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  • Rencontre avec Ange pour la nouvelle série "Marie des Dragons" parue chez Soleil

    Frappez tambours, résonnez trompettes ! Une nouvelle héroïne est née aux éditions Soleil! Marie… Marie des Dragons. Un village ravagé, des parents assassinés, des frères et sœurs disparus. La jeune fille revient quelques années plus tard, guerrière affirmée et prête à se venger. Une nouvelle série servie avec talent par Ange au scénario et Thierry Démarez au dessin. L’occasion pour nous d’en discuter avec Ange qui avait bien des choses à dire sur le sujet !

    Marie des Dragons… Une femme, des dragons… Si on s’arrête au titre, on se demande pourquoi Ange aime tant les femmes et les dragons ?

    Quant aux femmes, la réponse est assez simple. Ange est le pseudonyme de deux auteurs – Anne (An) et Gérard (Ge). Gérard apprécie beaucoup les femmes, bien évidemment… et Anne sent bien les personnages féminins, et a plus de facilités à se mettre dans la peau des diverses facettes, positives et négatives, d’un personnage féminin. Bref, nous aimons tous les deux les femmes, chacun d’une manière très différente…

    Et les Dragons… Ah, les Dragons. Smaug, dans Bilbo le Hobbit, de Tolkien. Vous vous souvenez de cette scène glaçante et archétypale, où Bilbo s’introduit dans la caverne du Dragon… cette scène qui a fait rêver des générations de lecteurs de fantasy ? Comment ne pas aimer les dragons après ça !

    Et puis, le dragon, c’est la Bête des contes de fées. Non, mieux que ça : c’est la « Bête » tout court, c’est la « Bête » ennemie, celle à qui s’oppose le chevalier, c’est l’adversaire mythique de l’être humain, c’est la nature, son danger et sa féérie maléfique. C’est le « monstre » à l’état pur… le monstre de légende, mortel et séduisant. D’ailleurs, un dragon n’a pas besoin d’avoir la forme d’un dragon. Arachne, par exemple, l’araignée géante qu’affronte Frodo dans le Seigneur des Anneaux, à sa manière, est un « Dragon »… C’est un monstre mythique, c’est la « Bête ».

    Les dragons n’ont pas non plus la forme de dragons dans « Marie des Dragons ». En fait, ce ne sont pas vraiment des dragons… Ce sont des créatures d’Outre-Monde, à l’apparence lovecraftienne… Mais par leur essence même d’ennemis féériques, de monstres à combattre, ils sont « le Dragon », comme Marie est « Le Chevalier ».

    Je cite une phrase mise en évidence dans le dossier de presse: « Femme libre, belle et rebelle, Marie est une trentenaire indépendante qui s’assume et prend en main son destin ». Cela pourrait être le portrait de LA femme d’aujourd’hui, non ?

    Oh, bien des femmes d’aujourd’hui ne prennent pas en main leur destin… et bien des hommes aussi, d’ailleurs ! La différence est dans l’idéal qui est proposé aux femmes aujourd’hui. L’idéal qu’on leur fait miroiter, un peu cliché, un peu « cinéma », est justement celui de « la femme indépendante qui prend en main son destin ». Si elles le font, elles sont récompensées par une image positive d’elles-mêmes, reflétée par les médias, leur famille, leurs amis.

    Il y avait, avant le féminisme, des femmes libres, autonomes et fortes. Elles étaient même nombreuses, et d’autant plus admirables que le contexte ne les aidait pas. La grande différence est que l’image qu’on leur renvoyait (l’opinion publique, la famille, les amis) était négative – on les traitait de prostituées, d’insoumises, de « précieuses » (ce qui était une insulte), on leur disait qu’elles seraient plus heureuses, qu’elles rendraient les leurs plus heureux si elles reprenaient leur place. Il fallait donc qu’elles réussissent un tour de force, que n’ont pas à accomplir les femmes « autonomes » d’aujourd’hui : trouver en elles, et en elles uniquement, cette image positive…

    Dans « Marie des Dragons », nous avons fait attention à ne pas éluder le problème. Une jeune femme qui combat, qui a des amants, un meilleur ami, et qui s’habille comme un homme va avoir un retour très négatif de la société, et ce retour sera un des sujets de la série. Dans beaucoup de romans et de scénarios médiévaux dont les héroïnes sont des femmes guerrières, cet aspect est éludé – tout le monde parait trouver normal qu’une femme se batte aux côtés des hommes, et ne reste pas vierge.

    Dans Marie des Dragons, le monde est relativement réaliste… et vu sa conduite, Marie va s’attirer des ennuis.

