L’actualité féerique !

  • Claude Seignolle – Le folklore au service de l’Imaginaire

    Claude Seignolle

    S’il est un auteur français qui mérite bien sa place parmi les plus grands fantastiqueurs francophones, c’est bien Claude Seignolle. Revisitant les légendes anciennes ou les grandes figures du fantastique, l’auteur nous emmène dans son imaginaire avec la justesse de ses mots et le plaisir sans nul pareil d’une écriture profonde et vraie. Entre amour du terroir et réflexion sur l’homme, le fantastique de Seignolle a un goût particulier dont on ne se délassera jamais. Regards sur l’homme et ses œuvres…
    Certes, certains trouveront étrange de parler ici d’un écrivain fantastique, mais Claude Seignolle a bel et bien sa place dans les mondes féeriques car il est l’un de ceux qui a récolté patiemment les contes et légendes de nos terroirs. Sans lui, le Petit Peuple et ses histoires auraient été perdus !

    L’homme et ses outils : la pelle et la plume

    La lecture d’Une enfance sorcière, récit autobiographique de Claude Seignolle, nous en apprend beaucoup sur l’auteur et cette sorte de prédestination à l’amour du passé, de ses pierres et de ses légendes. Claude Seignolle est né le 25 juin 1917 très exactement à 15 h dans le Périgord à Périgueux. Très tôt, il se met en chasse de vieilles pierres et se découvre une véritable passion pour l’archéologie. Il explique lui-même cette passion par une sorte de  » destin  » auquel il n’aurait pu échapper. Il se dit en effet atteint du  » lithos  » qui, nous explique l’auteur, est vulgairement appelé le  » microbe de la pierre « . Il entassera dans sa chambre diverses trouvailles : pierres préhistoriques, morceaux de vases, etc. Mais son père ayant décidé de monter à Paris, le jeune Seignolle se voit contraint d’abandonner sa Sologne et ses vieilles pierres…

    Mais lorsque le destin vous tient, rien ne peut le contrer et c’est au sein du lycée Lakanal, à Paris, que Seignolle va faire une première rencontre importante en la personne de son professeur d’Histoire qui, apparemment lui-aussi atteint du lithocoque, lui conseille de préférer la pelle aux leçons, décelant dans le jeune garçon, un chasseur de pierres en devenir. A quatorze ans, alors que le conseil disciplinaire de son Lycée le renvoyait pour son attitude jugée trop passive vis-à-vis de l’enseignement dispensé, Claude Seignolle se faisait appeler, par esprit de taquinerie, « cher collègue » à la Sorbonne ! Plus précisément, la présence assidue de ce jeune homme intéressé aux séances de la Société préhistorique Française l’avait fait admettre comme honorable membre actif. Sa première arme, la pelle, allait le servir à déterrer des trésors enfouis depuis des siècles et les marchés aux puces parisiens allait voir venir à eux un terrible négociateur, toujours à l’affût d’une quelconque « trouvaille ».

    Une autre rencontre décisive allait transformer la vie et la passion de notre jeune archéologue. Arnold van Gennep, le folkloriste bien connu, se lie d’amitié avec le jeune homme qu’il appellera familièrement « neveu ». Considérant que les pierres vieilles de quelques milliers d’années peuvent bien encore attendre quelques temps qu’on les ramasse, il insiste beaucoup sur la nécessité autrement plus urgente de récolter les contes, légendes et traditions de ces paysans, restés fidèles à leur passé et qui disparaissent entraînant avec eux toutes leurs richesses. Délaissant pour un temps la pelle à la faveur de la plume, Claude Seignolle aidé de son frère Jacques, allait s’enfoncer pour deux ans dans une collecte d’informations primordiales qui allait aboutir à l’ouvrage Folklore du Hurepoix.

