Étiquette : sorcières

  • Ardenne et Bretagne: Les soeurs lointaines – Albert Moxhet (Mardaga)

    Ardenne et Bretagne: Les soeurs lointaines
    Albert Moxhet
    130 pages
    Editeur : Mardaga, 1995
    Prix : 7 €

    Présentation éditeur:

    La recherche de ses racines est souvent pour l’homme un voyage dans la mythologie. A côté des dieux et des héros de l’Antiquité classique, universalisés par le long triomphe de la culture gréco-romaine, il est des univers non moins riches et intéressants, parfois beaucoup plus anciens, qui ont été mis en veilleuse par la force militaire, politique et économique de l’Empire romain et comme effacés ensuite du paysage culturel par une conception assez étroite de ce qui pouvait être considéré comme beau, intelligent, convenable, en un mot :  » civilisé « . Cette situation de monopole se reproduira d’ailleurs de façon fort semblable lorsque l’Europe colonisera les autres continents. Cependant, même laminée par la domination romaine, la culture celtique a survécu avec plus ou moins de vitalité en divers endroits de son ancienne zone d’expansion. Mais, marginalisée et souvent additionnée d’apports ultérieurs, elle n’a plus été vécue que par les couches populaires – essentiellement paysannes – qui n’entraient pas en compte dans la culture officielle. Seuls quelques esprits ouverts et clairvoyants ont pu, au travers de la littérature, comprendre la valeur profonde, réelle, de ces traditions populaires qui évolueront elles-mêmes de façon non concertée. Ardenne et Bretagne, les soeurs lointaines entreprend de montrer combien, au-delà de formes parfois très diversifiées, un certain nombre d’éléments traditionnels populaires sont restés communs à ces régions éloignées par l’histoire et un millier de kilomètres, mais appartenant toutes deux au domaine celtique originel. Conservés essentiellement par la tradition orale et souvent utilisés par la suite cerne des  » histoires pour enfants « , ces éléments font ici l’objet d’une répartition en quatorze chapitres présentant successivement, la grande famille des lutins, les fées, les revenants, la famille des garous, le diable, les sorcières, les animaux fantastiques, les êtres de la nuit, les chevauchées célestes, les créatures des eaux, les fontaines, les bornes et pierres, les trésors et enfin les saints populaires protecteurs et guérisseurs.

    Notre avis:

    Albert Moxhet est un spécialiste de la sorcellerie. Très attaché à son ardenne belge et son folklore, il nous livre ici un ouvrage des plus précieux. En effet, son livre permet non seulement d’exprimer toute la richesse du légendaire ardennais mais en mettant en avant autant d’éléments comparés avec la Bretagne, il tisse de véritables liens, sur fond d’un passé celte commun, entre ces deux régions éloignées. En nous expliquant les ressemblances et les différences, l’auteur nous offre un ouvrage à posséder absolument pour qui s’intéresse de près ou de loin à la féerie. Et pour le tout petit prix, ce serait vraiment dommage de passer à côté.

  • Rencontre avec René Hausman

    René Hausman avec son Grand Fabulaire du Petit Peuple paru dans le magazine Spirou, ses bandes dessinées (Laïyna, Trois Cheveux blancs, Le Prince écureuil, Camp-Volant, etc.), ses livres illustrés et ses nombreuses peintures et illustrations de la Nature et du Petit Peuple est une figure incontournable de la scène féerique. Inspirateur de nombreux talents actuels, précurseur de l’illustration féerique franco-belge, le Peuple féerique ne pouvait que croiser la route de ce Grand Monsieur, amateur de légendes et devenu légende lui-même. Petit échange téléphonique un matin de mars 2009…

    Avec votre complice Pierre Dubois, vous plongez les lecteurs de Spirou dans un Grand fabulaire du Petit Peuple. Plus tard vous publierez avec Dubois les aventures de Laïyna. Vous nous ferez vivre des légendes pour les albums avec Yann. Vous nous plongez dans le monde des légendes encore avec votre dernier album, Camp-Volant. Le fantastique, le Petit peuple et vous, c’est donc une longue histoire ?

