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  • Interview de Jean-Baptiste Monge, l’illustrateur de Faerie !

    Depuis quelques années, les éditions Au Bord des continents se sont démarquées en offrant au Petit Peuple de beaux livres. Elles ont alors dévoilé de superbes talents, de ces hommes qui semblent en contact direct avec l’Autre Côté, tant leurs dessins sont justes et nous parlent. Jean-Baptiste Monge est de ceux-là. Des illustrations splendides, un amour certain pour la Nature et ce petit peuple qui la protège. Rencontre avec un artiste d’exception.

    Quand avez-vous ouvert pour la première fois les portes de Faerie ?
    « C’était il y a longtemps, bien plus qu’il n’y parait » ou encore sur un délicieux « Once upon a time », voilà, ça a sans doute commencé comme cela, mais pour être honnête et bien il faut dire que je ne m’en souviens pas vraiment. J’ai toujours vécu avec le merveilleux, comme une ritournelle quotidienne qui vous trotte dans un coin de la tête. Et puis un jour, Pops, il a fallut que ça sorte et j’ai commencé, non sans mal, à coucher mes rêves sur le papier.

    Quelles sont les trois personnes, toutes professions féeriques confondues, qui vous ont le plus marqué et pourquoi ?
    Bien sûr, je dirais Alan Lee et Brian Froud, avec leur merveilleux livre « Les Fées », ils ont été une vraie révélation ; révélation qui s’est vite transformée en lubie du style « il faut un jour que j’arrive à en faire autant » quand j’ai découvert à la même époque le fabuleux « Les Gnomes » de Rien Poorvliet et l’incroyable univers d’Arthur Rackham. Et puis, Je ne peux pas laisser de côté le Monstrueux, l’énorme travail de Norman Rockwell, car même sans « Féerie » ce sont avant tout ses images qui m’ont ouvert la voie.
    Pourtant, de toutes ces personnes, comme tant d’autres que je ne peux citer là, faute de place, seuls leurs livres ont joué un rôle important dans ma vie. Je les considérerais donc comme une seule et même personne, ainsi il me reste donc deux noms à citer, n’est-ce pas ?

    Et ces deux noms sont plus importants à mes yeux que toute la liste réunie. Bien sûr, il s’agit d’Erlé Ferronnière et de Pascal Moguérou, car c’est ensemble que nous avons évolué et affiné nos styles respectifs et partagé ce que je considère comme une merveilleuse aventure, même si elle n’a pas toujours été rose, une aventure qui n’était encore qu’un rêve il y a 15 ans, devenir Illustrateur. Bah, on s’en est pas trop mal sorti, non ? Et puis, c’est que le début après tout …

    Comment vous vient votre inspiration pour la mise en scène de vos personnages féeriques ?
    Dur à dire, un mot, une image, un animal, un objet, une simple ambiance ou impression peut déclencher le processus. Je vois alors la scène un peu comme si j’étais au cinéma mais par petits flashs et pas aussi nette que je le voudrais. A ce moment-là, je force mon esprit pour essayer de tourner autour comme si j’avais plusieurs caméras postées à différents endroits tout en fermant les yeux de temps en temps pour essayer de préciser un peu l’image. C’est un peu comme un rêve éveillé que l’on arriverait, dans une certaine mesure, à diriger, mais cela reste malheureusement très aléatoire.
    Enfin, je me pose à ma table à dessin et là, je griffonne des petits roughs à la mine de plomb, sans m’attacher aux détails, c’est en général pas terrible, mais ça me donne la direction. Après cela, il ne me reste plus qu’à affiner et c’est souvent une bonne grosse bagarre qui démarre pour obtenir au mieux l’image que j’ai eu un « putain de trop court » instant dans la tête.

