progrès techniques aidant, les représentations de toutes les images que l’on pouvait s’imaginer dans les livres se sont vues projetées à l’écran. Les images de synthèse on remplacé les ficelles et les marionnettes et ont donné une plus grande facilité ou en tout cas rapidité de réalisation pour représenter ces mondes imaginaires visuellement complexes. Quoique les anciens films comme Labyrinthe gardent un cachet irremplaçable.
    Quoiqu’il en soit, la fantasy, comme le conte en général, a souvent plusieurs degrés de lecture. Je ne pense pas qu’il faille y voir systématiquement une fuite de la réalité vers de vagues rêveries comme on peut l’entendre souvent, même si c’est sans doute vrai quelquefois. L’imaginaire est important, il fait aussi parti de notre réalité. il y a beaucoup de choses que l’on a du mal à aborder dans notre quotidien qui peuvent trouver un écho dans l’imaginaire. D’une façon général, s’il y a un besoin de se plonger dans le monde de l’imagination, c’est qu’il y a un manque ailleurs. Le regard que l’on porte sur la réalité que l’on nous donne à voir ne nous suffit pas, et c’est dans l’imagination créatrice que l’on peut cerner ces choses qui nous échappent, qui nous manquent et que l’on n’arrive plus à entrevoir tous les jours. L’extraordinaire dans le quotidien.

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?
    Parmi tous les êtres de féerie, il y en a un que je trouve très original, c’est une créature de bois et de feuilles, vivant dans la forêt de Fangorn, là je pense que vous voyez de laquelle je parle. Les ents. Avoir donner vie à ces êtres, ces bergers de la forêt fut une idée de génie de Tolkien, et leur représentation au cinéma, une heureuse surprise tant ils étaient proche de l’image que je m’en étais faite à la lecture des livres. Ils semblent vieux comme le monde, sages, majestueux. Ils allient à la fois les qualités humaines et celle de la nature. Oui, ce sont bel et bien mes créatures féeriques préférées.

    Votre site web est très travaillé. Vous passez d’ailleurs beaucoup de temps sur Internet. C’est vraiment quelque chose qui a révolutionné votre façon de travailler ? Ou est-ce un très bon outil de communication ?

    C’est un outil très pratique, c’est grâce au net que j’ai pu faire connaître mes travaux, ça m’a permis de rencontrer bon nombre de collaborateurs dont certains sont devenus des amis par la suite.
    C’est un très bon outil de communication, d’autant plus que je me suis éloigné de Paris pour la verdure, ce qui a rendu cet outil d’autant plus important pour me tenir au courant des diverses manifestations…
    Pour le site web, j’essaie de le mettre à jour aussi souvent que possible mais cela demande du temps donc je fais de grandes vagues de mises à jours de temps en temps.

    D’où partez-vous pour créer une illustration ? Qu’est-ce qui vous inspire ?

    Généralement, je travaille au souvenir plus qu’à l’observation alors qu’il faudrait pour bien faire équilibrer les deux, car se baser sur la mémoire sans une observation directe peut engendrer des problèmes de proportions et l’observation directe seule retranscrite sur la feuille fait perdre toute l’âme au dessin toute sa personnalité (c’est juste mon point de vue). Il faut laisser le temps à l’imagination de transformer les images que l’on perçoit pour en faire ressortir ce que, justement, les yeux n’ont pas forcément capté. Mais le principal est peut-être de n’être jamais satisfait de son illustration une fois finie pour que la meilleure soit toujours la prochaine.

    Et côté technique ? Comment travaillez-vous vos illustrations ?
    Après beaucoup d’essais, je suis revenu au simple crayon ou mine graphite et à la feuille blanche. Il n’en faut pas plus pour tout exprimer dans le trait. Quand à la couleur, j’ai abandonné les pinceaux il y a quelques années pour la palette graphique. Je peux changer dix fois d’avis sur les tonalités d’une illustration, comme j’utilisais quelque fois l’aquarelle cela ne donnait pas beaucoup de possibilité de modifications de ce coté là ; et la peinture à l’huile que j’aime beaucoup aussi me prenait trop de temps. Mais je compte bien retourner un jour à mes pinceaux de temps en temps ce sont deux méthodologies différentes mais je crois que dans les deux sens, l’apprentissage de l’une aide aussi pour l’autre.

