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  • La Grande Enquête féerique: les résultats !

    En mai dernier, le Peuple féerique vous a proposé de répondre à quelques questions. Un tout grand merci de votre participation ! Vous avez été 218 à répondre aux questions. Voici donc les résultats…

    1. Croyez-vous en l’existence réelle des fées et lutins ?

    OUI : 84 %
    NON : 16 %

    2. Croire aux fées, pour vous, c’est :

    En premier lieu, cela ressort du rêve, de l’imaginaire, de la magie. On y décèle donc une opposition à la réalité, au rationnel.
    La réponse citée le plus souvent venant ensuite est la « beauté » en opposition avec la dure réalité, la laideur du monde. On est dans un registre d’espoir.
    Viennent ensuite la « nature » (dans le sens d’un retour à la nature), l’« enfance » (naïveté, état paisible de l’enfance) et enfin, vient l’idée d’un monde parallèle, d’autres êtres, monde invisible…

    3. Depuis quand vous intéressez-vous à la féerie ?

    Moins de 25% des personnes interrogées disent que c’est plus ou moins récent, les autres répondent depuis toujours ou depuis leur enfance.

    4. Trouvez-vous que la féerie est revenue depuis peu à la mode? Si c’est le cas, quelles en sont les raisons ?
    OUI : 52%
    Non : 15%
    Ne se prononce pas : 33%

    Première raison, les oeuvres de fiction, Seigneur des anneaux principalement, Harry Potter ensuite, que ce soit au cinéma ou en littérature.

    La deuxième raison qui talonne de très près la première est une réaction à la modernité, un besoin de respirer, de croire (faillite des religions traditionnelles).

    Très loin derrière avec seulement chacun 2 réponses : l’écologie et la présence de boutiques féeriques.

    5. Citez trois livres indispensables sur la féerie

    Les grands gagnants sont : Ouvrages d’Edouard Brasey (34); Romans de Tolkien (23); Livres illustrés de Brian Froud (22); Ouvrages de Pierre Dubois (19); Livres illustrés de Jean-Babptiste Monge (11); Peter Pan (9); Livres illustrés de Sandrine Gestin (8); Romans de Fetjaine (6); Romans Marion Zimmer Bradley (6); Livres illustrés d’Amandine Labarre (5); Contes de grimm (5); Livre illustré Songes d’une nuit de fées : (5); Histoire de fées de Doreen Virtue (4); Bible des fées de Teresa Moorey (3); Livres illustrés d’Olivier Ledroit : (3); Romans jeunesse Artemis Fowl (3); Livres illustrés Moguerou (3); Roman Faerie de Feist (2); Ouvrages de Katherine Briggs (2); Encyclopédie des elfes d’Edouard Kloczko (2); Fairy Tradition in Britain de Lewis Spence (1); Marie-Charlotte delmas : (1)

    6. Vos parents vous parlaient-ils des fées? Si OUI, à quelle(s) occasion(s) ?
    Lorsqu’on répondait oui, c’était principalement dans les contes et histoires contées tous petits. Une toute petite minorité par la croyance des parents ou grand-parents. La croyance la plus répandue est celle de la fée des dents (petite souris).

    7. La féerie, vous la retrouvez principalement (plusieurs réponses possibles)
    sur Internet : 55%
    dans les livres illustrés : 65%
    dans les romans de fantasy : 58%
    dans les images, photos, peintures… : 67%
    dans la nature et les jardins : 75%

    8. Choisissez un terme que vous trouvez très proche de féerie dans la liste suivante :
    écologie : 0%
    nature : 77%
    croyance : 17%
    fiction : 6%

    9. Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?
    Les grandes gagnantes sont les Fées, suivies des Elfes, des Lutins et des Dragons.

  • Interview de Béatrice Bottet

    Béatrice Bottet est une spécialiste du fantastique et de l’ésotérisme, auteure d’une vingtaine d’ouvrages, elle a notamment signé la série Le Grimoire au rubis, l’encyclopédie du fantastique et de l’étrange, Sirènes et autres dames des eaux, Fées et autres dames extraordinaires, etc. Ouvrages parus aux éditions Casterman. Le Peuple féerique l’a rencontrée pour un petit échange à propos des fées…

    Dans le tome consacré aux fées de la Bibliothèque fantastique parue chez Casterman, vous distinguez quatre catégories de fées dont les fées emblèmes. Pouvez-vous nous les présenter ?

    Il y a énormément de genres de fées et il est vraiment difficile de les classer. Néanmoins, tentons l’opération, dans les grandes lignes :

    – Les fées dites “vertes” peuplent la nature, quand elle n’est pas trop polluée. Ce sont de petits êtres enjoués et dynamiques qui accomplissent les phénomènes naturels (ouverture des fleurs au printemps, par exemple) et passent une partie de leur temps à activer le monde en dansant. Ce sont leurs traces que l’on voit quand il y a dans l’herbe des ronds de champignons, lesquels sont les sièges sur lesquels elles s’asseyent quand elles reprennent souffle, si elles sont fatiguées de danser.

    Les fées vertes sont rapides, lumineuses, évanescentes et ne frôlent qu’à peine le monde des humains. La fée Clochette de Peter Pan appartiendrait assez à cette catégorie.

    On les trouve en forêt, dans les jardins, près des sources et des fontaines, dans les arbres creux… Elles se réveillent au printemps et cessent leurs activités quand revient le froid.

    – Les fées marraines se trouvent volontiers au détour des grands contes. Ce sont des femmes majestueuses, richement vêtues, et qui dotent de dons les enfants royaux, quand elles sont invitées aux réjouissances du baptême. Elles sont protectrices, bienveillantes, parfois autoritaires, toujours de bon conseil. Elles protègent d’une façon plus attentive encore les enfants nés un dimanche.

    – Certaines fées, un peu campagnardes, sont plus évoluées que les petites fées vertes et participent assez volontiers aux activités humaines. Ce sont elles qui, discrètement, aident les femmes dans toutes leurs tâches, en particulier lors des accouchements et dans toutes les activités maternelles. Ces fées comblent de bienfaits ceux qui leur veulent du bien. Presque toutes cherchent à acquérir une âme, quand bien même ce serait au détriment de leurs prérogatives féeriques. Pour cela, une seule solution : le mariage. Hélas, les mariages entre un homme et une fée sont rarement couronnés de succès, car si le mari ne respecte pas suffisamment sa fée-épouse et transgresse telle directive qu’elle lui a imposée, elle disparaît à tout jamais, le laissant inconsolable.