    Soleil annonce la série comme un Thorgal au féminin. C’est un fameux défi tant ce héros est rentré dans la légende…

    C’est de la communication ! Mais la comparaison est un sacré défi, en effet. Gérard et moi avons grandi avec Thorgal, et nous sommes de grands admirateurs de Van Hamme et de Rosinski. Et non, ce n’est pas facile, pas facile du tout, d’essayer de nouer les fils d’une histoire complexe, avec des personnages forts, en faisant passer le tout avec une narration limpide et efficace comme celle de Van Hamme.

    Le succès de Thorgal repose en grande partie sur le fait de l’accompagner, de le voir vieillir, avoir des enfants… Aura-t-on un semblable parcours pour Marie ?

    Nous allons accompagner Marie sur plusieurs années – dix ans, peut-être. Et la question « Marie doit-elle se ranger ? Doit-elle mener une vie sereine et heureuse ? » fait partie de l’histoire que nous allons raconter. Elle va avoir cette possibilité, elle va avoir un choix à faire… Nous vous laissons le découvrir !

    Mais il y a de nombreux personnages de premier plan dans la série… William, Jean de Clermont, Armance, d’autres à découvrir… et eux aussi vont avoir une vie privée, une évolution personnelle. Il y a peut-être des mariages et des enfants en perspective…

    Dernière comparaison évoquée par le dossier de presse « Quand les Rois maudits rencontrent l’univers de Lost ! ». C’est une façon de surfer sur la vague des séries TV à grand succès ou d’annoncer tout simplement le mystère et le cadre médiéval de l’histoire ?

    Encore une fois, c’est de la communication… donc oui, ne soyons pas hypocrite, cette comparaison est une façon de surfer sur la vague des séries TV à grand succès. Cela dit, il n’était pas facile d’expliquer en quelques mots ce que nous voulions faire passer, c’est-à-dire que « Marie des Dragons » était une série historique avec une pointe de… de mystère, d’étrangeté, de… « quelque chose »… mais qu’il ne s’agissait pas d’une série de Fantasy, et surtout pas d’une série d’Heroic Fantasy. Et citer Lost permettait de faire comprendre tout de suite ce concept : une série réaliste, avec une pointe de… d’autre chose.

    Vous dites que vous aviez d’abord pensé à faire un récit purement historique. Pourquoi avoir changé d’avis ?

    Parce que nous avons du mal à nous en empêcher. Donnez-nous un stylo (ou un clavier) et il va en sortir des lutins, des anges, de la sorcellerie, des paradoxes temporels, le Mal Absolu… Ou bien nous allons prendre la réalité historique et la détourner légèrement, comme dans Belladone. Mais encore une fois… « Marie des Dragons » est un récit historique, ou presque. L’ambiance, la narration, le jeu des références, l’architecture… Nous utilisons l’étrange comme un outil dans un récit réaliste, pas comme le cœur de ce récit.

    Thierry Demarez semble être la pierre angulaire de ce projet. Admiratif de Rosinski, il réunit deux atouts précieux pour une série longue en tomes: il est méticuleux et rapide. A-t-il eu beaucoup d’exigences ou de craintes avant de se lancer dans un projet qui peut l’occuper de nombreuses années ?

    Non, au contraire, il était très demandeur. Thierry adore dessiner, c’est un artiste passionné, pour qui le reste du monde peut paraître secondaire. Sa crainte, est, au contraire, de ne pas avoir de projet ou d’album en cours, de ne pas avoir de quoi satisfaire son envie de créer des mondes … Son exigence avant de se lancer, c’était d’avoir toujours de quoi travailler.

    Nous avons l’impression à chaque envoi de lui donner des planches au scénario irréalisable : trop de cases, de décors, de personnages… ce n’est jamais le cas. Il prend un script très dense et en fait une planche dramatiquement magnifique…

    Nous avons une chance incroyable d’avoir rencontré Thierry, et à chaque planche, la découverte est un intense moment de bonheur. C’est lui qui rend cette série possible et nous ne le remercierons jamais assez !

    Il y a également eu un gros travail de réflexion sur les couleurs…

    Oui. Les couleurs devaient être réalistes et chatoyantes à la fois – qu’elles soient somptueuses et riches dans un monde moyenâgeux où les personnages passent leur temps à patauger dans la boue, il fallait qu’elles soient lumineuses alors qu’une partie importante de l’album se passe la nuit, il fallait qu’elles soient claires et qu’elles aident la narration alors que le combat final a lieu dans un tunnel… bref, que des paradoxes, Nicolas Bastide a dû s’arracher les cheveux ! Mais il a fait un travail incroyable. Grâce à lui, l’album a un camaïeu de vraies couleurs fortes, tranchées, avec des moments de subtilité quand il le faut… et il a réussi à rendre l’ambiance chaleureuse et dorée dont nous rêvions.