    Vous pourriez vous contenter de dessiner le Petit Peuple mais on ressent ce besoin de le dire, de l’écrire, de le raconter?
    En réalité, je suis un horrible caqueteur. J’ai toujours besoin de jacasser, de chanter des niaiseries sans queue ni tête, surtout quand je suis seul à ma table. Je peux faire la conversation à un crayon, à ma table, au personnage que je suis en train de dessiner. Je me raconte des histoires, je fais des rimes idiotes, ça n’a rien de dramatique faut pas croire, enfin j’espère, c’est juste parfois très ennuyeux pour les autres quand je ne suis pas seul.
    Mais si je vous dis tout ça c’est parce que je crois que ça vient vraiment de là ! J’ai simplement toujours voulu raconter des histoires ; pas de celles qui parlent du quotidien, que je trouve d’un ennui mortel, non de celles qui nous font voyager et qui font briller les yeux à la fin.

    Vous aimez beaucoup les citations à voir celles qui parsèment vos ouvrages?
    Oui, c’est vrai. Il y a beaucoup de belles choses qui ont été écrites sur la Féerie et je trouve plutôt naturel de leur rendre ainsi hommage. Et puis bon nombre de ces citations sont tirées d’ouvrages merveilleux malheureusement trop peu connus du public.

    Dans votre bibliothèque féerique, quels titres vous semblent incontournables pour les amis du Petit Peuple ?
    Pour ses textes colorés et fleuris et son impressionnant travail de classification, je dirais la série des « Grandes Encyclopédies » de mon ami Pierre Dubois.
    Pour les Illustrations mon cœur balance entre « Les Fées » d’Alan Lee et Brian Froud et « Les Gnomes » de Rien Poorvliet. Ces deux ouvrages sont de vraies merveilles.
    Pour ceux qui lisent bien l’anglais et qui veulent vraiment approfondir le sujet des « Fairies » je leur conseillerais « An Encyclopedia of Fairies » de Katharine Briggs (il en existe une version illustrée, mais de celle-ci sans en dire du mal, je n’en dirai pas de bien …).
    Pour tous ceux qui aiment les petites fées dodues et mignonnes mais un tantinet boudeuses, il leur faut à coup sur « L’Heure des Fées » de Pascal Moguérou. Naturellement, je ne parle pas du grand livre des Korrigans puisque tout le monde devrait en avoir au moins un exemplaire chez lui.
    Enfin, pour les voyageurs immobiles et les passeurs de rêves je leur préconiserais de se perdre sur « La piste des Dragons Oubliés », dans l’univers chimérique d’Elian Black’mor et celui merveilleusement farfelu de Carine M.
    Quant aux gourmands, que ce soit pour le plaisir des yeux ou de celui du ventre, il leur faut bien sûr le « Petit Précis de Cuisine Elfique » de Yannick et Laurence Germain.
    N’allez pas croire pour autant que je fais là du prosélytisme.

    Ah oui ! J’allais aussi oublier, ce qui aurait été impardonnable, « Arthur Rackham (l’enchanteur bien aimé) » de James Hamilton. C’est un des trop rares livres traduits en français sur la vie de cet incroyable « Féeriste » qu’était A.Rackham et en plus, il est assez richement illustré. (NDLR : un livre devenu malheureusement plutôt rare aujourd’hui vu la disparition de l’éditeur Corentin…)

    Vous dessinez souvent des enfants aux côtés des êtres délicieusement rabougris ou difformes…
    Le Monde des Fées est une part indissociable de l’univers de l’enfance, les couleurs y sont plus intenses, les saveurs plus sucrées, plus douces, les manifestations de joie plus exubérantes alors bien sûr les frayeurs, les peurs y sont plus troublantes plus dérangeantes qu’ailleurs. Un Lapin, un clown, un placard, une fleur peut émerveiller ou effrayer un enfant. Pour un Adulte c’est un peu plus dur… Ou alors on fait dans le gore mais il faut encore aimer ça, ou alors on se sert de ce qui a le plus de chance de le toucher et à coup sûr avec… les plus jolis rêves ont fait les meilleurs cauchemars…

    Les animaux sont souvent présents eux aussi. Un point commun avec René Hausman qui adore dessiner les animaux ?
    Oui, j’adore René et son travail animalier est un des plus beaux et personnels qui soit.
    Ses animaux m’ont toujours fait rêver et sa technique et son trait enlevé me font vraiment baver. Et puis simplement, tout comme lui, j’adore les animaux.
    Dessinateur Naturaliste voilà un beau métier que j’aurais bien aimé exercer.