    – Les fées emblèmes ne se rencontrent, à vrai dire, qu’assez rarement. Ce sont des fées qui sont à l’origine de familles nobles, qui vénèrent leur souvenir légendaire et les mettent dans leurs armoiries. La plus célèbre est Mélusine, à l’origine de la maison de Lusignan, dont le mariage avec Raymondin fut interrompu, après une longue vie conjugale couronnée par dix enfants, parce que Raymondin avait passé outre à ses instructions : ne pas la regarder quand elle était au bain, le samedi. Mélusine se transformait alors en femme-serpent. Quand Raymondin la surprit, Mélusine s’envola, fit trois tours au-dessus du château et disparut…

    Toutes les fées ont en commun quelques caractéristiques :

    – elles ne vieillissent pas, ou alors seulement par choix ;

    – elles ne meurent pas, mais perdent peu à peu de leur substance, devenant de plus en plus diaphanes, au point de finir par disparaître ;

    – elles ont une très longue vie, certains pensent qu’elles atteignent trois cents ans et plus ;

    – elles sont bienveillantes à tous ceux qui leur veulent du bien et les respectent, les comblent d’or, de bienfaits, de dons ;

    – elles sont susceptibles et irascibles : il ne faut pas les mettre en colère ni leur déplaire. Leur rancune peut être terrible ;

    – elles cherchent à acquérir une âme, car comme tous les êtres du Petit Peuple, elles n’en possèdent pas.

    Vous opposez souvent en ces pages les fées à la pollution…

    Bien sûr. Les fées sont des esprits de la nature, en particulier de la nature sauvage, brute, dans toute sa beauté et toute sa violence. Que la nature disparaisse et le monde féerique disparaît également. A-t-on jamais vu une fée dans une banlieue lugubre, dans une décharge, dans un parking ? Les fées, droites, pures, gaies et proprettes, vite dégoûtées par la vulgarité et la saleté, s’éloignent irrémédiablement des lieux pollués ou sinistres.

    Lors d’un débat sur le réenchantement du monde, vous avez d’ailleurs souligné que ce ne serait pas les différents mouvements écologiques qui changeraient profondément nos comportements mais bien les fées…

    En travaillant sur les fées, je me suis sentie plus sensible à toutes les manifestations de la vie, en particulier de la vie végétale. Voyez-vous, moi qui suis pourtant née dans le béton parisien, je possède un jardin. Je peux vous assurer que depuis que j’ai enquêté sur l’imaginaire féerique qui a imprégné notre civilisation depuis deux mille ans et plus, j’ai mieux compris comment ces croyances avaient pu s’installer dans nos esprits. Voir la nature à l’œuvre, en particulier lors de l’explosion végétale du printemps, est à la fois magique, merveilleux et poétique. Mon regard sur la nature a changé, en parallèle avec ce travail sur les fées. Comment ne pas penser à ces petits êtres qui, dès que vous avez le dos tourné, s’activent à ouvrir les fleurs, à lisser les pétales, à réveiller les papillons et les abeilles ? Comment ne pas ressentir d’étranges présences dans les forêts profondes, sur les rochers, la mousse, au bord des ruisseaux ? Je crois que la civilisation urbaine a perdu une certaine qualité de regard émerveillé et naïf, et travailler sur ces sujets me l’a fait redécouvrir. Et si je me sens un peu plus écolo, c’est moins parce qu’on me fait sentir à coups de statistiques, d’alertes, d’objurgations et d’impératifs qu’il faut respecter la nature, mais c’est parce que depuis mes travaux, je la vois avec un œil très différent. Je me sens davantage en synergie avec la terre.

    Dans le livre, vous prétendez que la fin des fées correspond à la Révolution de 1789, lors du débat, vous parliez de la période d’après-guerre. En quoi ces deux périodes ont-elles combattues les fées ? Et peut-on dire que cela est plus le cas en France qu’en Angleterre par exemple ?

    Le XVIIIe siècle, en se tournant résolument vers la philosophie, la raison et le modernisme, amorce, me semble-t-il, un premier tournant. La chasse aux sorcières est à peu près terminée (la dernière sorcière a été condamnée au milieu du XVIIIe). La philosophie des Lumières, qui s’intitule elle-même “éclairée” (par la raison et la pure pensée) rejette les antiques croyances, et même les traite de haut. Certes, dans les campagnes, on n’abandonnera pas de sitôt les croyances et les superstitions, mais le mouvement a démarré. Les lettrés n’ont que mépris cinglant pour les pauvres retardés qui persistent à penser que leurs fontaines sont magiques ou que dans leur forêt vivent des elfes et des fées.

    La Révolution vient en coup de tonnerre confirmer le changement radical de mentalité.

    Néanmoins, malgré l’ironie des esprits forts, le fantastique n’a pas tout à fait abandonné le terrain. Il faudra encore un siècle et demi. Je pense que peu à peu, après la Seconde guerre mondiale, une nouvelle étape est franchie. Le fantastique n’a quasiment plus droit de cité dans un monde (occidental s’entend) qui se modernise à grande vitesse, qui se veut carré, sérieux, technique pour ne pas dire technologique, scientifiquement organisé, ou doit être démontrable, prouvable. C’est le sens du progrès. Le fantastique n’y a évidemment pas sa place. La littérature de l’imaginaire (car on ne peut se passer d’imaginaire, bien sûr) devient elle aussi carrée, technique, scientifique, et ce sera la grande époque de la science-fiction, qui semble mieux adaptée aux mentalités du temps.

    Mais chassez le fantastique à votre porte, il rentre par la fenêtre… Quand J.K.Rowling invente Harry Potter et introduit dans ses romans tous les grands thèmes du fantastique occidental, c’est un raz de marée, et elle ouvre une brêche dans laquelle s’engouffrent bien des auteurs. A mon avis non pas parce que c’est à la mode et que ça se vent, mais aussi parce que lecteurs et auteurs attendaient ce moment. Ils étaient frustrés de cette dimension, ils peuvent enfin se laisser aller à leur pente naturelle. A une des pentes naturelles de l’esprit humain. A quoi bon se priver de cette dimension de nous-mêmes ? Nous mutiler des richesses de notre imaginaire ? Je crois que nous attendions tous plus ou moins cela. Nous les amateurs de fantastique, s’entend. Ou la partie de nous-même qui l’est. Car je vous assure qu’à part cet intérêt pour nos traditions, croyances et légendes, je suis une personne tout à fait ordinaire et rationnelle !