    A part l’univers d’Orthana, avez-vous d’autres projets en cours ou à venir ?

    Oui, Orthana va déjà prendre beaucoup de temps avec ses sept tomes, mais je travaille en parallèle sur l’adaptation du roman de mon ami Guillaume van Meerbeeck, Dormäe, en jeu vidéo, un jeu online qui sortira fin 2010 si tout se passe bien. Cela représente une sacré somme de visuels et une nouvelle manière de travailler. Mais c’est très intéressant d’autant plus que son univers est passionnant.

    Propos recueillis par le Peuple féerique en mai 2009.

    A noter que Godo proposera quatre livrets, pochettes de crayonnés sur les Fées, Lutins et gnomes, Trolls et gobeliins, Dragons. Livrets tirés des recherches d’Orthana et qui seront disponibles très bientôt.

    Pour suivre l’actualité de Godo : http://www.godo-illustrateur.com/

  • Nains, lutins et autres gnomes – Casterman

    Nains, lutins et autres gnomes
    Auteur :  Michel Bonnet
    Illustrations: Caroline Picard
    Date de parution : 01/04/2009
    Collection : Documentaire
    Série : Bibliothèque du Fantastique
    Editions Casterman
    Tome : 8
    Pages : 64
    Dimensions : 23.6×28.7×1.1 cm
    Prix : 14,95 €

    Présentation éditeur:
    Figures clés de l’imaginaire fantastique, les nains ont bénéficié récemment d’un fort regain d’intérêt grâce aux succès de films comme Le Seigneur des anneaux ou Eragon, qui font une place de choix à ce peuple fascinant. Fort de ce contexte porteur, c’est donc à une cartographie de l’univers riche et complexe des nains que s’attelle, après les fées, les dragons, les elfes et autres sirènes, ce nouveau volume de La Bibliothèque du fantastique. Car il n’y a pas, comme le met en évidence le panorama documentaire établi ici par Michel Bonnet, une seule population de nains, homogène, mais au contraire d’innombrables « familles » et branches distinctes, différenciées par leur origine, leur culture, leurs moeurs, etc. Nains travailleurs ou nains combattants, Korrigans, Pixies, Gobelins, Hobbits ou Brownies – sans oublier le francophone Farfadet -, voici donc une riche galerie de portraits à découvrir par le menu. Côté visuel, on peut évidemment compter sur le talent de Caroline Picard (une habituée de La Bibliothèque du fantastique, avec déjà trois ouvrages à son actif), qui, avec un enthousiasme communicatif, met brillamment en images cette tribu remuante et toujours attachante.

    Notre avis:
    Sentiment étrange que celui qui naît au fil des pages de ce huitième tome de la Bibliothèque du Fantastique. Déjà, mélanger nains et lutins est un choix qui se discute. D’accord, on prend pour critère la taille… OK. Ensuite, tout est fortement mélangé comme si l’auteur avait picoré de ci de là anecdotes et créatures, coutumes et légendes pour en régurgiter un méli-mélo féerique qu’on a du mal à digérer. Et puis, il y a les oublis. Comment peut-on omettre de parler des Nutons d’Ardenne dans un ouvrage français sur les lutins, gnomes et nains ?
    Bref, pas très réussi ce huitième tome alors que certains des précédents comme celui sur les sirènes ou encore les fées étaient vraiment très bien documentés avec une information bien restituée et claire à la lecture. Ramener les légendes à des exemples actuels tirés des livres, films et jeux de fantasy, pourquoi pas, mais faisons-le de façon intelligente, en s’en servant pour en apprendre plus à la jeunesse sur féerie, pas en leur donnant des arguments supplémentaires pour tout mélanger.
    Les illustrations de bonne qualité sauvent un peu l’ensemble du livre même si, là aussi, on dessine beaucoup de nains, un peu de gnomes et quelques lutins pas toujours heureusement placés sur les pages en rapport…

    En résumé, un ouvrage qui manque beaucoup de cohésion et d’une présentation bien pensée.