    Ben oui, comme je l’explique dans l’avant-propos de Camp-Volant, l’origine de cette attirance envers le monde des légendes est due à ma grand-mère. Elle qui, lorsque j’étais petit, me contait tant d’histoires merveilleuses ou fantastiques, les légendes ou, parfois, des faits avérés qui se sont passés dans les forêts ardennaises, berceau de mon enfance. Quand j’étais petit, j’adorais qu’on m’offre des livres d’images, des bandes dessinées mais aussi des livres illustrés. Et c’est vrai que mes deux sujets de prédilection c’était d’une part, les animaux et puis d’autre part, les contes, les légendes et ce genre de choses un peu fantastiques. Il faut dire aussi que je suis un vrai belge dans le sens où ma grand-mère était ardennaise, mon père issu de la frontière allemande, et son patois à lui était ce qu’on appelle pompeusement un « francique carolingien » et plus communément le plattdeutsch, le « plat allemand » et ça ressemble au limbourgeois. De là, des connivences déjà avec tout un imaginaire germanique. Les deux ensemble, ça a donné un univers plutôt porté vers le fantastique et les légendes.

    Comment expliquez-vous que vos albums BD revêtent souvent un côté cru et cruel ?

    Tout simplement parce que dans les contes, c’est comme ça. On pense généralement que ce sont des histoires destinées aux enfants mais moi, je ne le crois pas. Ils ont une vertu initiatique, Pierre Dubois vous l’expliquerait mieux que moi. C’est un monde symbolique, pensez au Petit Chaperon rouge, une espèce de cheminement au travers de la forêt et de la nuit… Bettelheim et sa psychanalyse des contes de fées l’explique très clairement. Ce passage à l’âge adulte… Je pense qu’on ne peut pas édulcorer ça. Cela doit être montré tel quel. Barbe Bleue égorgeant ses femmes, l’ogre dévorant les enfants… Il n’y a aucune raison de faire de ces contes des histoires à l’eau de rose, ce qu’ils ne sont pas. Les deux contes faits avec Yann sont particulièrement crus et cruels, j’ai d’ailleurs eu des critiques à ce propos mais tant pis… Là, nous nous sommes donnés à fond dans le côté terriblement réaliste et méchant, finalement, de la vie.

    Vous adorez la Nature et les animaux que vous dessinez avec une force extraordinaire. D’où vous vient cette attirance pour la Nature ?

    Je suis trop farfelu pour être devenu un naturaliste, pas assez sérieux. Quoique adolescent, j’ai collectionné très sérieusement les insectes. Je me prenais alors pour un entomologiste. Mais en fait, ce que j’ai surtout bien aimé est la représentation graphique des animaux dans les images les représentants. J’étais également en contact direct avec les animaux ayant vécu mon enfance à la campagne. D’ailleurs une excellente école, rien ne remplace l’observation directe. J’adorais collectionner les chromos de chocolat. Les autres enfants se passionnaient pour les voitures mais moi pas du tout. Moi les bagnoles, ça m’a jamais, jamais branché. Moi c’était les animaux. Je possède encore d’ailleurs des albums d’images de l’époque que j’ai gardés ou retrouvés.

    La Nature recèle bien des secrets. Ce côté mystérieux vous l’appréciez beaucoup également…

    J’ai connu des chasseurs notamment qui m’ont raconté plein d’histoires… Il ne faut d’ailleurs pas croire que les chasseurs sont mauvais. Ce sont des gens qui vivent avec la Nature. Bien entendu, y a les braconniers infâmes mais il y a surtout de véritables connaisseurs de la Nature et de ses secrets…

    Trouvez-vous que les gens reviennent aujourd’hui à la Nature ?

    Oh je pense que oui, certainement. D’une manière ou d’une autre. Il y a beaucoup de balades qui se font dans la nature, y a un respect général plus poussé qu’il y a un certain moment. Les gens nourrissent avec intelligence les petits oiseaux l’hiver. On respecte mieux les sentiers forestiers, les pistes de ski. Y a un progrès mais beaucoup reste à faire.

    La féerie, c’est un moyen également de se rapprocher de la Nature ?