    L’Angleterre, bien qu’elle ait amorcé la révolution industrielle et se soit montrée plus inhumaine que bien d’autres pays quant à ses colonies, ses ouvriers, ses prolétaires et ses enfants, l’Angleterre, longtemps pétrie dans l’ambiance corsetée de l’époque victorienne et la morgue insupportable, est pourtant une terre de fées. Comment cela est-il possible ? Parce qu’elle n’a connu ni la Révolution, ni la guerre sur son territoire ? Peut-être. Parce que c’est une terre de riants paysages et de jardins ? Peut-être. Parce que l’imaginaire celtique l’a plus imprégnée que sur le continent (sauf en Bretagne) ? Peut-être. Je n’ai pas de réponse. On ne peut que constater la réalité.

    Vers la fin du XIXe siècle ou le début du XXe, Arthur Conan Doyle (oui, le créateur de Sherlock Holmes) lança dans un journal une enquête sur l’existence des fées. Il reçut quantité de réponses de témoins oculaires lui assurant que les fées existaient bel et bien. Et pendant la guerre de 14-18, deux petites filles s’employèrent à photographier des fées. Ce n’étaient que des montages, mais il y eut une énorme polémique : pour ou contre l’authenticité de ces photographies ?

    On voit bien à ces exemples très proches que certains Anglais sont encore totalement convaincus, et avec flamme, de l’existence des fées sur leur territoire.

    Vous écrivez « Les fées protégent plus volontiers les femmes que les hommes ». Pourquoi ?

    Pendant des siècles, la vie de tous était difficile, mais celle des femmes plus encore que celle des hommes. Un coup de main extérieur n’était alors pas à négliger, pour toutes ces occupations, activités et étapes de la vie typiquement féminines, à commencer par la maternité. De plus, les femmes avaient la réputation (forgée de toutes pièces par ces messieurs, mais ceci est une autre histoire) d’être plus imaginatives, moins rationnelles, plus sensibles aux superstitions et, disons-le, à une sorte de bêtise.

    Dans la vie difficile des femmes, sentir qu’une aide occulte pouvait vous être apportée les aidait probablement, psychologiquement.

    Et puis, les fées agissaient par solidarité féminine, tout simplement.

    Les fées marraines le sont généralement de petites filles, dans les contes. Les bonnes ménagères seront qualifiées de fées du logis. Les fées, invisibles et efficaces, aident la femme à concevoir, surveillent la grossesse, participent à l’accouchement et veillent sur les enfants.

    Quel est le lien unissant les fontaines aux fées ?

    Les fées qui hantent et protègent les fontaines sont les descendantes des antiques nymphes, semble-t-il. Cela nous remet en perspective avec la question précédente. L’eau est, selon la vieille tradition, un élément féminin (l’eau et la terre sont féminines, le feu et l’air masculins, et pas seulement grammaticalement). Ce sont les femmes qui vont la puiser. C’est là qu’elle rencontreront donc les fées qui garantissent la pureté de l’onde, entre autres. A noter : il est des contes dans lesquels l’héroïne, en allant chercher de l’eau au puits, tombe au fond et pénètre ainsi dans l’Autre Monde, où elle rencontrera des êtres féeriques. Lisez à ce propos le conte des frères Grimm “Dame Holle”.

    Les Dames, Bonnes Dames désignent les fées. Il en résulte que tous les lieux comportant « Dames » sont à attribuer aux fées ?

    Oui, il semble bien que les Roche aux Dames, Chemin des Dames, Bois des Dames, Pont aux Dames et ainsi de suite fassent référence à des lieux habités par les fées.

    Et cette tradition où les taupes sont des fées punies par Dieu contre lequel elles s’étaient révoltées, d’où vient-elle ?

    Je l’ignore, je me rappelle l’avoir lu dans un de ces innombrables ouvrages qui recensent les façons dont les fées ont croisé notre route. Mais vous voyez bien comme la taupe, lourde, aveugle, épaisse, grise, vivant sous terre, est l’antithèse de la fée. Peut-il être pour elles une punition plus cruelle que de ne plus voir le jour, ni voir tout court, de ne plus sautiller et danser, de ne plus être vive, avec de longs cheveux blonds et des robes légères et diaphanes ?

    Comment vous êtes-vous documentée pour ce tome consacré aux fées…

    Il y a beaucoup d’ouvrages qui évoquent nos anciennes croyances et je dois dire que j’ai pioché un peu ici et là. Les grands contes sont là pour nous dire, sous une forme particulièrement stable, une partie de ces croyances anciennes. J’aime beaucoup les contes de Grimm, bien plus que ceux de Perrault, très marqués par le genre classique. Les contes des frères Grimm, recueillis bien plus tardivement, ont pourtant un côté plus ancien, plus brut, plus authentique, pour tout dire. Perrault, comme madame d’Aulnoy, est plus précieux et plus moralisateur d’ailleurs.

    Mais il n’y a pas que les contes. Il y a le gigantesque ouvrage de Paul Sébillot, qui au début du XXe siècle compila toutes les légendes, les mythes et les croyances de France. Il y a les merveilleux ouvrages de Pierre Dubois, qui m’a ouvert de nombreuses perspectives, ceux de Jean Markale, de Claude Lecouteux, d’Edouard Brasey, les dictionnaires des superstitions, les dictionnaires des symboles, et aussi beaucoup d’ouvrages que j’achète ici ou là, parfois dans des brocantes.

    Quelquefois, une petite notation dans un ouvrage de voyage, du genre “Dans le château de NNN vivait un baron qui avait épousé une fée”.

    Je me suis toujours intéressée au fantastique, aux croyances, aux légendes, aux superstitions et aux mentalités, à la richesse de notre imaginaire, mais je reconnais bien volontiers que je ne suis pas une spécialiste, en tout cas pas une théoricienne ni une universitaire. Je suis plutôt une curieuse, j’adore lire ce qui concerne ces sujets. Ce qui reste dans ma mémoire ou mes notes et se retrouve dans mon travail, c’est cela que vous pouvez lire. Je rends grâce de tout cœur à ceux qui font un travail plus approfondi que le mien…

    Cette collection s’adresse aux adolescents. Quel a été l’argument de base pour sa création ?

    Il s’agissait de donner une information sur tous les grands sujets fantastiques, du genre “Tout ce que vous devez savoir sur tel ou tel grand sujet du fantastique est dans cet ouvrage”. C’est une collection de Casterman qui a vu le jour après le succès de l’Encyclopédie du fantastique et de l’étrange, toujours chez Casterman, que j’avais rédigée. Il y avait trois tomes et on peut actuellement trouver cette Encyclopédie en un seul volume sous le titre de l’Intégrale du fantastique et de l’étrange. Cela permettait de développer des sujets qui avaient dû être traités un peu rapidement dans l’Encyclopédie, sous une forme “vrai-faux documentaire”, presque scientifique, mais un peu décalé. De plus, les informations ne sont pas fantaisistes, elles sont de l’ordre de l’histoire des mentalités et des traditions séculaires, dans toute leur variété.

