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  • Edouard Brasey – interview

    Edouard Brasey

    Il était une fois le Merveilleux…

    Après Pierre Dubois, nous poursuivons nos rencontres avec les amis du petit Peuple et de l’Imaginaire. Cette fois-ci, c’est le conteur et auteur Edouard Brasey qui nous entretient des univers féeriques. Lui qui vient d’entamer un projet bien ambitieux sous la forme de l’Encyclopédie du Merveilleux aux éditions Le Pré aux Clercs.

    Né le 25 mars 1954 à Marseille, Edouard Brasey effectuera d’abord des études en politique et en droit pour opter pour les sciences-économiques lors de son passage à l’ESSEC en 1977. Tout cela le mène à travailler dans un cabinet d’audit américain, puis, très vite, à devenir journaliste économique et enfin journaliste littéraire pour le magazine Lire. C’était sans compter sur les fées qui allaient lui suggérer d’emprunter un autre chemin. Titulaire d’un DEA en études cinématographiques en 1984, et fort de son expérience de journaliste, Edouard Brasey passe à l’écriture d’essais divers et se révèle dans une autre passion : l’art de conter. Si le conte le mène à rencontrer le public lors de nombreux spectacles, la plume l’entraîne dans le tourbillon de Faerie avec une première Enquête sur l’existence des fées et des esprits de la nature (Filipachi 1996, J’ai Lu 1998). Mais on le connaît surtout pour la collection l’Univers féerique chez Pygmalion ainsi que pour Le guide du Chasseur de fées (Le Pré aux Clercs, 2005). Et voilà que cette même année allait aboutir, avec la parution en octobre 2005, à l’Encyclopédie du Merveilleux.

     

    Peuples de la lumière

    Peuples de la LumièreLe premier volume de cette encyclopédie parue aux éditions Le Pré aux Clercs porte sur les peuples de la lumière. Anges, fées, elfes, nains, djinns et nymphes se partagent les nombreuses pages bien documentées, parsemées d’anecdotes. A ce premier tome feront suite des volumes consacrés à un bestiaire féerique, aux peuples de l’ombre , aux héros, aux lieux de légendes, aux objets. Un sixième et dernier tome prévu devrait faire la part belle aux auteurs de l’Imaginaire. Une œuvre colossale qui garnira bientôt toutes les bibliothèques des passionnés de merveilleux, de fantasy et de féerie.

    La magie de Sandrine Gestin

    Cerise sur le gâteau, un soin particulier a été apporté à la maquette et aux illustrations. Sur des pages imitant le parchemin, une très jolie iconographie mêlant tableaux de maître et esquisses diverses. Le livre a également bénéficié du talent de Sandrine Gestin, reconnue aujourd’hui comme l’une des meilleures illustratrices de l’Imaginaire avec une prédilection pour les êtres de lumière. Autant dire que l’accord pour ce premier volume est parfait.

    La parole au conteur

    Laissons maintenant l’auteur de cette ravissante encyclopédie répondre aux quelques questions que nous avons voulu lui poser…

    Comment est née votre passion pour l’Imaginaire ?
    Edouard Brasey : Je crois que j’ai toujours considéré l’Imaginaire non pas comme un refuge ou une évasion, mais comme l’intégralité du Réel, dont ce que nous nommons « réel » n’est qu’une petite succursale, celle où nous vivons… La présence de l’invisible me semble une réalité incontestable, une nécessité. Il y a quelques années, un journaliste sceptique avait demandé à Jeanne Moreau, alors qu’elle avait joué le rôle d’une fée dans un film, si elle croyait à l’existence des fées. Elle répondit, superbe: « J’y crois plus qu’à la vôtre… »

    Sur votre site, on propose un voyage conté en Afrique du Nord. Une terre particulièrement riche en contes ?
    Oui, bien sûr. Dans le désert, on raconte encore comme il y a deux mille ans. J’ai raconté dans le désert blanc d’Egypte au coucher du soleil, pour un groupe de Français, mais les chameliers égyptiens écoutaient. Même s’ils ne comprenaient pas notre langue, ils m’ont remercié à la fin et m’ont qualifié du terme de « vieil homme ». Ce qui pour eux voulait dire: « le sage », celui qui a suffisamment vécu pour raconter des histoires. C’était un beau compliment qui m’a beaucoup touché…

    Après plusieurs ouvrages sur les créatures féeriques chez Pygmalion, voilà que les éditions du Pré aux Clercs vous confie un projet plutôt ambitieux: une véritable Encyclopédie du Merveilleux. En quelques mots comment définissez-vous ce terme « Merveilleux » ? On pense de prime abord aux fées mais un des tomes portera sur les ombres dont le vampire… A prendre dans un sens très large dans ce cas ?
    Je définis le Merveilleux comme la présence permanente du miraculeux et du magique dans notre vie,

    Le Bestiaire fantastiquecontrairement au fantastique qui suppose l’ingérence d’un surnaturel inquiétant dans le réel. Cela dit, vous avez raison de souligner que je vais consacrer un tome de l’Encyclopédie du Merveilleux à des créatures liées plutôt au fantastique! Mais au-delà des genres, l’idée est en effet de brosser un inventaire le plus complet et exhaustif possible de ce que l’on appelle l’Imaginaire: les êtres de Féerie, les vampires et démons, les trésors et objets magiques, les lieux imaginaires et îles enchantées, les héros et personnages, les créateurs… Cela n’a jamais été fait, en France du moins. Et cela manquait cruellement…

