L’actualité féerique !

  • Nicolas Jarry – interview

    Nicolas Jarry
    Le faiseur de mondes

    Partagé entre l’écriture de romans et de bandes dessinées, Nicolas Jarry s’est très rapidement hissé parmi les scénaristes les plus prolifiques. Nous l’avions rencontré en 2000 au festival fantastique de Bruxelles, au moment même où sa route croisait celle de Jean-Luc Istin et où naissait sa destinée en BD. Nous le retrouvons aujourd’hui avec une dizaine de séries à son actif. Une belle occasion pour en faire le tour.

    Au moment où nos chemins se croisent à nouveau, Nicolas Jarry était accompagné de Reno, dessinateur de Valamon, série de capes et d’épées et, bien entendu, de fantasy.

    ValamonComment s’est faite votre rencontre pour ce projet Valamon..
    Nicolas Jarry: Thierry Joor m’a dit : « j’ai deux dessinateurs, le premier c’était Reno, le second Luigi Fettone. L’un a un style proche de Rosinski, l’autre de Marini ».
    Reno: Les comparaisons, déjà, ça met tout de suite à l’aise (rires)
    NJ: Je lui ai dit : « Ben ok, je suis partant, je te fais des scénarios. J’ai donc fait 3,4 pages de Valamon et Thierry a fait passer.
    R: Moi, j’ai lu le scénar. J’ai de suite commencé à faire des crobards, je les ai montrés à Thierry qui m’a dit qu’il y avait sûrement un truc à faire.
    NJ: Thierry a donc tout calé, tout pris en mains et nous avons commencé à bosser quand c’était ok.

    L’univers capes et d’épée, la fantasy, pour toi c’était un territoire connu ?
    Reno: Moi j’étais plus dans quelque chose d’alternatif. Pour moi la fantasy est quelque chose de plus soft, on peut y aller à petites touches, imaginer des choses… Mais je trouvais qu’il y avait quelque chose d’intéressant à faire…

    Et tu connaissais déjà les œuvres de Nicolas Jarry ?
    R: Pas du tout.
    NJ: A l’époque, je n’avais pas grand-chose. J’avais commencé les Brumes d’Asceltis et les Chroniques de Magon, c’est tout.

    C’est donc un projet qui…
    NJ: …a mis longtemps à démarrer, oui.
    R: Mea Culpa. En fait, j’ai mis beaucoup de temps car j’ai d’abord fait 3 tomes jeunesse chez Tchô dans un style SF humoristique. Il m’a donc fallu un temps d’adaptation.

    Et pour toi, l’histoire de Valamon existait depuis quelque temps ou non ?
    NJ: Non, il y avait une envie mais je ne l’avais pas écrite. Il y avait juste ce personnage, l’idée d’un cape et d’épées avec des dialogues un peu truculents. Le côté Le Bossu, quoi…

    Dans ce premier tome, trois choses m’ont frappé. La première c’est l’emprise du religieux dans le politique…
    NJ: Oui, ce qui m’a aussi donné l’envie d’écrire ça ce sont les Trois Mousquetaires, donc forcément le personnage emblématique du Cardinal Richelieu. Le religieux devait avoir un pouvoir. On verra dans la suite qu’il y a 3 pôles de pouvoir : l’Impératrice, ce «Richelieu» qui est le haut pontife et la chambre des chevaliers qui fait contrepoids. Le haut pontife s’appuie sur ces terres et cette religion par laquelle il a asservi tous les paysans et les culs-terreux. Le reste de l’Empire étant complètement tourné ver la mer, les habitants des terres sont méprisés par l’empire.

    Votre façon de travailler ?
    NJ: Très simple. Je lui ai fourni le scénario en entier et quatre ans après j’ai eu la fin (rires).
    R: Pour le prochain, ce sera optimisé dans tous les sens ! Faut dire qu’il m’a fallu 3 ans pour vraiment m’y mettre et 3 mois pour l’achever. Sinon, pour ma façon de bosser le dessin, j’utilise beaucoup l’ordinateur pour les décors, la lumière… mais je voulais un aspect naturel. Il fallait que ce soit un peu granuleux, corresponde à l’idée de l’époque où cela se passe… J’ai donc pas mal bossé sur cet aspect-là.

    Deuxième chose qui m’a particulièrement marqué, cette histoire d’albinos…
    NJ: C’est un peuple issu d’un petit archipel. Des hommes qui ne sont pas considérés comme tels mais comme des sauvages. En fait, on reste très classique presque historique tout en se permettant un visuel fantasy. On va rester sur des grandes thématiques. Ce n’est pas du racisme à l’époque, c’est une réalité, c’est comme ça que les Occidentaux voyaient les autres peuples.

