Les Arcanes d’Alya – T.2 : Âmes soeurs
Scénario : François Debois
Dessin : Gwendal Lemercier
Couleurs : Nicolas Bastide
Editions : Soleil
Les Arcanes d’Alya tome 2Voici, déjà, la suite des Arcanes d’Alya. Une suite qui clôt le volume précédent et qui conte la fin de la quête de Brynn partie à la recherche de sa gémellaire Aileen. Sur le chemin qui la mène à l’âme défunte de sa sœur, Brynn croise un peuple d’âmes perdues. Elle en fera une armée et en prendra le commandement pour marcher sur la forteresse d’Alya et enfin retrouver sa sœur.
Une très belle histoire contée en deux albums et rehaussée par le dessin de Gwendal Lemercier et les couleurs de Nicolas Bastide. Le tout forme un univers aussi tragique que féerique. Les décors oscillent entre les enfers et un univers elfique dans tout ce qu’il a de lumineux. Les amateurs de mondes féeriques qui ne craignent pas d’en explorer les parties sombres, seront comblés.
Les jeunes éditions Spootnik poursuivent leurs publications avec ce livre illustré, l’histoire d’une attente et d’une naissance. Un moment féerique que tous les parents connaissent et qui prend ici un aspect poétique plein de charme et de tendresse. Rencontre avec elleN, la talentueuse illustratrice et ses fées.
Décrivez-nous votre parcours avant la publication de Songes d’une Nuit de Fées ?
Après 5 ans de fac, je me suis rendue compte que je n’avais pas trop envie de passer toute ma vie à gérer des entreprises ou à bosser en banque. Je me suis alors inscrite à St Luc, en section bande dessinée à Bruxelles. J’y ai gentiment fait mes trois ans, et puis je me suis lancée dans la vraie vie, c’est-à-dire qu’il a fallu trouver un boulot qui rapporte! J’ai donc commencé à travailler, tout en continuant à dessiner le soir et le week-end, à faire des illus à gauche et à droite, pour Khimaira notamment. J’ai travaillé également pour un projet bd qui n’a finalement pas abouti. Tout ça a duré un peu plus d’un an.
Quelles techniques avez-vous utilisées pour la réalisation de ces illustrations ?
Après une petite phase de réflexion, une fois que je visualisais à peu près l’image, venait la réalisation. Toujours le même ordre, pour toutes les illus : je démarrais sur papier brouillon Canson le crayonné, puis je retournais la feuille pour voir par transparence si le dessin tenait la route même à l’envers. C’est le meilleur moyen à mon avis de voir ce qui cloche. Si c’était ok, alors j’encrais à la table lumineuse, même si je ne comptais pas garder le trait, car c’est plus facile de démarrer une mise en couleur sur quelque chose de propre et de plutôt précis. Je scannais alors le dessin fini, je l’importais sous Photoshop où je séparais les blancs des noirs, et je copiais le noir sur un calque transparent. J’avais donc mon trait à part, et je pouvais démarrer la couleur sur d’autres calques, visibles par transparence. Ensuite, j’ouvrais le document sous Painter pour la couleur. Pour les illus où je voulais supprimer le trait, je mettais le calque du trait en opacité réduite pour avoir une base de travail, et une fois l’image construite correctement avec la couleur, et relativement précise, je masquais le calque trait, et ne travaillais plus qu’avec le ou les calques couleurs.
Donc au final, le dessin de base était toujours réalisé traditionnellement, et ensuite venaient les couleurs à l’ordi, même pour les illus sans trait, qui peuvent donner l’impression d’avoir été entièrement réalisées informatiquement, sans croquis de départ…
Petite fée
Pourquoi le choix de ces couleurs particulières, rose, orangé, mauve… ?