    Le terme « encyclopédie » fait de suite penser à celles de Pierre Dubois ou encore aux ouvrages universitaires de Claude Lecouteux. En quoi la vôtre est-elle semblable ou différente ?
    Je connais bien Pierre Dubois, qui est un ami, ainsi que Claude Lecouteux. Ce dernier est un pur universitaire. Celui-là est un poète, qui prend beaucoup de libertés avec ses sources documentaires en brodant à sa manière. Disons que je me situe modestement à mi-chemin, en essayant de concilier la rigueur de la recherche et le sérieux de la documentation avec une volonté de lisibilité, de clarté, voire d’humour. Je m’adresse à un public curieux de Fantasy ou de mythologie et qui désire savoir d’où viennent toutes ces croyances, à quelles sources elles s’alimentent… Tout en se divertissant.

    N’est-ce pas un peu paradoxal pour un conteur d’écrire des encyclopédies ? Pour un inventeur d’histoires de choisir des définitions précises ? Les dictionnaires et encyclopédies ne sont-ils pas des outils qui limitent l’imaginaire ?
    Au contraire! Car les sources auxquelles je me réfère sont vivantes: il s’agit de la tradition des légendes, des contes, des mythes, du folklore, que l’on trouve dans les livres, bien sûr, mais qui viennent avant tout de la tradition orale… Conter le monde féerique ou l’inventorier dans une encyclopédie correspond pour moi à deux aspects indispensables et complémentaires…

    Peut-on espérer un ancrage actuel dans un des tomes de cette encyclopédie, une sorte d’état des lieux d’aujourd’hui ?
    Oui, bien sûr. Nous avons prévu un tome sur les créateurs d’hier et d’aujourd’hui. Il y aura Tolkien, bien sûr, mais aussi les auteurs contemporains et les illustrateurs.

    L’illustration et la maquette sont très réussies… Sandrine Gestin fut véritablement un choix judicieux. Une volonté de proposer un bel objet ?
    Je connaissais Sandrine pour l’avoir rencontrée il y a quelques années au Salon du Livre de Figeac consacré au Fantastique. J’ai proposé son nom à l’éditeur, nous l’avons contactée et elle a accepté avec enthousiasme. Elle a notamment créé tous les croquis, une façon de dire: ce sont des êtres invisibles, on n’a pas le temps de les peindre, ils ne posent pas assez longtemps! Oui, nous avons voulu reproduire l’esprit des ouvrages médiévaux somptueusement enluminés. D’où le choix également du papier couleur de parchemin…

    On parle d’un succès pour l’imaginaire féerique ces dernières années en France. Comment expliquez-vous cette arrivée tardive et assez timide alors que ce n’est pas le cas dans la culture anglophone, par exemple ?
    Nous avons beaucoup de retard par rapport aux Anglo-Saxons, qui baignent véritablement dans cette culture. Nous autres Latins à culture cartésienne avons plus de difficultés avec le monde de Féerie. Pourtant, il s’agit de nos racines culturelles! Mais je crois qu’à présent le pli est pris, et on peut parler des fées et des elfes sans passer pour un illuminé…

    Vous qui êtes conteur et auteur, pensez-vous que l’Imaginaire doit être d’abord lu ou d’abord vécu ?
    C’est la même chose. On peut le lire et en rêver, ou le vivre et se reporter ensuite à des livres. C’est à chacun de suivre son propre chemin…

    Quels sont vos propres ouvrages de référence ?
    Parmi les collecteurs de légendes et mythes, Sébillot, Seignolle, tous les folkloristes du XIXe siècle, mais aussi Katrine Briggs, qui a publié de nombreuses encyclopédies de la Féerie en anglais. Parmi les romanciers, Arthur Machen, Charles Nodier, Anatole France…

    Pour terminer, votre plus beau souvenir de Faerie ?
    Alors que je faisais mes recherches sur la Féerie pour mon premier livre sur le sujet, Enquête sur l’existence des fées et des esprits de la nature, publié en 1996 (réedité chez J’ai Lu), j’allais souvent à la Bibliothèque Nationale de la rue de Richelieu à Paris. A plusieurs reprises, à des heures et des places très différentes, je sentais un fort parfum de lis. Ce ne pouvait pas être une voisine trop parfumée ni un système de diffusion d’odeurs inexistant dans cette vieille salle boisée surmontée d’une coupole. Alors je me suis dit qu’il s’agissait du parfum de la fée de la Bibliothèque Nationale, qui venait ainsi m’encourager… C’est un parfum délicieux, que je n’ai plus senti nulle part depuis, mais qui, étrangement, ressemble sans doute au parfum de lis qui, selon les témoignages, accompagne les apparitions mariales…

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  • Pierre Dubois l'elficologue

    Pierre Dubois

    L’elficologue

    Lencyclopédie des fées de Pierre Dubois
    L'encyclopédie des fées de Pierre Dubois

    Né en 1945 dans les Ardennes, Pierre Dubois partage sa vie entre ses demeures du Nord et de Bretagne. Cela, lorsqu’il ne se promène pas de l’autre côté du miroir. Car l’homme est ami des fées et nous rapporte nombre de récits et anecdotes sur le Petit Peuple. Que ce soit au travers de ses célèbres encyclopédies ou au travers de ses bandes dessinées (Laïyna, les Lutins, Red Caps, le Grimoire du Petit Peuple…), l’auteur nous enchante au fil de ses publications. Petites questions au Maître elficologue…

    Pierre Dubois, d’où vous vient cette passion pour le Petit Peuple et la féerie ?