    Cet aspect fait penser à tes chroniques d’un guerrier Sînamm, roman où il y avait déjà cet aspect tribal…
    NJ: Je crois que j’ai été très marqué par L’enfant des 7 mers de Sulitzer. Avec les Ibans, qui sont sur un navire, ce sont des sauvages à moitié barjots. Ici, il n’y a pas que ça, il y a aussi la problématique de l’esclavagisme. Mais oui, j’ai tendance à insérer des «sauvages» peut-être aussi pour agir comme un miroir. Montrer aussi la société, l’évolution de la société, c’est une bonne jauge.

    Pour travailler les oppositions aussi ?
    NJ: Oui, c’est ça, c’est un peu un miroir inversé. Un contraste de civilisations… C’est un élément qui dans Valamon casse cette situation un peu homogène. Ça apparaît dans le tome où tout a l’air logique, de couler de source. On ne se rend même pas compte que c’est de la fantasy. Et tout à coup apparaissent ces albinos. Et du coup, on remet tout en question.

    Le troisième point c’est quand le chevalier Armand brise son serment.
    NJ: Il y a ça et une petite image où on voit Fassendre aussi. Ces personnages sont liés à Valamon, je ne pouvais pas les abandonner comme ça. Armand a son histoire, elle ne prendra pas le pas, forcément, mais on va avoir plusieurs destinées qui vont se dérouler parallèlement à celle de Valamon. Il n’y aura pas de quête, mais plutôt des histoires humaines.
    Valamon est le personnage central, le héros ou l’anti-héros on va dire. Et à côté de ça, il y aura plusieurs destinées. On va découvrir dans le tome 2, un vieux chevalier qui a été à l’origine de pas mal de problèmes. On est dans l’historique, dans le capes et d’épées où les petits problèmes personnels se retrouvent au centre de drames se passant dans les hautes sphères. Des histoires d’amour, des trahisons, des complots…

    Petit saut vers Maxime Murène. On a appris la bonne nouvelle d’une suite. Ce n’était pas ton premier projet ?
    NJ: Si, Maxime Murène est mon premier scénario. Premier album signé mais pas premier album sorti. Cela a mis un peu de temps à sortir également. David (ndlr : David Nouhaud, le dessinateur du premier tome) partait un peu de zéro donc le temps de tout apprendre..

    Au départ c’était un one-shot ?

    NJ: Au départ, une série, mais David ayant beaucoup bossé sur le premier, il n’était pas très chaud pour une suite. On a décidé d’en faire un one-shot en gardant une ouverture vers une série. Moi, j’avais l’espoir de faire un deuxième tome, il y a matière pour des suites.

    Tu disais de Valamon qu’il était un anti-héros, ici c’est le cas à 100%.

    NJ: Pire que ça…. Il a quelque chose d’humain qui le rend sympathique mais c’est un vrai démon. C’est quelqu’un de fondamentalement amoral. Il a les défauts de l’être humain poussés à l’extrême.

    Et les murènes, un animal que tu apprécies ? On en croise également dans Valamon…
    NJ: Oui, la murène est un animal fétiche. Un animal qui attend dans les murailles avec sa mâchoire qui peut t’arracher un bras. Y a un côté «serpent des mers».

    Tu disais dans une précédente interview autour des chroniques de Magon, qu’Asmo était ton personnage préféré. Là encore, c’est le mauvais garçon…
    NJ: Rien ne me fait plus plaisir que lorsqu’un héros endosse le manteau de méchant. Au sens bad boy. Apparaît alors un côté incontrôlable très intéressant. Quand on est scénariste ce n’est pas le héros gentil mais celui qui se rebelle qui nous intéresse. Il nous surprend même en scénarisant.

    Par rapport aux lecteurs, tu ressens également une plus grande appréciation de héros bad boy ?
    NJ: Je pense que Maxime Murène ou Asmo n’ont pas rebuté les lecteurs. Tout le monde le dit, il y a quelque chose d’attirant en eux. L’important, c’est de les rendre humains. À partir de là, le lecteur peut s’identifier et lui trouver des excuses atténuantes. À partir du moment où tu le rends humain, tu peux faire ce que tu veux de ton personnage.

    Autre chose qu’on remarque souvent dans tes œuvres, ce sont les dialogues. Les dialogues dans Valamon, dans Maxime Murène sont parfaitement adaptés à l’histoire..
    NJ: IL y a deux chose que j’adore dans l’écriture d’un scénario. Primo, le packaging, c’est-à-dire l’univers dans lequel les héros vont évoluer, et les dialogues. Quand je sais que j’ai trois pages et donc un peu de latitude pour le développer, je ne fais pas de découpage, je fais un dialogue comme pour une scène de théâtre. Et seulement ensuite, je fais mon découpage. C’est vraiment le dialogue qui guide la scène.