    Depuis, l’homme se partage entre l’amour des légendes (nombreux ouvrages concernant le folklore et les légendes de différentes régions de France, voir chez Omnibus. A noter également que Claude Seignolle est très certainement un des plus grands spécialistes du diable et de ses légendes en France, de son érudition, il a également retiré de nombreux ouvrages majeurs comme  » Les Evangiles du Diable « ) et l’inspiration qu’il retire de son travail de recherche pour les contes fantastiques qui l’ont fait véritablement connaître des amateurs de l’étrange. Son premier roman, Le rond des sorciers, publié en 1959 allait amorcer une belle carrière de conteur et allait le faire entrer en contact avec de futurs grands amis de ce docteur es-diableries : Jean Ray, Thomas Owen…

    Ici, c’est bien entendu à l’auteur de récits fantastiques que nous nous attacherons et dans la suite de cet article, nous vous proposons un petit tour d’horizon de ses œuvres en nous arrêtant aux thèmes essentiels.

    Vampires des villes et Loups-Garous des campagnes

    Si Claude Seignolle est très apprécié pour ses récits tirés de légendes campagnardes ou situés dans un univers paysan, on oublie souvent qu’il a également écrit de somptueuses histoires placées dans un univers urbain. N’oublions pas qu’il a vécu après tout, longtemps à Paris ! Dans le recueil La Nuit des Halles, Seignolle nous confronte avec une créature qui aime à se lover dans les pierres citadines : le vampire.

    Qu’il prenne la forme de mains-vampires venues chercher la matière première de l’inspiration du peintre El Chupador (Le Chupador, in La Nuit des Halles) ou qu’il prenne l’apparence d’une jeune fille de quinze ans, condamnée à se nourrir de  » clients  » sur les trottoirs de Paris (Pauvre Sonia ! in La nuit des Halles), le vampire, créature qui ressent le besoin de se rapprocher de ses proies et donc de vivre là où celles-ci se concentrent est bien une figure incontournable de la ville. On notera également dans cet imaginaire urbain des morts prenant le taxi (Nuits), une prostituée-araignée (Un petit monstre à louer au quart d’heure) ou encore des murs fantômes (Et si c’était !)… Enfin, La Brume ne se lèvera plus est un court roman contant la recherche désespérée de son amour par un jeune déserteur. Si le récit est moins à catégoriser dans le genre fantastique que d’autres histoires de Seignolle, il n’en reste pas moins empreint d’une atmosphère surréaliste, onirique et étrange. Et que dire de ce vieil organiste qui se présente à la fin du récit sous les traits de l’ange noir du héros ?

    Mais rejoignons vite la véritable richesse à retirer des œuvres de Claude Seignolle. C’est bien dans les légendes du terroir que nous pénétrons avec plaisir en compagnie de ce merveilleux conteur. Commençons notre exploration avec une bête disparue de bien des contrées mais qui a laissé un souvenir vivace dans les villages : le loup. Avec Le Gâloup, Claude seignolle nous invite à pénétrer les pensées de la bête. Récit à deux voix, l’œuvre montre toute la force de l’animal, tantôt chasseur, tantôt proie… un régal ! Mais mieux encore, c’est avec le roman Marie-la-Louve que l’on découvre toute la force de l’écriture de Seignolle. L’histoire est celle de la jeune Marie amoureuse de Martin au déplaisir des parents de ce dernier. La rumeur qui entoure Marie n’est pas non plus sans venir renforcer la méfiance des parents de Martin. On raconte que lorsqu’elle n’était encore que bébé, un homme étrange était venu, au cœur de l’hiver, demander nourriture pour lui et ses bêtes. Les parents de Marie, découvrant avec horreur que les bêtes en question étaient des loups, se rappelèrent aussitôt la légende du Meneur de loups ! Pas question de lui déplaire. Une fois le repas pris, le meneur demanda à les remercier et transmis à Marie le don de guérir les morsures de loups tant que lui serait en vie… Et l’histoire de se construire autour de la légende, de nous faire frémir pour l’amour et les drames de Marie et Martin, de nous confronter à la dureté et la folie des hommes. A bien y réfléchir, le livre nous pose la question suivante : quelle morsure est-elle la plus dangereuse, celle du loup ou celle de l’homme qui colporte mensonge et infamie ?
    Du loup, on en trouvera encore dans La morsure de Satan, où une fois de plus les croyances des gens joueront un mauvais tour…