Ça, c’est une bonne question… Il n’y a pas de choix stratégique en fait, je n’ai pas pris des couleurs chaudes parce que ça attire plus l’œil ou quoi que ce soit… En y réfléchissant, il y a deux raisons : la première est simplement une question d’affinité : ce sont des couleurs que j’aime bien et avec lesquelles je me sens à l’aise pour travailler. La deuxième est plus pratique : dans la gamme bleu-vert, il y a beaucoup plus de couleurs vives non imprimables que dans les rouge orange. Des bleus turquoise par exemple donnent souvent des sortes de gris-bleu à l’impression. Avec cette gamme, j’ai un peu peur, et j’ai été prudente. Je n’aurais pas aimé avoir de mauvaises surprises dans le bouquin…
De toutes les illustrations présentes dans ce livre, laquelle a votre préférence et pourquoi ?
Il y en a deux que j’aime particulièrement : l’image de couverture et celle de la fée agenouillée, vue du dessus dans un lys blanc.
L’image de couverture a été réalisée quasiment en collaboration avec un dessinateur du site Cafésalé. Au fur et à mesure de l’avancement, je postais le résultat sur le site, et il me donnait son avis et des conseils. Ça m’a permis d’aller plus loin et d’oser plus dans les couleurs que si j’étais restée toute seule dans mon coin.
J’aime l’image du lys pour le traitement de la lumière, dont j’avais situé la source dans la fée elle-même. Je n’avais encore jamais essayé ça et je trouve le résultat très correct…
A qui diriez-vous que ce livre est destiné en premier lieu ?
Je pense que ce livre est destiné à des amateurs d’Artbook ou de poésie. Pas forcément à des enfants comme on pourrait le penser, car certains textes sont assez durs, ce ne sont pas tous de gentil contes, et il y a quelques illus que certains pourraient peut-être considérer comme « osées » pour de jeunes enfants…déjà rien que la couverture par exemple… Je le vois plus destiné aux amateurs de beaux objets, de belles illustrations de fées, tout simplement.
La féerie est un domaine qui vous intéresse particulièrement ?
La féerie est un domaine attirant, car malgré que ce thème ait déjà été exploité dans tous les sens par des milliers d’artistes, il y a toujours moyen d’apporter sa propre interprétation de cet univers, on est libre de faire ce qu’on veut. Il y a finalement peu de contraintes, les seules limites sont celles de l’imagination. En plus je suis plus à l’aise pour dessiner des femmes que des hommes. Donc c’était que du bonheur ce livre ! Maintenant, au delà de ça, j’aime particulièrement tout ce que relève de l’imaginaire, que ça soit fantastique, science-fiction, poétique,…
La fée dans le Lys
Quelles sont vos influences ou les artistes dont vous admirez particulièrement le travail ?
Oh la la, il y en a beaucoup ! Je pense que mon artiste préféré est Bengal : il fait des compositions incroyables, et il a une superbe maîtrise des couleurs ! Mais à côté de lui, il y a aussi Claire Wendling, Barbucci et Canepa, des illustrateurs comme Véronique Meignaud, Stéphane Tartelin, Anii, Benjamin,… La liste est longue et j’en oublie sûrement ! Une fois cet entretien publié, je me dirai certainement que j’aurais dû parler d’untel ou d’une telle, et je râlerai de ne pas y avoir pensé !
Avez-vous d’autres projets en cours ?
Oui, beaucoup de projets ces temps-ci ! J’avais fait les couleurs d’un projet bd courant janvier, qui malheureusement n’a pas été accepté à Angoulême cette année. J’ai également réalisé les couleurs du dossier bd Smokers qui sera présenté aux éditeurs fin février. Je suis en train de dessiner une histoire courte de 4 pages pour Popgun, un magazine américain édité par Image Comics, et surtout, je suis occupée sur mon propre projet bd, avec Logruss au scénar, une histoire d’anges au paradis… Je croise les doigts pour que tout continue à bien se passer !