    Je vous avoue que ce n’est pas vraiment dans ce sens-là que les lutins m’intéressent. Bien sûr, ils sont intimement liés à la nature mais il y a autre chose… J’ai un jour croisé la route d’Haroun Tazieff, le volcanologue. Et lui s’étonnait beaucoup qu’on s’intéresse aux légendes, aux mythes, aux fées alors que la Nature est tellement merveilleuse et extraordinaire en soi. Il avait peut-être raison…enfin, je confesse une perversion pour mon goût que j’ai des fées, des lutins, des sorcières, des dragons…

    Vous avez illustré de très nombreux livres. Notamment La Grande Tambouille des fées et La Grande Tambouille des Lutins aux éditions féeriques Au Bord des Continents. On y trouve quelques recettes originales en fin de livre. L’art culinaire, c’est quelque chose que vous appréciez également ?

    J’ai aussi illustré pas mal de livres de recettes d’un ami restaurateur. J’aime beaucoup cuisiner aussi. Je crois qu’à part le dessin c’est mon occupation préférée.

    La musique ne vous est pas étrangère non plus, on se souvient du groupe les Peleteux…

    Oui, de la musique traditionnelle. Encore une fois on ne quitte pas vraiment le créneau, cela avait beaucoup à voir avec quelque chose de proche de la Nature. Ce qu’on appellait à l’époque nos racines… Là aussi, on voit ce genre de choses revenir, on appelle ça aujourd’hui la musique du monde… Chaque région, chaque pays possède une grande richesse. Notez que la France pour moi est le territoire le plus riche à ce niveau mais dans le même temps le plus ignorant de sa propre richesse folklorique, c’est étrange comme constat. La Wallonie est également une terre riche en traditions. On en revient mais pas de la même façon qu’il y a trente ans…

    En 1957, on pouvait lire vos aventures de Saki et Zunie, en 2003, celles des Chasseurs de l’Aube… Vous abordez là, la Préhistoire. Un temps où l’homme vivait en parfaite symbiose avec la nature. Vous auriez aimé vivre ce temps-là ?

    Ecoutez, moi je suis très content de mon époque. Ça nous permet de survoler, même si c’est de manière artificielle les autres époques. Je pense que ça ne devait pas être drôle, la Préhistoire. Mais je pense que nos ancêtres lointains devaient avoir une vie psychique très riche. Ce n’était pas des « sauvages », ça, j’en suis persuadé. Mais de là à souhaiter vivre à cette époque-là, non. Déjà vivre il y a soixante ans, c’était dur, rien qu’au niveau des maladies devenues bénignes maintenant…

    Je me souviens avoir bu un délicieux café dans une brasserie vervietoise nommée L’ogre de barbarie. Elle était décorée de vos œuvres. Les expositions, les décorations de lieux, c’est quelque chose qui vous attire, c’est important pour vous ce type d’échange avec le public ?

    Oui, bien sûr. Pour moi c’est très important. Des expositions et des rétrospective, j’en ai fait mais de voir mes œuvres dans de tels lieux, rien ne peut me faire plus plaisir. Vous savez, quand mes œuvres sont vendues à des amateurs, elles disparaissent dans leurs collections alors que dans un lieu public, chaque jour de nouvelles personnes peuvent les découvrir. Pour moi, c’est très important et très agréable. On a commencé ça il y a une vingtaine d’années et de temps à autre j’en propose une nouvelle.

    Vous avez créé récemment, avec votre épouse Nathalie Troquette, les éditions Luzabelle. On y parle de l’édition en intégrale du Grand Fabulaire du Petit Peuple. Peut-on avoir plus de détails ? Y aura-t-il des inédits ? Une date de parution ?

    D’abord, on aimerait bien ne pas se confiner à mes propres œuvres uniquement et proposer d’autres artistes, faire découvrir d’autres talents. Mais bien entendu il faut rentabiliser quelque chose avant de grandir, on commence donc doucement.

    Cela dit la reproduction des affiches du Grand Bestiaire paru autrefois chez Dupuis n’a jamais été aussi bien réalisée. Donc dans le même temps, je me fais plaisir.

