Folklore

Fées noires & Dames sombres – La Succube

La Succube

rubia
© Pascal Izac

 

Fille de Lilith, la Succube se glisse subrepticement sous les draps de l’homme endormi pour lui susurrer d’étranges pensées érotiques durant son sommeil. Séductrice, elle s’approche du pauvre mortel, drapée dans sa cape rouge conférant encore plus de pâleur à sa peau des plus blanches. D’une beauté sans égale, elle finit par vous attirer, entrouvrant son manteau pour vous pousser vers l’objet de tous les péchés. Votre corps serré contre le sien, elle aspire la vie en vous étreignant. Votre peau délicate se couvre de rides, vos cheveux blanchissent, vos dents se déchaussent… Il ne restera très bientôt de vous qu’un cadavre de vieil homme décharné.

 

C’était un homme pieux le Firmin. Il ne manquait jamais l’office du matin. Ni les vêpres. On aurait dit qu’il passait son temps à l’église. C’est qu’il avait une chose à se faire pardonner le Firmin. Une de ces choses qu’on ne peut révéler en confesse. Il se savait damné, mais rien n’aurait pu l’empêcher de poursuivre sur la voie du péché. Ni les prières prononcées, ni les remords et regrets. Encore moins les coups qu’il se portait, afin de se punir de ce qui le rongeait.

Il habitait la petite maison à la sortie du village, près de la forêt. Une simple masure pourvue d’une grange attenante. C’est dans l’annexe que cela se passait. Chaque nuit, il attendait son murmure, sa voix chuchotée à travers les murs et qui lançait l’inévitable invitation « Viens… »

Alors, il sortait de chez lui, jetait un regard inquiet dans la rue. D’un côté, puis de l’autre. Il fermait la porte à clef et, muni d’une chandelle, ouvrait celle de la grange. La créature l’attendait, allongée sur la paille. La faible lueur projetée de la chandelle laissait deviner un corps nu, sulfureux. L’homme posa la bougie à côté de la Succube. Car tel était son secret : cette divine créature qui venait le visiter chaque soir depuis des mois ne pouvait être que l’engeance d’un démon. Sauvage, elle s’était donnée au Firmin qui n’avait jamais connu une telle extase. A un point tel que ses mains gardaient perpétuellement la mémoire des courbes de nuit caressées, que ses narines ne se désemplissaient plus du charnel parfum de la fée. Chaque nuit, il vivait un autre temps, et chaque matin, il pleurait. Non de honte d’avoir succombé au péché mais de joie, de cette incompréhension de pouvoir toucher, jouir d’une telle beauté lui qui possédait un visage ridé, une bouche sans dent et le corps amaigri d’un homme à l’âge passé. Il ne comprenait pas pourquoi elle l’avait choisi et cette incompréhension le torturait bien plus que la culpabilité. Il cherchait une réponse, c’est pourquoi il venait chaque jour aux messes sans oser aborder le sujet de ses occupations nocturnes avec le curé.

Cette nuit-là fut encore plus magique. La créature paraissait insatiable. Son étreinte épuisait le pauvre homme. Malgré le fait de sentir ses forces le quitter, il ne pouvait refuser les avances de la dame. De peur qu’elle ne disparaisse, il caressait et caressait encore ce corps brûlant. Tout à son étreinte, il ne vit pas le feu se propager depuis le bout de chandelle posé sur la paille. Le couple enlacé faisait l’amour au cœur des flammes qui se reflétaient dans le regard de la Succube. Brusquement, elle poussa le vieil homme dans le brasier. Il hurla et de son pauvre corps meurtri, épuisé, une ombre jaillit que la Succube accueillit en son sein. Puis, elle disparut, emportant avec elle l’âme damnée du pauvre Firmin.

Richard Ely

Né en Belgique, j'ai passé toute mon enfance à Ellezelles, village sorcier. J'ai ensuite étudié les fées, elfes et lutins à l'université tout en croisant les chemins de Pierre Dubois, Claude Seignolle, Thomas Owen... En 2007, après avoir parcouru bien des forêts et des légendes, je crée Peuple Féerique. Spécialiste du folklore féerique, auteur d'encyclopédies, de livres, d'albums, je poursuis mon exploration de ce Petit Monde de Merveilles pour le partager avec vous.

4 réflexions sur “Fées noires & Dames sombres – La Succube

  • Charmante, la fée !
    L’illustration est vraiment flippante… Belle, mais flippante.

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  • Christiane

    Etrange créature que cette Succube. Belle à se damner mais diabolique. Le pauvre Firmin l’a payé de sa vie, mais en même temps, malgré son âme torturée, il est parti heureux.

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  • L’est fichtrement belle la peinture, qu’on s’rait fichu d’passer un pacte avec Belzébuth pour savoir dessiner comme ça ! Même que l’histoire l’est rud’ment ben écrite.

    Mais crédieu, j’osions plus met’ les pieds dans la grange… ‘acré bon dieu d’garce d’fumelle ! Va encore falloir faire v’nir Brice le désenvoûteur.

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