    Dans les campagnes revisitées par Seignolle on ne trouve pas que des loups, il y a également des malédictions comme dans Un viol , où un seigneur mort depuis longtemps se venge de ce satané bûcheron qui lui a fendu le crâne en portant le malheur à jamais autour de cette profession. Il y a aussi d’étranges objets comme cette statue que l’on retrouve en un lieu damné et qui augmentera la méchanceté de Jeanne, qui porte bien son surnom de La Malvenue.

    Mais, au fond, toutes ces choses étranges qui se déroulent dans les campagnes, n’ont-elles pas une source commune ? Qu’ils soient malédictions, êtres damnés, monstres assoiffés de sang, sorcières et jeteurs de sorts n’ont-ils pas le même maître ?

    Diable et sorciers

    Et oui. Dans l’univers de Claude Seignolle, le diable a une place de choix. Le Mauvais, le Cornu, en sabots ou en pèlerine, il se déplace là où il est attendu ou là où on l’attend le moins… Mais toujours pour y apporter le mal et la désolation. Il récompense ceux qui le servent et châtie impitoyablement ceux qui tentent de lui nuire.
    Mais à quoi ressemble-t-il cet être que l’on craint tant et si fort ? Qu’il nous soit permis ici de répondre à cette question par les descriptions que nous en fait Seignolle dans diverses histoires.

     » Malgré la dureté de ses traits ravinant sa peau, il y a de la jeunesse dans ses lèvres, ce qui donne à imaginer qu’il ne doit pas avoir dépasser la quarantaine…peut-être moins mais pas plus… Son visage osseux évoque un masque ocré fendu de deux ovales allongés vers les temps, dans lesquels ses yeux verts ont une fixité animale. Sa tête, toute en hauteur, trop étroite, dépare un aussi grand corps et fait penser à un fruit non venu à terme, resté sur l’arbre, puis contrarié par quelque gelée. Le nez fort, pilier d’un front court barré par une chevelure noire, luisante, tranche ce masque et l’aide à pourfendre toutes les volontés qui tenteraient de s’opposer à la sienne. Il ne saurait en être autrement avec un tel soc d’autorité. Ses pommettes saillent, remontant les joues, les creusant aussi « . Ainsi est décrit Roc, le nouveau forgeron dans Le Diable en sabots. Ajoutons à ce portrait qu’il éprouvera de l’amour pour une femme mais lui avouera qu’il n’est pas bon. Une histoire qui met une fois de plus en avant la cruauté des hommes amenée par leurs croyances.

    Et dans le Gâloup, le maître apparaît à la bête et nous apporte une description plus fidèle à l’imaginaire universel :  » Là, gigantesque, sort de terre un être à facettes multicolores… Être d’or, d’argent et de puissance, mi-homme avec ses hautes jambes gainées d’étoffes arlequinées et ses longs bras perdus dans un vaste pourpoint cramoisi ; mi-bête avec sa queue aux poils hirsutes, ses sabots de corne et sa face de chèvre mécréante « .

    Mais le diable se manifeste dans les récits de Claude Seignolle surtout au travers de ses serviteurs : sorciers et sorcières ! Et méfiez-vous bien de ces gens-là ! Ne soyez pas tel ce boucher ambulant, qui assassinait et découpait de riches personnes et revendait leur viande sous forme de boudins et autres quartiers aux gens de la région et qui, refusant de donner un cœur de mouton à un homme que l’on disait sorcier se verra en très mauvaise posture (Il ne faut jamais)… Ou tel cette femme qui voulant sauver sa vieille cousine alla chercher le secours d’un sorcier. Celui-ci donna au cerisier du jardin le mal dont souffrait la femme. Mais apprenez que jamais sorcier ne fait de bonne action sans qu’il y ait plus mauvaise en retour… Et la joie de l’homme retrouvant son aimée en parfaite santé ne dura que le temps d’abattre ce vieux cerisier pourrissant…(Une santé de cerisier).