    La Bibliothèque du Fantastique comporte plus de tomes sur des êtres féeriques que sur des créatures véritablement liées au courant fantastique. L’ordre de parution correspond-il aux attentes du public aujourd’hui ? A ses premiers intérêts ? Connaissez vous le tome qui s’est le plus vendu ?

    Les ouvrages de cette collection correspondent beaucoup aux attentes des auteurs, qui sont intéressés par tel ou tel sujet ! C’est l’éditeur qui décide de lancer tel ou tel ouvrage, et qui choisit l’ordre de parution. Je crois que le tome le plus vendu est celui des Dragons, de mon collègue Jean-Luc Bizien.

    On voit beaucoup de livres sortir sur la féerie, des festivals naître un peu partout. Pensez-vous qu’il y ait réellement plus d’attraction pour la féerie ces dernières années qu’auparavant ? Si oui, quelle en est la cause ?

    Oui, le fantatique refait surface et intéresse tout le monde, si bien que les festivals fleurissent. Je pense que c’est dû en partie à ce vieux fonds qui depuis Rowling ne demande qu’à se réveiller, comme je l’ai dit précédemment. Peut-être y a-t-il aussi une attirance vers le fantastique, et surtout vers le côté magique, car ce serait si bien de pouvoir faire tous ces exploits sans effort ! Ce serait si bien si on pouvait vraiment devenir invisible, influer sur le réel, se déplacer dans l’espace et dans le temps d’une façon occulte ! Ce serait si bien si les grimoires donnaient la bonne solution ou la bonne recette à tous vos problèmes, tous vos désirs !

    Mais bien sûr, dans ce cas, c’est tout simplement par paresse d’affronter le vrai réel bien terre à terre !

    Revenons à l’attraction pour les fées, ou plutôt, ai-je envie de dire, pour le fantastique. La beauté, l’imaginaire, la résolution de tous vos problèmes, qui ne serait irrésistiblement attiré ?

    A titre personnel, je trouve que dans de nombreux cas, les festivals sont pleins d’excellentes surprises, et les livres sur ces sujets sont tout bonnement merveilleux.

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?

    Je ne suis pas sûre d’avoir une créature féerique préférée.

    S’il faut vraiment choisir, ce serait la Dame Holle des frères Grimm. C’est une fée plus toute jeune peut-être, mais si bonne. Quand elle secoue ses couettes, édredons et oreillers, il se met à neiger sur la terre. J’aime beaucoup cette image poétique.

    Mais ce n’est pas une réponse « sentimentale », et la question d’avoir une créature préférée me parle peu.

    Vous aurez peut-être compris que pour moi, il est davantage question de croyances et de traditions qui se sont forgées au fil des siècles, ont sédimenté dans nos imaginaires et continuent à vivre en nous, d’une façon quelquefois très lointaine, comme une vieille réminiscence. Ces croyances ont forgé nos mentalités, elles sont pour nous comme un terreau d’une richesse exceptionnelle. Nos traditions fantastiques nous ont laissé non seulement des croyances, mais aussi des livres, des contes, des œuvres d’art, des sculptures d’églises et de cathédrales, des chansons, des pièces de théâtre, des opéras. Leur trace est partout et si l’on est un peu curieux, on a vite fait de les débusquer, dans un nom de village, sur un chapiteau d’église. C’est cette richesse-là qui m’intéresse. Peut-être parce qu’elle est pittoresque, mais surtout, je crois, parce qu’elle est la preuve que l’esprit humain ne s’arrête pas aux simples contingences “raisonnables”, “rationnelles”, un peu trop technocratiques à mon goût.

    J’aime bien penser que la vie ordinaire peut parfois être frôlée par le fantastique, et voilà pourquoi j’écris aussi des romans où les personnages sont comme vous et moi (bien que les intrigues se situent dans le passé), mais bénéficient d’une aide “venue d’ailleurs”, venue des richesses des anciennes traditions. Ce qui n’empêche pas qu’ils doivent relever leurs manches et se colleter avec leurs problèmes.

    J’aimerais à cet égard vous signaler que viennent de paraître “Rue de la Mandragore” et “Le château de la Dame blanche”, chez Casterman. Dans ces romans, qui font partie de la série “Le Grimoire au rubis”, nous sommes au XIXe siècle et les héros voient leur vie bouleversée par la présence d’un grimoire écrit au Moyen Age. La série a connu une trilogie Moyen Age, une trilogie Renaissance, nous voici au Second Empire. J’ai beaucoup aimé écrire cette série. Elle représente justement ce que j’apprécie dans notre contact avec le fantastique : dans des vies ordinaires, l’intervention magique, quasiment féerique, qui permet aux héros d’avoir une autre vision du réel, plus riche et plus ouverte à la fois, pour avoir croisé la route de l’irrationnel…

    Propos recueillis par le Peuple féerique en juin 2009

  • Le livre secret des fées : fées, elfes, farfadets, sirènes, gnomes, trolls, qui sont-ils ? – Richard Bessière (Grancher)

    Le livre secret des fées : fées, elfes, farfadets, sirènes, gnomes, trolls, qui sont-ils ?
    Bessière Richard
    Éditeur Grancher
    Collection Puissances inconnues
    Date de parution avril 2009
    Nombre de pages 214
    Prix: 14,50 €

    Présentation éditeur:

    Le livre secret des Fées
    Fées, Elfes, Farfadets, Sirènes, Gnomes, Trolls, qui sont-ils ?

    Le récent succès de JK Rowling (Les contes de Beedle le barde) se déroule dans le monde des fées et lutins. Mais cet univers existe depuis longtemps, et a inspiré de nombreux auteurs fantastiques, de Jack Vance à Jean Ray ou même Stephen King… Mais qui sont au juste les Fées, Elfes, Lutins et autres Farfadets que nous trouvons au hasard des légendes des forêts celtiques ? Convenons que tout cela est fort mystérieux, d’autant qu’en Finlande ou en Norvège, beaucoup y croient dur comme fer ! Voici pourquoi ce livre enchanteur, qui est aussi érudit que plaisant, s’imposera à tous les amateurs de merveilleux.