    Elle me vient, je crois, de l’enfance contemplative, l’enfance solitaire. C’est très souvent lorsque l’enfant se retrouve seul, comme Nils Holgersson qui fera une bêtise et sera puni par un Tomte… Enfant, je jouais dans la buanderie, endroit intermédiaire entre le jardin et la cuisine. Il y avait ce poêle qui ronflait et, par souci d’économie d’électricité, on levait le couvercle, ce qui donnait une lumière particulière, proche de celles des cavernes. Ce feu crépitait et dansait sur le plafond comme une espèce de lanterne magique. Moi, j’y voyais des nains forgeant des épées, des trolls, des fées… Et puis il y avait le reflet de l’eau qui amenait le jardin… Une lézarde sur le mur me donnait l’idée qu’elle menait quelque part. Moi, je venais des Ardennes, grande forêt de légendes. Mes parents m’avaient entraîné dans le Nord et du coup, il y avait cette absence de forêt. J’étais perdu de forêt. Cette forêt, je l’ai retrouvée dans le jardin. Et à force de jouer dans le jardin, seul, tour à tour chevalier, Robin des Bois… Tout est né de là.

    Aujourd’hui, on assiste à un retour aux fées… Comment l’expliquer ?

    La mythologie est avant tout universelle. C’est l’explication de la création du monde. Nous conservons donc cette grande mythologie en nous. La petite mythologie, les fées, les nains, ce sont ces grands dieux qu’on a un peu pervertis. Pan ou Cernunnos sont devenus le diable. Toute la culture des fées a été, en même temps que les forêts, déboisée. On a désacralisé la Nature pour essayer de la domestiquer. Mais les fées sont rebelles. Des folkloristes comme les frères Grimm, Andersen, un auteur comme Tolkien, ont puisé dans ces mythologies. Mais il y a toujours eu cette mainmise du pouvoir afin de tuer cet émotionnel, cet imaginaire. Pour qu’on rentre tous dans « Metropolis ». Et il y a toujours eu un réflexe. Alors qu’on croyait les ailes des fées rognées, les jeunes, par l’intermédiaire des mangas, de la BD, des films, des fanzines, du jeu de rôle, de la musique prennent en main leur destin. Un festival comme aujourd’hui (NDLR: Trolls & Légendes, Mons) est extrêmement positif, rayonnant, du fait qu’on voit plein de gens costumés, des personnes qui jouent encore…

    Un retour à la terre ou à la poésie ?

    L’un ne va pas sans l’autre. Mais il ne faudrait pas que ce soit une mode. La vraie magie, le vrai merveilleux, tu dois le porter en dedans. Cette espèce de débauche du contenant ne doit pas faire oublier le contenu. J’ai un peu peur parfois que les effets spéciaux ne remplacent la magie, remplacent la petit musique des fées, de l’âme. Le passage des fées, celui d’Alice, du petit Arthur, est un chemin éthéré, fragile. Il faut faire très attention.

    Parlons de vos encyclopédies. Elles sont très complètes. Mais en même temps on y perçoit des incrustations personnelles. Pour vous, c’est important de ne pas être trop sérieux. De ne pas ranger les fées dans des tiroirs fermés à clés ?

    C’est bien pour ça que, dans la préface de l’encyclopédie, je dis: « voilà, c’est fait et en même temps, toutes les portes sont ouvertes ». Il faut toujours laisser une part aux fées. Autrefois, lorsqu’on labourait un champ, on laissait un coin pour que les fées puissent s’ébattre. Si tu es exaucé, c’est qu’ils ont accepté, il y a eu alliance. Quand j’ai écrit mes bouquins, je me suis mis du côté des fées. Dans toutes les préfaces, je le dis. Maintenant, le mot encyclopédie ne me plaisait pas non plus. Je préférais Grimoirie. Ma démarche est née parce que je voyais des gamins chercher de manière anarchique des infos sur les fées. J’ai voulu tout reprendre à zéro et donner des pistes à peu près sûres. Rêvez avec, amusez-vous, voilà tout au moins des bases, voici le Brownie, voilà les Selkies, le Sotê… J’ai eu envie de revenir aux sources.

    La dernière encyclopédie parue est celle des elfes. Vous les qualifiez d’êtres fuyants…

    Une phrase de Bachelard que j’apprécie beaucoup dit « Les petits êtres fuyant et cachés oublient de fuir lorsqu’on les appellent par leurs vrais noms ». Ces petits êtres fuient l’homme. Ce que disent les elfes, c’est si vous jetez des immondices dans l’eau, vous empoisonnez les Dracs, les Sirènes, les Morganes, tout le peuple de la mer mais nous vous empoisonnerons. Si vous construisez tout en haut des cimes, sur les épaules des trolls, ce sera trop lourd et il y aura des avalanches. Il y a une forme d’écologie dans ce message. Il faut garder cette espèce de jardin secret.

    En même temps, qu’est ce qui distingue les membres du petit Peuple regroupés dans la famille des elfes, de la famille des fées ou de celle des lutins ?

