Étiquette : Au Bord des continents

  • Rencontre avec René Hausman

    René Hausman avec son Grand Fabulaire du Petit Peuple paru dans le magazine Spirou, ses bandes dessinées (Laïyna, Trois Cheveux blancs, Le Prince écureuil, Camp-Volant, etc.), ses livres illustrés et ses nombreuses peintures et illustrations de la Nature et du Petit Peuple est une figure incontournable de la scène féerique. Inspirateur de nombreux talents actuels, précurseur de l’illustration féerique franco-belge, le Peuple féerique ne pouvait que croiser la route de ce Grand Monsieur, amateur de légendes et devenu légende lui-même. Petit échange téléphonique un matin de mars 2009…

    Avec votre complice Pierre Dubois, vous plongez les lecteurs de Spirou dans un Grand fabulaire du Petit Peuple. Plus tard vous publierez avec Dubois les aventures de Laïyna. Vous nous ferez vivre des légendes pour les albums avec Yann. Vous nous plongez dans le monde des légendes encore avec votre dernier album, Camp-Volant. Le fantastique, le Petit peuple et vous, c’est donc une longue histoire ?

    Ben oui, comme je l’explique dans l’avant-propos de Camp-Volant, l’origine de cette attirance envers le monde des légendes est due à ma grand-mère. Elle qui, lorsque j’étais petit, me contait tant d’histoires merveilleuses ou fantastiques, les légendes ou, parfois, des faits avérés qui se sont passés dans les forêts ardennaises, berceau de mon enfance. Quand j’étais petit, j’adorais qu’on m’offre des livres d’images, des bandes dessinées mais aussi des livres illustrés. Et c’est vrai que mes deux sujets de prédilection c’était d’une part, les animaux et puis d’autre part, les contes, les légendes et ce genre de choses un peu fantastiques. Il faut dire aussi que je suis un vrai belge dans le sens où ma grand-mère était ardennaise, mon père issu de la frontière allemande, et son patois à lui était ce qu’on appelle pompeusement un « francique carolingien » et plus communément le plattdeutsch, le « plat allemand » et ça ressemble au limbourgeois. De là, des connivences déjà avec tout un imaginaire germanique. Les deux ensemble, ça a donné un univers plutôt porté vers le fantastique et les légendes.

    Comment expliquez-vous que vos albums BD revêtent souvent un côté cru et cruel ?

    Tout simplement parce que dans les contes, c’est comme ça. On pense généralement que ce sont des histoires destinées aux enfants mais moi, je ne le crois pas. Ils ont une vertu initiatique, Pierre Dubois vous l’expliquerait mieux que moi. C’est un monde symbolique, pensez au Petit Chaperon rouge, une espèce de cheminement au travers de la forêt et de la nuit… Bettelheim et sa psychanalyse des contes de fées l’explique très clairement. Ce passage à l’âge adulte… Je pense qu’on ne peut pas édulcorer ça. Cela doit être montré tel quel. Barbe Bleue égorgeant ses femmes, l’ogre dévorant les enfants… Il n’y a aucune raison de faire de ces contes des histoires à l’eau de rose, ce qu’ils ne sont pas. Les deux contes faits avec Yann sont particulièrement crus et cruels, j’ai d’ailleurs eu des critiques à ce propos mais tant pis… Là, nous nous sommes donnés à fond dans le côté terriblement réaliste et méchant, finalement, de la vie.

    Vous adorez la Nature et les animaux que vous dessinez avec une force extraordinaire. D’où vous vient cette attirance pour la Nature ?

    Je suis trop farfelu pour être devenu un naturaliste, pas assez sérieux. Quoique adolescent, j’ai collectionné très sérieusement les insectes. Je me prenais alors pour un entomologiste. Mais en fait, ce que j’ai surtout bien aimé est la représentation graphique des animaux dans les images les représentants. J’étais également en contact direct avec les animaux ayant vécu mon enfance à la campagne. D’ailleurs une excellente école, rien ne remplace l’observation directe. J’adorais collectionner les chromos de chocolat. Les autres enfants se passionnaient pour les voitures mais moi pas du tout. Moi les bagnoles, ça m’a jamais, jamais branché. Moi c’était les animaux. Je possède encore d’ailleurs des albums d’images de l’époque que j’ai gardés ou retrouvés.