    Notre avis:
    La quatrième de couverture renseigne l’auteur, Richard Bessière, comme historien. C’est difficile à croire lorsqu’on parcourt ce livre qui ressemble plus à un méli-mélo tout personnel qu’à un véritable travail bien construit.
    L’auteur emprunte de ci, de là des termes, des légendes, des contes et si de nombreuses choses sont justes (du moins sur leur fond), elles sont placées de sorte à donner un tout qui n’a plus aucun sens.
    Pire encore pour un « scientifique », point de bibliographie, point de conclusion et une seule source citée à maintes reprises: Edouard Brasey. Même si les écrits de Brasey sont souvent très justes, ne prendre qu’une seule référence rend un livre bien maigre.
    L’introduction à elle-seule démontre tout l’intérêt du livre: l’auteur pose d’emblée la croyance des fées en opposition à la chrétienté, discours un peu trop facile et pas très sérieux mais qui donne le ton tout personnel de l’ouvrage. Il parle ensuite des photos des fées de Cottingley qu’il situe en 1976 (au lieu de 1917 !!). Quelques pages plus loin, l’auteur prend les « druidesses » de l’île de Sein comme origine des fées et semble privilégier cette hypothèse-là, puisque « comme elles, les fées étaient vêtues de blanc et de bleu…« . On rappellera que le seul témoignage de l’habit des druides (et plus que probablement déjà à une époque où il n’y avait plus de druides) est celui de Pline l’Ancien en 77 ap JC dans son Histoire Naturelle :  » Un prêtre, vêtu de blanc, monte dans l’arbre, coupe le gui avec une serpe d’or et le reçoit sur un sayon blanc. (livre XVI, chapitre 94). Alors quid de ces druidesses vêtues de blanc et de bleu ?

    Bref, on va vous épargner de dépenser inutilement 14,50 € pour acheter un livre qui vraisemblablement surfe sur la vague des fées qu’il teinte d’une spiritualité douteuse.

    Allez une dernière pour la route, l’auteur aborde les brownies par le biais des propos de Robert Louis Stevenson, à la fin de son petit chapitre, il conclut: « Autrement dit, les brownies ne sont autres que les fées de Stevenson »
    Robert Louis Stevenson est né le 13 novembre 1850. On relève déjà une description dans un texte de John Brand en 1703… Et le brownie fait partie intégrante du folklore écossais en tant que génie familier. Fées et Brownies ne sont absolument pas la même chose…
    Bref, beaucoup de confusion, de choses pas vraiment approfondies et de prises de position personnelle. Un livre qu’on évitera même si on salue bien évidemment l’excellent travail de l’auteur de science-fiction dans ses très nombreux ouvrages. Ici, ça ressemble beaucoup trop à un déluge d’idées sur les fées totalement décousu pour rendre le propos attractif et vraiment intéressant.

    PS: Petit conseil aux amoureux des fées, ne croyez pas tout ce qu’on écrit ou dit. Pour reprendre ce que m’avait un jour dit Pierre Dubois, les fées, il faut les vivre mais aussi les lire, plonger dans les premiers écrits les concernant, savoir remonter aux sources…

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  • Interview de Jean-Louis Fetjaine pour ses séries sur les Elfes…

    Je reprends sur le blog l’interview de Jean-Louis Fetjaine réalisée pour le dossier Elfes de Khimaira de ce mois de mai 2009.

    Lorsqu’on aborde un thème comme celui des elfes, on pense de suite à Tolkien puis, très vite un autre nom s’impose aux lecteurs français: Jean-Louis Fetjaine. Un auteur qui a eu deux traits de génie lorsqu’il s’est lancé sur la piste des elfes. Le premier est d’avoir emprunté la voie ouverte par Tolkien qui a lui-même apporté aux elfes une dimension de beauté et d’”angélisme” expliquant en grande partie le succès et l’attirance pour ces êtres aujourd’hui. Le second est d’avoir mélangé Histoire et Merveilleux. Plus encore, d’avoir imaginé une préquelle aux légendes arthuriennes et un récit qui se tient parfaitement. Il y a beaucoup de messages très actuels dans les romans de Jean-Louis Fetjaine, ce qui explique à quel point la première trilogie fut si bien accueillie lors de sa parution à la toute fin des années nonante. Une oeuvre qui vient donc avant les films de Peter Jackson, il faut le souligner ! On assiste aussi à une religion chrétienne naissante et ce cheminement des dieux au Dieu unique, des peuples au peuple unique est vraiment passionnant à suivre.
    En 2008 paraissait le premier tome d’une nouvelle trilogie, préquelle à la première et qui nous menaient sur les traces de la jeune Lliane. Le second tome est paru en avril 2009, l’occasion était trop belle pour revenir sur cet univers avec son créateur. Rencontre avec un ami des elfes…


    LA TRILOGIE DES ELFES…

    Khimaira: Vos elfes diffèrent, comparaison inévitable, de ceux du Seigneur des Anneaux de Tolkien. Alors que lui les rapproche des anges bibliques, vous conservez l’idée de beauté parfaite mais y mêlez un pouvoir de séduction presqu’animal et un petit côté vampire… Une image plus proche de celles des démons, incubes ou succubes, que des anges finalement ?

    Jean-Louis Fetjaine: Oui, absolument. L’idée de la série Le Crépuscule des elfes et de la trilogie La chronique des elfes est que les quatre peuples qui se partagent le monde – elfes, monstres, nains, hommes – n’en sont en réalité qu’un seul et qu’il s’agit des hommes. L’homme actuel aurait hérité de la brutalité des monstres, de la cupidité des nains, de la soif de pouvoir des hommes… Mais seule la grâce des elfes lui auraient échappé. Pas de bol.
    Les elfes survivants seraient devenus des vampires, ou quel que soit le nom qu’on leur donne.
    Pour moi, les elfes sont avant tout proches de la nature, et donc comparables aux bêtes, ce qui implique des bons et des mauvais côté, dont une bestialité « inhumaine » lorsqu’ils se battent.

    K. Vos elfes ont la peau bleue. D’où vient cette idée et pourquoi cette couleur en particulier ?
    JLF: Pas vraiment bleue, mais très pâle. C’est une couleur qui signifie « grand » au Moyen-âge – Barbe Bleue = grande barbe -. Le terme est donc aussi une indication de leur taille. J’aimais bien aussi le côté froid de cette couleur de peau.

    K. Vous semblez considérer les elfes , du moins dans votre oeuvre, comme un peuple qui a réellement vécu ?
    JLF: Oui et non. Comme je disais plus haut, les elfes seraient des hommes en réalité, devenus légendaires. Mais c’est le cas de tous les peuples légendaires. D’où viennent les orcs de Tolkien ? Des Orcades, ces îles au nord de l’Ecosse, où vivaient des Pictes décrits dans les sagas scandinaves et appelées « orkein ». D’où viennent les ogres ? Des Huns, et plus précisément des Hongrois : les bottes de sept lieues sont un souvenir de leur vitesse et le grand couteau un souvenir de leurs sabres. Il en va de même pour la plupart des peuples merveilleux. Cela ne veut pas dire que l’imaginaire n’existe pas, mais au contraire que l’homme a toujours besoin de raconter des histoires en embellissant la réalité.

