Folklore

Fées noires & autres Dames sombres – Introduction

Chaque mois, je vous inviterai à découvrir une Fée noire. Les textes et images sont issus d’un projet de livre qui n’a pas trouvé de preneur côté édition. Pour que le travail ne soit pas perdu, j’ai donc décidé de placer sur ce blog les textes agrémentés des illustrations de Pascal Izac. Je vous invite d’ailleurs à découvrir son site et ses réalisations de grand talent !

Pour commencer l’exploration de cette thématique sombre à souhait, voici une petite introduction. Bonne lecture !

 

Fées noires
& autres Dames sombres

© Pascal Izac
© Pascal Izac

L’Autre Côté…

Toutes les fées ne sont pas gentilles. Loin s’en faut ! Il suffit de plonger le nez dans les témoignages laissés par les anciens pour en faire ressurgir toute la noirceur qui accompagnait les fées d’alors. Les gens des campagnes d’autrefois craignaient autant les fées qu’ils ne les respectaient. On déposait l’offrande à l’orée d’un bois, sur une pierre plate ou dans le creux d’un rocher et il ne serait jamais venu à l’idée au demandeur de demeurer en ces lieux afin d’apercevoir l’être féerique. Chaque offrande visait autant une demande d’intervention pour chasser le malheur, s’en prévenir surtout ou apporter l’abondance d’une récolte prochaine qu’une invitation à rester chacun chez soi. Les fées dans leur territoire sauvage, leur grotte, le lit d’un torrent ou cette partie sacrée de la forêt. Les hommes dans leurs maisons, leurs champs et leurs prairies. Les offrandes se posaient sur les limites à ne pas franchir, d’un côté comme de l’autre. En bordure d’une culture, dans l’âtre d’une cheminée, sur la tablette d’une fenêtre ou à la lisière d’un bois. Franchir l’Autre Côté ne pouvait engager rien de bon.

 

Et les « bonnes fées » alors ?

L’emploi fréquent de dénominations en lien avec l’idée de bonté pour qualifier les êtres de Féerie ne cache à l’origine qu’une manière de se concilier leurs bonnes grâces. Parler des « Bonnes fées, Belles Dames » ne signifiait pas qu’elles étaient sages par nature. Ce sont des termes propitiatoires qui visaient la faveur des fées, de se concilier leur volonté afin d’attirer le bonheur et de repousser le malheur que les dames de féerie, en maîtresses du destin, tiennent entre leurs mains.

 

The Unseelie Court

Nos amis anglais ont une façon bien à eux de parler des bons et mauvais esprits. Si les membres de la Seelie Court répandent le bien autour d’eux, aident à faire éclore les fleurs, le soleil à se lever, la lumière à se répandre dans les foyers en même temps que le bonheur, il en est tout autre de l’Unseelie Court. Dans ce grand ensemble prennent place les lutins turbulents et les fées, horribles mégères et désirables aguicheuses. Avouons d’ailleurs que face à une nature trop lisse caractérisant les premiers, les aspérités offertes par ces êtres de l’Unseelie Court éveillent bien plus de curiosité. Pour eux, le mal n’existe pas. Le bien non plus d’ailleurs. Avec eux, pas de tranquillité mais la promesse d’une incessante activité faite de cabrioles, de mauvais coups ou de blessures bien plus profondes. Les êtres de l’Unseelie flirtent avec les péchés : gourmandise, désir, chapardise, jalousie, meurtre… tout leur est permis ! Ils brisent les codes de l’honneur et poussent les hommes dans leurs limites.

Une chose profonde les lient entre eux malgré leur grande diversité de mœurs ou d’apparences : ils n’obéissent à personne, encore moins aux humains et restent toujours insoumis à l’ordre. Les fées sombres sont chaos. D’où leur insaisissable nature, leurs traits difformes, leur vilénie, leur instabilité, leurs rires francs et leurs hurlements. Elles sont tout ça et encore le contraire !

 

Elfes noirs vs elfes blancs

La mythologie nordique amène également une nuance dans la distinction entre le monde lumineux et aérien des elfes blancs, divinités fort anciennes et qui paraissent inaccessibles et l’univers des elfes noirs, ancré dans la terre. Leur peau sombre et leurs traits ridés par la vie les rattachent au monde souterrain, chtonien. Ici aussi pas de dichotomie claire, les elfes sombres ne sont pas obligatoirement synonyme du mal incarné. Et ceci se retrouve dans d’autres croyances. Le noir, le sombre n’est pas à comprendre comme le mal. Plutôt comme un attachement à la terre, à la nature pleine et sauvage, à la matière alors que le blanc, la lumière se rapprochent du spirituel, du monde divin. A cause de cela, l’un reste très proche de l’homme, lui tourne sans cesse autour, interagit souvent avec lui. L’autre s’en détache pleinement, s’en préoccupe très peu et l’observe de haut et de loin.