    La Nature recèle bien des secrets. Ce côté mystérieux vous l’appréciez beaucoup également…

    J’ai connu des chasseurs notamment qui m’ont raconté plein d’histoires… Il ne faut d’ailleurs pas croire que les chasseurs sont mauvais. Ce sont des gens qui vivent avec la Nature. Bien entendu, y a les braconniers infâmes mais il y a surtout de véritables connaisseurs de la Nature et de ses secrets…

    Trouvez-vous que les gens reviennent aujourd’hui à la Nature ?

    Oh je pense que oui, certainement. D’une manière ou d’une autre. Il y a beaucoup de balades qui se font dans la nature, y a un respect général plus poussé qu’il y a un certain moment. Les gens nourrissent avec intelligence les petits oiseaux l’hiver. On respecte mieux les sentiers forestiers, les pistes de ski. Y a un progrès mais beaucoup reste à faire.

    La féerie, c’est un moyen également de se rapprocher de la Nature ?

    Je vous avoue que ce n’est pas vraiment dans ce sens-là que les lutins m’intéressent. Bien sûr, ils sont intimement liés à la nature mais il y a autre chose… J’ai un jour croisé la route d’Haroun Tazieff, le volcanologue. Et lui s’étonnait beaucoup qu’on s’intéresse aux légendes, aux mythes, aux fées alors que la Nature est tellement merveilleuse et extraordinaire en soi. Il avait peut-être raison…enfin, je confesse une perversion pour mon goût que j’ai des fées, des lutins, des sorcières, des dragons…

    Vous avez illustré de très nombreux livres. Notamment La Grande Tambouille des fées et La Grande Tambouille des Lutins aux éditions féeriques Au Bord des Continents. On y trouve quelques recettes originales en fin de livre. L’art culinaire, c’est quelque chose que vous appréciez également ?

    J’ai aussi illustré pas mal de livres de recettes d’un ami restaurateur. J’aime beaucoup cuisiner aussi. Je crois qu’à part le dessin c’est mon occupation préférée.

    La musique ne vous est pas étrangère non plus, on se souvient du groupe les Peleteux…

    Oui, de la musique traditionnelle. Encore une fois on ne quitte pas vraiment le créneau, cela avait beaucoup à voir avec quelque chose de proche de la Nature. Ce qu’on appellait à l’époque nos racines… Là aussi, on voit ce genre de choses revenir, on appelle ça aujourd’hui la musique du monde… Chaque région, chaque pays possède une grande richesse. Notez que la France pour moi est le territoire le plus riche à ce niveau mais dans le même temps le plus ignorant de sa propre richesse folklorique, c’est étrange comme constat. La Wallonie est également une terre riche en traditions. On en revient mais pas de la même façon qu’il y a trente ans…

    En 1957, on pouvait lire vos aventures de Saki et Zunie, en 2003, celles des Chasseurs de l’Aube… Vous abordez là, la Préhistoire. Un temps où l’homme vivait en parfaite symbiose avec la nature. Vous auriez aimé vivre ce temps-là ?

    Ecoutez, moi je suis très content de mon époque. Ça nous permet de survoler, même si c’est de manière artificielle les autres époques. Je pense que ça ne devait pas être drôle, la Préhistoire. Mais je pense que nos ancêtres lointains devaient avoir une vie psychique très riche. Ce n’était pas des « sauvages », ça, j’en suis persuadé. Mais de là à souhaiter vivre à cette époque-là, non. Déjà vivre il y a soixante ans, c’était dur, rien qu’au niveau des maladies devenues bénignes maintenant…

    Je me souviens avoir bu un délicieux café dans une brasserie vervietoise nommée L’ogre de barbarie. Elle était décorée de vos œuvres. Les expositions, les décorations de lieux, c’est quelque chose qui vous attire, c’est important pour vous ce type d’échange avec le public ?

