Étiquette : monde féerique

  • Entrez dans le monde féerique de Mister Finch !

    Mister Finch. Un homme. Un homme seul. Qui coud. Dans un atelier extraordinaire situé dans le Yorkshire anglais. Une région teintée de légendes et de féerie. Là où les lièvres ont cet oeil différent, un regard qui en dit long sur leur véritable nature. Puisant son inspiration dans la merveilleuse nature qui l’entoure, mais aussi dans les contes, les secrets dévoilés par les écrivains des fées, les artistes du Petit Peuple, les Grimm et autres Brian Froud, Mister Finch nous emporte ailleurs. Ses créations de tissu palpitent d’une vie étrange à la fois proche, intime et comme issue de l’Autre Côté. Il y a quelque chose de monstrueux dans les créatures nées de son observation et de son imagination. Délicieusement monstrueux.

    Mister Finch

    Mister Finch

    Mister Finch

    Mister Finch

    Pour parcourir son atelier, rien ne vaut un bon gros livre aux photos superbes et qui est en soi lui-même un de ces objets béni par la poussière de fée… Disponible en anglais et tout bientôt en Français…

     

    La vie dans un monde féerique

    www.mister-finch.com

  • Le Dico féerique, tome 1 – Le règne humanoïde, André-François Ruaud, Les Moutons électriques

    Le Dico féerique
    Tome 1 – Le règne humanoïde
    « la bibliothèque des miroirs », vol. 6
    Auteur:André-François Ruaud
    Editions Les Moutons électriques
    Format 21 cm x 17 cm
    304 pages
    Parution:20 janvier 2010
    Prix 25 €

    Présentation de l’éditeur:

    Qu’est exactement qu’un ogre ? Une nixe ? Un monaciello ?
    Quel était le nom du mari de Titania ?
    Serait-ce bien prudent d’aller s’asseoir près du feu avec ce nain ?
    Quelle est la différence entre une banshee et une dame blanche ?
    Quels anges portent une épée de flammes tournoyante ?
    Comment peut-on se débarrasser d’un feu-follet ?

    Si vous ne savez pas répondre à ces questions, nous vous recommandons la lecture de cette petite encyclopédie des peuples et créatures surnaturels et magiques du folklore et de la mythologie mondiale.

    Il serait imprudent de la part des amateurs de féerie et de fantasy de s’aventurer en direction des vertes contrées de l’Autre Monde sans ce guide, qui vous détaille les particularités et les habitudes de ses nombreux habitants de type plus ou moins anthropomorphe. D’acheri (le fantôme d’une petite fille indienne) à Yuki Onna (la fée japonaise de la neige), toutes les merveilles et toutes les terreurs des séjours féeriques.

    Avec des illustrations originales de David Alvarez, Michelle Bigot, Laurent Coupet, Amandine Labarre, Patrick Larme et David Thiérrée, ainsi que des gravures anciennes. Plus trois contes de Grimm, Andersen et Mme Leprince de Beaumont. Suivront un tome 2 sur le règne animal (juin 2010) et un tome 3 sur le règne végétal (début 2011).

    Notre avis:

    Il y a plusieurs façons d’aborder le monde de féerie. Les folkloristes et ethnologues le font en répertoriant les créatures et légendes d’un territoire précis, les conteurs et auteurs en y brodant de petits ajouts personnels ou en arrangeant les histoires au service de Mère Fiction, les encyclopédistes en notant scrupuleusement toute trace de fées et de lutins pour les ranger dans des catégories et des dictionnaires.

    A première vue, André-François Ruaud a entreprit une démarche encyclopédique mais le titre de cet ouvrage (en trois tomes) en dit long. Par « Dico », ce mot court et plutôt moderne, sous-entend que ce n’est pas l’exhaustivité qui est recherchée mais une sorte de panorama, de papillonnage au travers du monde des contes, légendes, de la littérature (un domaine que l’auteur maîtrise particulièrement bien), des mythologies, voire des religions… « Féerique » par une approche englobant toutes les sphères de l’imaginaire parlant de créatures, dans une approche universelle, aussi bien au niveau de la géographie, de l’Histoire que des croyances.

    Un gros travail a priori qui confirme qu’André-François Ruaud est un acteur incontournable de la scène de l’Imaginaire par ses entreprises (comme la dynamique maison d’édition des Moutons électriques), par ses études, par ses prises de position qui suscitent les débats comme lorsqu’il affirme que le genre fantasy englobe les mythes, contes et légendes faisant aussitôt surgir la critique qu’un genre ne peut naître avant sa naissance, lorsqu’une dynamique s’installe, que plusieurs auteurs reprennent les idées fondatrices, ou, autre réponse critique, que placer les mythes en fantasy est oublier que le mythe est vérité alors qu’un roman est fiction.

    Et il faut avouer que ce dico féerique, bel objet au contenu très intéressant ouvre à nouveau les débats. D’un côté, il permet de papillonner autour du monde et de voir surgir certaines similitudes entre différents êtres et créatures, d’ouvrir des portes vers les pays de l’est, Hawaï, l’Asie… Et ce tour du monde féerique est fascinant. D’un autre côté, en jetant des ponts entre les créatures issues des mythologies, des légendes, de la littérature, de croyances modernes et anciennes, en nommant un lutin, brownie, en parlant des elfes d’Hawaï, etc., surgit le danger du syncrétisme, horrible lorsqu’il simplifie, mélange et fait disparaître des créatures féeriques particulières, les reléguant au Néant.

    Certes, André-François Ruaud donne assez d’éléments que pour pouvoir distinguer chacune des créatures ici citées, définies. Mais quelqu’un qui se reposerait sur le Dico féerique pour ses propres conclusions ou pour poursuivre une étude de son côté, sans approfondir la matière avec d’autres sources, tomberait, lui, très facilement dans l’amalgame, voire l’erreur.