    Quel souvenir conservez-vous de votre collaboration avec Erlé Ferronnière sur vos trois premiers livres ?
    Et bien des bons et des moins bons, bien sûr ! Mais il faut dire que l’on habitait ensemble à l’époque et que vivre et travailler sous le même toit et bien ce n’est pas une mince affaire. Nous n’avions pas le même rythme de travail. J’étais capable de produire beaucoup et de bosser dans l’urgence, alors qu’Erlé avait besoin d’un certain calme. Le boulot ne s’est donc pas bien réparti et cela a fini par créer des tensions entre nous. Cela dit, je ne regrette pas cette période, c’était une belle expérience, riche d’idées et d’échanges, de projets plus ou moins farfelus, de rêvasseries mais aussi de vie à la dure. Enfin, à la dure durant les deux ans passés dans les monts d’Arrée. Nous vivions dans une maison de tisserand où en hiver la température intérieure n’excédait pas les 6 degrés et où pendant l’été les murs dégueulaient d’humidité. Cette bicoque était un véritable nid à courant d’air, mais elle ressemblait tellement à l’Admiral Benbow, dans « l’île au trésor », qu’avec Erlé, on ne se serait pas installés ailleurs.
    Franchement, nous n’avons pas été très productifs ces deux années-là, c’est vrai ! On a fait le siège de la maison de Pascal Moguérou qui, très gentiment avec Nathalie sa femme, nous accueillaient au moins deux fois par semaine à leur table le soir. On a refait le monde des milliers de fois, ri aux larmes des dizaines d’autres et puis naturellement devant un maigre feu dans une cheminée bien trop grande, bu pas mal de rhum pour, à défaut de réchauffer l’extérieur, se réchauffer de l’intérieur.

    Vous dites que l’écriture de vos propres textes a permis d’affiner vos dessins. Qu’entendiez-vous par là ?
    C’est très simple, écrire me permet de mieux visualiser ce que j’ai dans la tête.

    Vous avez sorti deux livres de croquis. Un moyen de livrer un peu de votre secret de fabrication, de votre inspiration? Une porte ouverte sur le monde de Jean-Baptiste Monge ?
    Un peu tout ça en même temps. La réalisation d’un carnet de croquis est un vrai bonheur, car la mise en œuvre est relativement simple. C’est réellement relaxant pour moi de ne pas avoir à penser en couleur, c’est aussi plus vif et plus instinctif quand je dois faire les raccords entre les thèmes des pages et puis ça me permet d’aborder des sujets que je ne peux pour l’instant pas développer complètement…

    On apprend dans le second tome de vos croquis que vous aviez tenté l’aventure du livre jeunesse avec l’histoire de Minus. Le public des enfants est-il un public que vous aimeriez plus toucher qu’aujourd’hui ?
    Non, pas plus qu’hier et donc pas plus que ça ! Je ne fais pas la différence entre enfants et grands enfants, ce qui n’est pas viable dans l’édition jeunesse vis-à-vis des éditeurs. Et puis, de toute façon, je trouve que l’édition jeunesse a une légère tendance à bêtifier et quand elle veut faire un succès à se snobinardiser, héhé ! Alors Minus aurait encore fait figure d’ovni, comme « Baltimore et Redingote » à l’époque qui, malgré ses bons chiffres de ventes, est passé plutôt inaperçu…

     

    On y découvre aussi votre côté fantasy concrétisé par ailleurs par la participation à L’Univers des Dragons chez Daniel Maghen. Un univers qui vous touche beaucoup ? Vous êtes lecteur de fantasy ?
    J’adore la Fantasy et j’en suis un gros consommateur. En livres, en films, en animations, en jeux et heureusement en un sens que mes moyens ne sont pas extensibles et que la maison est petite car ci ça ne tenait qu’à moi il y en aurait partout…

    Votre créature préférée ?
    Je n’ai pas vraiment de préférence particulière, mais certaines créatures m’inspirent effectivement plus que d’autres. Disons qu’un affreux Troll, qu’un vilain Goblin, ou qu’un monstrueux Dragon sont simplement plus proches de mes aspirations Encore qu’un bon vieux robot façon années 50 n’est pas non plus pour me déplaire…

    Vos projets en cours?
    Et bien pas mal de choses à vrai dire, mais pour l’instant motus et bouche cousue…

    Le Peuple féerique, novembre 2008

    Retrouvez tous les livres de Jean-Baptiste Monge et son actualité sur son SITE WEB !