    Pour le Grand Fabulaire, c’est vraiment le projet, le grand projet. Rien n’est encore vraiment lancé. Il n’y aura pas d’inédits mais de nouveaux textes écrits par Pierre Dubois, les précédents ayant servis à son Encyclopédie des lutins dessinée par Roland Sabatier.

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?

    Le gnome. C’est une émanation de la Nature plus fruste et plus rugueuse que la fée. Le nain, le gnome qui sort de la terre, des racines…

    Vous êtes plus illustrateur que dessinateur BD ?

    Absolument ! Illustrateur d’abord, oui. D’ailleurs, mes BD se font en sélection directe, je serai bien malheureux de devoir travailler avec des bleus ou avec un coloriste. Ce serait vraiment la mort dans l’âme…

    Vos projets ?

    Je termine une bande dessinée avec Rodrigue, l’auteur des Tambouilles. Elle paraîtra au Lombard dans la collection Signé. Il s’agit un peu d’une extrapolation sur le Chat botté. Il y a 54 pages et j’en ai fait 40, ça devrait donc sortir cette année.

    Propos recueilis par le Peuple féerique en mars 2009

    En savoir plus sur René Hausman…

    Le site des éditions Luzabelle

    Le site René Hausman

    Le reportage de France 5 :

    Enregistrer

  • Mélusine, jolie sorcière aux philtres d’humour !

    En bande dessinée, la sorcière la plus connue est loin d’être la plus méchante. Créée en 1992 par Clarke et Gilson, Mélusine ravit ses lecteurs depuis 12 albums et 450 gags ! Après avoir publié dans les pages du magazine Spirou plusieurs récits avec Gilson, Clarke donne naissance à la mignonne petite sorcière rousse qui trouvera rapidement le chemin d’une série rien qu’à elle. D’un naturel jovial, cette jeune fille au pair chez un vampire se liera d’amitié avec une foule de personnages étranges qui viendront enrichir ses albums. Khimaira a posé quelques questions au papa dessinateur de cette jouvencelle ensorcelante…

    D’où est parti le projet Mélusine ?
    Clarke : Je suis arrivé chez Dupuis avec un projet de série sur un moulin hanté contenant tout ce que le cinéma fantastique et d’horreur compte de personnages emblématiques. Un chasseur de fantôme tournait en permanence autour de ce moulin et essayait d’exorciser les occupants. Le rédacteur en chef de l’époque n’a pas été très convaincu et a proposé à Gilson (présent ce jour-là à la rédaction) de travailler avec moi sur ce sujet. En deux heures, on avait posé toutes les bases de la série Mélusine…

    Mélusine a un nom emprunt aux légendes… Pourtant on ne peut pas dire que votre personnage soit proche de la femme mi-serpent… Pourquoi avoir choisi ce nom dans ce cas?
    C : C’est assez idiot. Dans la première page, où elle se présente, j’avais laissé la bulle vide. On cherchait un nom qui fasse moyenâgeux sans être trop éloigné de nous. Puis Gilson est venu avec « Mélusine » qui est le nom de la fille d’une copine commune. J’ai vérifié si le nom n’était pas trop long pour rentrer dans l’espace que j’avais laissé dans la bulle et voilà !

    Et son aspect physique ? Comment l’avez-vous conçu ?
    C : Ça a demandé beaucoup d’essais. Au départ, elle devait avoir les cheveux blancs, je crois. C’est une copine (une autre) qui m’a suggéré de la faire rousse. Le vert est venu naturellement à partir de là.

    Dans votre bio, on apprend que vous adoriez dessiner des monstres lors de votre rencontre avec Gilson. D’où vous vient ce goût prononcé pour les monstres ?
    C : J’adore les films d’horreur des années 50. Le côté système D et naïf de ces trucs me fait glousser de plaisir. Et puis ce qui est agréable avec les monstres, c’est qu’on peut partir de n’importe quoi. On peut dessiner ce qu’on veut tant que ça reste effrayant…

    Le monde de Mélusine, s’il est fait de monstres et de sortilèges, reste très gentil. Par ce choix visiez-vous particulièrement un jeune public féru de monstres en tous genres?