    Prenons deux exemples. AF Ruaud note à l’entrée « Petite souris » (Tooth Fairy) qu’il s’agit de lutins. Je n’ai pas personnellement approfondi ce sujet mais il existe une nette différence entre la fée des dents anglo-saxonne et la petite souris qui me récompensait dans ma jeunesse pour la perte de dents de lait. Il aurait fallu creuser le sujet ou choisir l’entrée « Fée des dents » en donnant l’origine et l’explication anglaises.

    Second exemple, les Fadets ou Fras de l’île d’Yeu. En mettant en avant le mot « fadet » dans un dictionnaire, cela se fait au détriment du mot « fradet », mot qui est toujours aujourd’hui utilisé sur l’île d’Yeu. La différence peut vite conduire à l’erreur, à l’amalgame ou pire, à l’oubli.

    Faire un dictionnaire est certainement la chose la plus difficile au monde, surtout si celui-ci se veut sérieux. D’autres nous ont offert des encyclopédies pleine de facéties mais le ton donné nous l’annonçait joyeusement. La féerie est mouvante, insaisissable, et pour une grande partie, elle appelle en soi l’amalgame (réducteur) ou la créativité (enrichissante). Difficile donc, voire impossible de faire un vrai dictionnaire « universel » de la féerie… On peut viser l’exercice pour une région, voire un pays. Alors si l’on prend ce Dico féerique pour une encyclopédie universelle, un ouvrage fondamental comme le sous-entend les mots « encyclopédie », « dictionnaire », c’est faire fausse route.

    Par contre, si, comme dit au début, on utilise, on explore cet ouvrage pour papillonner, entrer de ci de là par le biais d’un nom, d’une créature, dans le monde des contes et légendes, alors là oui, voilà bien un livre qui renferme de très nombreuses entrées, de quoi vous faire voyager pendant de longues années. Un voyage agrémenté d’illustrations réussies, un labyrinthe de découvertes féeriques qui n’est pas prêt de vous indiquer la sortie. Et c’est tant mieux !

    Pour conclure, ce dico féerique est un merveilleux ouvrage pour quiconque apprécie le monde des mythes, contes, légendes et bien entendu de la féerie et, sans être un véritable dictionnaire, c’est un très bon répertoire. D’ailleurs, nous sommes les premiers à attendre avec impatience les deux suites (surtout la troisième, le monde végétal ayant toujours eu notre préférence). Une publication à suivre de près, donc !

  • Interview d'Erlé Ferronnière et Aurélie Brunel pour la sortie de Fées et Déesses – Semaine spéciale éditions Daniel Maghen

    Tout amateur de féerie a un jour croisé une oeuvre d’Erlé Ferronnière. Revoici ce talentueux illustrateur des fées qui croise la route d’Aurélie Brunel pour nous offrir ensemble un très beau ouvrage, galerie de portraits, de témoignages sur la relation intime des fées et des déesses. Une belle occasion donnée de suivre la ligne du temps de l’image de la fée et de sa relation à l’homme…

    Comment avez-vous procédé pour le présent ouvrage ? De nombreux échanges, discussions ou chacun de son côté ?

    EF: Pour moi, ce livre est d’abord né de l’envie d’élargir l’horizon de mon travail sur les personnages féeriques, en n’évoquant plus seulement les petites fées-papillons mais aussi des figures féminines plus anciennes, mythiques.

    Je voulais également que le texte qui accompagne mes illustrations soit tout à la fois poétique et rigoureux quand à la réalité de ces personnages. Mais tout en étant passionné je ne suis pas un grand spécialiste de cette matière très complexe, je me suis donc adressé à Aurélie que j’avais rencontrée lors d’une dédicace aux « Rencontres de l’Imaginaire », un salon sous l’égide du Centre de l’Imaginaire Arthurien dont elle était alors la directrice.

    AB: Dès le départ nous avons beaucoup échangé pour confronter nos visions de cet univers et voir ce que nous pouvions construire ensemble. Le projet est ainsi né de mettre en lumière le lien qui court des déesses-mères de la mythologie celtique aux petites fées-papillons d’apparition plus contemporaine, en passant par les déesses guerrières, les fées (puis « enchanteresses ») arthuriennes, et les fées du folklore breton. Nous avons listé les personnages que nous voulions évoquer, les épisodes qui nous tenaient à cœur, puis nous avons travaillé chacun de notre côté. Mais le dialogue a perduré tout au long de la conception du livre. Je pouvais suivre le travail d’Erlé et lui faire part de mes remarques, et réciproquement je lui faisais lire mes textes pour qu’il me donne son avis. Ce livre a donc évolué au gré de nos causeries !

    Pour quelques personnages, il nous est cependant arrivé de procéder différemment : soit Erlé illustrait un de mes textes, soit j’écrivais à partir d’une de ses images.

    EF: Ces échanges ont sans doute beaucoup influencé le travail de l’un et de l’autre. En ce qui me concerne ils m’ont beaucoup apporté et permis de découvrir des subtilités que je ne soupçonnais même pas, ça m’a évité entre autre de tomber dans trop de stéréotypes, par exemple Aurélie s’est battue pour que je ne mette pas systématiquement des oreilles pointues à tous mes personnages ou encore que je n’hésite pas à les habiller de couleurs vives, comme Morgane en rouge.

    L’album s’ouvre sur une Dana dans son plus simple appareil. La nudité est bien présente au fil des pages et s’en dégage une impression très naturelle, très pure, c’était le but recherché ?

    AB: Dana étant la déesse-mère, le symbole de la fécondité, il nous paraissait naturel de la représenter dans toute sa féminité.