  • The World Guide to Gnomes, Fairies, Elves and Other Little People – Thomas Keightley

    Voici un livre extraordinaire. D’abord car il a été publié en 1880 (selon l’indication dans le livre mais vu que l’auteur est mort en 1872, la date de 1870 citée par d’autres sources nous paraît plus probable) sous le titre The Fairy Mythology (la couverture ici présentée est celle de l’édition 1978 parue chez Avenel Books). Ensuite car sa lecture vous procure une double sensation. Premièrement, vous serez étonné par la modernité des propos, on dirait une étude écrite de nos jours, vraiment étonnant! Deuxièmement, ce livre rejoint les théories de l’universalité des mythes. L’auteur, Thomas Keightley, parcourt de très nombreuses légendes et contes afin de présenter les diverses fées. A partir de la Perse, du monde arabe en remontant vers nos contrées et allant jusque dans les territoires nordiques avec des détours par les pays slaves ou l’afrique, il réussit à dégager de belles similitudes pour différentes créatures féeriques, rendant ce livre extrêmement intéressant. Encore un livre en anglais qui mériterait une jolie traduction en français (ici aussi si vous entendez parler de cette traduction, signalez-le dans un commentaire !). Encore un livre qui démontre combien nos amis anglophones sont en avance sur nous en ce qui concerne l’étude du Petit Peuple.

    Thomas Keightley (1789 – 1872) fut un spécialiste des mythologies auxquelles il a consacré nombre d’études et de livres. Sa passion pour les êtres féeriques s’est principalement traduite par la publication de ce livre-ci mais également par un autre livre qui évoque cette transmission des contes populaires d’un pays à l’autre: Tales and Popular Fictions: Their Resemblance and Transmission from Country to Country.

    Notons également que la démarche de l’auteur tient compte de deux pistes féeriques. La première concerne les fées proches des hommes de par leur ressemblance physique. Même stature, même apparences mais dotée de pouvoirs magiques. La seconde, qui couvre la majorité des pages, concerne le Petit Peuple dans son acceptation commune.

    Certes, ce « guide mondial » connaît les limites du nombre de ses pages, (environ 560) et ne couvre pas l’entièreté des créatures ni des légendes, ni des pays (cela nécessiterait plusieurs tomes encyclopédiques !) mais touche la matière principal et permet une approche transversale du monde féerique. Un ouvrage fondamental.

    A noter que le contenu est disponible gratuitement en ligne à l’adresse suivante.

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  • Les Gnomes – Rien Poortvliet et Wil Huygen – Albin Michel

    C’est un livre écrit dont la première édition remonte à 1976. A l’époque, les auteurs évoquant le Petit Peuple se faisaient encore timides et le ton était plutôt décalé, humoristique que se voulant aussi sérieux que certains ouvrages récents. Il faut dire que cela correspond assez bien à l’humeur des créatures de Féerie. Certes, il ne faut point trop s’en moquer non plus, au risque de se retrouver dans de très mauvaises postures…

    Bref, Les Gnomes, illustré par Rien Poortvliet et écrit par Wil Huygen est un livre consacré à ces drôles de petits bonshommes aux chapeaux rouges et pointus, si célèbres dans les contrées du Nord de l’Europe et jusqu’en Sibérie. Les auteurs nous font le descriptif de leurs moeurs, us et coutumes, de leurs habitations, leurs vêtements, outils, etc. Véritable encyclopédie de la question des gnomes. Vision très hollandaise, cela s’entend. Normal pour un pays où les Kabouters sont aussi célébres et nombreux que les Korrigans en Bretagne.