    C : Non, le sujet principal, ça reste tout de même une jeune fille « moderne » dans un environnement inquiétant ou, en tout cas, particulier. Au début, nous avions même l’intention de la faire sortir de temps en temps dans le monde moderne (boîtes, shopping, …) mais on a préféré s’en tenir à cette Transylvanie imaginaire. Ceci dit, il faut quand même aimer les monstres pour lire la série, même si ceux-ci ne sont souvent pas très effrayants…

    Comme Harry Potter, Mélusine va à l’école, ici l’école des Maléfices… La sorcellerie s’apprend-elle sur les bancs d’une école ?
    C : Harry Potter, ça nous a fait un drôle d’effet… La série existait déjà depuis un certain temps quand on a vu débouler ces romans où le sujet abordé était tout de même fort proche ! Mais Harry Potter est beaucoup plus ancré dans le monde moderne tandis que Mélusine fonctionne surtout sur des codes de films d’horreur dans les Carpates. Sinon, dans la mesure où il s’agissait d’une jeune sorcière, il nous a semblé tout naturel qu’elle soit toujours aux études.

    Est-ce que le fait d’avoir autant de personnages secondaires (Cancrelune, Winston, Mélisande et autres habitants du château…) sont là comme sources pour de nouveaux gags?
    C : Bien Sûr. Mais cela vient aussi du fait que, dans un univers pareil, les pistes à exploiter sont extraordinairement nombreuses. Et il faut aussi ne pas trop se cantonner sur un seul chemin au risque de voir la série s’appauvrir.

    Wilson fait référence à la créature de Frankenstein, le vampire qui emploie Mélusine rappelle Bela Lugosi, mais pour les autres personnages, ont-il également des références, peut-être des gens que vous avez connus, on pense au professeur de magie, un mauvais souvenir d’école ?
    C : Il y a souvent des ‘private jokes’ pour tous les personnages. Le professeur (dont le nom ‘Haaselblatt’ est celui des premiers appareils photos utilisés sur la lune par les astronautes) est une réminiscence d’un personnage que j’avais créé pour une série qui n’a jamais vu le jour. Boris Karloff, Bela Lugosi, et d’autres sont effectivement dans la série, sous divers déguisements. Le prêtre exorciste, lui, vient d’une caricature de Léopold II en missionnaire dans un quotidien du début du siècle… Comme quoi…

    Dans la série, on rencontre deux autres sorcières. Cancrelune est des plus maladroites alors que la tante de Mélusine correspond plus à l’idée, du moins physique, que l’on se fait d’une sorcière… Les trois « sorcières-types » ?
    C : La « sorcière-type » est évidemment la tante Adrazelle (nom que j’ai trouvé en adaptant Azraël, le chat de Gargamel dans les Schtroumpfs). Mélusine, en jeune fille moderne, avait besoin d’une camarade de classe. Par contraste, nous avons trouvé la maladroite Cancrelune (nom à tiroir : une cancre toujours dans la lune)…

    Comment voyez-vous l’avenir de Mélusine ?
    C : Comme une autoroute pavée de centaines de milliers d’albums.

    Croyez-vous aux sorcières ?
    C : Je crois aux sorcières « historiques », c’est-à-dire à ces sages-femmes qui ont été victimes de l’Eglise au Moyen-âge. Elles représentaient les dernières croyances populaires, le paganisme qu’il fallait à tout prix éliminer pour resserrer l’unité religieuse… Une époque formidable, à ce qu’on dit.

    Propos recueillis pour Khimaira en avril 2005.

  • Ces femmes qui ensorcèlent la bande dessinée…

    Diseuse de bonne aventure, fille du diable, rebouteuse, voyante ou petite enquiquineuse sans grand danger, les sorcières se réservent une place de choix dans la bande dessinée. Certaines usent de sortilèges ou de poisons mortels, d’autres créent des philtres d’amour et guérissent certains maux. D’autres encore, se contentent simplement d’essayer de faire voler des aspirateurs ! Vous l’aurez compris, la sorcière revêt bien des visages qu’exploite, dans différents registres, la bande dessinée. Petites apparitions de sorcières sur les planches de BD…