    Cette répartition ne vient pas de moi. Moi, je désirais un seul Grimoire. J’avais commencé à écrire mes bouquins sur du parchemin à la plume d’oie. C’est sorti en 93 mais j’ai commencé en 67 et j’avais déjà collecté pas mal de choses auparavant. Je cherchais un éditeur, personne n’était intéressé jusqu’au jour où quelqu’un me contacte avec une vague idée de faire un bouquin sur les fées alors que moi je voulais faire quelque chose d’énorme, pratiquement vendu avec les toiles d’araignée et la poussière dessus. Finalement Hoëbeke a pris le risque mais en scindant l’œuvre en trois. Dans la première encyclopédie, tout ce qui est petit, chtonien… Et cela s’est vendu à 80.000, 90.000 exemplaires, traduit même en japonais ! On a donc fait le suivant. Celui sur les fées, la femme, la sorcière, symbole de sagesse, de la Nature… Tout ce qui est féminin me fascine. C’est aussi l’époque où je venais de perdre ma fille de dix-sept ans… Pour moi, l’encyclopédie des fées m’a échappée, ce n’est pas moi qui l’ai écrite, on me l’a soufflée. Elle a été écrite plus facilement mais aussi plus douloureusement que la première. La troisième, les elfes, c’est la partie obscure et sauvage, les êtres insaisissables et fuyants. Les elfes ont le droit de nous décocher des flèches vengeresses. Les elfes sont vraiment, pour moi, la part la plus sombre, sauvage et vengeresse.

    Parlons bande dessinée maintenant… De Laÿna aux récents Grimoire du Petit Peuple, en passant par Les Lutins et Red Caps, on note une certaine noirceur dans les récits…

    C’est la première fois qu’on me le dit et c’est totalement vrai. C’est une lutte de chaque jour, l’idée qu’il faut réenchanter à cause de cette trahison que le mortel porte en lui. Il a la possibilité chaque jour de changer les choses et il fait l’inverse…

    En même temps, vous placez souvent le Petit Peuple en arrière-plan dans vos histoires, il reste caché et toujours présent…

    Et bien cette idée, ni les éditeurs, ni même mes dessinateurs ne l’ont réellement compris. J’ai eu l’impression d’être lâché par mes dessinateurs sauf Sfar. Lui, il a complètement saisi la chose. On le ressent dans Petrus Barbygère. Là, c’est bien moi, Pierre le Barbu ! Tous mes héros qui font alliance perdent, c’est une fatalité, une blessure. Et cette blessure, je la porte en moi. Mes bandes dessinées ne sont pas au premier degré, je suis un peu en décalage. Il y a beaucoup d’écrit par exemple. Moi, ce sont les images d’Epinal que j’apprécie, je désire une BD pleine de merveilleux mais aussi de sang, de crimes et d’aventure !

    Avec le Grimoire du Petit Peuple, vous renouez avec cette envie de travailler avec de nombreux dessinateurs. On soulignera d’ailleurs que vous n’avez jamais hésité à prendre sous votre aile de jeunes talents. Les choisissez-vous, viennent-ils à vous ?

    Pour le Grimoire, je ne choisis pas les dessinateurs, c’est l’éditeur qui s’en occupe. Mais je demande des jeunes, ça oui. Je veux voir leur carton à dessins, voir ce qu’ils ont dans la tête. J’aime voir ce que font les autres mais je demande seulement qu’ils respectent les idées, les époques, les lieux avec leurs caractéristiques, faune et flore.. Il faut toujours bien se documenter.

    Pourtant, l’apport personnel de sa vision du Petit peuple aide à ne pas fixer son image…

    Bien sûr ! J’aime bien que chacun apporte sa propre vision. Ils doivent continuer à fuir… Là, je ne suis absolument pas directif. Je fais confiance au dessinateur. Mon histoire même a peu d’importance, ils peuvent enlever des séquences. C’est seulement quand ça nuit à l’histoire que cela m’embête.

    L’année passée est sorti le Jardin Féerique de Cicely Mary Barker…

    Elle aussi a eu une enfance solitaire. Seule, malade, bloquée dans sa chambre, elle va s’évader par le dessin. Son père va lui offrir des cours par correspondance…Mary va habiller en fleurs les enfants de la nurserie de sa soeur et va les dessiner. Ce qui est extraordinaire, c’est quelle semblera ne pas vieillir. Et alors qu’elle deviendra aveugle, elle continuera à distinguer les fleurs, les jacinthes.. et ça, pour moi, c’est le regard des fées sur elle.

    Vous avez aussi inspiré à Loisel son Peter Pan, du moins l’idée de mêler Jack l’éventreur au héro de Barrie…

    Ma passion pour les criminels, les pirates c’est le côté obscur. La Nature a également ce côté obscur… J’ai écrit un bouquin sur Jack l’éventreur et me suis toujours interrogé sur la relation entre Peter Pan et le tueur de Whitechapel. Peter Pan est habile à la dague. Clochette, une parfaite complice pour surveiller les alentours. Venant de Kensington Garden pour se rendre à la maison des parents de Wendy, il passe nécessairement par Whitechapel. Et à ce moment-là, les seules femmes que tu peux rencontrer sont justement des prostituées. Restait le mobile… Peter Pan cherche dans le ventre de la femme la mère, il veut une explication. C’est encore un enfant. Pourquoi les filles, les femmes l’abandonnent? Pourquoi Wendy préfère vieillir que de rester à ses côtés ? Je racontais cela à Loisel venu en ami dîner chez moi, en Bretagne. Il travaillait sur Peter Pan et désirait explorer la face sombre. Il avait vu le dessin animé de Walt Disney et avait été frappé par le côté faune de Peter. Il m’a demandé s’il pouvait reprendre mon idée et ce qu’il en a fait me plaît énormément. Tu y rencontres un personnage sombre, qui se perd. Et c’est là qu’on rejoint le monde des fées. Car pour trouver le passage, il faut se perdre.