    Oui, bien sûr. Pour moi c’est très important. Des expositions et des rétrospective, j’en ai fait mais de voir mes œuvres dans de tels lieux, rien ne peut me faire plus plaisir. Vous savez, quand mes œuvres sont vendues à des amateurs, elles disparaissent dans leurs collections alors que dans un lieu public, chaque jour de nouvelles personnes peuvent les découvrir. Pour moi, c’est très important et très agréable. On a commencé ça il y a une vingtaine d’années et de temps à autre j’en propose une nouvelle.

    Vous avez créé récemment, avec votre épouse Nathalie Troquette, les éditions Luzabelle. On y parle de l’édition en intégrale du Grand Fabulaire du Petit Peuple. Peut-on avoir plus de détails ? Y aura-t-il des inédits ? Une date de parution ?

    D’abord, on aimerait bien ne pas se confiner à mes propres œuvres uniquement et proposer d’autres artistes, faire découvrir d’autres talents. Mais bien entendu il faut rentabiliser quelque chose avant de grandir, on commence donc doucement.

    Cela dit la reproduction des affiches du Grand Bestiaire paru autrefois chez Dupuis n’a jamais été aussi bien réalisée. Donc dans le même temps, je me fais plaisir.

    Pour le Grand Fabulaire, c’est vraiment le projet, le grand projet. Rien n’est encore vraiment lancé. Il n’y aura pas d’inédits mais de nouveaux textes écrits par Pierre Dubois, les précédents ayant servis à son Encyclopédie des lutins dessinée par Roland Sabatier.

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?

    Le gnome. C’est une émanation de la Nature plus fruste et plus rugueuse que la fée. Le nain, le gnome qui sort de la terre, des racines…

    Vous êtes plus illustrateur que dessinateur BD ?

    Absolument ! Illustrateur d’abord, oui. D’ailleurs, mes BD se font en sélection directe, je serai bien malheureux de devoir travailler avec des bleus ou avec un coloriste. Ce serait vraiment la mort dans l’âme…

    Vos projets ?

    Je termine une bande dessinée avec Rodrigue, l’auteur des Tambouilles. Elle paraîtra au Lombard dans la collection Signé. Il s’agit un peu d’une extrapolation sur le Chat botté. Il y a 54 pages et j’en ai fait 40, ça devrait donc sortir cette année.

    Propos recueilis par le Peuple féerique en mars 2009

    En savoir plus sur René Hausman…

    Le site des éditions Luzabelle

    Le site René Hausman

    Le reportage de France 5 :

    Enregistrer

  • Interview de Sandrine Gestin pour la sortie du artbook "Le Temps des fées" – Au Bord des Continents

    Lorsqu’on plonge dans l’artbook de Sandrine Gestin, joliment intitulé Le Temps des fées, on se rend compte que l’artiste est aussi lumineuse que le sont ses tableaux. Au fil des pages, Sandrine se dévoile, ouvre la porte de son univers devant nos regards qui passe de la beauté d’une peinture à la douceur de ses mots. Un de nos petits lutins s’est glissé auprès d’elle pour lui poser quelques questions…


    A la lecture du livre, on a vraiment l’impression de pénétrer votre intimité. Vous y précisez être une grande timide. C’était donc un sacré exercice que d’écrire tout cela, de vous livrer… L’avez-vous ressenti comme une libération ?
    Je ne sais pas si c’est une libération, mais en tout cas, c’était un besoin… Besoin d’expliquer que les choses ne se font pas toutes seules, besoin de dire qu’on ne peut pas dissocier son travail de son évolution personnelle, besoin de souligner qu’avec du courage et de la volonté, on peut dépasser beaucoup de choses, notamment la timidité…

    J’avais aussi envie de partager quelque chose… D’être plus proche encore des lecteurs.