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  • Rencontre avec Edouard Brasey, le chasseur de fées…

    En quelques années Edouard Brasey est devenu la référence incontournable en matière de Féerie. Depuis sa première Enquête sur l’existence des Fées et autres esprits de la Nature (Editions Filipacchi) en 1996, il n’a eu de cesse d’enchaîner les publications sur le Merveilleux et la féerie. Ses encyclopédies parues au Pré aux Clercs sont un réel succès et la préparation d’un certain « Traité de Féerie » fait beaucoup de bruit sur le net. Nous l’avions déjà soumis à nos questions il y a quelques temps. L’occasion s’est représentée pour une interview un peu plus longue sur les fées et autres petites créatures féeriques. Rencontre avec un chasseur de fées…

    Le peuple des fées résulterait d’un croisement entre les divinités antiques apportées en nos régions par les romains et des mythologies celte et germanique. On peut y ajouter le travail de modelage du Christianisme et vous soulignez dans vos ouvrages la réminiscence des anciennes druidesses. Alors, le Peuple des fées, finalement, que s’est-il passé avec son « image », d’où découle sa représentation actuelle ?
    Eh bien, jadis les Anciens croyaient aux fées comme à de petites divinités intermédiaires, des esprits élémentaires, que l’on pouvait rencontrer. Des « messagers » de l’Autre Monde, un peu comme les anges. Aujourd’hui, elles ont été infantilisées ; elles sont considérées comme de simples personnages de contes, alors qu’elles sont bien plus que cela !.

    Vous décrivez les lutins comme des êtres farceurs, parfois limite méchants. Ils sont responsables de tous nos maux comme les retards de trains par exemple. Ils se sont donc adaptés à notre vie moderne ?
    Bien sûr ! Les lutins ne sont pas foncièrement méchants, mais ils ne peuvent pas s’empêcher de tout mélanger, égarer les clés, créer mille petits problèmes. On leur impute même, dans le cas des gremlins, la responsabilité des bugs informatiques !

    Pensez-vous que l’énorme succès que connaissent les elfes aujourd’hui est du aux films du Seigneur des Anneaux, adaptés par Peter Jackson à partir de l’œuvre de Tolkien, et au fait que les elfes y apparaissent physiquement comme des humains sublimés ?
    Les elfes de Tolkien sont des descendants des Tuatha dé Danann d’Irlande, un peuple idéal, venu des îles enchantées du nord. Ils sont bien différents des elfes noirs germaniques, qui ressemblent davantage à des nains vivant sous terre, à des démons ou à des esprits des morts !

    Donc les elfes n’ont pas toujours eu cette image ultra positive. On peut d’ailleurs lire dans vos œuvres que les elfes sont à l’origine de nombreuses maladies (folie, urticaire, colique, lumbago, etc.) D’où vient ce lien ?
    Les elfes germaniques étaient redoutés ; ils étaient considérés comme un peuple sorcier pouvant jeter des maléfices. Les maladies incurables, notamment, étaient dues à leur malveillance. Il existait même des conjurations pour les éloigner !

    N’a-t-on pas largement adouci l’image des fées aujourd’hui ? Un travail commencé au XIIe et XIIIe siècle avec les contes de fées… Et ces douces amies ne sont-elles pas une vision très française du Petit Peuple ?
    Les fées d’aujourd’hui pâtissent d’une représentation stéréotypée – la fée à la baguette magique qui résout tous les problèmes – qui remonte surtout aux fées de cour du XVIIIe siècle français, et aussi aux fées infantiles des dessins animés de Walt Disney… La fée Clochette est le résultat de cette évolution.

    Dans Le guide du Chasseur de fées vous dites que la fée est une femme idéale…
    Elle l’est ! En tout cas les chevaliers errants qui faisaient leur rencontre au détour d’un chemin, d’un bois ou d’une rivière tombaient immédiatement amoureux d’elles et les demandaient en mariage. C’est le cas de la fée Mélusine, par exemple, qui épousa le seigneur Raimondin dans le livre de Jean d’Arras.