    Vous dites dans une de vos interviews avoir été tristement épaté par les universitaires…

    Car ils épluchent sans rêver, ils décortiquent mais oublient d’y poser le regard. Il manque un écrivain derrière le savant. Maintenant, ils font un travail de fourmi, qui m’épate et je suis totalement pour qu’on étudie les fées à l’université !

    Il est important de se réenchanter, de retrouver le sens du merveilleux. L’enfant naît ouvert aux rêves, aux fées. Mais ces croyances seront arrêtées, on arrachera les ailes des fées à un moment donné, vers six, sept ans… Or, l’enfant lui-même devenu père lorsque sa progéniture lui demandera de dessiner une fée, il ne pourra que reproduire celle de ce souvenir arrêté. Il y a un manque émotionnel. Quand un enfant veut faire de la musique, c’est en option à son Bac. Notre planète ne pourra être sauvée qu’à la condition de réenchanter notre regard.

    Enfin, pour rencontrer les fées, vous conseillez de les lire ou de les vivre ?

    De les vivre. Franchir le pont, le miroir… Mais aussi de les lire, les lire à la base. Si on veut s’approcher des fées, il faut lire les contes, ou les entendre et les écouter. Il faut retourner à la base, au révérend Kirk. Il faut d’abord vivre pour lire, vivre ça t’oblige à faire ces fameux trois pas, à réciter cet Abracadabra.

  • L'univers féerique T5 – Edouard Brasey, Pygmalion

    Sorcières et démons, L’univers Féerique -5

    Le cinquième volume de lunivers féerique dEdouard Brasey paru aux éditions Pygmalion
    Le cinquième volume de l'univers féerique d'Edouard Brasey paru aux éditions Pygmalion

    Brasey, Edouard,
    Pygmalion

    Ce cinquième opus de l’Univers Féerique vient clore le parcours d’Edouard Brasey au milieu des fées, elfes, lutins et autres créatures peuplant l’imaginaire des hommes. Comme à son habitude, l’auteur nous livre ici de quoi nous régaler : En commençant par la nuit d’Halloween qui nous emmène à la rencontre de diverses sorcières, à comprendre l’origine du diable cornu, en passant par les danses du sabbat.

    Ensuite, c’est au tour des morts-vivants, vampires et loups-garous de nous dévoiler nombre de leurs secrets. Enfin, les diverses hiérarchies de démons, certaines portant au sourire, sont passées en revue avec l’œil curieux et l’écriture facile que l’on connaît d’Edouard Brasey. Un essai qui comme les titres précédents (Fées et Elfes, Nains et Gnomes, Sirènes et Ondines, Géants et Dragons, tous aux éditions Pygmalion) témoigne d’une grande érudition ainsi que d’une très bonne documentation à regarder de près la bibliographie.

    Un regard de passionné qui a l’avantage d’être moderne et de rechercher l’explication des choses et, ce qui est encore plus intéressant, les traces actuelles (comme par exemple le néo-paganisme, la Wicca aux Etats-Unis). Le dernier opus de l’Univers Féerique est donc à mettre au même niveau que les quatre premiers : un panorama riche et très bien présenté qui abouti à une source importante pour quiconque s’intéresse au monde de la féerie et des légendes.

  • Planches magiques et bulles de Fantasy

    Planches magiques et bulles de Fantasy

    Oyé ! Oyé ! Créatures de Fantasy ! Nains, hobbits, farfadets, trolls, gobelins, dryades, elfes, orques, gnomes, géants ou lutins…
    Laissez-nous pénétrer vos contrées reculées, laissez-nous explorer ces mondes réenchantés…
    Le XXème siècle, croulant sous le règne du progrès scientifique, étouffait… Une soif d’évasion allait s’en emparer… L’exode vers les mondes où renaissent les héros, en quête de mystère et d’aventure, enfin s’entamait…

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    Nous sommes dans les années 80. Un certain Régis Loisel et un certain Serge Le Tendre commencent à faire parler d’eux en tant que précurseurs d’un nouveau genre fantastique en bande dessinée : la Fantasy.
    Avec La Quête de l’Oiseau du Temps aux éditions Dargaud, ils se situent dans le parfait prolongement d’un bouleversement culturel : celui créé par le succès retentissant du Seigneur des Anneaux et du jeu de rôle Donjons & Dragons. Les éditions Delcourt commencent alors à publier des albums très ancrés dans cet imaginaire (ex. Légendes des Contrées Oubliées). Ce sont pourtant les éditions Soleil, créées en 1989 par Mourad Boudjellal qui, dans ce domaine de la Fantasy, vont se distinguer. Leur volonté de s’affirmer dans le genre est déjà portée par leur slogan : « Entrez dans la suprême dimension »… Et la série Lanfeust de Troy parvient véritablement à les propulser en tête du marché. La Fantasy s’imposait dans la bande dessinée.

    Des légendes anciennes…

    La mythologie des temps anciens est une source constante de la Fantasy. De là renaissent les monstres, ces créatures ni humaines ni naturelles, qui sont les véritables piliers du genre mais aussi les nobles héros d’antan et les preux chevaliers. Le danger est synonyme de défi, les terres grouillent de mystères, l’aventure mène à la quête et l’amour redevient courtois. Ainsi en va-t-il du Médiéval-Fantastique : il s’inspire directement des légendes et des faits historiques mais il n’hésite pas à puiser dans le registre du merveilleux pour faire émerger sorcières, fées ou dragons.