    Pour revenir sur l’héroïne, vous l’accompagnez de deux hommes au caractère plutôt opposés. William et Jean. Ici aussi, Jean, un homme, apparaît doux, chaste, droit. Tout l’opposé de l’image du héros viril qui a parsemé la bande dessinée depuis ses origines…

    Vous n’avez pas vu Jean dans le tome 2 ! Croyez-moi, il est tout-à-fait viril… voire violent quand il le faut ! C’est un guerrier, et comme les Templiers de l’époque, il a beau se consacrer à Dieu, il se baigne dans le sang et massacre à tout va quand il le faut. Ou quand il pense qu’il le faut, il y a une légère nuance. Mais Jean est en effet chaste et droit, et généreux – la plupart du temps.

    Et ce n’est pas facile à écrire. Le « héros » d’une histoire médiévale, le chevalier, car c’en est un… on attend de lui certaines caractéristiques, entre autres, on attend de lui du panache, de la classe. Or le panache se marie mal avec certaines qualités, dont justement la douceur et la chasteté. Et puis, un héros, on l’aime aussi pour ses défauts et ses doutes. Avec Jean de Clermont, il faut réussir à faire un héros profondément chrétien et convaincu de sa foi – sans en faire un rat de bénitier ou un moralisateur exaspérant – qui cherche à agir bien dans toutes les circonstances – encore une fois, sans en faire un moralisateur -, qui ne ment jamais – ça, par contre, c’est amusant à écrire -, et dont la chasteté l’empêche en théorie de tomber amoureux. En théorie seulement, heureusement. Bref, un personnage complexe, sur lequel nous avons beaucoup travaillé.

    William, lui, le mercenaire sans scrupules, coureur de jupons et farouchement loyal à Marie, avec son franc parler et son manque total de respect pour la vie humaine, est bien, bien plus facile à cerner…

    Les « dragons » sont un élément plutôt lovecraftien, plutôt horrifique dans cette histoire. Ce côté monstrueux est montré et non pas suggéré… N’est-ce pas un élément qui pourrait écraser le reste? N’y a-t-il pas un côté dangereux du point de vue narratif ?

    Si ce n’est pas dangereux, ce n’est pas amusant ! Et puis, les créatures de Lovecraft sont tout sauf suggérées dans le Mythe de Cthulhu. A tel point que les asiles sont remplis par ceux qui les ont vu. Un des rôles de Marie dans la série est justement d’éviter que les gens normaux voient les dragons. Mais ce n’est qu’une part de son personnage…

    Enfin, et pour terminer, pourquoi avoir choisi le prénom de Marie ?

    D’abord, il fallait un prénom simple et familier, très français, qui ne fasse pas héroic-fantasy, comme tous les prénoms un peu alambiqués avec des « a » et des trémas qui sont foison pour les héroïnes de ce genre… des noms dont nous usons et nous abusons pour « La Geste des Chevaliers Dragons ». « Marie » fait réaliste, fait terrien, fait « femme comme les autres »… mais avec une référence au christianisme et à la spiritualité qui permet de lui donner des facettes de potentiel et de mystère. Et puis, Marie a été la clé du changement, la mère du messie. Notre « Marie » à nous est la clé, elle aussi, de quelque chose d’essentiel. Troisième élément : Marie a, bien entendu, une aura de pureté et de virginité. Notre Marie n’est plus vierge depuis longtemps, et – comme nous le disions plus haut – c’est un élément important dans un monde où la virginité est précieuse chez une femme. Mais sa pureté est ailleurs, dans son caractère, dans sa volonté, dans son farouche amour de l’existence… Et Jean de Clermont va devoir réussir à le comprendre, cela fera partie de son évolution psychologique…

    Propos recueillis par le Peuple féerique en novembre 2009

    Interview réalisée pour www.khimairaworld.com

  • Thorgal t.31 : Le Bouclier de Thor – Le Lombard


    Thorgal t.31: Le Bouclier de Thor
    Scénario: Yves Sente
    Dessin: Rosinski
    Editions Le Lombard
    FORMAT : 22,2x 29,5
    NOMBRE DE PAGES : 48 en couleurs
    PRIX : 10.40 Euros – 20.20 FCH

    Jolan et ses compagnons ont survécu à leur première épreuve. Pour le sinistre Manthor, il est maintenant temps de déterminer lequel des cinq prétendants sera son véritable Élu. Pour cela, il leur faudra pénétrer sur Asgard et dérober son bouclier au dieu Thor… Une tâche humainement d’autant plus impossible à accomplir dans le temps imparti, que l’heure n’est plus aux alliances !

