Toujours avide de découvrir des lieux enchantés, je me suis rendu en Algarve au château de Silves où une légende raconte que l’on peut entendre la nuit les gémissements ou les pleurs d’une Princesse enchantée, une Moura encantada enfermée dans la citerne du château… Les Maures enchantées ont toutes à peu près la même histoire. Elles sont nées d’un sort jeté par leur père lors de la fuite devant la reconquête chrétienne. Les Maures occupaient la terre d’Algarve et s’en repartirent y abandonnant leurs trésors. Pour les garder, ils enchantèrent de jeunes princesses… De retour dans leurs terres, ces mêmes pères furent pris de tristesse et au gré du hasard chargèrent de la mission de ramener leurs filles de pauvres bougres désoeuvrés promettant la richesse à l’un, le mariage à l’autre…
Pour délivrer une Moura encantada, il faut simplement à un jour précis, susurrer son prénom en brisant un petit pain magique. La jeune femme est alors libérée de sa mission et s’envole en fumée ou disparaît dans les airs pour s’en aller rejoindre les siens. Hélas, le preux chevalier improvisé ou souvent son épouse, mélangent les petits pains, les brisent bien trop tôt ou prononcent mal les prénoms. Peu importe la faute, le résultat est identique : la Moura encantada résidera à jamais dans son puits, sa grotte, son château ou sa citerne comme ici à Silves…
Je n’ai pas eu, hélas, l’occasion d’entendre les murmures de la fée lorsque j’ai tendu l’oreille au-dessus de cette ancienne citerne dont vous voyez le toit ci-dessus, mais par contre, je me suis arrêté devant cette image, un peu plus bas dans la rue, trouvant que cette belle dame avait elle aussi quelque chose de féerique, n’est-il pas ?
Becky Falls dans le Dartmoor anglais est un lieu centré autour d’une rivière où passer une belle après-midi.
On y remarque quelques clins d’oeil aux Pixies, ces petits êtres du Devon. L’entrée du parc est décoré d’une oeuvre en bronze de David Goode, artiste bien connu pour ses elfes magnifiques déclinées en statue de jardin ou fontaine.
La promenade est agréable, on y croise quelques money trees indispensables pour l’offrande aux Pixies afin que tout se déroule pour le mieux et qu’on égare aucun visiteur. Quant à l’eau, pour y avoir mis les pieds, elle est glacée !
A chaque voyage outre-Manche, je m’étonne du caractère encore bien vivant des croyances aux fées et lutins ici. Lors de mon dernier séjour en Angleterre, dans le Devon, j’ai croisé le chemin à maintes reprises de troncs où l’on avait inséré des pièces de monnaie.
La coutume veut que l’on paye un droit de passage aux Pixies pour emprunter un chemin, demander leur protection contre les serpents monstrueux, fantômes et autres terribles créatures hantant ces lieux ou tout simplement leur permission de traverser leur territoire.
Les Money Trees comme on les appelle là-bas ne sont pas rares. Omettre de déposer une piécette, c’est prendre le risque de fâcher les Pixies et d’être pixie-led, c’est-à-dire égaré par eux pour ne plus pouvoir retrouver le bon chemin. Mais il y a pire. Si déposer une pièce vous protégera, en prendre une sur un de ces troncs entraînera inévitablement le malheur et la malédiction des Pixies. Un de leurs traits et vous voilà fichu, rendu malade ou conduit vers une mort certaine… On ne plaisante pas avec les fées !
Au gré de nos échappées dans le Dartmoor anglais, nous décidâmes un jour de nous rendre à Lydford Gorge, un site naturel protégé et géré par le National Trust et dont la chute de la dame Blanche nous avait intrigués. Arrivés sur place, une randonnée de deux heures nous attendait avec quelques surprises…
Que dire du sentier si ce n’est qu’il était plus que bien balisé et facile à suivre ! Et tout du long, de superbes vues sur l’eau s’écoulant jusqu’à la chute que j’ai oublié de photographier tellement j’étais bien à la regarder…
Mon oeil de botaniste découvrit en ce milieu boisé et humide une plante de magicienne, la délicieuse petite Circé de Paris. Et de la magie en ce lieu, il n’en manquait certainement pas !