    Vous écrivez aussi que « les fées vivraient dans l’Autre Monde. Elles seraient des anges féminins rejoints en leur Paradis par les humains dignes d’elles ». C’est une vision très spirituelle et mystique de la féerie ?
    Non, elle correspond à la mythologie celtique, qui voyait l’Autre Monde, le paradis, dans une île lointaine, Avallon, peuplée de fées sublimes. Les preux qui les y rejoignaient n’en revenaient pas, tant ils y étaient heureux… A moins qu’ils ne fussent morts… Pour le savoir, il faudrait y aller…

    Quel lien voyez-vous entre la Vierge Marie et les fées ?
    Le parfum ! Il s’agit d’un parfum de lis et de rose mêlés, que j’ai eu l’occasion de humer quelquefois… en particulier dans la grande salle de la Bibliothèque nationale de la rue de Richelieu à Paris !

    D’où vient la diminution de la taille des fées. Comment sont-elles passées d’une taille humaine à ces êtres ailés et minuscules ? Influence des elfes nordiques ? Shakespeare ?
    Shakespeare a en effet décrit Mab, la reine des fées, comme un être minuscule. Mais en réalité les fées ont diminué de taille au fur et à mesure qu’elles ont diminué dans les croyances des gens… Lorsque les hommes y croyaient et les aimaient d’amour, elles étaient grandes et belles…

    Comment expliquez-vous l’attachement de l’homme au dragon ? Ici aussi, on remarque une image très positivée d’une créature mythique autrefois liée au serpent d’Eden et au Mal…
    Le dragon est un monstre effrayant qu’il faut vaincre pour s’approprier le trésor dont il est le gardien ; il est une sorte de gardien du seuil, de créature initiatique. Il est aussi un très vieux sage issu du chaos originel. Et le cousin du serpent de la Genèse aussi, bien sûr…

    D’où vient l’idée des dragons gardiens de trésors ?
    En réalité, les richesses conservées par les dragons sont initiatiques : il s’agit de la sagesse, de l’illumination que l’on ne peut atteindre qu’en affrontant ses peurs ancestrales, ses démons intérieurs, son ombre, au sens où la définissait le psychologue Jung.

    Les sylphes auraient été perçus comme des extraterrestres au Moyen-Âge. Expliquez-nous un peu ça…
    On en trouve l’étrange récit dans un curieux ouvrage du XVIIe siècle, « Le Comte de Gabalis », écrit par l’abbé Montfaucon de Villars. L’auteur parle de sylphes, donc de créatures de l’air, mais il fait une description ressemblant parfaitement aux enlèvements extraterrestres !

    On croise souvent dans vos écrits des références à un certain Ismaël Mérindol. Comment expliquez que pour notre part, nous n’avions jamais croisé son nom auparavant ? Dites-nous en plus ce cet énigmatique personnage…
    Il s’agit d’un changelin, un enfant des fées, qui vécut entre 1400 et 1522, et à qui l’on doit ce fameux « Traité de Faërie » de 1466, incunable que j’ai eu la chance de consulter à la bibliothèque nationale de Prague il y a quelques années… Je vais d’ailleurs publier ce texte rarissime en avril prochain dans la collection de grimoires et traités que je dirige au Pré aux Clercs. Il y parle de ses rencontres avec les fées, les nymphes, les gnomes…. En annexe, je publierai également « Le Comte de Gabalis », déjà cité.

    L’Encyclopédie du Merveilleux brasse très largement l’univers légendaire en incluant en ses pages aussi bien les fées que les anges, les vampires que les djinns. N’est-il pas risqué de mélanger toutes ces créatures aux origines différentes ou est-ce là une façon d’épouser le légendaire d’aujourd’hui multiculturel et universel ?
    J’ai en effet intégré des créatures lointaines, voire exotiques, comme les djinns ou les zombies, mais qui ont été accueillies dans notre imaginaire fantastique, ne serait-ce que par les contes ou le cinéma. En revanche, j’ai laissé de côté les créatures trop différentes de notre culture, comme les dieux et esprits du shintoïsme par exemple, ou encore les dieux et démons africains.