    Notre avis :

    Avec cette suite au premier album où c’est le fils de Thorgal, Jolan qui devient le premier héros de la série, Yves Sente et Rosinski réussissent à nous raccrocher pleinement aux aventures. Il faut dire qu’il y avait de quoi nous bouleverser: l’arrêt de Van Hamme au scénario, le changement de style de Rosinski sur les derniers albums se rapprochant de la peinture et rendant selon nous, le dessin moins directement lisible, Thorgal qui raccroche son épée pour vivre une vie d’aventurier-retraité dans un petit village du grand Nord… C’était sans compter sur cet album-ci: un scénario très sympa renouant avec les principes de base de la quête « initiatique » du héros, un mystère de plus autour de Kriss de Valnor qui fonctionne parfaitement; la relance de Thorgal dans l’aventure qui nous a donné des frissons tant sa détermination était visible et une replongée dans le monde des dieux d’Asgard qui fait vraiment plaisir. Bref, le rendez-vous n’est pas manqué et la série Thorgal semble ici retrouver un second souffle sous la plume d’un Yves Sente des plus en forme !

    A noter: une exposition itinérante vous donne rendez-vous dans certaines Fnacs où vous pourrez découvrir les planches originales mais aussi acheter à un prix raisonnable des tirages limités de certains dessins signés par Rosinski. Plus d’infos sur cette opération ici.

  • Le Grand Pouvoir du Chninkel

    Le Grand Pouvoir du Chninkel

    Le Grand Pouvoir du Chninkel est paru aux éditions Casterman

    Un jour, un Miracle

    Depuis la nuit des temps, Daar avait toujours été un monde en guerre. Une guerre incessante que se livraient les Trois Immortels : Barr-Find Main Noire, Jargoth Le Parfumé, Zembria La Cyclope. Brutes sans visage, cruels androgynes et féroces amazones, tous n’obéissaient qu’à une seule et même loi : Extermination. Mais qui donc avait permis une telle infamie, de quel néant venaient donc ces races supérieures qui contraignaient les peuples à une aussi atroce servitude… Horreur, folie sanglante, désolation… pour combien de temps encore ?
    Jusqu’au jour où se produit un Miracle…

    Une rencontre, des chef-d’œuvres

    La rencontre entre Jean Van Hamme et Grzegorz Rosinski en 1976 est l’origine même de chefs d’œuvres incontestables en bande dessinée. Slave de naissance, Rosinski, qui ne parlait pas un mot de français à l’époque, était sensible à la culture germanique. De là est né le projet Thorgal (qui démarre en 1977), cette fabuleuse aventure chez les Vikings. Une aventure que tout le monde, un jour ou l’autre a dû suivre avec ravissement. Une aventure dans laquelle la mythologie et l’héroïsme ont une place de premier ordre. Récemment, nous pouvions encore redécouvrir ce grand duo de talent dans Western (Editions du Lombard, 2001). De nouveau, les auteurs ont mis leur savoir faire au service d’une œuvre de première catégorie, hymne à l’Ouest et à ses personnages de caractère. Mais revenons plusieurs années en arrière avec la sortie du Grand Pouvoir du Chninkel, en 1986.