 

Créatures de la Nuit

La nuit est le territoire premier des esprits. Dans toutes les légendes, le soleil chasse les ombres. C’est dans l’ombre de la nuit que se glissent les fées noires. Sous la lune des premières croyances, elles apparaissent aux hommes, les attirent, les trahissent, les poussent vers le franchissement des limites. Les Fées noires et Dames sombres représentent tout ce qui nous effraye. Non pas le danger ou le tabou en tant que tels mais bel et bien leur franchissement. Car ce qui nous inquiète n’est pas l’être obscur qui se tient face à nous, c’est l’idée même de basculer avec lui de l’Autre Côté. La mort ne fait pas peur, mourir si. Et c’est bien cela qui nous terrifie autant qu’il nous fascine à travers toutes ces créatures de la nuit, de l’ombre…

 

Vous trouverez dans les pages qui suivent trente portraits de Fées noires. Trente tableaux afin de ressentir, d’approcher ces étranges limites manifestées par les fées. Elles ont été choisies dans les grandes et petites mythologies, dans les récits anciens et les témoignages laissés par nos aïeuls, dans les murmures des campagnes et les croyances antiques. Au fil des siècles, toutes se sont croisées, mélangées, passant d’une région à une autre en y laissant leur trace, leurs peurs. Certaines furent des déesses avant que nos prières les oublient et que les hommes les glissent au fil du temps dans les légendes. D’autres accompagnent les hommes depuis toujours dans leurs superstitions quotidiennes, figures croquemitaines hantant nos rêves sans les croire capables d’apparaître dans notre réalité… et pourtant. Monstrueusement belles ou magnifiquement horribles, toutes appartiennent à la sombre féerie, celle qui nous touche en notre âme et conscience bien plus profondément que ne le feront jamais les êtres de lumière.

Ouvrez ce livre. Partez à leur rencontre. Vous vous rendrez vite compte que vous ne pourrez plus le fermer. D’ailleurs, il ne l’a jamais été…

Richard Ely

Né en Belgique, j'ai passé toute mon enfance à Ellezelles, village sorcier. J'ai ensuite étudié les fées, elfes et lutins à l'université tout en croisant les chemins de Pierre Dubois, Claude Seignolle, Thomas Owen... En 2007, après avoir parcouru bien des forêts et des légendes, je crée Peuple Féerique. Spécialiste du folklore féerique, auteur d'encyclopédies, de livres, d'albums, je poursuis mon exploration de ce Petit Monde de Merveilles pour le partager avec vous.

6 réflexions sur “Fées noires & autres Dames sombres – Introduction

  • Martine

    Rien qu’à lire cette introduction, j’ai hâte de lire la suite… Merci infiniment!!!

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  • Christiane

    Merci M. Ely de nous faire partager ces histoires de fées noires. L’introduction m’a alléchée et j’ai hâte de connaître la suite.

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  • Ce qui m’intéresse dans l’idée de la « fée », c’est son amoralité (et non immoralité) inhérente à la Nature. Nous, les humains, nous voyons les choses par le biais du bien et du mal, même si les repères varient, sont flous, antagonistes, c’est plus fort que nous !

    A propos des elfes nordiques dont il est question dans le texte, la mythologie scandinave repose sur un principe d’équilibre de l’univers où chaque chose doit être à sa place et non sur des notions de bien et de mal même si celles-ci n’y sont pas étrangères non plus (le bon Baldr (Balder)…).

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    • Bien d’accord ! C’est d’ailleurs un trait de la féerie que j’aime exploiter et qui parfois se heurte à une idée moderne d’une fée bienveillante à notre égard.

      Et pour ce qui est de la mythologie nordique, elle n’est pas la seule à reposer sur cette idée d’équilibre, loin de là. La dichotomie Bien/Mal est un peu simpliste et s’est surtout de plus en plus consolidée à partir du Moyen Âge chrétien. Pour comprendre les fées, il suffit de les rapprocher de ce qui les a fait naître : la Nature. Tout est là. Ni bien, ni mal, mais une recherche perpétuelle d’un équilibre.

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