    Combien d’ouvrages sur le Petit Peuple possédez-vous dans votre bibliothèque ?
    Je l’ignore ! Il y en a un peu partout ! Parfois je les perds, puis je les retrouve par hasard ! Les livres sont vivants, ils ont leur autonomie…

    « L’Imaginaire est comme une peinture. Le paysage réel existe, mais c’est la palette du peintre qui va le sublimer et en faire une œuvre d’art ». Expliquez-nous votre phrase…
    Tout dépend du regard que l’on porte sur les choses. L’artiste, le peintre, le poète, l’amoureux des fées a le pouvoir de réenchanter le monde par le regard « ravi » qu’il porte sur les choses. Il ne change pas le réel, mais son regard. Mais en changeant son regard sur le réel, le réel, par reflet, change à son tour…

    André Malraux disait que le XXIe siècle serait spirituel ou ne sera pas. Nous y sommes. D’après vous, ce siècle est un siècle hautement spirituel ?
    Parfois, on peut se poser la question ! Le bal des banquiers en déroute de l’actualité récente laisserait penser que nous avons replongé dans la matière la plus lourde… Et pourtant… Ceux qui s’intéressaient aux fées voici à peine vingt ans passaient pour des fous. Aujourd’hui, c’est devenu presque naturel. Peter Pan serait-il de retour parmi nous ? Je l’espère…

    Ces dernières années, les ouvrages féeriques se multiplient. Comment expliquez-vous ce retour aux fées ?
    Ce sont les bonnes marraines, les protectrices, les amantes désirées, les femmes idéalisées. C’est aussi un retour de la culture celte, qui avait une haute opinion des femmes. Une revanche de la féminité sur le machisme du siècle passé ?

    Vous avez entamé une nouvelle trilogie d’encyclopédies avec celles du légendaire. Une façon de mettre en avant des choses essentielles mais trop souvent reléguées à des secondes places comme les objets, les héros humains ou les lieux ?
    Oui, on parle peu des objets magiques, des artefacts, alors qu’il s’agit de vecteurs d’imaginaires extraordinaires… L’épée Excalibur, le chaudron de Dagda, le trésor des Nibelungen… Le tome second, sur les personnages légendaires, fera la part belle au roi Arthur et aux chevaliers de la table ronde, ainsi qu’à Merlin et autres questeurs du Graal ! Quant aux lieux de l’imaginaire, ils abondent aussi : Avallon, Brocéliande, Thulé…

    De conteur à Encyclopédiste, cela semble très éloigné, non ?
    Pourquoi ? Il faut bien commencer par collecter les histoires avant de les raconter… Pour moi cela fait partie d’un ensemble, dans lequel j’ajouterai la dimension du roman…

    Transmettre les choses par écrit, c’est plus ou moins compliqué que l’oralité ?
    C’est très différent, et en même temps c’est un peu la même chose. Etre inspiré en écrivant ou en racontant, quelle différence, sinon le fait d’utiliser la main ou la voix. Ce sont les dieux qui parlent à travers le scribe ou le conteur…

    Vous êtes également romancier et venez de commencer une tétralogie autour de la mythologie nordique avec La Malédiction de l’Anneau. C’est un sujet énorme ! Ce défi ne vous effrayait-il pas au départ ?
    Si, bien sûr… Mais personne – à ma connaissance – ne s’y était risqué ! Mon but a été de retourner aux sources légendaires et mythologiques dont se sont inspirés Tolkien dans « Le Seigneur des anneaux » ou Richard Wagner dans son cycle d’opéras « L’anneau du Nibelung », et d’en tirer mon propre univers romanesque, en essayant de rester fidèle à l’histoire originelle de l’anneau maudit. Mes personnages sont donc les dieux d’Asgard, Odin, Freya, Frigg, Loki, les Walkyries comme Brunehilde, les héros comme Siegmund ou Siegfried, les Nibelungen comme Alberich, les géants comme Regin, les dragons comme Fafnir. En écrivant, j’ai senti renaître en moi le souffle épique des anciens âges, et la légende a pris corps, presque malgré moi. Dieux, héros, dragons et filles de l’air attendaient de renaître de l’oubli où on les avait plongés ! Le premier tome, « Les Chants de la Walkyrie », sorti en octobre chez Belfond, raconte l’origine de la légende ayant donné naissance à « La Malédiction de l’anneau ». Le second tome, qui sortira en mai avec une belle couverture de Didier Graffet, s’appellera « Le Sommeil du dragon ». L’histoire sera vue du côté de Fafnir, le dragon abattu par Siegfried ! C’est la première fois à ma connaissance que l’on prend le point de vue du dragon pour raconter cette histoire…. Il existe aussi un site consacré à cette tétralogie romanesque : www.lamaledictiondelanneau.com