Songes d’une Nuit de Fées est en vente sur http://www.estragon-feerie.com L’histoire…
Dans un monde désenchanté, un homme va rencontrer une fée, ou plutôt deux puisque la première va lui faire un cadeau unique : un enfant-fée. Trempant sa plume dans l’encre de leurs rêves, il en rapportera des images emplies de poésie.
Songes d’une nuit de Fées est un recueil poétique, un monde de douceur par les mots et les images qui entrouvriront pour vous le passage vers le Royaume de Féerie. L’espace d’une seconde, d’une heure, d’une nuit, vous entrerez dans la danse de ces créatures enchanteresses !
Celtic Faeries
L’univers merveilleux de Jean-Babtiste Monge
De tous les illustrateurs de la vague féerique, un artiste s’est largement distingué en France. Il s’agit bien entendu de Jean-Baptiste Monge. Chacun de ses dessins exprime toute la nature féerique avec délicatesse et justesse. Du simple croquis à l’illustration complète et détaillée, tout vous transporte de l’Autre Côté. Celtic Faeries, paru aux éditions Au Bord des Continents, est une porte grande ouverte sur les créatures de nos forêts et collines. Pas question ici d’encyclopédie étudiée et vérifiée par quelque érudit lunetteux mais simplement d’une invitation à voyager au travers descriptifs et représentations. Plus de cent pages parcheminées où l’on croise des elfins, des redcaps et des goblins. On s’y plaît, s’y sent bien au milieu de ces elfes et de ces nains. Avec, cerise sur le gâteau, une très jolie préface de Pierre Dubois, autre grand complice du Petit Peuple et qui a d’ailleurs été la victime de quelque farce de korrigan puisque son nom a été amputé sur la couverture d’une de ses lettres. L’elficologue, croqué par l’artiste, rend ici hommage au talent incontestable de Jean-Baptiste Monge.
Il y avait une fois…Il était une fois une série de bande dessinée contant les aventures d’une malheureuse princesse à qui une fée avait fait le don d’intelligence. Vous pouvez imaginer le bouleversement au pays des contes !
Rencontre avec la scénariste Caroline Robert, véritable passionnée de contes de fées et la dessinatrice Hélène Ricaud, installée depuis un an au Japon où elle travaille pour le studio Deen. Il y avait une fois a pour point de départ un certain agacement à propos des contes et de la place qu’ils réservent aux jolies princesses… Caroline Robert: En fait, c’est plus leurs rôles de potiche qui m’agace. Comme le dit Artémis « ça va lui être très utile » d’être jolie et d’avoir une belle voix … Parce que si on regarde bien, qu’est ce qu’elles font ces princesses pour se sortir de leur vie ? Rien ! Elles attendent que quelqu’un viennent les sauver … c’est-à-dire un prince ! Comme si elles n’étaient pas capables de se sauver elles-mêmes. Je sais que ce ne sont que des contes mais à une époque, ces contes (là, je parle des contes originaux, de tradition orale pas de la version épurée de Disney) avaient une dimension éducative. Qu’est ce que nous apprennent ces versions modernes ? Qu’une femme ne peut pas trouver de solution seule ? Qu’elle doit attendre qu’un homme la sauve de sa pauvre et misérable vie ? Non merci !
C’est pour ça que dans Il y avait une fois les personnages emblématiques du conte, la princesse et la fée, vont s’en sortir parce qu’elles le veulent, parce qu’elles vont tout faire pour y arriver. Et c’est cet exemple que je voudrais donner aux petites filles de notre siècle pour qu’elles n’arrivent pas à trente ans en se lamentant parce qu’elles n’ont pas trouvé le prince charmant.