    Tu travailles une BD à la fois ou toutes en même temps ?
    NJ: J’essaie de travailler une BD à la fois. Des fois, je stoppe une bd. J’en avance une autre, puis je termine la première. Histoire aussi de prendre un peu de recul. Valamon je l’ai faite en une fois parce que le scénario était tellement imbriqué, il y a 5 ou 6 personnages qui vivent des choses imbriquées… il fallait que j’arrive au bout pour voir si tout correspondait bien.

    Est-ce que tu dois te mettre dans une ambiance par univers, écouter une musique particulière ?
    NJ: Non. Le simple fait d’avoir les dessins me suffit. Avant de créer, je me documente pas mal. Après ça, je n’en ai plus besoin. La seule chose c’est qu’il me faut 2 ou 3 heures avant de vraiment me plonger dans l’univers. Une fois que j’y suis, c’est un peu en roue libre…

    Et d’où te viennent les idées ?
    NJ: Quand je travaille avec France (ndlr : France Richemond, co-scénariste de La Rose et la Croix, Le trône d’argile), c’est elle qui me donne la matière première et je scénarise. Sinon, les idées viennent en regardant un film ou autre chose mais ensuite je me base sur rien du tout.

    Le fait d’avoir travaillé avec l’historienne France Richemond, cela t’a aidé pour Valamon ?
    NJ: Effectivement, ça m’a structuré pour plusieurs choses. Le côté historique, je fais des romans avec elle et son côté plus rigoureux m’a apporté quelque chose. Elle a été prof d’Histoire et m’a dévoilé en quelque sorte les mécanismes sous-jacents à l’Histoire, des trucs qu’on apprend pas en cours. Tout ça apparaît beaucoup plus logique après. Elle m’a appris également à traiter les personnages psychologiquement, en évitant les archétypes. Avec les femmes, j’étais un peu trop dans l’archétype, trop «macho»…

    Les Brumes d’Asceltis

    Dirigeons-nous vers les Brumes d’Asceltis avec Jean-Luc Istin… On a toujours cette impression, tu m’avais contredit à l’époque, d’un Seigneur des Anneaux…
    NJ: Oui, c’est dû au côté très fantasy classique. C’est une série très classique, c’était l’objectif. Maintenant, rien n’est gratuit. Tous les éléments aperçus au fil des tomes amèneront dans le dernier à un final qui devrait assez surprendre le lecteur.

    On sent au fil des tomes que cette série mûrit. Je n’étais pas convaincu au tome 1 mais au plus on avance, plus cela devient intéressant.
    NJ: Oui, c’est ma première série aussi. Même si Jean-Luc m’a beaucoup aidé, il a fallu du temps pour construire les personnages, l’histoire… J’ai eu le temps d’apprendre à connaître mes personnages, de les travailler, c’est pourquoi j’ai pu aller plus loin par la suite. C’est pour ça que je pense que le tome 4 apportera vraiment quelque chose de spécial. On va se rendre compte que ce n’était pas qu’une simple quête…

    C’était ton univers le plus difficile ?
    NJ: Non, au contraire, c’est un univers où justement je suis en roue libre, je me laisse aller. Et puis Jean-Luc en fait beaucoup derrière, il s’est beaucoup investi dedans.

    Jean-Luc Istin est crédité comme co-scénariste au tome 3 d’ailleurs…
    NJ: En fait, il y a eu un remaniement, une petite période de crise. C’est vrai que la fin, je ne l’avais pas sentie et Jean-Luc a repris les choses en main. Pour le tome 4, on a travaillé différemment. Je lui ai écrit un roman et il a carte blanche. Je lui ai donné les dialogues, la description et à lui de jouer.

    Le tome 4 devrait terminer la série mais y a-t-il une envie de replonger dans cet univers ?
    NJ: Avec Jean-Luc, je pense que ce sera fini car il a tellement de boulot. Peut-être que lui fera un jour un one-shot car il aime bien l’univers. De mon côté, j’ai sorti une histoire dans cet univers, les Exilés d’Asceltis, avec un italien, Deplano. Pas un remake, mais vraiment une autre histoire qui se passe 8000 avant. Je raconte l’histoire des Naabdirs.