    Le malheur peut prendre diverses formes et n’a pas toujours besoin d’un visage pour se manifester. Que notre curiosité nous entraîne vers la fatalité (L’oubliette) ou qu’un mal d’autrefois pénètre en nous jusqu’à le rejouer (Chaque chose à sa place), le malheur guette ses proies. Soyez donc sur vos gardes !

    Nous terminerons sur les derniers mots de Claude Seignolle contenus dans le document qui ouvre Histoires vénéneuses, recueil paru chez Marabout en 1976. Document intitulée De qui venait ce sang ? L’auteur nous confie que la passion pour le diable et ses sorciers provient très certainement d’une expérience vécue, enfant, lorsqu’il était parti à la recherche de trésors archéologiques et que, surpris par un orage, il avait trouvé refuge dans une grange. Là, il fut témoin d’un rite étrange. Un vieux berger, acceptant la présence du jeune homme, reçu une femme et son enfant malade. Certes, l’homme fut quelque peu sorcier car pour guérir l’enfant (ou l’offrir à son maître ?) il éventra un coq que la mère avait apporté, éclaboussant l’enfant de son sang. Durant ce rite, le jeune Seignolle fut également souillé du sang de la volaille et cette expérience le marqua tant que l’auteur semble y trouver là l’origine de son écriture :  » En vérité, de Qui venait ce sang qui me marqua comme d’un don, mais d’une plaie et me lia aux forces obscures car, de ce jour-là de cet instant-là s’épanouit à jamais ma fascination pour l’enfer sournois qui couve sous l’humus de nos campagnes ? Mon âme en fut toute changée. Je commençais à voir clairement l’au-delà et à sentir les plus secrètes faims des êtres. Commença mon aventure pourpre. Commencèrent mes livres noirs « .

    Octobre 2000

    On signalera ci-après une succincte bibliographie et les traces de l’univers de Claude Seignolle au cinéma et dans la bande dessinée :

    Bibliographie
    Marie la Louve, Les Quatre-Vents, 1947 (aussi en Presses Pocket)
    La Malvenue, Maisonneuve, 1952 (aussi chez Marabout n°215 et Presse Pocket)
    Le diable en sabots, Le Terrain Vague, 1959 (aussi chez Presses Pocket)
    La brume ne se lèvera plus, Le Terrain Vague, 1959 (aussi chez Marabout n°419)
    La Nuit des Halles, Morgan, 1965 (aussi chez Presses Pocket)
    Les Evangiles du Diable, Maisonneuve, 1964 (aussi chez Omnibus)
    Contes sorciers, Marabout, bibliothèque fantastique, n°465
    Histoires maléfiques, Marabout, bibliothèque fantastique, n°230
    Contes macabres, Marabout, bibliothèque fantastique, n°244
    Récits cruels, Marabout, bibliothèque fantastique, n°282
    Les Loups verts, Marabout, bibliothèque fantastique, n°353
    Histoires vénéneuses, Marabout, bibliothèque fantastique, n°419
    Contes, récits et légendes des pays de France : Nord, Flandres, Artois, Picardie, Champagne, Lorraine, Alsace, Bourgogne, Franche-Comté, Paris, Omnibus, 1997.