Vous avez choisi, avec Hélène Ricaud et les couleurs de Lorien, un dessin et un univers très rose bonbon et petite fleur. C’était important de jouer visuellement la carte « conte de fées » pour mieux faire ressortir toute l’ironie de l’histoire ? CR: C’est exact. On ne peut pas créer un univers de conte de fées, même pour lui tordre le cou, sans respecter certains archétypes surtout au niveau graphique. Il faut que le lecteur se sente dans cet univers magique. Pour la couleur, à mon sens, Lorien a apporté une touche de réalisme parce que ça aurait pu être beaucoup plus perlimpinpin…
Même si Il y avait une fois prend le contre-pied de l’héroïne classique, on ne peut s’empêcher de deviner la passionnée de contes de fées. Lequel a votre préférence et pourquoi ? CR: Ah, je suis découverte… J’ai grandit avec les contes de fées. Ils m’ont toujours fascinés. J’en ai beaucoup lu, dans de multiples versions. Je crois qu’on ne peut arriver à détourner un sujet qu’à partir du moment où on le maîtrise bien.
Mon conte préfère est Alice au pays des merveilles. Parce qu’il ne s’agit pas de princesses et puis parce que c’est un délire permanent.
L’album est parsemé de références aux contes mais aussi à des classiques de la fantasy. Une façon d’impliquer encore plus le lecteur ? CR: Pas seulement. J’ai surtout voulu créer un univers où se retrouve toutes les magies, pas uniquement celles des contes. Par exemple vous avez des références au Seigneur des anneaux, Harry Potter, Charmed (la série TV), la japanim avec Creamy, Gigi …
D’ou vient le nom de la fée rebelle, Artémis ? CR: Du roman jeunesse Artemis Fowl. Dans cette histoire, Artémis est un jeune garçon. Ça m’a choqué. Moi qui aime beaucoup la mythologie grecque, je trouvais que ce nom ne convenait pas à un garçon mais à une jeune femme pleine de fougue, de détermination. Et puis, cela m’a donné d’autres idées comme le nom du chat Apollo ou du sorcier Actéon.
Hélène Ricaud, vous êtes une des rares françaises à travailler au sein d’un studio japonais. Diriez-vous que vous vivez un conte de fées ? Hélène Ricaud: Eh bien….un conte de fées n’est pas composé uniquement de bons et heureux moments mais quand vous avez la chance de vivre où vous avez presque toujours voulu être, que vous y rencontrez votre moitié, et y exercez le métier que vous aimez, évidemment, on a du mal à y croire tellement c’est trop beau pour être vrai et l’on se sent privilégiée. S’il y conte, il a commencé avec Il y avait une fois. La finition du premier tome et mon arrivée au Japon se sont faites presque simultanément. Cela va fair près d’un an que je travaille pour Deen. Je dois avouer que toucher à certaines séries et rencontrer des personnes qui ont travaillé sur celles qui ont bercé votre enfance et vous ont donné l’envie de dessiner, c’est magique en effet! Mais cela comporte certains choix et pas mal d’investissements personnels.
Votre dessin est très expressif. Un élément issu de votre expérience japonaise ? HR: Je suis très contente que les dessins passent ainsi. Donner autant que possible vie aux personnages est très important à mes yeux. J’essaie de le faire passer par le regard et la chevelure. Ceci dit, je ne pense pas qu’il y ait de lien direct entre le tome 1 et mon travail au Japon, car il était achevé avant mon départ. Mes inspirations premières sont les dessins animés japonais qui passaient dans les années 80, puis les mangas un peu après… C’est un peu plus tard, lorsque j’ai travaillé dans l’animation en France que j’ai commencé à m’intéresser à d’autres choses. L’expérience fut courte, mais le contact avec d’autres dessinateurs m’a donné l’envie de regarder d’autres styles d’animation. J’adore le travail des illustrateurs anglais Brian Froud et Alan Lee ! Depuis ces dernières années, je me passionne aussi pour le cinéma. Bien que radicalement différents, je pense que c’est après avoir vu les films Magdalene’s Sisters (très réaliste, je dirais même violent) , et le Seigneur des Anneaux, que je me suis mise à travailler davantage les expressions des visages. La danse classique se retrouve aussi dans nombreuses des postures données aux personnages (rires)! J’en ai fait pendant longtemps.