    Qu’est ce que « Croire aux fées » pour vous ?
    Croire aux miracles, à la beauté, à l’harmonie, et à la réalisation possible de ses vœux les plus chers…

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?
    Les cluricaunes d’Irlande, car c’est eux qui ont livré aux hommes le secret de la fabrication du whiskey !

    Votre actualité ? Vos projets en cours ?
    Plusieurs publications au printemps : « Le Traité de Faërie » d’Ismaël Mérindol en avril (Le Pré aux Clercs), « Le Sommeil du dragon », second tome de « La Malédiction de l’anneau » en mai (Belfond), un agenda du merveilleux et le tome deux de « L’Encyclopédie du légendaire » à l’automne (Le Pré aux Clercs). Et des publications de livres d’auteurs dont je suis le directeur de collection, comme Sire Cédric en mars avec son thriller gothique « L’Enfant des cimetières ».
    En tant que conteur, je vais me produire chaque premier samedi du mois à 17 h dans un salon de thé délicieux, « Caramelle », situé 6 rue de l’Arbalète 75005 Paris, à côté de la rue Mouffetard. La première aura lieu le 7 mars. Mais il est impératif de réserver au 01 43 36 60 79, car il n’y a que 45 places !

    Propos recueillis par le Peuple féerique en février 2009`

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  • Tolkien

    Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien (1954-1955) nous conte les aventures d’un semi-homme, Frodon le Hobbit qui aura pour mission de détruire l’Anneau Unique, symbole du Mal.

    Passionné très tôt par les civilisations anciennes et les langues imaginaires, John R.R. Tolkien (1892-1973) trouva dans les contes de fées, la mythologie celte et les sagas nordiques l’inspiration pour sa Terre du Milieu, qu’il ne cessera jamais d’enrichir.

    Le succès du Seigneur des Anneaux engendra de nombreuses adaptations. Citons par exemple le film d’animation de Ralph Bakshi (1978), la trilogie cinématographique du néo-zélandais Peter Jackson qui connut un succès international (2001 à 2003).

  • La Fantasy au regard de ses « pères » : Fantastique et Science-fiction

    Un article sur la Fantasy écrit il y a trois ans mais jamais publié…

    La Fantasy au regard de ses « pères » : Fantastique et Science-fiction

    Depuis que Peter Jackson a porté l’œuvre de Tolkien à l’écran, la fantasy explose de toutes parts. Il faut dire que la trilogie du Seigneur des Anneaux, œuvre puissante, avait déjà fédéré nombre de lecteurs depuis les années 60 où le genre fantasy commençait véritablement à marquer les esprits. Il aura fallu près de 40 ans pour que la fantasy conquière la France et les francophones, plus avides de capes et d’épées que d’armures et de haches, plus portés sur le renard que le dragon.
    Mais la fantasy a bien frappé de ses pointes ces 40 années : Donjons et Dragons a permis l’apogée du jeu de rôle ; la bande dessinée a bercé nos regards d’enfants et ouverts nos esprits par trop cartésiens à un imaginaire débridé; la fin des années 90 a vu éclore des maisons d’édition modestes mais courageuses, semblables aux héros des romans qu’ils décidèrent de publier.