    C’est la maison d’édition Delcourt qui enregistre la plus grande production d’albums faisant partie de cette catégorie. Ses collections Terres de Légendes et Conquistador proposent en effet un nombre considérable de séries qui sont animées par une volonté de s’accrocher aux mythologies ou aux faits historiques. Les auteurs se plongent dans les légendes anciennes et les cultures celtiques pour en ressortir des récits tantôt fidèles à leurs sources, tantôt s’en éloignant quelque peu dans une démarche imaginaire propre. Certains iront même jusqu’à entreprendre des recherches faisant preuve d’une véritable approche scientifique. Plusieurs bandes dessinées viennent exemplifier ce courant.

    Prenez un héros brave et dévoué munis d’une épée et donnez-lui une quête impossible et vous y êtes : Arthur (éd. Delcourt), Rogon Le Leu (éd. Delcourt), Complainte des Landes Perdues (éd. Dargaud), Merlin (éd. Nucléa), Arthur Pendragon (éd. Nucléa),… Ainsi renaissent les légendes….

    … A la conquête de terres nouvelles

    Mais la Fantasy, c’est aussi cette création inépuisable de mondes « à part ». D’un coup de baguette magique, elle nous propulse de l’autre côté du miroir, à la découverte de contrées imaginaires (parfois dépeintes par la traditionnelle carte introductrice) peuplées de créatures « fantaisistes ». Ainsi en est-il de La Quête de l’Oiseau du Temps (éd. Dargaud). Loisel et Le Tendre nous ouvrent un territoire sans limite où se côtoient héros en quête d’aventures, peuples humanoïdes et créatures extraordinaires. Dans Les Lumières de L’Amalou (éd. Delcourt), Claire Wendling et Christophe Gibelin construisent un monde de légende où furets et transparents doivent apprendre à cohabiter en paix, pour le salut du grand chêne…. René Hausman et Pierre Dubois aussi créent leur propre univers avec Laïyna (éd. Dupuis). Dans Bilbo le Hobbit (éd. Glénat) ce sont les « Terres du Milieu » de J.R.R. Tolkien qui sont illustrées. Dans De Cape et de Crocs (éd. Delcourt)

    La série du Dernier Loup d’Oz qui ne verra peut-être jamais la suite…
    La série du Dernier Loup dOz qui ne verra peut-être jamais la suite...

    La Quête de l’Oiseau du Temps – La série légendaire de Loisel et Le Tendre

    ou Le Dernier Loup d’Oz (éd. Delcourt), la Fantasy donne le premier rôle aux animaux. En plus de ces animaux souvent représentés, le personnage du sage ou du magicien sera récurrent. La magie est en effet un élément inconditionnel de la Fantasy. Elle opposera très souvent les forces du Bien aux forces du Mal qui lutteront pour le pouvoir… Dans un univers sombre (et loufoque) les Chroniques de La Lune Noire (éd. Dargaud) feront de la magie l’élément essentiel du récit.

    Une franche rigolade…

    La magie peut encore nous jouer des tours : avec Soleil, on joue la carte de l’humour ! Les mondes deviennent débridés et le ton plus léger. Lanfeust de Troy (éd. Soleil) est évidemment la référence de cette Fantasy « burlesque » où Arleston n’hésite pas à bousculer tous les canons du genre. Dans Le Chant d’Excalibur (éd. Soleil) qui met en scène un Merlin au nez rouge, il va même jusqu’à régler leur compte aux légendes celtiques et arthuriennes. Avec les éditions Soleil, la Fantasy devient délirante…

    Héroïc-Fantasy et compagnie

    Quelques stéréotypes : la quête initiatique, les héros courageux, les combats entre le Bien (la lumière) et le Mal (les ténèbres), les créatures non-humaines (fées, elfes, animaux anthropomorphes, monstres,…), magie, sorcellerie etc. Le héros de l’Héroïc-Fantasy sera généralement un jeune garçon désigné par la prophétie qui, pour réaliser sa mission, devra quitter sa banale existence (souvent à contrecoeur), dépasser les frontières, partir à la découverte de nouveaux continents. Il sera celui par rapport auquel le lecteur pourra s’identifier et surtout sortir grandi. Le héros (rarement parfait, ce sont ses défauts qui en font un personnage crédible) a tout à apprendre pour, au final, affronter le puissant méchant (qui a souvent plus de pouvoirs que tous les dieux réunis) et ramener la lumière sur Terre. Il sera membre d’un groupe, d’une joyeuse équipée : un mentor, toujours sage et expérimenté (Maître Nicolède dans Lanfeust de Troy), la/les charmeuse(s) qui pimente(nt) les relations au sein du groupe (Cixi & Cian), le vengeur masqué qui sème le trouble (Bulrog dans La Quête de L’Oiseau du Temps), le maladroit qui fera rire par ses mésaventures (l’élu dans La Quête de l’Oiseau du Temps ; Hébus dans Lanfeust de Troy ; Pröfy dans Trolls de Troy), etc. Et ce n’est que tous ensemble, avec leur savoir-faire réciproque, leur pouvoir spécifique, leurs connaissances complémentaires qu’ils parviendront au bout de la quête.