    C’est plutôt rare qu’un artiste de haut niveau ose présenter ses travaux de jeunesse, voire même les dessins réalisés adolescente…
    C’est drôle, mais plusieurs personnes m’ont fait la remarque, alors que, personnellement, je trouve cela naturel… Je l’ai fait parce que certaines personnes pensent que j’ai toujours dessiné comme aujourd’hui… C’est bien sûr faux ! Certes, j’ai toujours eu des facilités pour le dessin, mais il y a aussi beaucoup de travail derrière. C’est le travail qui fait la différence !

    Ce livre est sous-titré « 15 années de croquis, aquarelles, peintures… ». Il y a 15 ans paraissait en effet votre première publication mais vous dessiniez avant cela, non ?
    Oui…Ce sont 15 années en tant que professionnelle.
    Je dessine depuis que je suis toute petite, mais c’est devenu sérieux à l’adolescence. Et c’est il y a 20 ans, en entrant dans mon d’école d’Arts Graphiques, que le dessin et la peinture sont devenus mon quotidien…

    La première fois que j’ai vu un de vos tableaux, j’ai ressenti quelque chose d’intense. La lumière qui s’en dégageait ressemblait à la musique. Quelque chose touchant aux sentiments sans que la parole soit nécessaire. Quelque chose d’immédiat. En lisant votre artbook, je n’ai pas été étonné une seconde de cet amour qui vous entoure, celui que vous donnez et que vous recevez. C’est très important pour vous, de vivre en aimant, d’aimer et d’être aimé ?
    C’est très gentil ce que vous dites… Oui, vivre en aimant, comme vous le dites si bien, est primordial pour moi. Ne pas aimer et ne pas me sentir aimer, me détruirait, tout simplement. Je suis heureuse que vous ayez senti cela dans mon Artbook…

    Je ne peux pas dessiner, créer ou écrire si je suis malheureuse. C’est impossible pour moi.
    Alors, je m’emploie à m’entourer d’amour. Mon mari, Didier et mes animaux sont ma source de bonheur.

    Ce que vous ne dites pas par contre dans l’artbook, enfin, me semble-t-il, est que beaucoup de personnages représentés ont pour modèle votre mari Didier ou vous-même…
    Oui, c’est vrai… Je dois avouer que mon mari est vraiment le type d’homme que j’aime, alors, quand je pends un personnage masculin, j’ai envie qu’il ressemble à Didier…

    Quant à la ressemblance avec moi, je crois qu’elle est inévitable. Car, lorsqu’on a besoin rapidement d’une position ou d’un modèle, quoi de plus facile que de s’utiliser soi-même.

    Depuis 2006, vous publiez énormément. Un grand changement dans votre vie ?
    Nous avons quitté Paris ! Et nous nous sommes installés en province, d’abord en Dordogne, puis dans le Lot. Je crois que la vie Parisienne pesait beaucoup sur moi, sans que je m’en rende compte, bien sûr. En vivant à la campagne ou dans un petit village comme actuellement, je crois que j’ai retrouvé mon énergie… Et puis, cela a concordé avec ma rencontre avec Patrick Jézéquel, créateur des éditions Au Bord des Continents. Il m’a fait confiance, et m’a donné la possibilité de m’exprimer totalement, notamment d’écrire…

    Aujourd’hui, comment se passe la journée-type de Sandrine Gestin ?
    Et bien, je me réveille vers les 8h30/9h du matin. Je commence à travailler vers les 10h en me mettant devant mon ordi. Je réponds à mes mails, et prépare ma journée. À 11h, j’enfile mes bottes et je prends la voiture pour aller voir mes chevaux, à 10 min de chez moi. Je reviens vers les 12h20 /13h. Après le déjeuner, je reprends entre 14h et 14h30, selon la quantité de travail que j’ai. Ensuite, je travaille jusqu’à 19h30/20h. Et quand j’ai vraiment beaucoup de choses à faire, je reprends vers les 21h pour finir entre minuit et 3h, selon…