    Cinéma
    Le Faucheur, Court métrage, N/B, Alain Gassener, 1969
    Désirée la Sangsue, Court métrage, couleur, Jean-Claude Boussard, 1971
    Celui qui avait toujours froid, Court métrage, couleur, Atahualpa Lichy, 1972
    Pauvre Sonia, Court métrage, couleur, Dominique Maillet, 1975
    Le Miroir, Court métrage, couleur, Dominique Maillet, 1976
    Marie la Louve, Téléfilm, couleur, Daniel Wronecki, FR3, 1991

    Bande dessinée
    La Malvenue, Bruno Loisel, Anvers, Loempia, 1988
    Le Gâloup, Bruno Loisel, Anvers, Loempia, 1990
    Le meneur de loups, Editions Mille regards, 1996

  • Le Grimoire du Petit Peuple

    Pierre Dubois est une célébrité dans le monde des fées. Vous risquez donc d’en entendre beaucoup parler ici. Comme par exemple pour sa série e bande dessinée trop tôt arrêtée sur le Petit Peuple…

    Le Grimoire du Petit Peuple T2

    Scénario: Dubois, Pierre
    Dessin : Collectif
    Editeur : Delcourt


    Quelques mois à peine après nous avoir plongé dans des histoires de Crépuscule, voici que l’extraordinaire conteur du Petit Peuple, Pierre Dubois, nous entraîne cette fois dans la Forêt. De la vieille Russie, épouvantée par son Leichy, au Troll, ogre géant, mais dont la naïveté sera être mise à profit par le héros, Maître Dubois est dans son élément. Côté dessins, signalons de suite la participation de Thierry Ségur (Légende des contrées oubliées). Notons aussi celle d’Aleksa Gajic, illustrant un conte roumain. On est loin du Fléau des dieux mais Gajic nous offre ici une preuve ce plus de son talent exceptionnel. Jérôme Lereculey, Jean-Emmanuel Vincent-Desroches, Dominique Bertail sont encore au sommaire du Grimoire. Tandis que Etienne Le Roux signe les portraits de l’Elficologue et Civiello pages de garde et couverture (comme dans le premier tome). Mêlant habilement contes universels et thèmes plus particuliers, Pierre Dubois a commencé une collection féerique qu’on aimerait espérer infinie. Inévitable !

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  • Petit Abécédaire féerique et Celtique – AK éditions

    Voici un petit abécédaire où le plaisir de l’auteur se ressent car rien ici ne doit être pris au sérieux. Vagabondages au travers des mots et de la féerie où le vocabulaire se fait jeu et où tout se mélange allégrement. Petit exemple:

    « Pouf: bruit provoqué par la dématérialisation d’un être féerique. est accompagné généralement d’une nuée de poussière. »

    Mais si on explore un peu plus ce petit livre on y trouve pas mal de références aux autres ouvrages édités par AK éditions. Publicité pour leur catalogue ou hommages sous forme de clins d’oeil aux amis-auteurs ? Une astuce qui malheureusement alourdit l’abécédaire en question qui, finalement, aurait mérité que son humour soit travaillé un peu plus finement. Cela aurait pu aboutir à quelque chose de très raffraichissant.

    Côté illustrations, elles se limitent aux pages introductibves représentant la lettre traitée. Le tout en noir et blanc.

    En résumé, un sentiment de rendez-vous manqué pour un ouvrage qui ne vaut pas le prix indiqué (9,50 euros !).