    Chemin d’Avalon

    On passe au Chemin d’Avalon. Une imagerie assez enfantine mais un récit trash ? Une volonté d’accrocher un public plus jeune ?
    NJ: Non, du tout. Mais c’est vrai que le dessin et l’histoire… Du coup je ne sais pas comment aborder la série. Une imagerie plus light, plus jeune… Oui, il y avait un risque mais on avait envie de le faire. On va pas aller dans le trash mais je me suis fait plaisir. Après réflexion, les Chemins d’Avalon est plus une BD pour adultes.

    Les dessinateurs, tu les trouves comment ?
    NJ: Certains, c’est par internet tout simplement comme pour Tokyo Ghost. Sinon, c’est pas mal par copinage. Les dessinateurs vivent souvent par bande, ils ont un instinct grégaire très fort (rires). Quelqu’un me présente un dessinateur qui a fait une école avec lui ou qui est en colloc, et puis ça accroche ou pas au niveau du dessin mais aussi au niveau feeling humain avec le dessinateur…

    Avec Aves, qui sort en septembre prochain aux éditions Soleil, tu touches à la SF et au space opera. Une envie particulière de sortir du cadre « fantasy » sans toutefois s’en démarquer totalement puisqu’on y retrouve l’idée d’un enfant-élu, un thème finalement très fantasy, non ? Le space opera est-il pour toi la transcription d’une fantasy dans l’espace? Arleston l’a d’ailleurs démontré en amenant son Lanfeust dans les étoiles…
    NJ: De toute façon, le space op, c’est de la fantasy avec des vaisseaux. Les fondamentaux sans être identiques, sont très proches, surtout au niveau de la liberté de création (et même dans la narration). Seulement, le space op permet de donner une autre dimension à l’histoire, plus vaste, illimitée. J’aime aussi l’idée qu’on se positionne dans un futur possible, même si improbable. On est au-delà l’anticipation, mais on reste dans le «pourquoi pas».

    Quels sont tes projets?
    Boucler mes séries les unes après les autres et me remettre au roman ! Je suis en train de réécrire la trilogie du Loup de Deb pour une possible ressortie en fin d’année. Et accessoirement apprendre à bricoler.

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  • Gwendal Lemercier – interview

    Gwendal Lemercier
    Un dessinateur 100% légendes

    Gwendal Lemercier adéjà exercé son art dans les Contes de l’Ankou et les Contes des Hautes Terres. Il débute cette année 2007 de fort belle façon puisqu’il signe les magnifiques dessins de Dragons, un indispensable pour tous ceux qui se passionnent pour ces créatures. Mais la grande actualité de l’auteur est la sortie toute prochaine du premier tome des Arcanes d’Alya. L’occasion pour nous de vous dévoiler ses propos et quelques fragments de son art.

    Dragons

    Première actualité, ce magnifique livre sur les dragons. Un travail en collaboration avec Thierry Jigourel. Comment avez-vous procédé à sa réalisation?
    Le livre Dragons a commencé une fois le texte de Thierry abouti. On a fait un premier découpage texte/image de façon à faire ressortir les images fortes et pour conserver une limpidité au niveau de la narration. Le fait qu’on soit bretons tous les deux nous a permis de nous voir assez souvent; de faire des repérages au besoin. Ça a été le cas à Quimper et à Perros Guirrec. Même si le reste du temps, on collaborait par internet parce que la gestation d’un tel ouvrage se fait sur 8 mois. Il y a donc eu un temps en atelier assez long. Ce qui permettait de mettre au point un style qui nous convenait: un mélange encre/gouache et brou de noix pour vieillir un peu l’aspect de certaines illustrations. On gardait l’idée d’un journal tenu par ce journaliste du début du siècle.

    Vous avez également voulu donner à cette œuvre un aspect vieux grimoire…
    La maquette est calquée sur le thème du livre… Le côté parcheminé permet de conserver l’atmosphère des illustrations tout en aérant et mettant en valeur le texte. Le style vieux grimoire nous correspondait bien sachant qu’on touche au fantastique tout au long du livre.

    Les dragons, un thème qui vous fascine depuis longtemps ?
    Personnellement je suis attaché a ce thème. C’est un animal fantastique très intéressant à dessiner et à mettre en situation. Il incarne très bien l’univers fantasy dont je m’inspire en tant qu’illustrateur.

    On vous sait breton, le fait d’avoir grandi et de vivre sur une terre de légendes est-il à l’origine de cette passion pour l’Imaginaire ?
    Je pense que le fait d’être breton permet d’avoir une prédilection pour l’imaginaire à cause des paysages riches et variés qui racontent toutes sortes d’histoires. C’est vrai que le folklore est lui-même très riche. Le fait d’avoir une attirance pour l’océan y est également pour beaucoup. On voyage toujours en rêve, en contemplations.