    K. Si vous deviez rapprocher vos elfes d’une des trois directions suivantes, ce serait laquelle?
    – les Tuatha Dé Dânann, le premier peuple selon la mythologie irlandaise,
    – les elfes humanisés par Tolkien,
    – les elfes des traditions germaniques, plus proches de ce que nous appelons « lutins » et qui incarnent des esprits de la Nature.

    JLF: Les deux premiers. Ils sont clairement l’une des « tribus de la déesse » – Tuatha Dé Danann – et leur mythologie est celto-gaëlique. Mais ils ont également bien sûr nombre de traits inspirés par Tolkien. C’est le boss, on n’y échappe pas.

    K. L’amour libre, la symbiose avec la nature, la magie… Vos elfes figurent finalement tout ce que l’homme désire et qui lui semble tabou ? Ils sont des sortes d’humains décomplexés et revenus aux vraies valeurs, non ?
    JLF:C’était mon idée de départ, cette sorte d’Eden à la Rousseau, cet état de nature idéal. Mais en fait l’état de nature et l’absence d’humanité n’est pas sans aspects négatifs. Les elfes ne pleurent pas. Ils n’élèvent pas leurs enfants. Leur sexualité est libre et animale, mais leur amour est limité, etc. Pour moi, ils sont plus proches des animaux que des hommes, et c’est ce qui en fait l’intérêt. Des êtres trop parfaits seraient agaçants, à la longue.

    K. D’ailleurs, à part Lliane, aucun n’a connu ou ne connaît l’amour. Ni entre amants, ni même envers leurs enfants…
    JLF: Lliane doit « apprendre » l’amour avec Uther, et d’ailleurs elle s’en effraie vite. Oui, il n’y a pas d’amour – au sens ou nous l’entendons – dans une harde de cerfs, dans une meute de loups ou dans un clan elfique. Il y a de l’attachement, un sentiment d’appartenance au groupe, des liens sociaux, de la sexualité, mais pas de sentimentalité. Là encore, s’éloigner le plus possible du modèle humain donne un relief intéressant aux elfes et à l’idée qu’on s’en fait.

    K. Votre première trilogie elfique donne une version de la christianisation assez intéressante même si plongée dans l’Imaginaire. D’où vous est venue cette idée de faire concilier les croyances celtiques, l’Histoire de l’homme et la religion chrétienne ?

    JLF: L’histoire du Moyen-âge est à la fois celle du défrichement des grandes forêts et celle de la christianisation de l’Europe, puis de la tentative de christianisation des abords de l’Europe. Dans le haut moyen-âge, l’église a dû combattre les cultes païens, puis les hérésies. Les recoins les plus isolés, soit par la forêt soit par la situation géographique, sont restés païens plus longtemps et c’est là que sont nés nombre de légendes. Car le peuple christianisé en surface est resté longtemps attaché aux coutumes anciennes, en l’occurrence les croyances celtiques. Tout cela n’est pas si imaginaire…

    K. Le point de départ de votre première trilogie elfique a été une vieille partie de jeu de rôles retrouvée. Le jeu de rôle semble avoir mené beaucoup de monde vers la fantasy et l’écriture…
    JLF:
    C’est vrai. Il y avait un côté fascinant de voir une aventure s’écrire en temps réel, dans une liberté totale. Le maître du jeu élabore un décor, mais le scénario s’invente au fur et à mesure par les joueurs.

    K. Les titres de votre première trilogie se rapportent tous trois aux elfes, pourtant l’homme y a une place presque plus importante que les elfes, non ? Difficile de se passer de l’homme ?
    JLF:
    Ce qui est au cœur de la trilogie, c’est le rapport entre les elfes et les hommes, une sorte de rendez-vous manqué. Mais en fin de compte, il n’y a plus que des hommes sur terre, alors c’est à eux-nous de raconter l’histoire, non ?

    K. Pourquoi, dans la théorie qui sert de fil conducteur à vos récits et selon laquelle les 4 peuples des origines n’en formeront plus qu’un, c’est celui de l’homme qui est l’élu ? Celui dans lequel les autres se fonderont peu à peu ? Pour coller à la réalité d’aujourd’hui ?
    JLF:
    Bien sûr. Mais je ne dis pas que les elfes ont disparu, puisque les hommes n’ont pas trouvé le talisman des elfes, le graal, le chaudron de la connaissance. Ils ne sont donc pas devenus des dieux et les elfes sont encore là…

    K. Merlin s’écrie que « nulle tribu ne peut régner seule sur la terre. Car, alors, tout viendrait à disparaître avec elle… » Un message assez pessimiste pour la réalité d’aujourd’hui ?
    JLF:
    Franchement, notre monde est-il une réussite ? Cette course au progrès et à la rentabilité qui sert d’unique valeur à nos sociétés est-elle porteuse de bonheur ou même d’avenir ? Je raconte l’histoire d’un temps où un autre avenir était possible…


    CHRONIQUES DES ELFES…

    K. Ecrire une préquelle, un besoin d’auteur ou une demande de lecteurs ?
    JLF:
    C’était une envie, après un détour par le roman historique avec le cycle des Reines pourpres. Retrouver mes personnages, fouiller leur histoire pour leur donner encore plus de relief

    K. On y retrouve Lliane, pourquoi avoir choisi une elfe comme héroïne et pas un elfe comme héros de l’ensemble de vos oeuvres elfiques?
    JLF:
    Merlin est un autre héros récurrent, à la fois dans le cycle des elfes et dans le cycle Le Pas de Merlin/Brocéliande. L’idée de base de la préquelle était de prendre Lliane avant qu’elle devienne reine. Alors, pourquoi « une » elfe et pas « un » elfe ? Parce que je préfère les femmes aux hommes, je pense… Et parce que les elfes- même mâles – ont un côté féminin.