    EF: Oui et puis je crois que pour moi et dans le monde de l’image la nudité est un moyen de représenter non pas uniquement la pureté, parce que le corps peut exprimer une multitude de sentiments, mais une certaine « évidence » comme pour accéder plus directement à l’essence même du personnage, sans artifice, « Voyez-moi tel que je suis ». Mais l’inverse est vrai aussi, et la nudité est là comme un leurre, tel que pour le personnage de La Morrigan, belle mais redoutable…

    Quel lien y a-t-il entre les déesses et les fées ?

    AB: C’est justement ce que nous dévoile Dana dès le début du livre ;-), et que nous avons ensuite cherché à mettre en valeur de manière implicite, ou parfois même en faisant intervenir les personnages eux-mêmes…

    Vous avez opté pour des récits en « je », jouant ici aussi la carte de la proximité, de l’identification. Pour y arriver, vous êtes-vous « fondue » en ces différents personnages ?

    AB: Oui, j’ai essayé en tout cas. Cela me paraissait indispensable puisque je voulais que les lecteurs puissent plonger directement dans la vie des personnages, qu’ils soient à leurs côtés, que les lectrices soient ces déesses, ces fées… Je voulais murmurer à chacun le souvenir d’un passé enfoui, oublié, les inciter à se pencher sur leur propre paysage intérieur… Il fallait donc que je disparaisse, ainsi que le superflu. C’est pourquoi les héros s’adressent directement au lecteur, et quand cela n’est pas possible, un témoin rapporte la scène (mais sans forcément être nommé si cela n’apporte rien de crucial au récit et risque de mettre de la distance).

    On vous avait quitté sur un monde féerique très pur, très nature, aussi naïf que les rêves des enfants. On vous retrouve explorant graphiquement un univers d’une grande féminité. C’était un monde qui vous tenait à cœur d’aborder ?

    EF: Puisque vous m’en donnez l’occasion, je tiens à préciser que les êtres féeriques sont vraisemblablement tous des incarnations de la Nature à différents degrés, chacun de ces représentants étant sans doute comme autant d’avatars des grandes déesses-mères de l’Antiquité (à quelques générations près) et peut-être les résurgences d’anciennes religions animistes, alors « nature » oui, « pur » c’est encore une autre histoire. Et puis je ne sais pas pour vous, mais mes rêves d’enfant étaient parfois peuplés de monstres effrayants ! Tout ça pour dire que le monde de la féerie est loin d’être aussi naïf qu’il n’y parait, n’allez surtout pas contrarier un Korrigan et gare à vous si vous surprenez une fée sans qu’elle vous l’ait permis ! Sous des airs « mignardisants » (pour citer une de vos consœurs) la féerie est tout sauf ce qu’elle montre ! Dans mes livres précédents, même si ce n’était pas le message principal, tout cela était sous-entendu – pour moi en tout cas…

    Dans la même idée, au travers les différents personnages de « Fées & Déesses », avec Aurélie nous voulions montrer que ces figures féminines sont loin d’être simplement jolies, elles sont à l’image de la nature, à la fois belles, sauvages et implacables. Et ce que je trouve passionnant, c’est qu’elles sont issues d’une tradition peut-être aussi vieille que l’humanité et pourtant immuable, parce que je les reconnais encore au travers de toutes ces femmes qui ont marqué mon existence – et Aurélie pourrait sans doute en dire autant. Alors oui, c’est un monde qu’il me tenait à cœur d’aborder pour leur rendre hommage, et aussi à tous ceux qui ont su apprécier la richesse et la profondeur de cette « féminité » au travers toute cette littérature, et qui nous l’ont léguée pour que nous la fassions vivre à notre tour…

    Vous avez beaucoup travaillé dans ce livre les regards. Fées, femmes, déesses nous regardent et il est difficile de détacher nos yeux des leurs.  En même temps, est-ce que ça n’empêche pas le lecteur de voir le reste du dessin? Un regard, yeux dans les yeux, est-ce une invitation ou un rempart ?

    EF: Oui, en matière de peinture j’ai toujours été attiré plus particulièrement par les portraits. Je me souviens enfant, j’étais en admiration devant certains portraits de Jean-Auguste-Dominique Ingres (c’est toujours le cas d’ailleurs), j’étais littéralement happé par leurs regards et je crois que c’est un ressenti qui m’a profondément marqué et qui a indubitablement influencé mes penchants artistiques (au détriment du reste sans doute – on pourrait me le reprocher – parce que je suis moins attiré par les décors et tout le reste, mais j’essaie de faire des efforts !)

    Toute la vie d’un personnage et de son visage en particulier tient dans le regard, et je trouve ça passionnant quand progressivement les yeux commencent à prendre vie et deviennent suffisamment « transparents » pour laisser apparaître l’étincelle de l’âme dont vous vouliez l’incarner. C’est alors une invitation à plonger à l’intérieur de cette existence suggérée, et à essayer d’en percer ses mystères… C’est cette petite part de magie qui me plaît dans mon métier, parce qu’au fond, nous autres illustrateurs ne sommes que des illusionnistes !…

    Au final, la féerie est-elle une affaire de femmes ?

    AB: La question me semble se poser à plusieurs niveaux. Pour moi, les femmes sont les héritières de ces figures et ce sont elles que nous honorons en célébrant les déesses et les fées. À ce sujet, peut-être pouvez-vous jeter un œil sur le dernier billet de mon blog , il répond à plusieurs de vos questions, il me semble.