Un peu plus tard, nous tombions sur ça :
Du coup, on se dit que des Pixies, il devait y en avoir dans le coin et les végétaux alentour prirent une toute autre allure…
La visite des lieux se termina au bord du chaudron du diable et d’une bonne pinte de cidre !
« Une sorcière est une fée que l’on a offensée », cette phrase que l’on doit à Katharine Briggs peut se lire sur les murs d’Ellezelles, village belge marqué par les bûchers. Nombreuses sont celles injustement condamnées qui reviennent chaque nuit hanter les chemins des campagnes. Fées ou fantômes, les sorcières sont avant tout les victimes de la jalousie, de l’incompréhension et de la haine des autres hommes. Du XIIe au XVIIIe siècle, chasse allait être donnée à ces suppôts du diable avec comme point culminant, toute l’horreur de l’Inquisition.
Rien ne la distinguait des autres jeunes filles du village si ce n’est la couleur orangée de sa chevelure. Et peut-être son air sauvage. Emelyne aimait passer des heures dans les champs, y récolter les herbes qui guérissent, y observer les sauts joyeux des chevreuils au petit matin et les vols des chouettes le soir tombant. Au fil des ans, son intérêt pour les beautés de la nature n’allait pas en diminuant. A seize ans à peine, elle connaissait le nom de toutes les fleurs et les trajets de toutes les abeilles. Elle passait de longs moments dans les bois, s’endormant dans l’air frais sous les ramures, se gavant de myrtilles et de mûres. La rumeur disait qu’elle détenait le secret des fées, qu’elle les côtoyait lors de ses échappées. A vingt ans, elle ouvrit un petit commerce de feuilles et de fleurs séchées. Des sirops de sureau pour soigner les maux de gorge. Des herbes à infuser pour faire partir la fièvre. Elle fut bientôt connue dans toute la région pour les soins qu’elle apportait aussi bien aux hommes qu’aux bêtes.
Cet été-là, il avait beaucoup plu. Le blé et le froment s’étaient courbés sous le poids de l’humidité et les hommes avaient eu bien du mal à récolter les grains pour les moudre et en tirer la précieuse farine. Mais ce ne fut pas là le pire des malheurs qui s’abattirent sur le village. Un mal étrange suivit les premiers pains. Les gens furent frappés de folie et d’hallucinations. Certains ressentaient un feu intérieur les brûler, une chaleur insupportable qui leur rongeait les membres. Au bout de quelques jours, les cadavres s’amoncelèrent et on en vint à crier à la malédiction. Le curé, débordé par tant de souffrance en appela à l’évêque.
Une semaine plus tard, des cavaliers noirs entraient au village suivis par un inquisiteur. Car ce mal étrange ne pouvait venir que d’un suppôt de Satan. On murmura un nom. Doucement d’abord puis, de plus en plus fort. Celle qui détenait le pouvoir de guérir possédait certainement celui de tuer. Et puis, ces cheveux roux, un signe, sans nul doute.
Un matin, la fille fut enlevée, conduite au tribunal, rouée de coups. Elle finit par avouer, en sanglots, avoir pactisé avec le diable. Sorcière ! On éleva un bûcher. Les flammes lui léchèrent le corps et elle jeta dans un dernier cri : « Sœurs, sœurs ! Que vengeance soit faite ! ». C’est alors qu’un sinistre craquement se fit entendre : l’amas de bûches enflammées s’était effondré engloutissant le corps de la jeune femme.
L’étrange mal disparut avec l’hiver. L’année suivante, tout le monde parlait encore de cette sorcière rousse, cette maudite engeance. On frissonnait de l’avoir laissée toucher son enfant. On s’effrayait qu’elle ait posé la main sur la meilleure jument. Puis, on l’oublia.
Jusqu’au soir où, bien des années plus tard, dans la brume naissante de ce pré, à la lisière de la forêt, une femme qui rentrait chez elle aperçut une ombre surgir de terre. Elle vit distinctement la couronne de cheveux de feu qui entourait un faciès plein de haine et des yeux luisant comme des braises. La sorcière était revenue et le village allait payer l’offense faite aux fées…