    K. A côté de Lliane, on y découvre un protagoniste juste entraperçu dans la trilogie précédente, Maheolas, ici jeune moine. Qui ou que représente-t-il ? La jeune religion naissante et hésitante ? La jeunesse plus fragile et manipulable ?
    JLF:
    Maheolas clôt la première trilogie. Il est le « porteur de la lance ». C’est un personnage de la mythologie arthurienne : Maheolas/Maelwas, c’est le nom celtique de Méléagant, l’un des chevaliers qui va précipiter la chute du monde arthurien, en enlevant la reine Guenièvre. Par son alliance plus ou moins volontaire avec le peuple des monstres, il incarne les valeurs les plus sombres de l’âme humaine. Eduqué par les moines, il partage leurs desseins : celui d’unifier le monde sous la bannière de Dieu. Simplement, il change de Dieu.

    K. Cette nouvelle trilogie nous plonge encore plus dans la mythologie celtique mais s’éloigne aussi du monde arthurien, c’est donc finalement une histoire très différente de la première trilogie qui se met en place avec moins de rapprochements historico-mythiques connus de tous. Quelle était l’envie première en faisant cette nouvelle trilogie ?
    JLF:
    Justement, la préquelle se situant 30 ans avant le Crépuscule, le monde arthurien n’en est qu’à ses balbutiements. Uther, par exemple, n’est même pas né. L’idée était de décrire un monde encore intact au moment où il bascule.

    K. Après ce second cycle, pourra-t-on s’attendre à un troisième, une réinterprétation de l’époque d’Arthur mais plus ancrée dans le merveilleux ?
    Votre ambition est-elle de poursuivre l’exploration de ce monde elfique ?
    JLF:
    Peut-être. C’était mon idée originale : le dernier tome du Crépuscule s’achève avec la naissance d’Arthur. Je voulais en faire un quatrième avec un Arthur adulte confronté aux elfes – aux Dames du lac, si vous préférez. J’ai aussi une autre idée, mais ce serait bien de clore le cycle.

    K. Vous avez souhaité dans une de vos interviews que vos histoires soient adaptées au cinéma. Vous voyez ça comment ?
    JLF:
    Un producteur m’appelle, je dis oui, c’est merveilleux.

    K. Que pensez-vous de la scène française de la fantasy ? Y voyez-vous une grande différence avec les auteurs anglophones ou un simple prolongement ? En résumé, qu’apportent les français à la fantasy ?
    JLF:
    Je ne sais pas trop. Il faudrait demander à un spécialiste, comme Baudou. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a beaucoup d’auteurs, et beaucoup d’auteurs à succès. Je pense que les français apportent une culture plus ouverte que certains anglo-saxons, et qu’ils s’emploient à dynamiter les frontières des genres, entre histoire, fantasy, fantastique, etc.

    K. D’autres projets en cours ou à venir ?
    JLF:
    Après 19 questions ? Prendre un café.

  • Interview Virginie Barsagol et Audrey Cansot pour "Le Guide des fées" paru aux éditions ActuSF

    Belle initiative que ce Guide des fées paru aux éditions ActuSF. Après l’avoir parcouru (voir notre chronique), nous nous devions de poser quelques questions aux deux auteures, Virginie Barsagol et Audrey Cansot. Rencontre.

    D’où est partie l’idée de cet essai ?
    Virginie : On s’est demandée comment on avait pu passer de la fée sulfureuse du Moyen-Âge, type Morgane ou Viviane à une image de la fée beaucoup plus aseptisée comme l’emblématique fée Clochette. A partir de là, on a essayé de débroussailler le terrain, de comprendre cette évolution…
    Audrey : Et puis la figure de la fée est plaisante et multiple. C’est un plaisir de l’étudier car elle nous révèle sans cesse des surprises…

    Trois noms traversent toutes les époques: Morgane, Mélusine et Lilith. Quel visage de la fée représentent-elles chacune ? Et pourquoi avoir inclu Lilith qui n’est pas, a contrario des deux autres, une fée ?

    Virginie : Morgane, c’est l’incarnation de la fée fatale, la dangerosité de la féminité. Elle est la fée ravisseuse d’hommes qui met en danger l’équilibre de la société féodale. A contrario, Mélusine représente un versant beaucoup plus rassurant de la fée, elle est celle qui construit une lignée familiale, des châteaux. A chaque fois qu’elle a une enfant, elle construit un château et incarne le potentiel fécond de la fée. Si Morgane dérobe les chevaliers du monde des humains, Mélusine s’empare du territoire mortel et en développe les potentialités…
    La légende dit qu’elle a bâti les châteaux de Tiffauges, la Rochelle et bien d’autres…
    Audrey : Concernant Lilith, nous ne l’évoquons pas comme étant une fée, mais comme l’une des « ancêtres » importantes des fées, au même titre que les moires…sa dimension vampirique et ravisseuse se retrouvera chez les fées fatales qui naîtront par la suite, de même que sa manière d’habiter et de maîtriser la nature. Et puis Lilith est une figure nihiliste, qui a dit non à Dieu, et non à son mari. (Elle s’est envolée du Paradis car Adam voulait la dominer pendant l’amour) Son libre arbitre et sa force de contestation préside à toute une lignée de fées révolutionnaires et contestataires. Elle incarne les peurs et la fascination incarnées par le féminin, ce qui est une problématique essentielle aux personnages de fée… Elle est aussi considérée comme une ancêtre de Mélusine…on la représente souvent avec l’image du serpent ou de la queue de poisson, qui symbolise l’animalité de la fée, et par extension sa sexualité…. elles quittent toutes deux définitivement leurs partenaires en s’envolant… (Raymondin pour la première et Adam pour la seconde.)

    On passe de l’Antiquité au Moyen-Âge en un bond de plus de 10 siècles, quittant Circé pour nous plonger dans les lais. Il n’y a donc rien eu entre les deux ? Comment expliquer dès lors le passage des déesses antiques aux fées moyenâgeuses? Que s’est-il passé ?
    Virginie : Nous avons fait le choix de focaliser notre attention sur les fées inscrites dans le patrimoine littéraire… Il fallait faire un choix dans les sources, au regard de l’énormité du champ. Évidemment, il n’y a pas eu un blanc de dix siècles ! Le personnage de la fée a grandi à l’oral dans des récits qui se sont transmis et construits au fil du temps. Avant de faire leur grande entrée en littérature, les fées faisaient partie d’un véritable patrimoine légendaire et elles étaient d’ailleurs parfois même regardées comme des divinités.