    Mais tous les personnages ne sont pas féminins ! Nous avons notamment réservé une place centrale pour Tydorel, chevalier-fé. Nous croisons également Lancelot du Lac, qui porte la marque du monde des hommes, ainsi que de celui des fées…

    Et la féerie ne s’adresse pas qu’aux femmes. Les femmes s’identifient-elles facilement aux fées, d’ailleurs ? Se l’autorisent-elles ? Sans doute pas ; elles n’ont pas forcément conscience de recéler tous ces « pouvoirs » en elles. En revanche les hommes voient en la fée une femme parfaite, idéale et donc effectivement, la féerie leur parle de manière plus évidente ! D’ailleurs les personnages ont évolué sous l’influence de nombreux hommes, notamment à l’époque où les récits ont été copiés par des moines qui ont cherché à valoriser une image de la femme pure en blanchissant un personnage comme La Dame du Lac – sorte de vierge à l’enfant – et en diabolisant une Morgane trop charnelle…

    Propos recueillis par le Peuple féerique en novembre 2009

    Fées et Déesses – Erlé Ferronnière & Aurélie Brunel // Editions Daniel Maghen

  • Interview de Guillermo Gonzalez, Laurent et Olivier Souillé pour la sortie de L'univers des Nains – Semaine spéciale éditions Daniel Maghen

    Si fées, lutins et dragons ont fait l’honneur de nombreux ouvrages sur leur sujet, le peuple des nains a été moins abordé. Voilà une fâcheuse erreur de réparée grâce à Laurent et Olivier Souillé et les illustrations de Guillermo Gonzalez. Trois amis des Nains que nous avons interrogés pour vous…

    En donnant comme origine de vos nains la pierre, vous faites le choix d’un univers original et d’une explication qui semble naturelle… Comment vous est venue cette idée ?

    Laurent et Olivier Souillé: Dans un planétarium tout simplement. Lorsque vous apprenez que les hommes sont de la poussière d’étoile, forcément ça vous inspire. Lorsque qu’on a réfléchi à « l’Univers des Nains », on s’est demandé d’où venaient les premiers nains. On a donc imaginé que les dieux avaient façonné les nains à partir de la matière qu’ils estimaient la plus noble, la pierre. Ainsi, dès leur naissance, les nains connaissent leur incroyable destinée, poussière de pierre ils sont, poussière de pierre ils redeviendront.

    Ce livre développe un véritable univers empruntant beaucoup aux différentes mythologies et légendes mais forgeant son monde propre et cohérent. Avez-vous l’intention de poursuivre l’exploration de ce monde et de ces dieux tels Khros et Lycros…

    Non, l’ouvrage répond complètement à notre attente. Le but de ce livre est de montrer l’histoire d’un peuple tel qu’il a pu être ou tel qu’il pourrait exister et bien entendu de faire voyager les lecteurs. Ainsi, le livre terminé, tous, enfants ou adultes, filles ou garçons, connaîtront toutes les étapes importantes de la vie d’un nain, dès sa naissance bien sûr mais également bien au delà de sa mort. Ils auront découvert leur enfance, leur scolarité, leurs alliés, leurs ennemis, le rôle primordial de la naine, les personnages les plus puissants (le roi et le mage), leurs différents métiers, leurs surprenants habitats… Quitte à développer un univers, nous aimerions plutôt traiter celui des elfes…

    Lier les nains aux loups, c’est aussi un aspect particulier. Comment ce lien s’est-il formé en votre esprit ?

    Dans notre esprit, les nains vivent en parfaite harmonie avec la nature et les animaux. Ils ont bien compris, à la différence des orques, que les animaux ne sont pas de simples bêtes mais de merveilleuses créatures d’une grande intelligence et d’une formidable noblesse. Jour après jour, ils partagent leur vie avec des loups blancs, des sangliers, des corbeaux, des aigles… et tous veillent à la santé et la sécurité de chacun. Quant aux mages, ils ont la chance de partager leur vie avec des fées…

    A cause de leurs proportions, les nains doivent être difficiles à illustrer, non ?

    Guillermo Gonzalez : Oui, en effet. Tout particulièrement lors des poses en action, il faut s’imaginer leur mobilité avec des membres si courts… Et quelque chose d’aussi “simple” qu’un personnage assis devient difficile lorsqu’il faut travailler avec des proportions anormales tout en donnant une perspective et un effet réussis.

    Où avez-vous puisé l’inspiration pour vos nains ?

    GG : En mélangeant plusieurs univers. Il y a bien sûr du Tolkien, incontournable quand on aborde l’heroic fantasy et puis, plusieurs imaginaires médiévaux, pas nécessairement autour des nains d’ailleurs, mais qui peuvent facilement s’adapter à eux. L’approche est tout aussi variée : des guerriers agressifs, proches des guerriers humains à des personnages plus « familiaux », plus proches alors des gnomes…

    Êtes-vous un grand fan de fantasy ?

    GG : J’aime la fantasy mais j’apprécie surtout la fantasy « mythique ». Par exemple, les mythes grecs, celtiques, nordiques et toutes ces cultures proches de ce qu’on appelle aujourd’hui « fantasy ». Pour moi, la mythologie est un point de départ lorsque j’aborde l’heroic fantasy. Le portrait du roi des nains, qui fut le premier dessiné pour le livre, tente d’approcher les dieux nordiques,  je trouvais cela vraiment approprié pour ce personnage.

    La barbe et la coiffure des nains nous en disent long sur leur vie. Vous pouvez nous en donner un exemple?

    Laurent et Olivier Souillé: Les coutumes naines sont particulièrement strictes. Ne sont autorisés à porter une tresse que les nains qui ont acquis le statut de guerrier. Dès lors, une mèche ne sera tressée que si un nain a accompli un haut fait. Il lui faudra par exemple vaincre en combat singulier un gobelin ou un orque. La première tresse nouée sur la barbe d’un jeune nain reste et de loin le moment le plus important dans la vie d’un père ou d’une mère.

    Au nombre de leurs plaisirs, on trouve la bière et l’herbe des dieux. Ont-ils d’autres occupations ludiques ?