    Vous avez déjà pu approcher le légendaire via une collaboration sur les Contes des Hautes Terres aux éditions Delcourt et la collection Soleil Celtic…
    J’ai connu Guillaume Sorel et Matthieu Gallié pour collaborer sur les Contes des Hautes Terres. Ça touche aussi au légendaire mais davantage dans Algernon Woodcock. De la même façon, j’ai partagé ces thèmes de l’imaginaire breton avec Jean-Luc Istin. On s’est retrouvés sur la série du collectif de l’Ankou chez Soleil Celtic. C’est avant tout grâce à cette passion pour la Bretagne et ses légendes que ces rencontres ont été possibles.

    Si Dragons est plus un univers illustré, votre autre actualité est la sortie d’une série BD, les Arcanes d’Alya. Alors première question, parlez-nous de la technique suivie pour le dessin et la colorisation…
    Pour servir cette série, on a opté pour un traitement en noir et blanc avec une colorisation à l’ordi. Mais certaines pages sont en couleurs directes : encres et gouaches pour illustrer la légende d’Alya ainsi que ses rêves, ce qui est indépendant de l’aventure de notre héroïne.

    AlyaLes Arcanes d’Alya nous conte les aventures d’une jeune femme. Pourquoi une héroïne plutôt qu’un héros ?
    Le choix de l’héroïne est venu naturellement quand Jean-Luc (ndlr : Istin) a vu mes dessins. Puis, l’idée de travailler sur des jumelles s’est faite avec François Debois. On a de fait une relation spéciale à explorer entre l’héroïne et sa soeur.

    Vous avez opté pour un univers Dark Fantasy et vous nous entraînez au travers de la mort et des enfers. À partir de quoi avez-vous travaillé pour la représentation des enfers ?
    C’est vrai qu’on utilise un univers très particulier pour visiter la dark fantasy. Certains endroits neutres sont stylés dans un mélange médiéval/Art Nouveau et j’utilise l’architecture gothique et romane pour traiter différents endroits de nos enfers. Ces styles d’architecture permettent de situer les différentes parties de l’univers qu’on visite. Pour la porte des enfers, par exemple, j’ai travaillé d’après Rodin. Pour le reste, je me nourris beaucoup de photos sur l’architecture gothique et l’Art Nouveau.

    On remarque à la fois un travail sur les corps et un somptueux travail sur l’architecture. Est-ce votre côté illustrateur qui vous a poussé à donner autant de détails sur certaines images ?
    Oui, je pense que ça fait partie des envies et des plaisirs de l’illustrateur…
    Le détail permet de bien visiter l’univers que l’on met en place et pour un premier tome, c’était important pour moi de bien m’inspirer, notamment des décors, pour avancer dans l’histoire.

    Avez-vous d’autres projets ?
    Essentiellement un travail d’illustration sur l’univers de cette série et bien sûr la suite dans un tome 2 en cours de réalisation.

    DRAGONS –Jigourel & Lemercier, Soleil.
    Il fut un temps où les dragons n’étaient pas les créatures maléfiques qu’ils sont devenus lorsque le pays tomba sous la coupe des légions de Sauroctones. Il fut un temps où les armées d’Arthur et d’Uther gagnaient des batailles sous leur protection et leur bienveillance. Mais Mélar, jeune journaliste au Quimpérois, le sait-il ? Grâce à l’aide précieuse d’un vieux «draconologue» breton et de l’un de ses amis Irlandais, il parviendra à résoudre l’énigme et à comprendre la présence et le langage de ces êtres immémoriaux.

    LES ARCANES D’ALYA
    T1: La chasseresse écarlate – Debois & Lemercier, Soleil.
    Brynn est une chasseresse pour le compte de Dame Mort. Elle est chargée de trouver les âmes qui peupleront son monde. Mais Brynn va se rebeller contre sa reine pour sauver l’âme de sa soeur jumelle, Aileen, avec qui elle a toujours partagé une relation fusionnelle. Cette révolte la mènera au coeur des enfers et aux tréfonds de ses souvenirs les plus douloureux…