    En conclusion…

    Avec un genre tel que la Fantasy, les auteurs peuvent laisser libre cours à leur imagination pour nous transporter dans un ailleurs chargé de merveilleux et de magie. Les dessinateurs laissent exploser leur talent pour faire du spectaculaire et surprendre le lecteur, au détour d’un chemin rocailleux, d’une forêt enchantée ou d’un château haut perché. Qu’ils déterrent les légendes anciennes pour y retrouver les racines perdues ou qu’ils transcrivent leurs propres visions de mondes fabuleux, qu’ils jouent la carte du sérieux ou que l’humour vienne plutôt dominer la partie, les auteurs de BD n’ont pas fini d’explorer Faerie. La Fantasy alliée à la bande dessinée, un couple qui nous promet encore bien des voyages…

    Petit parcours de la Fantasy en BD:

    La Quête de l’Oiseau du Temps (Le Tendre, Loisel & Lidwine, éd. Dargaud)
    Le Grand Pouvoir du Chninkel (Rosinsky & Van Hamme, éd. Casterman)
    Les Chroniques de la Lune Noire (Froideval, Ledroit & Pontet, éd. Dargaud)
    De Cape et de Crocs (Ayroles & Masbou, éd. Delcourt)
    Les Lumières de l’Amalou (Gibelin & Wendling, éd. Delcourt)
    Légendes des Contrées Oubliées (Chevalier & Ségur, éd. Delcourt)
    La Geste des Chevaliers-Dragons (Ange & Varanda, éd. Vents d’Ouest)
    Lanfeust de Troy (Mourier, Arleston & Tarquin, éd. Soleil)
    Trolls de Troy (Arleston & Mourier, éd. Soleil)
    Le Chant d’Excalibur (Arleston & Hübsh, éd. Soleil)
    Laïyna (Hausman & Dubois, éd. Dupuis)
    Korrigans (Mosdi & Civiello, éd. Delcourt)
    Thorgal (Rosinski & Van Hamme, éd. Le Lombard)
    Complainte des Landes Perdues (Rosinski & Dufaux, éd. Dargaud)
    Bilbo le Hobbit (Dixon & Wenzel, éd. Glénat)
    L’épée de Cristal (Crisse, éd. Vents d’Ouest)
    Atalante (Crisse, éd. Soleil)
    Rogon le Leu
    (Convard & Chabert, éd. Delcourt)

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  • L’incontournable René Hausman

    L’univers de René Hausman

    Il y a des hommes pour qui le monde de Féerie ne demeure pas invisible. Ces humains, touchés par la grâce des fées, ont l’insigne honneur de pouvoir vivre aussi bien au milieu de leurs congénères que s’échapper de temps à autre pour festoyer avec le Petit Peuple. Très souvent, ces élus des elfes, sont reconnaissables à leur attrait particulier pour les bonnes choses de la vie. Ils ne rechignent pas devant une bonne bière bien mousseuse ou encore quelque rôtisserie lors de fêtes populaires… Mais on les reconnaît également à leur don particulier: celui de porte-parole des êtres des bois, amoureux de la Nature et véritable artiste dans l’âme. Partons à la rencontre d’un des plus talentueux de ces personnages incontournables de la scène féerique…

    La Nature mène à Féerie…

    C’est à Verviers en 1936 que naît René Hausman. Déjà tout petit, il se passionne pour l’illustration en découvrant les portraits d’animaux sur les chromos distribués avec des chocolats. Coup de foudre pour le futur illustrateur, qui se met à copier et recopier ces petits animaux, apprenant par là les premiers rudiments du dessin en parfait autodidacte.

    Alors qu’il servait sous les drapeaux, Hausman collabore au journal Le Moustique, puis rencontre Raymond Macherot, le papa de Chlorophylle. De cette rencontre naîtra pour Hausman, une envie de faire de la BD. A 21 ans, il crée les personnages de Saki et Zunie, petits êtres préhistoriques, qui orneront les pages du journal Spirou dès 1958. Zunie deviendra très vite une figure populaire, disparaîtra quelques années pour revenir en force dans les années ’80 (aux éditions Chlorophylle) et, enfin, dans les années 1998, sortira même un « album solo » : Zunie: enfin seule (chez Noir Dessin Productions).
    A côté des histoires de Saki et Zunie, René Hausman s’amusera de quelques histoires bien coquines pour le magazine Fluide Glacial (voir notes). Il réalisera également, et principalement, pour Dupuis, des centaines d’illustrations d’animaux. Préférant même l’illustration à la bande dessinée (son truc à lui, c’est « faire des livres »), il fera bénéficier de son talent les contes de Perrault, les Fables de La Fontaine, le roman de Renard, et autres bestiaires fantastiques.

    Sa passion pour les animaux, la nature et les contes le mettra tout naturellement sur le chemin de Pierre Dubois, elficologue de son état. Les deux compères relateront dans les pages de Spirou des descriptions minutieuses des créatures de la forêt. L’un usant de sa plume et l’autre de ses pinceaux, nos deux artistes revenaient de leurs voyages en Faerie avec toujours plus de détails, de découvertes de peuples curieux et de créatures étranges. Ces portraits étaient rassemblés sous le titre générique du Grand Fabulaire du Petit Peuple.