    Il est vrai que les nains sont de grands fêtards qui n’hésitent jamais à boire jusqu’à plus soif. Mais nos amis sont également des pères attentifs qui adorent raconter des histoires à leurs enfants et leur façonner des jouets. Ils aiment également pratiquer les échecs, jouer d’un instrument de musique et chanter. Enfin et surtout, ils adorent les jeux de force naine et participer à une bonne vieille bagarre entre amis.

    On croise également d’autres créatures de ce monde féerique. Et notamment, des dragons. Drafères, Drarile, Drabien, Drako, Drassons… Vous dressez une liste nombreuse de dragons très différents…

    Grace aux deux tomes consacrés à « l’Univers des Dragons » des éditions Daniel Maghen, nous avons désormais une connaissance approfondie des dragons à croire que nous avons vécu avec eux (rires). Pour « l’Univers des Nains », avec l’aide de notre ami Pascal Moguérou, nous nous sommes amusés à créer « L’Encyclopedia Dragonis, le grand livre des créatures rampantes et ailées » qui décrit cinq grandes familles de dragons. C’était très marrant à imaginer et le dessin de Guillermo s’y prêtait merveilleusement bien. Malheureusement, les rencontres inopinées entre nains et dragons sont souvent la cause de bien des larmes. Elles se soldent trop souvent par la mort de nombreux et braves nains…

    Quelle fut la plus difficile illustration et celle que vous préférez ?

    GG: D’un point de vue technique, peut-être la fête, car il y avait à mettre en place de nombreux points de vue et pas mal de problèmes de perspective. Mais la scène du Roi et de son garde du corps, juste avant l’attaque des orcs, dans la mine, m’a également beaucoup posé question. Je n’étais pas sûr du moyen de donner tout l’effet dramatique voulu, cette idée de dignité dans la défaite…

    Quand à celle que je préfère, c’est probablement la scène du guerrier nain sur le sanglier. Simple, avec moins de matière et une palette de couleurs limitée, mais plus suggestive que les autres…

    Propos recueillis par le Peuple féerique en novembre 2009

    L’Univers des Nains – Guillermo Gonzalez // Editions Daniel Maghen

  • Interview de Béatrice Bottet

    Béatrice Bottet est une spécialiste du fantastique et de l’ésotérisme, auteure d’une vingtaine d’ouvrages, elle a notamment signé la série Le Grimoire au rubis, l’encyclopédie du fantastique et de l’étrange, Sirènes et autres dames des eaux, Fées et autres dames extraordinaires, etc. Ouvrages parus aux éditions Casterman. Le Peuple féerique l’a rencontrée pour un petit échange à propos des fées…

    Dans le tome consacré aux fées de la Bibliothèque fantastique parue chez Casterman, vous distinguez quatre catégories de fées dont les fées emblèmes. Pouvez-vous nous les présenter ?

    Il y a énormément de genres de fées et il est vraiment difficile de les classer. Néanmoins, tentons l’opération, dans les grandes lignes :

    – Les fées dites “vertes” peuplent la nature, quand elle n’est pas trop polluée. Ce sont de petits êtres enjoués et dynamiques qui accomplissent les phénomènes naturels (ouverture des fleurs au printemps, par exemple) et passent une partie de leur temps à activer le monde en dansant. Ce sont leurs traces que l’on voit quand il y a dans l’herbe des ronds de champignons, lesquels sont les sièges sur lesquels elles s’asseyent quand elles reprennent souffle, si elles sont fatiguées de danser.

    Les fées vertes sont rapides, lumineuses, évanescentes et ne frôlent qu’à peine le monde des humains. La fée Clochette de Peter Pan appartiendrait assez à cette catégorie.

    On les trouve en forêt, dans les jardins, près des sources et des fontaines, dans les arbres creux… Elles se réveillent au printemps et cessent leurs activités quand revient le froid.

    – Les fées marraines se trouvent volontiers au détour des grands contes. Ce sont des femmes majestueuses, richement vêtues, et qui dotent de dons les enfants royaux, quand elles sont invitées aux réjouissances du baptême. Elles sont protectrices, bienveillantes, parfois autoritaires, toujours de bon conseil. Elles protègent d’une façon plus attentive encore les enfants nés un dimanche.

    – Certaines fées, un peu campagnardes, sont plus évoluées que les petites fées vertes et participent assez volontiers aux activités humaines. Ce sont elles qui, discrètement, aident les femmes dans toutes leurs tâches, en particulier lors des accouchements et dans toutes les activités maternelles. Ces fées comblent de bienfaits ceux qui leur veulent du bien. Presque toutes cherchent à acquérir une âme, quand bien même ce serait au détriment de leurs prérogatives féeriques. Pour cela, une seule solution : le mariage. Hélas, les mariages entre un homme et une fée sont rarement couronnés de succès, car si le mari ne respecte pas suffisamment sa fée-épouse et transgresse telle directive qu’elle lui a imposée, elle disparaît à tout jamais, le laissant inconsolable.

    – Les fées emblèmes ne se rencontrent, à vrai dire, qu’assez rarement. Ce sont des fées qui sont à l’origine de familles nobles, qui vénèrent leur souvenir légendaire et les mettent dans leurs armoiries. La plus célèbre est Mélusine, à l’origine de la maison de Lusignan, dont le mariage avec Raymondin fut interrompu, après une longue vie conjugale couronnée par dix enfants, parce que Raymondin avait passé outre à ses instructions : ne pas la regarder quand elle était au bain, le samedi. Mélusine se transformait alors en femme-serpent. Quand Raymondin la surprit, Mélusine s’envola, fit trois tours au-dessus du château et disparut…

    Toutes les fées ont en commun quelques caractéristiques :

    – elles ne vieillissent pas, ou alors seulement par choix ;

    – elles ne meurent pas, mais perdent peu à peu de leur substance, devenant de plus en plus diaphanes, au point de finir par disparaître ;

    – elles ont une très longue vie, certains pensent qu’elles atteignent trois cents ans et plus ;

    – elles sont bienveillantes à tous ceux qui leur veulent du bien et les respectent, les comblent d’or, de bienfaits, de dons ;

    – elles sont susceptibles et irascibles : il ne faut pas les mettre en colère ni leur déplaire. Leur rancune peut être terrible ;

    – elles cherchent à acquérir une âme, car comme tous les êtres du Petit Peuple, elles n’en possèdent pas.