L’expérience japonaise se retrouvera sans doute beaucoup plus dans le deuxième tome…
Et pour vous, votre conte préféré ? HR: Enfant, j’aimais beaucoup L’Oiseau Bleu. Cela me paraissait merveilleux et me fascinait. J’aime aussi énormément la version Disney de La Belle et la Bête. L’atmosphère qui s’en dégage, et la Bête est très attachante! Il y a aussi La Belle au Bois Dormant pour lequel je raffole du graphisme!
Mais sans aucun doute, l’histoire qui me berce depuis toute petite, est La Dernière Licorne, un roman écrit par l’auteur américain Peter S. Beagle. C’est l’histoire d’une licorne, la dernière de sa race, transformée en humaine pour sauver ses semblables capturées par un taureau de feu. C’est magnifique, les personnages sont très attachants, c’est émouvant…et je dirais même un livre peu commun. Une version animée existe et est sortie en DVD, il n’y a pas si longtemps en France.
La dernière planche se referme sur une phrase de la fée Artémis: « Tu n’aurais jamais du les envoyer là-bas… » Doit-on s’attendre à une suite plus sombre ? Caroline Robert: D’une certaine manière, oui, en effet, l’histoire prend une autre tournure. On va beaucoup plus suivre Aurora, les événements seront moins anodins mais on a toujours les clins d’œil aux contes, à la magie en général.
Etrangement, les fées sont de toutes les créatures de l’Autre Côté, à la fois les plus évoquées tout en étant les moins saisissables… Tantôt minuscules aux ailes de papillon, tantôt belles dames aux atours médiévaux. Figure aux milles images, toujours en mouvement, en transparence. Petite plongée au cœur de Faerie pour vous livrer quelques secrets sur les fées avant que ces dernières ne s’évaporent…
Aux origines…
Le premier constat lorsqu’on s’intéresse aux fées est la multitude de pistes qui s’offrent à nous. Car la fée est plurielle. Qu’on remonte à sa ou ses naissances mythologiques ou qu’on tente de la définir physiquement, on se heurte à nombre de possibilités.
Qu’est-ce qu’une fée ? Pour tenter de le comprendre, il faut nécessairement s’attacher au mot. Pierre Dubois rappelle très justement dans son Encyclopédie des Fées (Hoëbeke) les propos d’Alfred Maury mettant en parallèle les fata (Parques) et les Fées ainsi que le mot fatum d’où découlera l’adjectif fé signifiant «destiné». On le voit, les fées ont quelque chose à voir avec l’idée de destin et leurs ancêtres divines, les Parques. On notera au passage que ces divinités étaient trois, tout comme le seront très souvent les fées dans les contes…
Ce lien avec les divinités antiques est encore renforcé lorsqu’on s’arrête sur l’idée de fée marraine. Les Carmentes Anteverta et Postverta, divinités romaines de la connaissance du passé et du futur, étaient liées à la naissance des enfants qui se présentaient par la tête ou par les pieds. Au fil des siècles, la tradition voudra que les fées, comme les anciennes divinités, se penchent sur le berceau de nos enfants, leur procurant protection et bienveillance.
Dans son Guide du chasseur de Fées (Le pré aux clercs), Edouard Brasey insiste sur la notion de beauté. La fée est un idéal de beauté. Voilà donc un autre trait essentiel, l’idée de beauté, de perfection. Une idée que Jean-Louis Fetjaine reprend dans sa trilogie des elfes (Pocket) où « les femmes elfiques étaient d’une telle beauté que les hommes qui n’avaient pas l’habitude de traverser leurs contrées les prenaient pour des fées ».