    Laïyna : la révélation

     

    La complicité de Pierre Dubois et René Hausman les mènera en 1985, a créer le personnage de Laïyna . Deux tomes paraîtront : La forteresse de pierre et Le crépuscule des elfes. En 2001 sortira des presses Dupuis l’intégrale revêtant le doux nom de l’héroïne: Laïyna. Ce récit nous plonge au coeur de la destinée du Petit Peuple troublée par la venue en leur monde d’une petite fille orpheline. Recueillie par les êtres de Féerie, Laïyna grandira en recueillant sagesse et savoir de ces êtres merveilleux. Mais l’appel du monde humain est irrésistible et la jeune fille se frottera à la haine et à la stupidité des hommes…

    La série qui propulsa Hausman sur le devant e la scène avec son grand complice Pierre Dubois.
    En 1993, Hausman fait à nouveau parler de lui en tant que dessinateur BD lorsqu’ il réalise un autre album intitulé Les trois cheveux blancs, sur un scénario amer de Yann. Un conte cruel qui part du souhait d’une belle princesse de conserver à jamais sa beauté. Trois cheveux blancs sont pour elle intolérables et elle ira jusqu’à se soumettre à la Bête pour conserver sa jeunesse, au détriment de son honneur… et de sa vie… Mais avant de disparaître elle fera naître un enfant maudit…
    C’est très certainement avec cet album que la popularité acquise avec Laïyna s’ancre fermement chez les passionnés d’imaginaire et les amateurs de bande dessinée. Quelques années passent et Hausman remet le couvert en compagnie de Yann pour nous émerveiller une fois de plus en 1998 avec Le prince des écureuils. Cette fois le héros de l’histoire est un petit écureuil qui se prendra de passion pour une naine… Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’histoire est loin d’être toute rose…

     

    Lorsque Beauté rime avec Cruauté…

     

     

    Les Trois cheveux blancs
    Les Trois cheveux blancs

    Ce qui caractérise les oeuvres de René Hausman c’est ce sentiment étrange qui nous émerveille tout en nous laissant un arrière-goût amer. Les histoires nous plongent dans des mondes féeriques, un pays de rêve, un conte de fée. La couleur directe (Hausman colorise directement ses planches) donne un cachet de grande valeur aux réalisations et le dessin sublime nos regards. Malgré tout, il y a quelque chose de triste, de perdu, de nauséeux. Une injustice, un cri étouffé, un malaise. On sait que l’humour a quelque chose de léger alors que la tristesse est un gouffre. C’est cette tristesse que le dessin d’Hausman explore. Le côté sombre de nos âmes. Un côté sombre qui est d’autant plus mis en valeur que les personnages d’Hausman nous apparaissent d’une fragilité étonnante. La cruauté des puissants envers les faibles en est renforcée. C’est toute notre culture des contes à la Grimm qui reçoit une claque puissante. Ici les fées sont frivoles, les lutins luttent pour leur survie. Ici, il n’y a pas de miracles à la Disney. Les héros meurent, le sang coule, discrètement, mais il se répand vraiment. Parce qu’il sait rester vrai tout en nous emmenant dans l’Imaginaire, René Hausman a su toucher nos âmes de passionnés.

    Des héroïnes au physique particulier

    Autre point commun dans les bandes dessinées d’Hausman cette façon de se représenter l’idéal féminin qui est loin des canons de beauté « à l’américaine ».
    Ici pas de grande blonde pulpeuse mais plutôt de petites brunes un peu potelées. Et lorsqu’on sait que la sensualité réside dans la chair, ces petites héroïnes pourraient bien pousser à quelque péché! La sensualité et un certain érotisme ne sont donc pas absents. Discrets chez Laïyna, ces aspects se font particulièrement présents dans Les trois cheveux blancs (Le sexe étant même une trame primordiale à l’histoire!).
    Et pourquoi surtout des brunes? Sans entrer dans les goûts personnels de René Hausman (mais il y a de ça, sans doute), l’auteur s’est inspiré, pour Laïyna, d’un personnage de La Source d’Ingmar Bergman. Il s’agit de la servante de l’héroïne. Cette jeune femme brune, enceinte et sorcière… Le rapprochement physique est certain, Laïyna a tout de cette “sauvageonne”.

    On ne saurait trop recommander aux passionnés des mondes féeriques de compter au nombre de leurs trésors les albums dessinés par Hausman. C’est un style unique auquel on prend très vite goût. Bien entendu, il faut vous mettre en garde. Entre les bandes dessinées et les illustrations, il n’y a qu’un pas. Vous vous retrouverez rapidement ensorcelés, courant d’expositions à festivals, de magasins spécialisés à brocantes, à la recherche éperdue de quelque ex-libris, sérigraphie ou affiche signée Hausman. Comme si ce joueur de Cornemuse (voir notes) avait composé une mélodie insolite, charme magique pour vous envoûter et mener votre âme à rechercher toute entrée vers un royaume invisible et pourtant si présent…

    – pour ceux que les coquineries intéressent, la période Fluide Glacial d’Hausman se retrouve dans un album intitulé: « Allez couché, sale bête! », aux éditions Dupuis, 1991.
    – René Hausman est un artiste pluridisciplinaire comme on les aime ! Illustrateur, sculpteur, il est également musicien. A son actif un disque paru chez Alpha en 1974 : Les Pêleteus.
    – René Hausman a décoré un restaurant à Verviers (Belgique), situé rue Pont-Saint-Laurent. A l’Ogre de Barbarie, on y mange bien (surtout les moules !) et on se délecte du décor…
    – Un site où vous pourrez découvrir de nombreuses oeuvres d’Hausman :
    http://www.ifrance.com/bdeuro/hausman/
    – Enfin, pour ceux qui aiment à remonter les courants, René Hausman a pour maîtres à penser : Calvo (surtout!), Rabier, Pellos Gus Bofa et Trnka


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