    Vous opposez souvent en ces pages les fées à la pollution…

    Bien sûr. Les fées sont des esprits de la nature, en particulier de la nature sauvage, brute, dans toute sa beauté et toute sa violence. Que la nature disparaisse et le monde féerique disparaît également. A-t-on jamais vu une fée dans une banlieue lugubre, dans une décharge, dans un parking ? Les fées, droites, pures, gaies et proprettes, vite dégoûtées par la vulgarité et la saleté, s’éloignent irrémédiablement des lieux pollués ou sinistres.

    Lors d’un débat sur le réenchantement du monde, vous avez d’ailleurs souligné que ce ne serait pas les différents mouvements écologiques qui changeraient profondément nos comportements mais bien les fées…

    En travaillant sur les fées, je me suis sentie plus sensible à toutes les manifestations de la vie, en particulier de la vie végétale. Voyez-vous, moi qui suis pourtant née dans le béton parisien, je possède un jardin. Je peux vous assurer que depuis que j’ai enquêté sur l’imaginaire féerique qui a imprégné notre civilisation depuis deux mille ans et plus, j’ai mieux compris comment ces croyances avaient pu s’installer dans nos esprits. Voir la nature à l’œuvre, en particulier lors de l’explosion végétale du printemps, est à la fois magique, merveilleux et poétique. Mon regard sur la nature a changé, en parallèle avec ce travail sur les fées. Comment ne pas penser à ces petits êtres qui, dès que vous avez le dos tourné, s’activent à ouvrir les fleurs, à lisser les pétales, à réveiller les papillons et les abeilles ? Comment ne pas ressentir d’étranges présences dans les forêts profondes, sur les rochers, la mousse, au bord des ruisseaux ? Je crois que la civilisation urbaine a perdu une certaine qualité de regard émerveillé et naïf, et travailler sur ces sujets me l’a fait redécouvrir. Et si je me sens un peu plus écolo, c’est moins parce qu’on me fait sentir à coups de statistiques, d’alertes, d’objurgations et d’impératifs qu’il faut respecter la nature, mais c’est parce que depuis mes travaux, je la vois avec un œil très différent. Je me sens davantage en synergie avec la terre.

    Dans le livre, vous prétendez que la fin des fées correspond à la Révolution de 1789, lors du débat, vous parliez de la période d’après-guerre. En quoi ces deux périodes ont-elles combattues les fées ? Et peut-on dire que cela est plus le cas en France qu’en Angleterre par exemple ?

    Le XVIIIe siècle, en se tournant résolument vers la philosophie, la raison et le modernisme, amorce, me semble-t-il, un premier tournant. La chasse aux sorcières est à peu près terminée (la dernière sorcière a été condamnée au milieu du XVIIIe). La philosophie des Lumières, qui s’intitule elle-même “éclairée” (par la raison et la pure pensée) rejette les antiques croyances, et même les traite de haut. Certes, dans les campagnes, on n’abandonnera pas de sitôt les croyances et les superstitions, mais le mouvement a démarré. Les lettrés n’ont que mépris cinglant pour les pauvres retardés qui persistent à penser que leurs fontaines sont magiques ou que dans leur forêt vivent des elfes et des fées.

    La Révolution vient en coup de tonnerre confirmer le changement radical de mentalité.

    Néanmoins, malgré l’ironie des esprits forts, le fantastique n’a pas tout à fait abandonné le terrain. Il faudra encore un siècle et demi. Je pense que peu à peu, après la Seconde guerre mondiale, une nouvelle étape est franchie. Le fantastique n’a quasiment plus droit de cité dans un monde (occidental s’entend) qui se modernise à grande vitesse, qui se veut carré, sérieux, technique pour ne pas dire technologique, scientifiquement organisé, ou doit être démontrable, prouvable. C’est le sens du progrès. Le fantastique n’y a évidemment pas sa place. La littérature de l’imaginaire (car on ne peut se passer d’imaginaire, bien sûr) devient elle aussi carrée, technique, scientifique, et ce sera la grande époque de la science-fiction, qui semble mieux adaptée aux mentalités du temps.

    Mais chassez le fantastique à votre porte, il rentre par la fenêtre… Quand J.K.Rowling invente Harry Potter et introduit dans ses romans tous les grands thèmes du fantastique occidental, c’est un raz de marée, et elle ouvre une brêche dans laquelle s’engouffrent bien des auteurs. A mon avis non pas parce que c’est à la mode et que ça se vent, mais aussi parce que lecteurs et auteurs attendaient ce moment. Ils étaient frustrés de cette dimension, ils peuvent enfin se laisser aller à leur pente naturelle. A une des pentes naturelles de l’esprit humain. A quoi bon se priver de cette dimension de nous-mêmes ? Nous mutiler des richesses de notre imaginaire ? Je crois que nous attendions tous plus ou moins cela. Nous les amateurs de fantastique, s’entend. Ou la partie de nous-même qui l’est. Car je vous assure qu’à part cet intérêt pour nos traditions, croyances et légendes, je suis une personne tout à fait ordinaire et rationnelle !