  • Il était une fois la neuvième fée…

    Il y a des créatures en Féerie qui ont toujours inspiré les auteurs du neuvième art. Les fées sont de celles-là. Véritables muses en ce Royaume, elles savent comment faire chavirer le cœur des hommes… ou les manipuler. De notre chasse, voici quelques bandes dessinées qui ont rempli les mailles de notre filet…
    Un royaume oublié
    Les hommes ne croient plus aux fées ! Voilà le postulat de départ de plusieurs auteurs pour qui leurs histoires doivent permettre au lecteur de s’évader. Par l’entremise des contes et légendes, ils réaniment en chacun d’eux la part de rêve qu’ils ont perdue et parviennent à leur redonner l’envie de croire aux fées. La tâche n’est pas facile car il faut aller au-delà de son esprit cartésien pour retrouver son esprit légendaire. Telle est la seule façon de ne pas voir mourir le monde de Féerie. C’est pourquoi la déesse mère envoie un lutin, qui représente le Bien, et un troll, qui représente le Mal, au chevet de deux petites filles, pour renouer les liens entre les Fées et les humains et pour influencer leurs destinées (Déesse Blanche Déesse noire, Servais, Dupuis coll. Aire Libre). C’est encore pour retrouver ce temps où elles étaient adulées et ne pas perdre de leur lumière, que les fées des quatre saisons achètent aux hommes quelques moments d’éternité. Mais, ne savez-vous pas qu’il faut se méfier du chant ensorceleur des fées ? (Les Contes de Brocéliande, T.2, « Le temps oublié », Debois, Sentenac, Sicilia, Soleil).
    C’est aussi cette disparition de l’imaginaire que Civiello dénonce dans La graine de folie (Civiello, Mosdi, Delcourt). Au Moyen Âge, le christianisme prend le pas sur les croyances ancestrales. Le peuple des fées est en danger. Décidée à sauver le royaume, la Reine des fées envoie un alchimiste elfique sur les traces du Seigneur Ténébreux et du Cœur de Cristal, le joyau symbolisant le pacte de paix entre les hommes et les fées.
    En redonnant vie au Royaume féerique, les auteurs donnent aussi leur version sur l’origine de la naissance des fées. Car peu de personnes connaissent la vérité sur la provenance de ces grandes magiciennes. A vrai dire, même parmi les créatures de Féerie, très rares seraient celles dans la confidence… Dès lors, toutes les hypothèses sont permises et toutes les histoires sont possibles. Rien n’empêche de chercher mais attention, car si un tel mystère subsiste, c’est sans doute car sans mystère, il n’y aurait pas de magie…
    Quand fées et humains font alliance…
    Les fées sont des grandes figures romantiques. Insouciantes, elles aiment jouer dans la clairière, danser autour des cercles magiques, se baigner dans la rivière. Dès l’instant où un humain rencontre une fée, souvent dans un endroit aux frontières de leurs deux mondes, il est ébloui par sa merveilleuse beauté. Un sourire et le voilà épris pour la belle jusqu’à la fin de ses jours. Pas insensibles aux charmes des mortels, les fées leurs imposent cependant de respecter quelques règles. Ainsi, avant de devenir sienne, la fée du récit « L’épouse féerique » (Les contes du Korrigan, Ronan Lebreton, Sandro, Soleil) demande à son prétendant de trouver son prénom, et ensuite, de ne jamais la heurter avec le fer qu’il a forgé. Mais le temps est une force mystérieuse et l’homme a bien du mal à ne jamais transgresser les règles…
    La fascination qu’exercent les fées sur les humains tourne également la tête aux gens les plus sensés. Iriacynthe sait l’effet qu’elle fait aux hommes. Complètement sous son emprise, le baron Boisier est prêt à mettre sa vie en danger pour conquérir la belle jeune femme aux gestes évanescents. Dans Iriacynthe (Casterman), Servais nous dresse le portrait d’une femme libre mais condamnée à une errance éternelle. Mi-fée, mi-humaine, la porte de son monde lui est désormais fermée à tout jamais. Dans le dernier conte de la Tchalette (Le Lombard), Servais nous fait vivre une autre rencontre bouleversante d’un homme et d’une fée…
    Malgré ces histoires dramatiques, Edouard Brasey soutient que la destinée de l’homme ne serait en fait que « faire alliance avec la fée ». Car, « faire alliance avec la fée, c’est faire alliance avec la vie, avec la magie de la vie et l’amour infini qu’elle contient ». Comme l’illustre aussi Servais dans Déesse Blanche, déesse noire, faire alliance avec une fée, c’est faire alliance avec le bien, c’est-à-dire la meilleure part de nous-même. La déesse mère incarne physiquement le Bien et le Mal. Maud, la jeune fille blonde bien intentionnée, se dressera du côté du visage féerique de la déesse blanche et de ses fées, contrairement à Vanessa, la brune révoltée, qui sera attirée par le côté sombre de la déesse noire et de ses sbires…
    « On dit qu’en son regard, l’enfant se voyait prince… Le vieil homme se sentait riche d’avenir… Et l’homme aux pensées malades… doué d’humanité… »
    (Fée et Tendres Automates, T.2. p38, Tehy, Tillier, Vents d’Ouest).
    Les visages des fées