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  • L’Ijiraq

    L’Ijiraq

    Revêtus d’une bonne veste bien chaude, de cinq ou six pulls, équipés de moufles et d’un gros bonnet, raquettes aux pieds, vous voilà partis pour le Grand Nord canadien ! C’est en effet dans le pays du sirop d’érable que l’on peut rencontrer l’Ijiraq. Cette créature apparaît sous diverses formes, même si l’une de ses préférées reste celle d’un caribou. On peut également croiser l’Ijiraq sous une forme humaine, d’une taille assez grande. Seule particularité qui le différencie fortement des hommes : ses yeux sont disposés de part et d’autre du visage, comme ceux du caribou. Les Ijirait feraient partie du peuple de «ceux qui sont morts». De nombreuses histoires racontent comment ces non-humains traquent les jeunes enfants pour les enlever de notre monde. On les rapproche alors des tuurngait, ces êtres redoutables et redoutés qui dévorent les enfants, croquemitaines de ces régions polaires. Si votre chemin vous mène un jour dans le Nord canadien, redoutez plus que tout le sifflement de toutes ces créatures, ils vous feront perdre la mémoire !
    Et si vous surprenez quelques enfants Inuits à s’amuser au pied d’un inukshuk, un de ces amas de pierres à forme humaine, qui servent de point de repère pour guider les voyageurs ou signaler un lieu sacré, mettez-les en garde ! De nombreuses histoires racontent comment les Ijirait, cachés derrière ce genre d’objet, se sont saisis des jeunes imprudents. Il n’y a pas que les ours blancs qu’il faut craindre dans ces déserts de glace, les non-humains sont partout !
    Mais que ceci ne vous empêche pas de partir à l’aventure en ces terres extraordinaires!

  • L'irrésistible parfum des fées

    L’irrésistible parfum des fées

    Etrangement, les fées sont de toutes les créatures de l’Autre Côté, à la fois les plus évoquées tout en étant les moins saisissables… Tantôt minuscules aux ailes de papillon, tantôt belles dames aux atours médiévaux. Figure aux milles images, toujours en mouvement, en transparence. Petite plongée au cœur de Faerie pour vous livrer quelques secrets sur les fées avant que ces dernières ne s’évaporent…

    Aux origines…
    Le premier constat lorsqu’on s’intéresse aux fées est la multitude de pistes qui s’offrent à nous. Car la fée est plurielle. Qu’on remonte à sa ou ses naissances mythologiques ou qu’on tente de la définir physiquement, on se heurte à nombre de possibilités.

    Qu’est-ce qu’une fée ?
    Pour tenter de le comprendre, il faut nécessairement s’attacher au mot. Pierre Dubois rappelle très justement dans son Encyclopédie des Fées (Hoëbeke) les propos d’Alfred Maury mettant en parallèle les fata (Parques) et les Fées ainsi que le mot fatum d’où découlera l’adjectif signifiant «destiné». On le voit, les fées ont quelque chose à voir avec l’idée de destin et leurs ancêtres divines, les Parques. On notera au passage que ces divinités étaient trois, tout comme le seront très souvent les fées dans les contes…
    Ce lien avec les divinités antiques est encore renforcé lorsqu’on s’arrête sur l’idée de fée marraine. Les Carmentes Anteverta et Postverta, divinités romaines de la connaissance du passé et du futur, étaient liées à la naissance des enfants qui se présentaient par la tête ou par les pieds. Au fil des siècles, la tradition voudra que les fées, comme les anciennes divinités, se penchent sur le berceau de nos enfants, leur procurant protection et bienveillance.

    Dans son Guide du chasseur de Fées (Le pré aux clercs), Edouard Brasey insiste sur la notion de beauté. La fée est un idéal de beauté. Voilà donc un autre trait essentiel, l’idée de beauté, de perfection. Une idée que Jean-Louis Fetjaine reprend dans sa trilogie des elfes (Pocket) où « les femmes elfiques étaient d’une telle beauté que les hommes qui n’avaient pas l’habitude de traverser leurs contrées les prenaient pour des fées ».

    Les traditions celtes et les récits arthuriens entraîneront les fées vers la pratique de la magie. De la prophétesse antique à la magicienne celte, il n’y avait en effet qu’une infime frontière, vite franchie. On y verra également le lien des fées à la Nature, provenant des croyances celtiques et de leurs cultes intimement liés à la Terre, chaque divinité étant la gardienne d’un lieu, d’une rivière ou d’une forêt… Ce lien à la Nature, nous le faisons encore aujourd’hui puisqu’il n’est pas rare de voir ci et là une petite figurine de fée orner un coin de jardin, petite divinité protectrice de cet endroit chéri. Beatrice Philpotts nous parle d’ailleurs des Fées du Jardin (Le pré aux clercs) avec poésie et tendresse. Fleurs, plantes et fées s’y côtoient, tout comme dans un autre ouvrage liant jardin et féerie, l’Herbier féerique par Amandine Labarre (AK Editions).
    Enfin, les idées de beauté et magie fascineront encore les auteurs du Moyen-Âge et donneront naissance à la fée courtoise, celle qui envoûtera nombre de cœurs de ces preuxs chevaliers…

    Nous parlions plus haut du caractère pluriel de la fée. Le mot anglais pour fée est fairy et il désigne tout membre du Petit Peuple. Dans son Dictionnaire féerique (Oxymore), André-François Ruaud reprend bien le terme fée comme un terme générique lorsqu’il affirme «Notons enfin que j’utilise indifféremment pour les êtres féeriques (mâles, femelles ou neutres) les termes esprit, fée ou génie». On s’éloigne donc de la définition typiquement française qui voit en la fée une figure féminine pour l’élargir à l’ensemble des créatures féeriques.