    Du côté de nos campagnes
    Les deux premiers noms à venir à l’esprit, lorsque nous parlons de sorcellerie, sont Servais et Comès. Très inspirés de leur région natale, ces deux auteurs nous font parcourir les imaginaires gaumais et ardennais, à la recherche de légendes et d’ambiances étranges. Figure emblématique des campagnes, la sorcière tient le rôle principal dans La Tchalette (Le Lombard, 1982) et L’Almanach (Casterman, 1988) de Servais. Dans La Belette (Casterman, 1983) de Comès, la sorcellerie est le vecteur principal de l’album. Enfin, magie, nature et êtres marginaux se côtoient dans le premier grand succès de Didier Comès: Silence (Casterman, 1980). C’est également dans nos vertes campagnes, où le diable et le bon Dieu semblent faire bon ménage, que Chabouté ravivera le souvenir des sorcières jadis brûlées sur le bûcher (Sorcières, Le Téméraire, 1998 – Réédité et augmenté de 50 pages chez Vents d’Ouest). Sur fond de croyances populaires, l’auteur nous confie quelques truculentes anecdotes qui lui auraient été rapportées par sa grand-mère.

    Moyen Age et Heroic Fantasy
    Le Moyen Age, avec son métissage de croyances et de divinités, est encore une période de l’Histoire particulièrement marquée par la sorcellerie. Dans le premier cycle de La Complainte des Landes Perdues (Dargaud, 1996- 1998), Dufaux et Rosinski consacrent les deux premiers tomes de la série au sorcier, tandis que les deux seconds laissent la place à la sorcière, Dame Gerfaud. Quant au second cycle, celui des Chevaliers du Pardon (Dufaux/Delaby, Dargaud, 2004), il devrait précéder un nouveau cycle dédié aux Sorcières.
    Nombreuses sont encore les séries d’heroic fantasy qui présentent, dans leur flopée de personnages, un être revêtant les caractéristiques du sorcier ou de la sorcière. Mortepierre (Soleil, 1995-2002) par exemple, de Tarvel et Aouamri, nous content les aventures de Florie la rousse considérée comme une sorcière par les villageois. Ils reviennent d’ailleurs sur la jeunesse de l’héroïne dans Les contes de Mortepierre (Soleil, 2005) où la flamboyante chevelure de Florie la caractérisait déjà comme étant fille de satan.

    Paranormal et modernité
    Pour les amateurs de paranormal et de récits plus contemporains, L’Ennemi (Robberecht / Pagl iar o / Panc ini , Casterman, 2003-2004) et Asphodèle (Corbeyran/Defali, Delcourt, 2003-2004) nous proposent l’image de sorcières « modernes ». Sacrifices rituels et mythologie satanique se côtoient pour donner lieu à des enquêtes occultes. Ici, place aux sorcières d’aujourd’hui !

    Quand l’humour s’en mêle…
    Loin de se cantonner à la figure de la sorcière noire et cruelle, la BD s’amuse aussi avec le sujet ! Ainsi, Mélusine (Dupuis, depuis 2002) de Gilson et Clarke nous présente une apprentie sorcière sympathique évoluant au milieu de toutes sortes de créatures fantastiques plus drôles les une que les autres. Lorette et Harpye (Vents d’Ouest, 1994-1997) de Crisse et Goupil, qui ne sont autres que les sorcières de L’Epée de Cristal, nous font vivre des gags délirants. Entre potions et transformations, les moqueries fusent et les disputes aussi ! Quant aux sorcières de Dizier et Weykmans (Lizina la sorcière, Vents d’Ouest, 2002), elles n’ont pas de bubuk (nombril). Elles perdent une dent tous les 97 grands sabliers (ans) et sont des fifilles avant de perdre la première…
    Alors, belle magicienne aux formes généreuses, victime de la vindicte populaire ou jeune apprentie maladroite, à chacun sa sorcière bien aimée !

    Article paru en avril 2005 dans le N°2 de Khimaira.