    Qui a dit que les fées n’existaient que dans les contes pour enfants ? Bien sûr les petites fées ont une place de premier choix dans les dessins animés de l’oncle Walt. Il n’y a qu’à se rappeler les bonnes fées Flora, Pâquerette et Pimprenelle (interrompue par l’arrivée de la fée Maléfique) qui se penchent sur le berceau de la Belle au Bois Dormant, ou Cendrillon dans sa jolie robe de bal suite au voeu de sa marraine à la baguette magique. Aujourd’hui encore, les livres pour enfants explorent de nouveaux contes de fées qui transportent les petits aux pays des songes. Les bandes dessinées adressées au jeune public n’hésitent pas non plus à jouer la carte de l’humour. Tel est le cas de Mélisande, cousine-fée de Mélusine (Mélusine, Clarke, Gilson, Dupuis), qui fait preuve d’un Q.I. très en dessous de la jolie sorcière. Dans la série humour, petit clin d’œil avec les Léturgie père-fils cette fois, qui, dans une des 35 histoires courtes de Space Cake (T.1, p.16 – Vents d’Ouest), s’amusent à transformer l’imposant sergent Zoud en charmante Fée Clochette
    Mais cette image tout en rondeur des contes de fées ou un peu loufoque des BD jeune public sont loin de l’imaginaire original d’Olivier Ledroit. Pourtant, L’Univers féerique est un projet qui date du moment où il voulait faire de l’illustration pour enfants. Vingt ans après les premiers dessins qui composent ce recueil, ce chef de file de la BD gothique étonne par cette nouvelle facette de son talent. Avec L’Univers Féerique, Olivier Ledroit ouvre la porte à des esprits mystérieux et insaisissables aux doux noms de Nolenn, Abondance, Epinéa, Silis, Viviane, Louisette, Méline, … Mais méfiez-vous, car si toutes frappent par la beauté de leurs ailes, toutes n’appartiennent pas à la même catégorie : il y a les fées poupons, qui s’inquiètent du sort des nouveaux-nés ; les fées diaphanes aux corps transparents ; et enfin les fées grotesques. Papillons de jour ou papillons de nuit, toutes se côtoient sur le poster Les fées de l’ancien monde paru aux éditions Daniel Maghen.
    Les fées revêtent donc bien des apparences et font preuve de personnalités diverses. La fée Clochette de Loisel (Peter Pan, Vents d’Ouest) qui fait certainement partie des fées les plus célèbres du neuvième art, est susceptible, jalouse, et prête à tous les mauvais coups pour garder l’attention de Peter. Les fées de Froideval et Larme (Les Fées. Fées pas braire !, Dargaud) sont malicieuses, querelleuses et toujours promptes à semer la zizanie. Oui, les fées ne sont pas toutes bien intentionnées. Parfois, elles vont même jusqu’à enlever des nouveaux-nés pour les substituer à leurs propres enfants appelés alors changelings. (Le Clan des chimères, Corbeyran, Suro, Delcourt). Sur fond de faits réels, la série fantastique Les fées noires de Pécau et Damien (Delcourt) unit les auteurs dramatiques Nerval, Dumas, Nodier et le colonel d’Empire d’Herlon au lendemain des guerres napoléoniennes et explore le côté obscur des fées avec une muse démoniaque, jadis bannie par les chrétiens, qui veut aujourd’hui assouvir sa vengeance.  La dernière fée du pays d’Arvor, de Michaux et Arnoux (Glénat), n’est autre qu’Astrée, une jeune fille qui s’est vu offrir un pouvoir magique par les fées. Elle est l’héritière des fées, celle qui doit être sauvée par Folianne la bergère et Ombreux le preux chevalier… Et puis il y a Elle, de Fées et Tendre Automates (Téhy, Tillier, Leclerc, Vents d’Ouest). Elle, c’est une fée inachevée par son créateur et qui est l’objet des désirs les plus intenses de Jam, un automate, un brouillon…
    Les nouvelles venues
    La profusion actuelle des parutions celtiques témoigne de l’importance accordée au monde de Féerie et aux êtres magiques qui l’habitent. Lancées sur le marché fin 2006, deux nouvelles séries inspirées de ces mythiques légendes bretonnes, donnent une fois encore aux fées l’occasion de dévoiler leur véritable nature. Ainsi, Les larmes des fées (Debois, Mika, Soleil) met en scène une dryade, une nymphe de la forêt, qui fait pleurer les fées par ses poèmes. Dans cette série prévue en 3 volumes et situé à la fin du 19ième siècle en Bretagne, une femme de marin perd son mari en mer et cherche à comprendre ce qui a provoqué cet accident. Son enquête l’amène inexorablement aux créatures de Féerie… Les chemins d’Avalon (Jarry, Lissonet, Soleil) dresse le portrait d’un sombre trafic : de petites fées sont capturées pour le compte du mystérieux Lord Lumbley. Deux orphelins, Solen et son frère Colin, se sont mis en tête de les délivrer coûte que coûte. Pendant ce temps, un inspecteur venu de Londres enquête sur d’étranges meurtres et se verra confronter à des monstres redoutables : les trolls. Ajoutons ici que Wisher (De Vita, Latour) paru dans la nouvelle collection fantastique Portail (Le Lombard), nous présente aussi ces êtres magiques emprisonnés dans des cannes après qu’ils aient trahi les féeriques.
    A la fin de cette petite chasse aux fées, tous les doutes sont levés. Bonnes ou mauvaises, les fées existent ! Nombreux en sont témoins, tous ces écrits le prouvent. Alors, poussez la porte du monde imaginaire et laissez s’échapper les fées. Et surtout n’oubliez pas : pour les rencontrer, il n’y a pas de secret, le plus important, c’est d’y croire.