Les traditions celtes et les récits arthuriens entraîneront les fées vers la pratique de la magie. De la prophétesse antique à la magicienne celte, il n’y avait en effet qu’une infime frontière, vite franchie. On y verra également le lien des fées à la Nature, provenant des croyances celtiques et de leurs cultes intimement liés à la Terre, chaque divinité étant la gardienne d’un lieu, d’une rivière ou d’une forêt… Ce lien à la Nature, nous le faisons encore aujourd’hui puisqu’il n’est pas rare de voir ci et là une petite figurine de fée orner un coin de jardin, petite divinité protectrice de cet endroit chéri. Beatrice Philpotts nous parle d’ailleurs des Fées du Jardin (Le pré aux clercs) avec poésie et tendresse. Fleurs, plantes et fées s’y côtoient, tout comme dans un autre ouvrage liant jardin et féerie, l’Herbier féerique par Amandine Labarre (AK Editions).
Enfin, les idées de beauté et magie fascineront encore les auteurs du Moyen-Âge et donneront naissance à la fée courtoise, celle qui envoûtera nombre de cœurs de ces preuxs chevaliers…
Nous parlions plus haut du caractère pluriel de la fée. Le mot anglais pour fée est fairy et il désigne tout membre du Petit Peuple. Dans son Dictionnaire féerique (Oxymore), André-François Ruaud reprend bien le terme fée comme un terme générique lorsqu’il affirme «Notons enfin que j’utilise indifféremment pour les êtres féeriques (mâles, femelles ou neutres) les termes esprit, fée ou génie». On s’éloigne donc de la définition typiquement française qui voit en la fée une figure féminine pour l’élargir à l’ensemble des créatures féeriques.
Des fées à lire…
Belle, liée à la nature, magicienne et prophète, la fée revêt mille apparences et reste par là insaisissable. Il en va de même dans les contes et romans où la plupart du temps, elle n’occupe qu’un second rôle, deus ex machina lorsqu’il faut faire avancer l’histoire par quelque artifice ou amorce à l’intrigue lorsqu’elle se fait responsable du destin des héros. Bien sûr, les fées sont présentes, traversent, transcendent les histoires. Marion Zimmer Bradley, Léa Silhol, Kathryn Kristin Rusch, Laurell K.
Hamilton, Lord Dunsany et d’autres ont largement teinté leurs récits de poudre de fées. Et même si elles demeurent en retrait comme héroïnes, on peut affirmer que cet attrait des hommes pour les fées participe au succès du genre fantasy aujourd’hui.
Le grand Shakespeare lui-même n’a pas échappé aux fées en écrivant son Songe d’une nuit d’été et le papa de Peter Pan, James Matthew Barrie, n’hésite pas à donner pour compagne à son héros, une petite fée espiègle et ô combien symbolique, Clochette. Croire aux fées ? Les auteurs ne sont pas en reste quand il s’agit de démontrer l’existence de ces charmantes créatures. Arthur Conan Doyle ira jusqu’à écrire un livre, Les fées sont parmi nous (Lattès) pour défendre les deux petites anglaises qui avaient réussi à photographier des fées dans le Yorkshire.
Ces êtres magiques inspireront même certains ouvrages de science-fiction comme le Féerie de Paul J. McAuley où une jeune fille de douze ans convainc un pirateur de gènes à l’aider à réaliser son rêve : donner une âme à de petites poupées androïdes pour les transformer en véritables fées.