    D’abord affaire de passionnés, la fantasy en France est finalement devenue l’affaire de professionnels en ce début de 21ème siècle. Chaque année qui passe voit son lot de grands éditeurs s’essayer en collection fantasy, des revues et magazines naître, des clubs et associations s’étoffer…

    L’explosion de la fantasy correspond pleinement à celui d’autres explosions culturelles de ces dernières années (festivals celtiques, fêtes médiévales…). Ces succès ont pour point commun l’envie de se plonger dans des univers bien définis qui invitent à s’évader du réel, du quotidien tout en rassemblant, créant une communauté de personnes partageant la même passion.
    Outre cette envie d’évasion et de rassemblement, le succès des légendes celtiques, du mode de vie médiéval ou de la littérature de fantasy repose essentiellement sur le besoin de revenir à des valeurs clairement définies. Face à une société permissive et consumériste, l’homme perd ses repères. Force est de constater qu’aujourd’hui, nous avons trop de choix, trop de possibilités, trop d’avenirs incertains. Et cette problématique sociale trouve quelque part une réponse apaisante dans le fait de revivre un temps supposé plus « simple », naturel et basé sur de grandes valeurs comme l’amour, le courage, l’amitié, la loyauté, le bien, le mal, la loi… La fantasy serait l’échappée parfaite pour qui recherche un modèle figé de valeurs, une littérature où l’ambiguïté n’a pas sa place, où le héros combat le vilain, où l’Amour est courtois et fidèle, où la Mort a son paradis…

    L’habituelle rengaine critique n’a de cesse de mettre ces stéréotypes en avant mais en les dénigrant. La fantasy ne présenterait que des univers répétitifs avec son héros qui gagne à la fin grâce à son épée magique, son magicien merveilleux qui parle aux animaux, son horrible sorcier vêtu de noir et menaçant le monde de sa destruction…
    Le succès de la fantasy reposerait-il uniquement sur ce schéma répétitif et rassurant? En partie oui, mais l’emploi de stéréotypes n’est pas l’apanage de la fantasy. Le roman policier, le fantastique et finalement, toute histoire puisent sans cesse dans le même fond, des mythologies aux contes d’aujourd’hui.
    Pour comprendre plus avant ce qui fait le succès de la fantasy à notre époque précise, il nous faut revenir à ce qui a fait auparavant le succès du fantastique d’abord, de la science-fiction ensuite.

    Fantasy et fantastique : du moi aux autres.

    Le fantastique a pris son envol au 19ème siècle. Digne successeur du roman gothique, il tient du malaise de la société industrielle naissante mais surtout des grandes découvertes liées à l’homme en tant qu’individu. L’hypnose, la psychanalyse de Freud et autres recherches sur l’esprit ont procuré les meilleurs thèmes du fantastique qui s’est mis à explorer nos peurs et nos rêves.
    La fantasy est au fantastique ce que la psychologie sociale est à la psychanalyse. Elle y puise en partie ses origines mais lui donne une toute autre dimension, bien plus large et plus complexe. La fantasy nous parle, au travers de ses héros, de nos questions en tant qu’individu. Mais un individu ancré, cette fois, dans une société. Nous ne sommes plus dans l’isolement du héros fantastique. Le vampire n’est plus ce monstre unique, enterré dans un coin reculé des Carpates, il vit en société en plein New-York.

    La fantasy engloberait-elle le fantastique ?
    On pourrait le penser constatant que :
    – nos amis anglophones utilisent depuis toujours le terme fantasy aussi bien pour le merveilleux que pour le fantastique;
    – les auteurs contemporains composent de plus en plus de récits où la psychologie des personnages est plus travaillée, où ils apparaissent plus ambigus et de plus en plus confrontés au doute ou à leurs peurs;
    – des caractères typiquement fantastiques comme le vampire, la sorcière, le loup(-garou) font leur apparition dans des textes fantasy.

    Notre avis est que cette confusion provient principalement du fait que nombre de récits fantastiques n’en sont pas vraiment. Pour qu’il y ait récit fantastique, l’élément fantastique doit appartenir à l’impossible et tenu pour impossible. Il y a rupture du réel. Ceci provoque nécessairement la peur, seul sentiment face à l’impossible. Notons de plus que le héros sera souvent mais pas toujours seul puisque l’inconcevable est renforcé par le fait de ne pas pouvoir partager ce moment avec d’autres. Enfin, la raison du héros face à cet étrange impossible mènera probablement à la folie ou la mort. L’absence de témoin rend douteux la véracité de la chose. Au fond, le héros était peut-être fou ou a-t-il simplement rêvé ?
    Partant de là, il faut bien reconnaître que le fantastique n’est pas la fantasy et vice-versa.