    Très intéressant, les petits contes rassemblés en fin d’ouvrages dont celui qui raconte l’idée originale de cette petite fille, amie de la Nature, et qui, se plaignant de l’absence de gnomes en sa maison, se mit à en réaliser un d’argile, le peindre pour le poser dans son jardin, juste devant une petite brouette de bois. Eh oui, voilà l’origine légendaire de nos bons « nains de jardin » censés amené la bonne grâce sur notre maison et nos récoltes. Pour l’histoire, la petite fille fut récompensée puisque les gnomes, intrigués, vienrent bientôt voir de plus près cette petite statue sympathique.

    Autre information qui a capté notre attention, c’est le nom donné aux gnomes dans différents pays: Kabouter (Pays-Bas), Imp, Goblin (Irlande), Gnome, Kabouter (Belgique), Gnome (France), Heinzelmännchen (Allemagne), Tomte ou Nisse (Norvège), Tomtebisse ou Nisse (Suède), Nisse (Danemark), Gnomo (Italie), Gnom (Pologne), Tonttu (Finlande), Domovoi Djédoesjka (Russie), Kippec (Serbie), Djudjè (Bulgarie), Mano (Hongrie), etc.

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  • Brian Froud – illustrateur du Petit Peuple

    Brian Froud
    L’homme qui dessinait les fées…

    Illustration de Brian Froud
    Illustration de Brian Froud

    Parmi tous les illustrateurs féeriques, un homme s’est largement distingué. Chacune de ses représentations nous fait traverser le Miroir. Brian le Magicien puise son énergie et son inspiration dans la Nature. Un amour partagé par son épouse, Wendy. L’exceptionnelle exposition en la galerie Daniel Maghen à Paris en mai dernier était l’occasion rêvée de quelques questions aux deux artisans de Féerie.

    Nous fêtons cette année les 30 ans de votre livre Faeries (Les Fées, Albin Michel) co-réalisé avec Alan Lee. Etes-vous conscient que ce livre est considéré comme une bible par les amateurs du Petit Peuple dans le monde ?
    Je suis très fier que le livre Faeries continue à fleurir et à faire partie de la vie émotionnelle des gens.

    Comment vous est venue l’idée d’écrire un tel ouvrage ?

    Le livre “Gnomes” fut un gros succès, les éditeurs voulaient une suite. C’est pourquoi ils ont demandé à Alan Lee et moi-même si nous pouvions illustrer un livre sur les fées. Nous étions tous deux intéressés par la mythologie nordique et nos bibliothèques contenaient beaucoup de livres sur les fées en particulier, donc nous avons répondu par l’affirmative. Les éditeurs furent choqués lorsqu’ils virent les textes et les images. Nous avions été fidèles autant que possible aux descriptions folkloriques des fées. Ce n’étaient pas les créatures amusantes, mignonnes auxquelles ils s’attendaient. Nous les avions tirées de leur crèche pour leur rendre tous leurs pouvoirs. Nous montrions que les fées étaient dangereuses et malicieuses et qu’ils ont toujours été une part des gens dans leur vie de tous les jours. Alan et moi-même n’avons rien ajouté – c’est un livre de vérité. C’est peut-être pourquoi les gens ont accroché. C’était comme s’ils revenaient chez eux. Nous avons démontré que le monde a une spiritualité cachée et que cela ressemble aux fées.

    Vous ouvrez le livre en affirmant que nul ne peut choisir d’entrer en faerie. Ce n’est pas réduire tout espoir pour vos lecteurs ?
    Si vous regardez le monde et votre environnement avec votre coeur, vous serez invités.

    Brian Froud prend une pose magique !

    Toujours dans Faeries, vous parlez du caractère universel des fées. Comment expliquez-vous le fait de telles croyances partout dans le monde et en même temps, ce sont surtout les créatures du Petit Peuple celte qui sont les plus connues ?
    Il y a eu floraison d’images dues aux peintres victoriens et par la suite aux illustrateurs de livres au tournant du siècle. Cela a popularisé et fixé les idées des fées celtes et européennes. La féerie existe dans toutes les cultures mais peut-être qu’ailleurs, dans d’autres traditions, cela perdure plus dans un mode de transmission orale – dans des histories contées et donc moins visuellement représentatives.