  • Sorcières

    Présentes dans les légendes germaniques, associées au culte de Diane, les sorcières sont autant de femmes se transformant la nuit en oiseaux de proie, pénétrant dans les maisons pour y dévorer les enfants. Mais les sorcières ne sont pas nées uniquement de par ce passé légendaire. Elles ont véritablement pris naissance dans le climat très particulier du XVe siècle. En voulant théoriser la chasse aux hérétiques, quelques textes mirent en place une véritable démonologie qui allait renforcer l’imagination populaire. C’est cette officialisation de l’existence des sorcières qui va aboutir à la furie des bûchers et autres pendaisons qui auront cours entre le XVe et le XVIIe siècles. Mélangeons cette fièvre inquisitoire, les croyances populaires et ajoutons à cela quelques épidémies, famines, maladies inexpliquées… et nous arrivons à cerner comment sont nées les sorcières. Victimes idéales pour figurer tous les malheurs du monde.
    Le Malleus Maleficarum …
    Le Pape Innocent VIII donna, le 5 décembre 1484, un pouvoir très étendu aux deux inquisiteurs Jacques Sprenger et Henry Institoris. C’était la première fois que l’Eglise légiférait sur la sorcellerie. La bulle désignait les sorciers et sorcières non seulement comme hérétiques, puisqu’ils avaient renié la foi catholique, mais comme des agitateurs du Malin, des représentants du Mal. C’est dans la suite de cette bulle que les deux inquisiteurs rédigèrent le fameux Malleus Maleficarum (Le Marteau des Sorcières). Ce texte était destiné aux inquisiteurs et donnait, en quelque sorte, le mode d’emploi de la lutte contre les sorcières. Il différait de tous les autres écrits précédents, en ce sens qu’il n’avait pour sujet que le délit de sorcellerie.

    La chasse aux sorcières…
    Depuis 1252, la pratique de la torture pour faire avouer les hérétiques était de mise. Bien que la première forme de l’Inquisition disparut au XVe siècle, sa pratique survécut tout au long des siècles suivants, passant de la main cléricale à celle laïque et d’Etat. A la fin du XVe siècle, les vengeances et rancoeurs personnelles vont, chez les nobles comme chez les paysans, donner lieu à l’exécution d’innocents. Et lorsque quelqu’un se voyait accusé de sorcellerie, une fois la procédure entamée, il ne s’en sortait que pendu ou brûlé. Pour dénicher la sorcière, le bourreau essayait de trouver sa marque maléfique. Une marque réputée indolore. Dès lors, la pratique consistait à enfoncer des aiguilles dans le corps jusqu’à déceler l’endroit insensible…

    La fin des sorcières
    Jean-Baptiste Colbert fut l’un des premiers à souligner la nécessité de réformer le code pénal français. Dans la lignée de cette réforme, qui aboutit à la grande ordonnance de procédure criminelle (1670), on peut voir l’absence de remarques concernant le crime de sorcellerie. Nulle part, le nouveau texte n’en fait mention. Au début des années 1670, les chasses aux sorcières ne reçoivent plus d’appui judiciaire de l’appareil d’Etat. Restent les justices locales qui continuent, ci et là, de manifester un intérêt envers le crime de sorcellerie. Enfin, en 1682, un édit sur les magiciens, les devins et les empoisonneurs vient mettre un peu d’ordre dans les pratiques. L’édit stipulait que des preuves matérielles devaient être apportées de la culpabilité des accusés. Fini le temps où deux accusations suffisaient à faire pendre la malheureuse victime. Avec raison, la sorcellerie tomba peu à peu dans le domaine de la superstition.

    Au XVIIIe siècle, c’est le mouvement artistique romantique qui fit reparler de sorcières mais, ici, plus de bûchers mais des tableaux, des contes, des romans, des musiques… Une vision différente aussi de la Sorcière. De vieille et laide, elle apparaît parfois jeune et belle. Enveloppée dans l’attirance envers le Mystère et la Nature, le mouvement romantique – et plus tard les mouvements gothique et fantastique – vont reprendre le thème de la Sorcière pour en faire le symbole du mystère, de l’inconnu, du secret et de la femme… Retenons les noms de Michelet, Goya, Nerval, Berlioz …