    La fantasy répond aux besoins actuels, à cette idée d’individu au sein d’une société. Plus que le rapport au « moi » et au « ça », concepts freudiens bien connus et utilisés dans le fantastique, c’est le rapport à l’autre et aux autres qui nous préoccupe aujourd’hui. La fantasy est affaire de races, clans, classes, rapports de force, de pouvoir, relations amoureuses, familiales, d’amitié…

    Fantasy et science-fiction : une question de projection

    Au 20ème siècle, voilà que les interrogations de l’homme, en plein boum industriel, se tournent du côté des grandes avancées technologiques. L’homme crée la fusée et il se met à rêver de voyages intergalactiques. La radio permet une information de plus en plus rapide et la guerre froide devient une menace extra-terrestre. L’avancée technologique fascine et effraie et de ce double sentiment naîtront des milliers de récits de science-fiction. Nous ne sommes plus dans une interrogation sur l’individu mais déjà sur la société. Une société dont les peurs naissent d’une avancée trop rapide pour être assimilée par tous et qui tantôt rêvera de l’immortalité, tantôt enfantera de nouveaux monstres.

    La fantasy, nous l’avons vu, opère un retour à des valeurs essentielles par rapport à une société où l’homme ne sait plus où et à quoi s’accrocher. Les grandes peurs d’aujourd’hui tournent autour de cette perte de repères. Ce n’est plus une crainte du futur mais bien une peur du présent. Il semble normal dans ce cas de fuir, de s’évader dans une vision améliorée du passé (on en revient au succès des fêtes médiévales, celtiques…). La fantasy propose un univers nostalgique d’un temps passé qui n’a jamais existé. Si la science-fiction projetait dans le futur la société du moment donné, on peut dire que la fantasy projette dans un passé imaginaire, la même société du moment donné.

    Autre grande préoccupation d’aujourd’hui, l’environnement. Posons le raisonnement suivant : ce qui a abîmé la nature, c’est la pollution. Ce qui est la cause de la disparition des arbres en Amazonie, c’est l’industrie. Nous n’irons pas jusqu’à prétendre que la fantasy est le genre écologique par définition, mais l’absence d’industrie et cet amour constant pour la Nature et ses forces laissent songeur… La science-fiction traite de la même thématique, souvent avec une approche différente qui montre le résultat de cette négligence vis-à-vis de la nature : visions apocalyptiques, mondes dévastés, abominations scientifiques…

    Dans sa dimension sociologique, la fantasy partage avec la science-fiction de nombreuses préoccupations. Et si on évoque la science-fantasy qui intègre dans ses récits les technologies et les sciences, on y entrevoit encore plus d’affinités.
    Les dérives génétiques, les inventions mises au service de la guerre, la rencontre avec d’autres races trouvent autant leur place dans la SF que dans la fantasy.
    Deux éléments demeurent néanmoins pour nous permettre de distinguer les deux genres. La fantasy reste proche de questions centrées sur les sciences sociales (sociologie, psychologie, poltique) tandis que la SF s’oriente plus souvent du côté des sciences dures (physique, chimie, génétique, mathématiques…). L’un n’empêchant pas l’autre.
    Le second élément est affaire de regard. La science-fiction est le regard d’aujourd’hui sur demain. La fantasy est le regard d’aujourd’hui sur autrefois.

    La fantasy navigue entre un monde parallèle au nôtre et une nostalgie d’un il était une fois

    En devenant plus complexe, en se répartissant elle-même en branches particulières (dark, urban, science, high, heroic…), la fantasy devient un univers aux mille facettes, d’une richesse qui parviendra peut-être à dépasser les valeurs et réflexions véhiculées par le fantastique et la science-fiction.

    La fantasy est l’histoire d’un homme parmi les hommes.
    La fantasy est ici et maintenant.

    Voilà pourquoi le genre connaît actuellement tant de succès. Un dernier conseil : poursuivez l’exploration de ces mondes fabuleux qui ne sont finalement que le nôtre.

    Christophe Van De Ponseele, le 07/02/2006

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