    Les êtres féeriques ont souvent une image douce et gentille, mais vous insistez sur le fait qu’il n’y a pas de méchante ou gentille fée car cette notion n’existe pas chez eux. Et pourtant vous avez sorti un livre intitulé Good Faeries/Bad Faeries
    Je désirais publier une suite à Faeries mais ne trouvais pas d’éditeur. J’avais entendu dire que personne n’achetait un grand livre illustré et qui plus est à propos des fées. Donc, j’ai continué à peindre avec cette frustration constante de cette idée qu’on se faisait sur les fées. J’ai eu la chance de tomber sur les carnets de Lady Cottington et ses fées pressées. Ce livre a eu du succès et a relancé l’intérêt pour un livre à propos des fées. Il y avait cette idée préconçue selon laquelle les fées, c’est pour les enfants. Ce n’est que lorsque, en désespoir de cause, j’ai parlé d’un livre sur les méchantes fées que j’ai reçu un avis positif d’un éditeur. J’avais également remarqué le comportement des gens en dédicace : ils tenaient mon livre comme un bien précieux, l’embrassait même avant de me le tendre. D’où l’idée que ce nouveau livre soit d’abord un objet que l’on puisse toucher, manipuler, aussi tactile que possible – ainsi de fil en aiguille l’idée d’un livre réversible, qui pouvait se lire à l’endroit et à l’envers comme une métaphore de la dualité des fées fit son apparition… Et au milieu du livre, des visages et des formes qui peuvent se voir de façons très différentes. Ceci reflète le caractère ambigu de la nature des fées. Dans le livre, je dis que les fées sont mouvantes, changeantes, ont plusieurs fonctions et plusieurs significations.

    Vous avez également marqué le cinéma de vos créatures. Quel est le plus beau souvenir que vous conservez de votre collaboration aux films de Jim Henson, The Dark Crystal et Labyrinth ?
    Ce fut un privilège de collaborer avec Jim Henson. Son approche ouverte et enthousiaste de la créativité fut très inspirante. L’amour des monstres de Jim m’a donné toute liberté et joie pour créer des créatures aussi étranges que merveilleuses. Mais mon plus beau souvenir fut la rencontre de ma future épouse, Wendy.

    Vos personnages sont très marqués. Ils ont énormément influencé les illustrateurs féeriques contemporains. Mais vous, qu’est-ce qui vous inspire?
    Je suis inspiré par la Nature. J’essaye de découvrir quelles choses ressemblent à son intérieur. Je recherche les formes spirituelles de la Nature. Mes meilleures créatures semblent familières, comme si on les avait déjà vues quelque part auparavant. Je combine souvent plusieurs éléments – une créature peut avoir quelque chose d’un poisson, d’un oiseau, d’un pied de table mais la synthèse de tout cela est froudien.
    Mon autre approche est moins rationnelle. Léonard de Vinci parlait de l’inspiration qui se trouve dans les tâches et fissures sur les murs – des univers entiers y sont à découvrir. Donc, j’ai souvent gribouillé des lignes sur un carnet de croquis et vu apparaître des formes féeriques. Ici, j’explore l’imagination dans ce qu’elle a de subconscient. Mes carnets sont remplis de formes en partie réalisées, sur la frontière de la compréhension – attendant le temps où elles seront pleinement réalisées en peinture.