    Dans l’art-book, quelques pages font place aux lutins. Un personnage que vous semblez de plus en plus maîtriser au fil des tableaux. Comptez-vous faire un jour un livre autour de ce thème ?
    J’aimerais, c’est vrai, consacrer un livre à ces petits diables de lutins… J’attends d’avoir l’inspiration pour écrire une histoire intéressante… Je ne voudrais pas que ce soit une histoire uniquement destinée aux enfants…

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?
    Les Elfes et les Fées partagent mon cœur ! J’aime surtout l’esprit de la beauté, de la légèreté et de l’intelligence. Toute créature répondant à ces critères me plaît !

    Propos recueillis par Le Peuple féerique en décembre 2008

    Le Temps des fées est paru aux éditions Au Bord des Continents

    Petit lien vers le site web de Sandrine Gestin pour prolonger votre voyage…

  • Best of Faeries – Jean-Baptiste Monge – Au Bord des Continents

    Voici un joli portfolio de 15 images détachables pour le petit prix de 19,90 € proposé par les éditions Au Bord des Continents. Parmi ces 15 tableaux féeriques qui trouveront certainement une place dans votre slaon ou bibliothèque, cinq inédits ! Et chaque illustration de 30 x 40 cm possède en son verso une petite explication de l’auteur à son propos. Voilà un très joli cadeau de Noël pour tout amateur de fées ou de lutins !

  • Le grand Bestiaire des légendes – Séverine Pineaux – Au Bord des Continents


    Le Grand Bestiaire des Légendes

    Séverine Pineaux

    Editions : Au Bord des Continents
    92 pages – 25 / 30
    25 €

    Présentation :

    Le grand bestiaire des légendes
    A la manière des bestiaires médiévaux, Le Grand Bestiaire des Légendes vous présente les plus extraordinaires des créatures qui galopent, volent, nagent et rampent depuis la nuit des temps dans les merveilleuses contrées de notre imagination
    .

    Notre avis :

    C’est avec beaucoup de curiosité que nous avons ouvert ce bestiaire merveilleux signé Séverine Pineaux. Au fil des 92 pages, on suit les indications du professeur Noé, gardien de cette réserve surnaturelle où sont venus s’abriter animaux de légendes et créatures fabuleuses. On admire particulièrement les Griffons, Sirènes et Phénix. On retrouve ce qui a fait la renommée de l’artiste: les Dryades. Et on tremble devant cet oeuf gigantesque d’oiseau roc dont on apprend qu’ils se nourrissent exclusivement d’éléphants, c’est dire le budget dont aura beasoin le propriétaire de la réserve à l’éclosion ! On aime moins l’image un peu floutée de la chimère des premières pages et le texte perdu – il manque certains mots semble-t-il – des descriptifs de l’Yppotryll et des Tritons. Sûrement un coup de gremlin chez l’imprimeur  ! Mais pour le reste, Séverine Pineaux nous offre un superbe voyage dans cette réserve imaginaire où se côtoient tableaux couleurs et crayonnés précis d’animaux que vous n’oublierez jamais.

  • Interview de Pascal Moguérou pour la sortie de L’univers des dragons II (Daniel Maghen) et du Sketchbook (Au Bord des Continents)

    Pascal Moguérou fait partie de cette nouvelle génération d’illustrateurs qui redonne leurs lettres de noblesse aux créatures de Faerie. Premier artiste à hisser haut la bannière des éditions Au Bord des Continents avec ses livres sur les Korrigans, Pascal Moguérou a ensuite fait très fort avec L’heure des fées avant de revenir sur le devant de la scène féerique ce mois-ci avec une double actualité. D’une part sa participation au livre L’Univers des dragons sorti chez Daniel Maghen, d’aure part son Sketchbook sorti aux éditions Au Bord des Continents où l’illustrateur livre croquis et petits secrets…