On attirera enfin l’attention sur deux œuvres parues aux éditions Terre de Brume. La Compagnie des Fées de Garry Killworth tout d’abord, qui revisite sur fond de fantasy urbaine le classique de Shakespeare, l’occasion de redécouvrir Titiana et Morgane dans un contexte surprenant. Le Parlement des Fées de John Crowley, ensuite, qui réussit à placer les fées comme elles doivent l’être, en transparence, toujours présentes, influentes sans qu’on ne puisse pourtant les apercevoir. Ce chef d’œuvre de la littérature fantasy nous parle de l’univers des fées comme d’un royaume intérieur, et cette vision rejoint bien cette impression d’invisibilité des fées. Peut-être, qu’au fond, le royaume des fées n’existe que dans le cœur des hommes. C’est aussi ce que semblait penser James Matthew Barrie lorsqu’il affirme qu’à chaque fois qu’un enfant ne croit plus aux fées, une de celles-ci disparaît…
Les fées noires
Insaisissable, invisible, symbole de pureté, d’innocence, la fée dans toute sa blancheur n’apparaît pas comme une figure facile d’utilisation dans un récit. Par contre, s’il existe des fées blanches, il doit bien y avoir leur opposé. Elle se révolte, agit, fait mal, maudit, devient cruelle et méchante. Son ambiguïté intéresse alors les auteurs et son personnage, les lecteurs. Empêchée de prendre part au repas des fées, la dernière marraine maudit l’enfant et la condamne à un repos éternel le jour où elle se piquera au funeste fuseau (La Belle au bois dormant). Et la sorcière, cette femme pratiquant la magie noire, effrayant les enfants et envoûtant de ses charmes les mâles innocents, n’est-elle pas, après tout, qu’une mauvaise fée ?
Les fées condamnent, portent malheur, il faut les fuir, les éviter… Pierre Dubois, en éminent elficologue, prétend que les fées vengeresses, déçues et blessées par le comportement des hommes envers la nature, sont à l’origine des cataclysmes, des tempêtes et des bourrasques. L’heure n’est plus à l’indifférence mais à la révolte !
Dessine-moi une fée !
Comment ne pas terminer cette brève réflexion sur les fées par le phénomène qui marque les librairies
Le livre des fées séchées de lady Cottington
depuis quelques années, surtout en période de Noël : les images de fées. Car ce que semblent rechercher avant tout l’amateur est bien une représentation de celle qu’il admire. Ces véritables icônes de l’Imaginaire se déclinent alors en cartes postales, calendriers, ouvrages divers et variés comme le célèbre Livre des Fées séchées de lady Cottington des incontournables Brian Froud et Terry Jones (Glénat) qui saisissent avec humour nos petites amies à la manière des herbiers. Brian Froud encore avec Alan Lee cette fois qui proposent un superbe recueil de créatures intitulé tout simplement Les Fées (Albin Michel). Sans oublier Le Livre des Fées de Beatrice Philpotts qui dresse un portrait de Faerie abondamment illustré par une kyrielle de maîtres de l’illustration féerique. La bande dessinée aussi recèle de véritable petits bijoux comme le Fée et Tendres automates de Téhy et Béatrice Tillier (Vents d’Ouest) ou encore Loisel qui dans son Peter Pan, revisite avec succès la fée Clochette, succès retentissant dans le mondes des planches et des bulles.
Une collection 100% fées
Récemment, les éditions Spootnik ont lancé une collection dédiée aux fées. Confiant les pages illustrées à des dessinateurs aux styles variés, la collection Estragon s’enrichit au fil des mois de beaux livres au format carré qui nous plongent dans la Féerie. Dessins, poèmes, contes, illustrations de fées se succédent dans des univers variés. A noter qu’il existe également des livres jeunesse dans cette collection à commencer par le très utile Hôpital des fées pour aborder le thème de l’hôpital avec les jeunes enfants… Petite conclusion féerique…
Ce besoin inextinguible d’admirer les représentations de fées, doit-on le comprendre comme une tentative d’entrevoir ce qui ne peut être vu ? Est-ce là une façon d’entrouvrir la porte de l’Autre Côté ? Ou de rechercher la bénédiction, la protection de ces Demoiselles et Bonnes Dames ? Quoiqu’il en soit, les fées ont encore de beaux jours devant elles car l’homme, apparemment, n’a pas fini d’y croire. Au détour d’un chemin, au milieu d’une forêt ou assis sur ce banc, dans votre jardin, fermez les yeux, respirez doucement. Vous le sentez vous aussi n’est-ce pas ? Cet irrésistible parfum des fées…