    The Dark Crystal
    The Dark Crystal

    Ce lien entre Nature et Petit Peuple semble très fort. Par exemple, les champignons sont très liés à la féerie…
    Les champignons ont une connexion énorme avec la féerie. Comme les fées, ils sont ambigus et mystérieux. Ils ont des formes étranges, la plupart se cachent sous la surface du sol où ils transforment la matière organique. Ils apparaissent souvent d’un coup, comme par magie. Dans le folklore, là où dansaient les fées, ont voyaient apparaître des cercles de champignons se formant pendant la nuit…

    De votre autre ouvrage, Goblins !, on a tiré des peluches pour les enfants. Une envie de toucher le très jeune public ?
    Non, pas particulièrement. Ces jouets sont pour tous et spécialement pour les adultes ! J’aime voir grandir les mondes que je crée. Un dessin plat demande toujours à se voir transformer – peut-être va-t-il inspirer une sculpture de Wendy ou peut-être se verra-t-il animé dans un film ou deviendra-t-il une poupée ou s’ajoutera-t-il à un clip musical ou bien encore se transformera-t-il en un personnage qui vous accompagnera chaque jour – comme une peluche justement.

    Trouvez-vous qu’on accorde suffisamment d’importance à l’Imaginaire à l’école, dans la vie ?
    L’imagination est souvent oubliée car elle est pensée comme quelque chose d’inventé de non réel. Einstein insistait sur le fait que l’imaginaire était la plus importante et la plus profonde des activités humaines. Sans elle, il n’y aurait rien – pas d’invention, pas de changement, pas de solution à un problème, pas d’empathie, pas d’amour, pas de futur.

    Et vous, comment avez-vous connu les fées ? D’où tenez-vous vos connaissances ?
    En lisant des livres sur le folklore, en observant les peintures victoriennes, les illustrations des artistes de contes de fées, et en essayant d’étudier leurs approches diverses et variées. Puis, en trouvant ma propre voie pour exprimer ce que j’avais expérimenté dans le monde. En accordant de l’attention aux messages internes de la nature. En regardant avec le cœur et pas seulement avec les yeux et en faisant confiance à son intuition. En étant ouvert à une amitié avec le Petit Peuple et en essayant d’écouter ce qu’ils nous disent.

    Croquis et illustrations de Brian Froud

    Que pensez-vous des théories sur l’origine de tout ce petit peuple : des peuples nains ayant existé, des peuples troglodytes ou encore les anciennes croyances…
    Il y a très certainement eu des peuples de stature plus petite que celles qu’on connaît aujourd’hui. Prenez les Pictes du nord par exemple. Certaines théories prétendent que les fées feraient partie d’une mémoire collective issue de peuples ayant existé par le passé, bien que les fées ont toujours été liées à nos ancêtres. Les fées qui vivent sous les collines creuses font la fête et vivent avec les morts. Et pour cela, elles sont d’office liées à notre passé. Si les fées sont des esprits de la terre, alors elles refléteront certains aspects des anciens peuples qui vivaient dans ces contrées et pour cela les fées ont été assimilées à des diables et démons, mais beaucoup ont résisté à cette insulte et ont continué à honorer la terre et ses esprits.

    En Angleterre, la plupart des gens semblent familiers avec les fées. On voit de petites figurines partout, dans les salons comme au jardin.
    En Angleterre, il y a beaucoup de gens qui pensent que les figurines de fées sont kitsch et enfantines. Mais cette tradition a peut-être pour but un désir d’être connecté, dans une manière enfantine et naïve, à un monde magique. La décoration de jardin sous forme de nains, très commune dans les jardins anglais, est la forme d’un désir de connexion à la Nature et aux esprits du lieu. Le placement de telles images est une façon d’inviter les esprits à vivre au milieu de nous et de nous apporter la fertilité et une influence bénéfique sur le jardin.

    Votre créature féerique préférée ?
    Les fées ne me laisseraient pas avoir une créature favorite !

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    Quelques questions à Wendy Froud

    Comment vous est venue cette passion pour les marionnettes ?

    J’ai commencé à fabriquer des poupées dès l’âge de 5 ans. Mes parents étaient tous deux artistes et m’ont encouragé à m’exprimer, peu importe le support choisi. J’ai toujours été fascinée par la façon dont les hommes depuis les origines de l’humanité ont créé de petites images imprégnées d’une sorte de vie ou d’énergie. Ce sont des objets très personnels qui canalisent l’énergie de la personne qui les ont créés vers ceux qui les utilisent. Je crois fermement à cette idée d’imputer une énergie à chacune de mes créations. Souvent les gens me disent qu’ils peuvent sentir cette énergie et que ça les aide dans une certaine mesure. Je sens que nous, artistes et créateurs, nous avons le devoir d’insuffler un maximum de bonne énergie dans les univers que nous concevons. Les poupées sont extraordinaires pour cela car elles sont si expressives. Quelque chose fait d’une vieille chaussette et de deux boutons, en guise des yeux, placé sur les bonnes mains, peut faire pleurer une audience ou rendre les spectateurs incroyablement heureux.