    Vous venez à nouveau de participer à l’Univers des dragons sorti chez Daniel Maghen et vous serez également au sommaire du tome 3. Les dragons, un thème qui vous fascine ?
    C’est un beau thème, d’une force inspiratrice sans pareille ! Qui ne serait pas fasciné par cette démesure ? Il est vrai que l’aspect sauvage du bestiau m’interpelle beaucoup plus que sa sagesse que l’on affirme tout aussi incroyable ; mais j’imagine que c’est plus d’un point de vue graphique que je me positionne… C’est sans doute cette omnipotence qui est intéressante à envisager, qu’il vienne fondre sur vous du ciel, ou surgissant des entrailles de la mer ou de la roche la plus dure, il représente à lui seul toute la symbolique des éléments naturels que l’homme ne peut contrôler ; tremblements de terre ou raz de marées, incendies ou ouragans… Comme le Hérault de la terre remettant à leur place les espèces inférieures, enfin quelque chose comme ça !

    Quel est votre dragon préféré dans ce deuxième opus ?
    Oh, il y en a une tripotée ! Ceux de Ségur ou Rossbach, le superbe quadriptyque de Didier Graffet ou ceux de Dean Yeagle, bien que je leur préfère les courbes avantageuses de Mandy ! Et bien sûr, celui de mon ami Jean Baptiste Monge, mais NOM DE ZEUS qu’allait-il bien faire dans cette pliure !

    Vous signez ici les magnifiques lettrines de cet ouvrage. Un exercice qu’on suppose difficile car il a fallu sans cesse se renouveler, non ? On voit souvent revenir les mêmes lettres ce qui complique le travail…
    C’est effectivement un travail qui n’est pas forcément compliqué mais assez contraignant. « Se renouveler » ! C’est vraiment le mot ! On se rend très vite compte qu’on ne peut imaginer un abécédaire complet tant certaines lettres sont récurrentes alors que d’autres n’apparaîtront jamais ! Comme j’ai dû coller aux textes des truculents mais ô combien sympathiques Laurent et Olivier Souillé, je me suis adapté de bon cœur … Mais comme les univers qu’ils abordaient étaient riches et différents les uns des autres, j’ai pu contrebalancer la répétition de la lettrine par un habillage graphique en rapport avec telle ou telle partie de leur texte ! Ça fleure bon le dragon, c’est ce qui compte…

    La lettrine parfaite selon vous ?
    A mon sens, la bonne lettrine a deux fonctions, elle est évidemment l’en-tête du paragraphe et comme telle, on ne doit pas perdre de vue sa lisibilité ! Le problème, c’est que, quand je commence une lettrine, je me laisse souvent déborder par l’envie jubilatoire d’en mettre des tonnes ! Jouer avec les jambages montants ou descendants, laisser aller les volutes et les enluminures, etc. L’intérêt de la lettrine enluminée c’est que c’est vraiment un lien, une passerelle entre le texte et l’illustration et qui confère à l’ensemble, une esthétique vraiment intéressante. L’avantage certain, c’est que l’habillage graphique que je vais lui donner est une illustration à part entière, ce qui m’évite de rajouter un « cul de lampe » pour poser un lieu ou un moment… La bonne lettrine, en somme, se doit d’être un juste équilibre entre le texte et le dessin ! Et éviter surtout que celle-ci n’outrepasse son rôle et devienne plus imposante que l’illustration qui se trouvera en pendant !

    Les lettrines se retrouvent dans d’autres de vos ouvrages et notamment le très bel L’heure des fées (Au Bord des continents). Une approche de féerie tout en douceur, en poésie. C’est là votre vision de Féerie ?
    C’est une partie de ma vision de Féerie… Sans même parler de nostalgie, mais se rappeler simplement de certains moments de l’enfance : le souvenir d’une bataille homérique de boules de neige, une odeur alléchante de gâteau à peine sorti du four ou allongé, serein, au milieu d’un champ de blé, le nez dans les nuages ; tous ces instants où tout semblait à sa place dans la plus merveilleuse des perfections ! Je peux vous assurer que si, à ces moments-là, vous aviez bien regardé autour de vous, vous auriez pu surprendre de jolies demoiselles ailées s’envoler prestement ! Alors bien sûr, votre raison affirmera que ce n’étaient que libellules au vent, mais quant à moi, je préfère continuer à croire !…