    Des fées à lire…
    Belle, liée à la nature, magicienne et prophète, la fée revêt mille apparences et reste par là insaisissable. Il en va de même dans les contes et romans où la plupart du temps, elle n’occupe qu’un second rôle, deus ex machina lorsqu’il faut faire avancer l’histoire par quelque artifice ou amorce à l’intrigue lorsqu’elle se fait responsable du destin des héros. Bien sûr, les fées sont présentes, traversent, transcendent les histoires. Marion Zimmer Bradley, Léa Silhol, Kathryn Kristin Rusch, Laurell K.
    Hamilton, Lord Dunsany et d’autres ont largement teinté leurs récits de poudre de fées. Et même si elles demeurent en retrait comme héroïnes, on peut affirmer que cet attrait des hommes pour les fées participe au succès du genre fantasy aujourd’hui.

    Le grand Shakespeare lui-même n’a pas échappé aux fées en écrivant son Songe d’une nuit d’été et le papa de Peter Pan, James Matthew Barrie, n’hésite pas à donner pour compagne à son héros, une petite fée espiègle et ô combien symbolique, Clochette. Croire aux fées ? Les auteurs ne sont pas en reste quand il s’agit de démontrer l’existence de ces charmantes créatures. Arthur Conan Doyle ira jusqu’à écrire un livre, Les fées sont parmi nous (Lattès) pour défendre les deux petites anglaises qui avaient réussi à photographier des fées dans le Yorkshire.
    Ces êtres magiques inspireront même certains ouvrages de science-fiction comme le Féerie de Paul J. McAuley où une jeune fille de douze ans convainc un pirateur de gènes à l’aider à réaliser son rêve : donner une âme à de petites poupées androïdes pour les transformer en véritables fées.

    On attirera enfin l’attention sur deux œuvres parues aux éditions Terre de Brume. La Compagnie des Fées de Garry Killworth tout d’abord, qui revisite sur fond de fantasy urbaine le classique de Shakespeare, l’occasion de redécouvrir Titiana et Morgane dans un contexte surprenant. Le Parlement des Fées de John Crowley, ensuite, qui réussit à placer les fées comme elles doivent l’être, en transparence, toujours présentes, influentes sans qu’on ne puisse pourtant les apercevoir. Ce chef d’œuvre de la littérature fantasy nous parle de l’univers des fées comme d’un royaume intérieur, et cette vision rejoint bien cette impression d’invisibilité des fées. Peut-être, qu’au fond, le royaume des fées n’existe que dans le cœur des hommes. C’est aussi ce que semblait penser James Matthew Barrie lorsqu’il affirme qu’à chaque fois qu’un enfant ne croit plus aux fées, une de celles-ci disparaît…

    Les fées noires
    Insaisissable, invisible, symbole de pureté, d’innocence, la fée dans toute sa blancheur n’apparaît pas comme une figure facile d’utilisation dans un récit. Par contre, s’il existe des fées blanches, il doit bien y avoir leur opposé. Elle se révolte, agit, fait mal, maudit, devient cruelle et méchante. Son ambiguïté intéresse alors les auteurs et son personnage, les lecteurs. Empêchée de prendre part au repas des fées, la dernière marraine maudit l’enfant et la condamne à un repos éternel le jour où elle se piquera au funeste fuseau (La Belle au bois dormant). Et la sorcière, cette femme pratiquant la magie noire, effrayant les enfants et envoûtant de ses charmes les mâles innocents, n’est-elle pas, après tout, qu’une mauvaise fée ?
    Les fées condamnent, portent malheur, il faut les fuir, les éviter… Pierre Dubois, en éminent elficologue, prétend que les fées vengeresses, déçues et blessées par le comportement des hommes envers la nature, sont à l’origine des cataclysmes, des tempêtes et des bourrasques. L’heure n’est plus à l’indifférence mais à la révolte !