    Un mythe remanié

    A la base, ce récit est née de l’envie de Rosinski de dessiner une histoire en noir et blanc. L’idée d’un récit isolé se déroulant dans un univers tolkenien a alors germé et pris la forme d’une version décalée du Nouveau Testament. Œuvre ambitieuse ? Certes, mais menée avec brio par Jean Van Hamme qui loin de s’aventurer dans une réécriture du nouveau testament, n’en a que préservé la trame. Dieu, créateur de l’univers et d’une multitude de peuples différents, est adulé aux quatre coins du monde. Les peuples primitifs lui vouent en effet une adoration sans bornes depuis des siècles et des siècles. Mais, un jour, cette adoration prend fin, les peuples se détournent du créateur. Voilà venu le temps de la punition, le temps d’expier la terrible faute des ancêtres irrespectueux. Les catastrophes s’enchaînent aussi épouvantables que le Déluge et plongent toute l’humanité dans la détresse pendant des générations. Seul le Sauveur, l’Elu pourrait rétablir la paix et racheter les fautes de ses ancêtres.
    J’on, un Chninkel soumis à l’esclavage, est le Choisi de U’n, le maître créateur des mondes, pour sauver son monde de l’Apocalypse. A travers ce personnage, le culte divin est rétabli. Comme Jésus, il change l’eau en vin, marche sur de l’eau, guérit les malades, entraîne derrière lui des apôtres qui partout vont porter la Bonne Nouvelle et devient l’espoir de tout un peuple. Comme dans le culte divin, J’on le Chninkel est condamné par les siens mais pardonne :  » au nom de U’n, je te pardonne… « . Est-ce là la fin du châtiment annoncé par le maître créateur… Oui car U’n, dans  » Le Grand Pouvoir du Chninkel « , respecte sa promesse de ne pas détruire Daar… mais dans sa colère, il détruit tout ce qui y vivait. Car en vérité, U’n est un Dieu jaloux et rancunier, un maître cruel qui poussa son peuple vers le sacrilège et le reniement de son nom. Un Dieu qui, voulant être craint, assorti son culte de la terreur d’un nouveau châtiment ! Une théorie poussée à l’extrême par Jean Van Hamme pour nous conter l’histoire d’un éternel recommencement…

    Des références explicites

    On le sait, Jean Van Hamme a la capacité de combiner diverses sources pour donner naissance à des albums denses et truffés de points de ralliements, pré-acquis pour le lecteur érudit. En plus de cette référence explicite à la Bible, l’auteur nous rappelle donc l’univers fantastique de Tolkien qui rassemble bien des peuplades différentes et une faune diversifiée. Les peuples commandés par les Trois Immortels regroupent des personnages hétéroclites : d’abord les Chninkels esclaves, ces petits elfes attachants aux oreilles pointues et aux mains tremblantes face aux terribles maîtres sanguinaires, ensuite, les Chninkels libres dont la digne représentante (en dehors des grands sages, les nobles vénérables du peuple Chninkel) se nomme G’wel, une jeune fille fidèle et dévoué à J’on dans sa quête et enfin, les Tawals, des singes velus et sans cervelle dont la force colossale ne sert qu’à tuer. Les animaux sont encore d’une extrême originalité : des pesants Womochs cracheurs de feu, des Orphyx carnivores et des Traganes sauvages, trois espèces particulières de créatures qui ne sont autre que les montures des Immortels !
    Et puis, il y a encore ce rapprochement entre ce monolithe noir et le symbole divin imaginé par Stanley Kubrick dans « 2001 l’Odyssée de L’Espace ».

    La couleur

    Et voilà que la couleur fait son apparition. La couleur… elle a suscité bien des critiques de la part des bédéphiles. N’y a-t-il derrière cette réédition couleur qu’un simple coup commercial, comme on semble le penser ? Il est vrai que la maison d’édition, Casterman, a connu pas mal de problèmes d’argent et aurait pu tenter de renflouer ses caisses avec ce grand succès. Mais cette réédition n’aurait pu se faire sans la volonté de ses auteurs. Pour beaucoup, la couleur alourdit les dessins, détruit l’ambiance créée par le noir et blanc et cette parution en trois tomes casse le rythme de l’histoire. Pour d’autres, plus positifs, c’est une façon de redécouvrir ce classique de la bande dessinée, de donner envie aux inconditionnels de la couleur ou aux plus jeunes de se plonger dans cet univers tolkienien pour suivre la quête de J’On le Chninkel. Avouons quand même que cette colorisation est des plus soignées et assez adaptée au récit. Cela on le doit à Graza elle-même, une coloriste familière aux univers de Rosinski puisque c’est aussi elle qui a réalisé les couleurs pour  » Thorgal », les séries « Hans » et « La complainte des Landes perdues » ! Enfin, cette réédition couleur ne dénoncerait-elle pas aussi une nouvelle tendance à la réactualisation de « l’ancien ». C’est vrai qu’en bande dessinée, nos classiques se trouvent de plus en plus souvent « rajeunis » par ces rééditions couleurs. Citons un autre exemple récent : la nouvelle version couleur de Silence (Comès) parue aux éditions Casterman (encore) ! On pourrait se demander si nous ne perdons pas, à chaque « remaniement » d’un élément de l’histoire, un peu de la magie de l’œuvre, de son « aura »? Bref, les questions sont nombreuses et le débat est long et quoi qu’il en soit, « Le Grand pouvoir du Chninkel » de Rosinski et Van Hamme restera encore longtemps un album indispensable et incontournable pour tout amateur de BD !

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