    D’où vous vient tout ce savoir sur les fées ?
    D’avoir trop traîné dans les bois ou sur les grèves ; d’avoir trop écouter les plaintes du vent sur la lande, qui sait ? Sans peut-être même m’en rendre compte, j’ai sûrement été musarder un peu trop loin en des lieux riches de magie… Hé ! Hé !

    Votre autre actualité est la sortie de votre Sketchbook (Au Bord des Continents). Vous y rendez dans le texte une sorte d’hommage à tous ces créateurs d’univers qui vous ont inspiré ou accompagné durant votre parcours. C’était ça, l’une des envies de ce livre ? Pouvoir citer publiquement ceux que vous admirez ?
    Tout à fait ! J’aurais pu, comme c’était plus ou moins entendu au début, faire un livre uniquement tourné sur la féerie et ses habitants et j’aurais eu sûrement plaisir à le faire…

    … Et puis, c’est un peu comme une pluie d’orage qu’on n’attend pas et qui vous tombe dessus ! L’envie de parler de tous ces dessinateurs avec lesquels j’ai grandi et qui ont éduqué mon œil et façonné mon trait, s’est imposée d’un coup, je dirais presque tout naturellement ! En fait, je pourrais parler des heures avec jubilation de génies comme Jean Cézard ou Franquin, Frazetta ou Buscema ! Alors que parler de soi est un exercice, pour moi en tous les cas, autrement plus difficile !

    J’avais tellement de choses à dire sur « mes pères spirituels  » que le livre s’est construit tout seul, ou presque ! Et du coup, faute de place, j’en ai laissé des tonnes ! Mais, pour une fois que je pouvais parler de tous ceux que j’aime sans avoir l’impression de barber tout le monde, ç’aurait été idiot de s’en priver, non ?

    On y découvre aussi votre travail sur le Magicien d’Oz. Une œuvre maîtresse pour vous ? Qu’est-ce qui vous a le plus touché dans cet univers ?
    J’adore cette histoire ! Elle va bien au-delà de la simple histoire pour enfants ! On peut y lire ce que l’on veut, mais c’est avant tout à mes yeux une belle ode à l’amitié et à la tolérance, une quête à la recherche de soi et peu importe si l’on doit cheminer longtemps sur sa route de briques jaunes… Du moment que la vie apporte de bonnes rencontres et de belles amitiés !

    Malheureusement ce projet cher à mon cœur reste un peu au fond de mes cartons. Pour l’instant, on va dire…

    Vous semblez également apprécier les nains… Peut-on s’attendre à un travail sur ces personnages ?
    Oui da ! Sans nul doute, ça fait un moment que l’idée de travailler sur des thèmes en lien avec l’heroïc fantasy me titille ! J’aimerais que l’histoire, l’univers autour soit vaste, mais les nains, ces fiers guerriers, en seraient le centre ! Alors maintenant les envies peuvent changer, on verra bien…

    On comprend, à la lecture de ce Sketchbook, que vous attachez beaucoup d’importance à l’humour dans votre vie…
    L’humour et la dérision, voui ! Il me semble que, quand vous arrivez à rire de vous-même et à tourner en dérision vos propres petits travers, vous avez déjà fait un grand pas vers la sagesse (comme aurait dit Gotlib : « ça sent pas un peu le sapin cette formule ? « )

    Un peu plus sérieusement, l’humour est un moteur puissant, qui convient bien à la Féerie ! Il y a bien sûr deux facettes à ce monde de même qu’en chacun de ses habitants, et je ne cache pas que l’envie de traiter leur aspect obscur me travaille mais les mises en situation cocasses et rigolotes prennent encore le dessus! En fait, j’ai dû me faire trop d’indigestions de « Mad  » avec toute sa clique de dingues : Wallace Wood, Jack Davis, Don Martin & Cie !