    L’Angleterre, bien qu’elle ait amorcé la révolution industrielle et se soit montrée plus inhumaine que bien d’autres pays quant à ses colonies, ses ouvriers, ses prolétaires et ses enfants, l’Angleterre, longtemps pétrie dans l’ambiance corsetée de l’époque victorienne et la morgue insupportable, est pourtant une terre de fées. Comment cela est-il possible ? Parce qu’elle n’a connu ni la Révolution, ni la guerre sur son territoire ? Peut-être. Parce que c’est une terre de riants paysages et de jardins ? Peut-être. Parce que l’imaginaire celtique l’a plus imprégnée que sur le continent (sauf en Bretagne) ? Peut-être. Je n’ai pas de réponse. On ne peut que constater la réalité.

    Vers la fin du XIXe siècle ou le début du XXe, Arthur Conan Doyle (oui, le créateur de Sherlock Holmes) lança dans un journal une enquête sur l’existence des fées. Il reçut quantité de réponses de témoins oculaires lui assurant que les fées existaient bel et bien. Et pendant la guerre de 14-18, deux petites filles s’employèrent à photographier des fées. Ce n’étaient que des montages, mais il y eut une énorme polémique : pour ou contre l’authenticité de ces photographies ?

    On voit bien à ces exemples très proches que certains Anglais sont encore totalement convaincus, et avec flamme, de l’existence des fées sur leur territoire.

    Vous écrivez « Les fées protégent plus volontiers les femmes que les hommes ». Pourquoi ?

    Pendant des siècles, la vie de tous était difficile, mais celle des femmes plus encore que celle des hommes. Un coup de main extérieur n’était alors pas à négliger, pour toutes ces occupations, activités et étapes de la vie typiquement féminines, à commencer par la maternité. De plus, les femmes avaient la réputation (forgée de toutes pièces par ces messieurs, mais ceci est une autre histoire) d’être plus imaginatives, moins rationnelles, plus sensibles aux superstitions et, disons-le, à une sorte de bêtise.

    Dans la vie difficile des femmes, sentir qu’une aide occulte pouvait vous être apportée les aidait probablement, psychologiquement.

    Et puis, les fées agissaient par solidarité féminine, tout simplement.

    Les fées marraines le sont généralement de petites filles, dans les contes. Les bonnes ménagères seront qualifiées de fées du logis. Les fées, invisibles et efficaces, aident la femme à concevoir, surveillent la grossesse, participent à l’accouchement et veillent sur les enfants.

    Quel est le lien unissant les fontaines aux fées ?

    Les fées qui hantent et protègent les fontaines sont les descendantes des antiques nymphes, semble-t-il. Cela nous remet en perspective avec la question précédente. L’eau est, selon la vieille tradition, un élément féminin (l’eau et la terre sont féminines, le feu et l’air masculins, et pas seulement grammaticalement). Ce sont les femmes qui vont la puiser. C’est là qu’elle rencontreront donc les fées qui garantissent la pureté de l’onde, entre autres. A noter : il est des contes dans lesquels l’héroïne, en allant chercher de l’eau au puits, tombe au fond et pénètre ainsi dans l’Autre Monde, où elle rencontrera des êtres féeriques. Lisez à ce propos le conte des frères Grimm “Dame Holle”.

    Les Dames, Bonnes Dames désignent les fées. Il en résulte que tous les lieux comportant « Dames » sont à attribuer aux fées ?

    Oui, il semble bien que les Roche aux Dames, Chemin des Dames, Bois des Dames, Pont aux Dames et ainsi de suite fassent référence à des lieux habités par les fées.

    Et cette tradition où les taupes sont des fées punies par Dieu contre lequel elles s’étaient révoltées, d’où vient-elle ?

    Je l’ignore, je me rappelle l’avoir lu dans un de ces innombrables ouvrages qui recensent les façons dont les fées ont croisé notre route. Mais vous voyez bien comme la taupe, lourde, aveugle, épaisse, grise, vivant sous terre, est l’antithèse de la fée. Peut-il être pour elles une punition plus cruelle que de ne plus voir le jour, ni voir tout court, de ne plus sautiller et danser, de ne plus être vive, avec de longs cheveux blonds et des robes légères et diaphanes ?

    Comment vous êtes-vous documentée pour ce tome consacré aux fées…

    Il y a beaucoup d’ouvrages qui évoquent nos anciennes croyances et je dois dire que j’ai pioché un peu ici et là. Les grands contes sont là pour nous dire, sous une forme particulièrement stable, une partie de ces croyances anciennes. J’aime beaucoup les contes de Grimm, bien plus que ceux de Perrault, très marqués par le genre classique. Les contes des frères Grimm, recueillis bien plus tardivement, ont pourtant un côté plus ancien, plus brut, plus authentique, pour tout dire. Perrault, comme madame d’Aulnoy, est plus précieux et plus moralisateur d’ailleurs.

    Mais il n’y a pas que les contes. Il y a le gigantesque ouvrage de Paul Sébillot, qui au début du XXe siècle compila toutes les légendes, les mythes et les croyances de France. Il y a les merveilleux ouvrages de Pierre Dubois, qui m’a ouvert de nombreuses perspectives, ceux de Jean Markale, de Claude Lecouteux, d’Edouard Brasey, les dictionnaires des superstitions, les dictionnaires des symboles, et aussi beaucoup d’ouvrages que j’achète ici ou là, parfois dans des brocantes.

    Quelquefois, une petite notation dans un ouvrage de voyage, du genre “Dans le château de NNN vivait un baron qui avait épousé une fée”.

    Je me suis toujours intéressée au fantastique, aux croyances, aux légendes, aux superstitions et aux mentalités, à la richesse de notre imaginaire, mais je reconnais bien volontiers que je ne suis pas une spécialiste, en tout cas pas une théoricienne ni une universitaire. Je suis plutôt une curieuse, j’adore lire ce qui concerne ces sujets. Ce qui reste dans ma mémoire ou mes notes et se retrouve dans mon travail, c’est cela que vous pouvez lire. Je rends grâce de tout cœur à ceux qui font un travail plus approfondi que le mien…

    Cette collection s’adresse aux adolescents. Quel a été l’argument de base pour sa création ?