    L'art de la marionnette par Wendy Froud

    Et votre goût prononcé pour la féerie ?
    J’ai grandi avec les fées. Ma mère m’a appris à croire aux esprits de la Nature et qu’on pouvait communiquer avec eux à plusieurs niveaux. Quand j’ai rencontré Brian, nos univers se correspondaient à la perfection.

    En participant à la création du personnage de Yoda pour Star Wars, vous vous êtes inspiré du Petit Peuple ?
    J’aurais aimé dire que oui mais en réalité, j’avais des dessins pour travailler. Je n’ai fait que suivre la direction indiquée pour développer le personnage.

    Pensez-vous que les marionnettes apportent un supplément d’âme par rapport à des personnages numériques ?
    Oui. Je crois vraiment que la performance ne peut être atteinte par un personnage numérique. Il existe des systèmes aujourd’hui qui permettent aux marionnettistes de manipuler les personnages sur écran ce qui aboutit à une performance plus crédible encore mais je continue de croire que la spontanéité qui se dégage d’une marionnette n’a pas encore été atteinte avec le numérique. La connexion, la connivence entre un marionnettiste et une marionnette, entre le créateur et sa créature est quelque part magique, du domaine de l’alchimie – la transformation de quelque chose d’inanimé en quelque chose qui communique des émotions profondes.

  • Les Farfadets

    Les Farfadets

    Dresser le portrait de ces lutins facétieux n’est pas chose aisée car on les retrouve de-ci de-là en nos contrées européennes sous des noms divers et des apparences quelque peu changeantes. Si l’on s’attache au nom, nos pas nous mènent en Provence où le mot fadet provient du latin fatum et désigne les fées (fades). On n’est pas loin non plus du mot fada qui signifie «un peu fou» et qui caractérise bien le comportement des farfadets. Un comportement qui permet de les reconnaître et qui s’avère le plus souvent difficile à suivre dans une logique quelconque. Tantôt ils se révèleront d’ignobles gredins en pénétrant de nuit dans les fermes isolées, renversant pots et chaudrons, faisant tourner le lait ou encore enduisant les marches d’escalier de beurre frais. Tantôt ces esprits follets se transformeront en aide précieuse pour les gens de ferme. Ils rangeront la vaisselle, prendront soin des animaux ou encore faucheront les champs. Mais prenez garde à ne les récompenser que d’un bol de crème assorti d’un gâteau de miel car leur en offrir de trop les offenserait et les forcerait à quitter de suite votre maison !

    Les farfadets mesurent moins de cinquante centimètres, ont la peau ridée et foncée, sont de corpulence mince et sont revêtus de quelques haillons quand ils ne courent pas en tenue d’Adam. Ils se complaisent dans les champs de lavande de Provence, on en rencontre également beaucoup en Vendée et certains de leurs cousins vivent plus au Nord, en Irlande ou en Ecosse. Sur le sujet, Brian Froud et Terry Jones ont conçu un ouvrage des plus plaisants appelé La Bible des Gnomes et des Farfadets tandis que la petite Fadette, un peu sorcière, est l’héroïne du roman éponyme de Georges Sand. Fadette étant un prénom signifiant «petite fée».  A noter que si la fadette est jolie, le fadet correspond moins aux normes de la beauté humaine et les farfadets ne se rencontrent d’ailleurs que sous la forme mâle. Voilà donc une créature bien changeante et difficile à cerner qui représente bien le Petit Peuple dans sa nature à la fois joviale et lunatique.

    Sur ce, nous vous laissons en compagnie des fadets, follets, fradets, frérots, folatons, foulets, ferrés, bouquins, caraquins et perchevins !

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