Fées noires & Dames sombres – La Croquemitaine
La Croquemitaine
Hurle ! Hurle ! Voici venir la Croquemitaine, celle qui dévore les enfants peu sages et fait naître les cauchemars. Ses habits de lambeaux noirs et poussiéreux effrayent tout autant que son visage de vieille sorcière. Elle se niche dans les recoins sombres, sous les lits, dans les caves et greniers…
Depuis quelques nuits, le petit garçon âgé de cinq ans venait retrouver ses parents dans leur lit. Il tremblait de peur. C’était l’âge des terreurs nocturnes, de cette fameuse conscience de l’obscurité et des premiers rêves redoutés. Louis avait de plus en plus de mal au coucher. Il pleurait beaucoup. Ses parents devaient sans cesse remonter, le rassurer, lui relire une histoire, lui chanter une berceuse avant que la fatigue prenne le dessus sur l’angoisse et lui ferme enfin les paupières. Avant d’aller eux-mêmes se coucher, ses parents venaient remonter la couverture sur le corps endormi de leur petit Louis. A ce moment-là, le visage de l’enfant était des plus paisibles. En quittant la chambre, ils éteignaient la veilleuse qui colorait d’une lumière douce et chaude la pièce. Lorsque la porte se refermait, on entendait dans la nuit les pas des parents gagner leur propre chambre, mais également un autre bruit furtif. C’était un léger glissement, un mouvement presque imperceptible. L’ombre qui se mouvait dans la chambre de Louis prenait tout son temps. Elle aimait se poser à côté du lit et observer le visage de l’enfant à son tour, des heures durant. Elle se délectait de ses traits infantiles, de cette jeunesse première, si sensible, si fragile… Puis, sa main se posait sur le front du gamin. Le petit corps s’agitait, une sueur faisait son apparition, coulant le long de ses tempes, mouillant son oreiller. Ses petits sourcils fronçaient et les premiers gémissements se faisaient entendre dans la chambre. Tout cela faisait le délice de la Croquemitaine, pauvre créature des ombres qui hante les chambres d’enfants, les greniers abandonnés et les caves obscures. Cette mauvaise fée des recoins engendre de terribles peurs et, comble de son ignominie, ne s’attaque qu’aux esprits encore fragiles ou immatures, les jeunes enfants ayant de loin, sa préférence. Le petit Louis en prise avec d’affreux cauchemars finit par ouvrir les yeux. Son regard à moitié éveillé s’ouvrit sur le visage grimaçant de la fée. Il hurla et se jeta hors de son lit, ouvrant la porte et courant se réfugier dans la couche de ses parents. Son père n’en pouvait plus, il fallait que cela cesse ! Sa mère le prit dans ses bras, calma son angoisse et fit taire les tremblements. Louis s’endormit. Ici, il ne craignait plus rien.
Le père percevait la respiration redevenue plus calme de son fils. Le petit s’était déjà rendormi. Lui, il avait plus de mal à retourner au sommeil. Il se leva pour aller boire un verre d’eau dans la cuisine. En remontant, il jeta machinalement un œil depuis la cage d’escalier vers la chambre de l’enfant. A travers la porte entrouverte, il vit deux yeux noirs qui l’observaient.
Cette créature est vicieuse.
Et le père guère à l’écoute de son pauvre fils, victime de cette horrible méchante fée.
Heureusement que la mère est plus gentille, mais bon…