    Il s’agissait de donner une information sur tous les grands sujets fantastiques, du genre “Tout ce que vous devez savoir sur tel ou tel grand sujet du fantastique est dans cet ouvrage”. C’est une collection de Casterman qui a vu le jour après le succès de l’Encyclopédie du fantastique et de l’étrange, toujours chez Casterman, que j’avais rédigée. Il y avait trois tomes et on peut actuellement trouver cette Encyclopédie en un seul volume sous le titre de l’Intégrale du fantastique et de l’étrange. Cela permettait de développer des sujets qui avaient dû être traités un peu rapidement dans l’Encyclopédie, sous une forme “vrai-faux documentaire”, presque scientifique, mais un peu décalé. De plus, les informations ne sont pas fantaisistes, elles sont de l’ordre de l’histoire des mentalités et des traditions séculaires, dans toute leur variété.

    La Bibliothèque du Fantastique comporte plus de tomes sur des êtres féeriques que sur des créatures véritablement liées au courant fantastique. L’ordre de parution correspond-il aux attentes du public aujourd’hui ? A ses premiers intérêts ? Connaissez vous le tome qui s’est le plus vendu ?

    Les ouvrages de cette collection correspondent beaucoup aux attentes des auteurs, qui sont intéressés par tel ou tel sujet ! C’est l’éditeur qui décide de lancer tel ou tel ouvrage, et qui choisit l’ordre de parution. Je crois que le tome le plus vendu est celui des Dragons, de mon collègue Jean-Luc Bizien.

    On voit beaucoup de livres sortir sur la féerie, des festivals naître un peu partout. Pensez-vous qu’il y ait réellement plus d’attraction pour la féerie ces dernières années qu’auparavant ? Si oui, quelle en est la cause ?

    Oui, le fantatique refait surface et intéresse tout le monde, si bien que les festivals fleurissent. Je pense que c’est dû en partie à ce vieux fonds qui depuis Rowling ne demande qu’à se réveiller, comme je l’ai dit précédemment. Peut-être y a-t-il aussi une attirance vers le fantastique, et surtout vers le côté magique, car ce serait si bien de pouvoir faire tous ces exploits sans effort ! Ce serait si bien si on pouvait vraiment devenir invisible, influer sur le réel, se déplacer dans l’espace et dans le temps d’une façon occulte ! Ce serait si bien si les grimoires donnaient la bonne solution ou la bonne recette à tous vos problèmes, tous vos désirs !

    Mais bien sûr, dans ce cas, c’est tout simplement par paresse d’affronter le vrai réel bien terre à terre !

    Revenons à l’attraction pour les fées, ou plutôt, ai-je envie de dire, pour le fantastique. La beauté, l’imaginaire, la résolution de tous vos problèmes, qui ne serait irrésistiblement attiré ?

    A titre personnel, je trouve que dans de nombreux cas, les festivals sont pleins d’excellentes surprises, et les livres sur ces sujets sont tout bonnement merveilleux.

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?

    Je ne suis pas sûre d’avoir une créature féerique préférée.

    S’il faut vraiment choisir, ce serait la Dame Holle des frères Grimm. C’est une fée plus toute jeune peut-être, mais si bonne. Quand elle secoue ses couettes, édredons et oreillers, il se met à neiger sur la terre. J’aime beaucoup cette image poétique.

    Mais ce n’est pas une réponse « sentimentale », et la question d’avoir une créature préférée me parle peu.

    Vous aurez peut-être compris que pour moi, il est davantage question de croyances et de traditions qui se sont forgées au fil des siècles, ont sédimenté dans nos imaginaires et continuent à vivre en nous, d’une façon quelquefois très lointaine, comme une vieille réminiscence. Ces croyances ont forgé nos mentalités, elles sont pour nous comme un terreau d’une richesse exceptionnelle. Nos traditions fantastiques nous ont laissé non seulement des croyances, mais aussi des livres, des contes, des œuvres d’art, des sculptures d’églises et de cathédrales, des chansons, des pièces de théâtre, des opéras. Leur trace est partout et si l’on est un peu curieux, on a vite fait de les débusquer, dans un nom de village, sur un chapiteau d’église. C’est cette richesse-là qui m’intéresse. Peut-être parce qu’elle est pittoresque, mais surtout, je crois, parce qu’elle est la preuve que l’esprit humain ne s’arrête pas aux simples contingences “raisonnables”, “rationnelles”, un peu trop technocratiques à mon goût.

    J’aime bien penser que la vie ordinaire peut parfois être frôlée par le fantastique, et voilà pourquoi j’écris aussi des romans où les personnages sont comme vous et moi (bien que les intrigues se situent dans le passé), mais bénéficient d’une aide “venue d’ailleurs”, venue des richesses des anciennes traditions. Ce qui n’empêche pas qu’ils doivent relever leurs manches et se colleter avec leurs problèmes.

    J’aimerais à cet égard vous signaler que viennent de paraître “Rue de la Mandragore” et “Le château de la Dame blanche”, chez Casterman. Dans ces romans, qui font partie de la série “Le Grimoire au rubis”, nous sommes au XIXe siècle et les héros voient leur vie bouleversée par la présence d’un grimoire écrit au Moyen Age. La série a connu une trilogie Moyen Age, une trilogie Renaissance, nous voici au Second Empire. J’ai beaucoup aimé écrire cette série. Elle représente justement ce que j’apprécie dans notre contact avec le fantastique : dans des vies ordinaires, l’intervention magique, quasiment féerique, qui permet aux héros d’avoir une autre vision du réel, plus riche et plus ouverte à la fois, pour avoir croisé la route de l’irrationnel…

    Propos recueillis par le Peuple féerique en juin 2009

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