    De la marque au sabbat
    Les traditions populaires veulent qu’une sorcière soit initiée par le diable lui-même. Profitant de la faiblesse momentanée d’un pauvre être, Satan proposait un pacte alléchant: des pouvoirs terribles contre un serment d’allégeance. La “victime” ne pouvait résister à l’offre du sombre seigneur, que celui-ci flatte la vanité, profite du désespoir ou use de mille ruses, le pacte était scellé. Le diable promettait à une jeune femme nourriture et aisance si elle voulait bien se “marier” avec lui. Celle-ci, le plus souvent dans le besoin, acceptait de passer un pacte. S’ensuivait alors une messe “à l’envers” (puisque l’on se représentait le Mal comme l’envers du Bien) et bien entendu l’étreinte avec le diable.
    Contrairement à ce que pense la majorité des gens aujourd’hui, cette étreinte était ressentie comme douloureuse par les sorcières. Une sorcière après l’initiation était marquée. Cette marque était réputée un endroit insensible à la douleur, quelque part sur le corps, bien souvent à l’épaule, ou encore se signalait par un changement de la couleur des yeux.

    Le Sabbat se déroulait généralement la nuit. Convoqués par le diable, les sorciers et sorcières s’y rendaient à pied, en volant dans les airs grâce à un onguent dont ils s’étaient enduits le corps ou encore sur leur très célèbre balai magique… Les nuits du sabbat se déroulaient le plus souvent le vendredi ou à des dates fixes: solstices, équinoxes, 2 février, 30 avril, 2 août et 31 octobre. Elles avaient lieu en des endroits variables; par exemple, dans des clairières, au sommet des collines ou encore dans des prairies isolées le long d’une rivière. Ces endroits, le lendemain du sabbat, étaient facilement reconnaissables : l’herbe y était piétinée et, quelle que soit la saison, elle ne repoussait plus.

    La Sorcière dans le folklore…

    Partout en Europe, on peut entendre de nos jours le ricanement des sorcières. Que ce soit pendant les fêtes d’Halloween, en Angleterre, ou lors de la nuit de Walpurgis, en Allemagne, autour du Brocken, les sorcières sont fortement ancrées dans les imaginaires. Aux États-Unis, la ville de Salem est connue pour avoir été le siège du procès et de l’exécution de trois femmes en 1692. La police locale porte même un écusson représentant une sorcière ! Toujours aux Etats-Unis, les sorcières tenant boutiques et commerces, possèdent même leur propre journal : The Green Egg !
    La Belgique fut témoin de nombreux bûchers. Aujourd’hui, le Folklore s’est emparé de ce sombre souvenir pour le transformer en une fête joyeuse. Ainsi des régions comme le Pays des Collines, la Basse-Meuse, le Plateau des Hautes- Fagnes… voient chaque année leurs campagnes envahies par d’étranges cortèges. Citons celui de Vielsam et de ses célèbres Macrâles ou encore le sabbat sur le Mareû aux Chorchîles (Marais des Sorcières) d’Ellezelles.
    La France est également connue pour ses histoires de sorcellerie. Le Pays basque, la Creuse et le Cher sont des régions de prédilection pour les rassemblements sabbatiques. La France possède même un très beau musée axé sur le thème de la Sorcellerie.
    Situé près d’Orléans, à La Jonchère Concressault, le musée propose à ses visiteurs de découvrir l’univers de la sorcellerie dans un bâtiment de 1200 m2 datant de 1836.
    Séverine Stiévenart et Christophe Van De Ponseele

    Article paru dans Khimaira Magazine N°2, avril 2005.

    Femme et sorcière
    La femme fut longtemps considérée comme marquée par le péché originel, c’est d’elle que provient toute l’origine du Mal. Sa physiologie, très mal connue, laissait libre cours à la plus folle des imaginations. Le contexte social était également en défaveur de la femme, son statut était dévalorisé. Ajoutons que les guerres enlevaient leurs maris, si ce n’était pas la mort naturelle. Or être veuf, dans la société médiévale, n’était pas une sinécure. Bien souvent, les veuves s’éloignaient de la vie communautaire et leur éloignement devenait prétexte aux rumeurs et aux légendes. Vient enfin la tradition du secret de certaines plantes médicinales que se transmettaient les générations de femmes. Secrets qui se transformèrent en magie noire lors des chasses aux sorcières.

Suivez les fées !

Abonnez-vous pour ne rien manquer...