    Les fées ont tantôt servi de modèles tantôt d’échappatoire au pouvoir en place. Ce sont des figures intimement liées à l’idée de pouvoir ?
    Audrey : Oui, c’est certain. Ses ancêtres, déjà, étaient placées sous le signe de la puissance. Le destin que filaient les Moires pour les humains étaient inaliénables, elles étaient donc l’égale des dieux…quand à Lilith, elle pouvait provoquer des calamités… à partir du 16ème, elles tendent à quitter leurs îles et leur monde parallèle pour entrer dans la « civilisation » et se rapprocher du pouvoir, pour parfois même se confondre avec, comme la Reine des fées d’ Edmund Spenser, où la fée est en fait un hommage à la reine Elisabeth 1ère. Et puis au 17ème et au 18ème, la fée est d’une manière générale la conseillère des puissants, et prend en charge l’éducation des enfants des rois. On a même des exemples de fées révolutionnaires ou à la tête des services secrets… Cependant dans la seconde moitié du 18ème, la fée commence à être discréditée, parodiée… les auteurs l’éloignent des palais et des grands centres de décision. Elle retourne dans son monde parallèle…
    Virginie : J’ajouterais dans cette perspective que Mélusine inaugure le flirt de la fée avec le pouvoir, car elle donne toute son ampleur à la lignée de Lusignan. Elle est l’agent de leur conquête du territoire et de leur puissance !

    A partir du XVIIIe, on se rapproche de plus en plus de l’image des fées connues aujourd’hui mais bizarrement plus dans des pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre que la France. Cela se renforce encore au XIXe et votre livre emprunte d’ailleurs à ce moment-là les sentiers étrangers pour parler de l’image des fées alors que vous étiez restées auparavant presque toujours dans une certaine « tradition française » de la fée. Que se passe-t-il ailleurs qui ne s’est pas passé en France ou que s’est-il passé en France et non ailleurs ?

    Audrey : Il est certain que le format du livre et l’immensité du champ à traiter nous a amené à faire des choix. Nous avons évoqué ce qui nous paraissait le plus intéressant et le plus méconnu… on parle davantage des fées françaises jusqu’au 18ème car elles présentent justement des aspects singuliers, comme les fées révolutionnaires ou libertines qui sont en effet « l’exception culturelle » française… cela est lié tout simplement à la singularité de notre histoire. De même qu’au 19ème, la Mélusine aryaniste de Goethe est une spécificité allemande… nous avons voulu parler avant tout des figures fortes et en lien profond avec la culture du pays.
    Virginie : Concernant le 19ème, si nous abordons effectivement les fées étrangères, nous nous intéressons aussi largement au visage français de la fée, avec notamment Victor Hugo, et puis plus tard les décadents et en particulier Jean Lorrain dont l’œuvre relativement méconnue donne un visage original de fée, typique des personnages féminins fin de siècle.

    Aujourd’hui, on assiste à un mélange des sources, des représentations mais on ressent malgré tout que la féerie germanique et celte est prédominante. Peut-on lier ça à une domination culturelle anglophone, on pense au cinéma américain, à la littérature de fantasy ou aux gros développeurs de jeux vidéos par exemple ?
    Audrey : Oui, c’est une hypothèse très juste. Les grands studios américains ne s’intéressent guère à la fée Mélusine et autres précieuses de Versailles…
    Virginie : De toute façon, nous manquons de recul…

    Une des dernières fiches s’arrête sur le rapport de la fée et de la femme au cinéma. On a l’impression d’être passé de « la fée est une femme » à « la femme est une fée »…
    Audrey : C’est tout à fait ça. Les fées des débuts, les créatures surnaturelles du Moyen-Âge sont charnelles, ambivalentes et fragiles comme de vraies femmes, et puis à partir du 17ème les auteurs se servent de la féerie pour donner une magie à la femme contemporaine, dont la progression sociale, la libération et la prise du pouvoir se rapprochent de la puissance de la fée. C’est l’amphibologie féerique ! Nourrir la figure de la femme de qualités féeriques…
    Virginie : Tout à fait d’accord ! Pour ce qui est de « la fée est une femme » : tout notre parcours a été animé par cette idée, d’où notre volonté de sous-titrer notre travail « Regards sur la femme ». On a toujours tendance à oublier que les créatures merveilleuses parlent du réel, et les représentations de la fée se font l’écho des regards portés sur la féminité selon les époques. Et, comme on peut le voir dans le guide, ces regards sont loin d’être toujours bienveillants, même s’ils sont nourris par une évidente fascination.

    Pensez-vous qu’il y a un engouement actuel pour les fées ? Le résultat d’un cheminement amorcé au 19e siècle ou un mouvement typiquement fin XXe, début XIXe ?
    Virginie : Il y a un engouement pour la matière merveilleuse, elfes etc., mais ce n’est pas particulier à la fée.
    Audrey : C’est une question difficile, encore une fois, nous manquons de distance… mais a vu de nez, je ne pense pas qu’il y ait un grand attrait pour la fée aujourd’hui… Au cinéma par exemple, mise à part dans les adaptations, elle est absente…

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?
    Audrey : La fée du midi. C’est la seule fée que j’ai rencontrée et qui à la base était une femme… une princesse. Devant sa bonté et son intelligence, elle fut donc « canonisée » fée. Elle s’est formée en regardant les astres depuis le pic du Midi dans les Pyrénées, puis est ensuite devenue une référence internationale pour le royaume. Une instance de sagesse, qui vient en aide à tous, et les ambassades du monde entier viennent la consulter dans sa grotte…C’est à Jean de Préchac qu’on doit ce personnage dans La Reine des fées.
    Virginie : Je choisirais Viviane. C’est un personnage passionnant qui incarne parfaitement l’ambiguïté du personnage de la fée : dans les grandes lignes, sa genèse la présente tout d’abord comme la bonne Dame du Lac, qui a élevé Lancelot, c’est le pôle de la fée marraine, puis comme l’enchanteresse assoiffée de pouvoir qui va dérober son enseignement à Merlin pour ensuite le retourner contre lui dans une pulsion de possession absolue. Après lui avoir volé ses formules magiques, elle lui vole sa vie pour le garder à elle à jamais ! Viviane est un personnage extrême, entre fée maternelle et fée fatale. Jean Lorrain, à la fin du 19ème siècle, a parfaitement saisi et représenté sa folie et sa complexité.

    Avez-vous d’autres projets féeriques en cours ou à venir ?
    Virginie : L’exploration de la fée se poursuit déjà sur la toile : nous avons mis en ligne un blog qui a pour vocation de compléter le guide en proposant d’y retrouver des œuvres artistiques, des nouveaux textes… (Voir le blog des fées).
    Pour le reste, il y aura sûrement d’autres écritures à quatre mains, mais nous ne nous focaliserons pas seulement sur le monde des fées ! A suivre…
    Audrey : Et puis peut-être une série de dessin animé sur une petite fille qui veut exaucer ses désirs et demande aux fées de la « former »… C’est juste un projet pour le moment…

    Propos recueillis par le Peuple féerique en mai 2009.

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