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  • La Quête du Graal T1 – Arthur Pendragon – Soleil

    La Quête du Graal
    T1 – Arthur Pendragon
    Scénario: Debois
    Dessin : Bileau
    Editeur : Soleil

    Notre avis:

    Les bonnes surprises arrivent souvent quand on ne s’y attend pas… Au vu du titre et de la couverture, la lecture s’annonçait plutôt banale. Mais à peine quelques planches plus loin, il faut avouer que nous étions pleinement séduits. L’histoire d’Arthur nous est ici contée sur un ton différent et prend ses racines plutôt dans la période pré-chétienne, les personnages sont très frais et bien établis. L’histoire est fluide et le dessin tout autant. Un dessin qui ne peut que nous faire penser aux dessins animés qui ont bercé notre jeunesse, du temps où ceux-ci étaient de vrais petits bijoux. Les deux éléments combinés, le dessin de Stéphane Bileau et le scénario de François Debois est un vrai plaisir. Voilà une série qui est une pure production de notre culture occidentale de ces 20 dernières années, baignée dans les animes, la mode celtique, le renouveau de la fantasy et des légendes. Et quand ce regain d’intérêt pour les épopées d’Arthur font passer un bon moment de détente, et bien, ça fait du bien !

    Ah oui, le résumé de l’histoire me direz-vous ? Et bien c’est l’histoire d’un jeune héros, entraîné par un drôle de druide sur un lieu étrange où une épée légendaire est enfoncée dans un rocher et est la convoitise de nombreux seigneurs… ça vous dit quelque chose ?

Suivez les fées !

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