    Dessine-moi une fée !
    Comment ne pas terminer cette brève réflexion sur les fées par le phénomène qui marque les librairies

    Le livre des fées séchées de lady Cottington

    depuis quelques années, surtout en période de Noël : les images de fées. Car ce que semblent rechercher avant tout l’amateur est bien une représentation de celle qu’il admire. Ces véritables icônes de l’Imaginaire se déclinent alors en cartes postales, calendriers, ouvrages divers et variés comme le célèbre Livre des Fées séchées de lady Cottington des incontournables Brian Froud et Terry Jones (Glénat) qui saisissent avec humour nos petites amies à la manière des herbiers. Brian Froud encore avec Alan Lee cette fois qui proposent un superbe recueil de créatures intitulé tout simplement Les Fées (Albin Michel). Sans oublier Le Livre des Fées de Beatrice Philpotts qui dresse un portrait de Faerie abondamment illustré par une kyrielle de maîtres de l’illustration féerique. La bande dessinée aussi recèle de véritable petits bijoux comme le Fée et Tendres automates de Téhy et Béatrice Tillier (Vents d’Ouest) ou encore Loisel qui dans son Peter Pan, revisite avec succès la fée Clochette, succès retentissant dans le mondes des planches et des bulles.

    Une collection 100% fées

    Récemment, les éditions Spootnik ont lancé une collection dédiée aux fées. Confiant les pages illustrées à des dessinateurs aux styles variés, la collection Estragon s’enrichit au fil des mois de beaux livres au format carré qui nous plongent dans la Féerie. Dessins, poèmes, contes, illustrations de fées se succédent dans des univers variés. A noter qu’il existe également des livres jeunesse dans cette collection à commencer par le très utile Hôpital des fées pour aborder le thème de l’hôpital avec les jeunes enfants…
    Petite conclusion féerique…

    Ce besoin inextinguible d’admirer les représentations de fées, doit-on le comprendre comme une tentative d’entrevoir ce qui ne peut être vu ? Est-ce là une façon d’entrouvrir la porte de l’Autre Côté ? Ou de rechercher la bénédiction, la protection de ces Demoiselles et Bonnes Dames ? Quoiqu’il en soit, les fées ont encore de beaux jours devant elles car l’homme, apparemment, n’a pas fini d’y croire. Au détour d’un chemin, au milieu d’une forêt ou assis sur ce banc, dans votre jardin, fermez les yeux, respirez doucement. Vous le sentez vous aussi n’est-ce pas ? Cet irrésistible parfum des fées…

  • La Roussalka

    La Roussalka

    Si vos pas vous entraînent un jour dans les campagnes de Russie, demandez aux paysans de vous conter des histoires de Roussalki. Cette créature, proche de l’ondine, apparaît le plus souvent au bord d’une rivière, d’un étang ou d’un lac, sous les traits d’une belle femme aux longs cheveux que certains prétendent verts (ou peut-être est-ce le vert des algues qui retiennent ses tresses qui nous trompent ?). Tantôt pendues à un arbre, tantôt se promenant dans les forêts, la Roussalka attire ses victimes par la douceur de son chant. Une fois enivré de sa musique et séduit par sa beauté, le malheureux meurt sous les caresses et les chatouilles de sa prédatrice.
    On dit que la Roussalka naît des jeunes femmes noyées. C’est bien cette origine qu’Alexandre Pouchkine choisit pour son héroïne de la pièce éponyme. Une fille de meunier tombe amoureuse d’un prince. Cet amour semble réciproque jusqu’au jour où son amant s’en va marier une princesse et abandonne la pauvrette. Celle-ci se noie par désespoir et devient une Roussalka, revenue pour se venger. Cette pièce de théâtre inachevée inspirera l’opéra de Dvorak et d’autres musiciens tant le drame qui s’y joue y est habilement décrit. Reste que les Roussalki se rencontrent chez d’autres écrivains, comme Mérimée, par exemple. La créature a tellement d’importance en Russie qu’une semaine complète lui est dédiée juste avant le solstice d’été. Car si maléfique elle est, c’est également la Roussalka qui fait pousser le blé et qu’on implore lors des récoltes ou pour faire tomber la pluie. Pendant cette semaine, il est interdit de coudre, de travailler dans les champs ou de peindre sa maison. Une fois les récoltes passées, les paysans raccompagnent les Roussalki à leurs rivières et étangs. Sans oublier de toujours laisser un dîner pour elles, la nuit, sur la table ou des vêtements pendus sur les clôtures. Si d’aventure, votre chemin devait croiser le leur, un petit conseil, portez sur vous absinthe, ail, livèche et raifort. Ces herbes magiques vous protégeront !

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