    Comme dit l’autre :  » Chassez le naturel… « ! En fait, je crois être un iconoclaste convaincu et j’ai beau faire, l’humour revient toujours au galop !

    Depuis vos premières publications qui se baladaient du côté des korrigans, votre style s’est affiné et adouci, il apparaît plus libre, plus envolé. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ces premières œuvres ?
    Je dois dire que je suis « tombé » dans l’illustration un peu par hasard, mais à bien y réfléchir, était-ce bien le hasard ? Du coup, il a fallu que je réponde à des contraintes ; délais toujours trop courts, des techniques que je ne maîtrisais pas forcément à l’époque et surtout la terreur de passer du dilettante flemmard au pro qui doit répondre à des attentes autres que les siennes ! C’est facile de faire, défaire, refaire à l’infini et en fait, ne jamais rien aboutir quand votre existence n’est pas en jeu mais quand vous devez croûter, là ça change votre horizon! Une chose est sûre, la maîtrise de n’importe quelle activité vient en la travaillant ! L’effet :  » boule de neige « aidant, il a fallu que je m’adapte très vite à la demande ! Mes débuts sur les chapeaux de roues m’ont fait la main et permis d’évoluer, et de continuer à le faire, dans le bon sens j’espère…

    Vous êtes lecteur de fantasy. Si vous deviez emporter trois livres sur une île, lesquels choisiriez-vous ?
    Diantre, c’est qu’il y en a du beau linge dans ce genre de littérature ! Bon, alors si je n’ai pas le droit de citer : Moorcock, Leiber, Pratchett, Vance, Anderson, Spinrad, Moore, Howard, Zimmer Bradley, Sturgeon, Chaumette (et j’en passe !). Tiens, j’aurais pu dire aussi si j’avais eu le droit : Herbert, Barjavel, Matheson, K. Dick, Van Vogt, Asimov… Mais là, vous allez me dire que ce sont des auteurs de SF alors…
    … Je dirais :  » Faërie, la colline magique  » de Raymond Feist ; « L’épée de Rhiannon « de Leigh Brackett et « Bilbo le Hobbit  » de Tolkien.

    Nous avons épinglé un personnage tout à fait génial dans L’Heure des fées. Parlez-nous du travail de Léonard Futunache…
    Ah, Léonard Futunache ! Qui n’a pas rêvé d’avoir une compagnie aussi charmante, serviable et besogneuse que la sienne ? Futunache est l’aimé des fées, laissant aller ses humeurs picturales au gré de ses pinceaux, pour le plus grand bonheur des belles demoiselles… Il pare leurs ailes des plus belles couleurs qui soient, s’ingéniant et se surpassant toujours pour faire de ses œuvres, à celui qui aura l’indicible bonheur de les contempler en vol, un instant de pure béatitude !

    Franchement, quel illustrateur n’a pas rêvé d’avoir un tel lutin comme ami, surtout quand il est charrette…

    Votre créature féerique préférée et pour quelle raison ?
    Ah ben vous en avez de ces questions ! Vous savez ce qu’il en coûte de se fâcher avec un korrigan ou une fée ? Parce qu’à bien y réfléchir et en toute conscience de ce qu’il peut m’arriver si je me fâche avec quelqu’un et si d’aventure, il me tombe sur le râble alors que je traîne mes guêtres un soir sur la lande…
    … je dirais les Dryades ! Parce que j’aime les arbres, regarder l’herbe pousser et écouter le vent qui joue de la harpe dans les feuilles des « grands verts « ! Et le plaisir de laisser deviner les courbes d’un corps féminin dans la rugosité d’une écorce est un bonheur à nul autre pareil !

    Propos recueillis par Le Peuple féerique en décembre 2008

Suivez les fées !

Abonnez-vous pour ne rien manquer...