Étiquette : lutins

  • Irène la Sirène – Casterman

    On connaît l’attrait des plus petits pour les livres-objets. Casterman allie ce type de livre à un univers féerique en nous offrant ce « Irène la sirène ». Grosses pages cartonnées pour une prise en main excellente et sans pouvoir abîmer ce livre au petit format parfaitement adapté aux lutins-lecteurs. Irène s’élance dans une course folle avec de petits poissons et s’anime grâce à sa tête « bobinette ». En effet, les parents s’amuseront à animer l’histoire en glissant leur doigt dans la petite marionnette, ce qui fera sursauter de plaisir vos bambins ! A partir de 3 ans, vous pourrez les laisser expérimenter aux-mêmes la chose.

    Les Bobinettes, une collection animée parue chez Casterman.

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  • Des lutins dans le jardin !

    L’affiche de la « Fête des Courges » réalisée par Dominique Mertens.

    Les habitants de la région de Tournai, en Belgique, ont bien de la chance. Deux fêtes ayant pour thème la nature et le jardin auront lieu les deux prochains week-ends avec toutes deux de très jolies affiches.

    La première est signée Dominique Mertens et met en scène un « nain de jardin » fort sympathique poussant une brouette remplie de potirons et autres citrouilles pour la fameuse Fête des Courges d’Antoing ce troisième week-end de septembre. Toutes les infos sur www.courge.be

    La seconde affiche bénéficie d’un très joli dessin de René Hausman. On y voit sa petite Zunie tenant en mains une coccinelle et une pomme. La Fête de la Pomme a lieu à Rongy, près de Tournai ce 1er dimanche d’octobre.

    A propos d’Hausman, n’hésitez pas à vous plonger dans le site officiel qui regorge d’illustrations féeriques. Un vrai délice !

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  • Brian Froud – illustrateur du Petit Peuple

    Brian Froud
    L’homme qui dessinait les fées…

    Illustration de Brian Froud
    Illustration de Brian Froud

    Parmi tous les illustrateurs féeriques, un homme s’est largement distingué. Chacune de ses représentations nous fait traverser le Miroir. Brian le Magicien puise son énergie et son inspiration dans la Nature. Un amour partagé par son épouse, Wendy. L’exceptionnelle exposition en la galerie Daniel Maghen à Paris en mai dernier était l’occasion rêvée de quelques questions aux deux artisans de Féerie.

    Nous fêtons cette année les 30 ans de votre livre Faeries (Les Fées, Albin Michel) co-réalisé avec Alan Lee. Etes-vous conscient que ce livre est considéré comme une bible par les amateurs du Petit Peuple dans le monde ?
    Je suis très fier que le livre Faeries continue à fleurir et à faire partie de la vie émotionnelle des gens.

    Comment vous est venue l’idée d’écrire un tel ouvrage ?

    Le livre “Gnomes” fut un gros succès, les éditeurs voulaient une suite. C’est pourquoi ils ont demandé à Alan Lee et moi-même si nous pouvions illustrer un livre sur les fées. Nous étions tous deux intéressés par la mythologie nordique et nos bibliothèques contenaient beaucoup de livres sur les fées en particulier, donc nous avons répondu par l’affirmative. Les éditeurs furent choqués lorsqu’ils virent les textes et les images. Nous avions été fidèles autant que possible aux descriptions folkloriques des fées. Ce n’étaient pas les créatures amusantes, mignonnes auxquelles ils s’attendaient. Nous les avions tirées de leur crèche pour leur rendre tous leurs pouvoirs. Nous montrions que les fées étaient dangereuses et malicieuses et qu’ils ont toujours été une part des gens dans leur vie de tous les jours. Alan et moi-même n’avons rien ajouté – c’est un livre de vérité. C’est peut-être pourquoi les gens ont accroché. C’était comme s’ils revenaient chez eux. Nous avons démontré que le monde a une spiritualité cachée et que cela ressemble aux fées.

    Vous ouvrez le livre en affirmant que nul ne peut choisir d’entrer en faerie. Ce n’est pas réduire tout espoir pour vos lecteurs ?
    Si vous regardez le monde et votre environnement avec votre coeur, vous serez invités.

    Brian Froud prend une pose magique !

    Toujours dans Faeries, vous parlez du caractère universel des fées. Comment expliquez-vous le fait de telles croyances partout dans le monde et en même temps, ce sont surtout les créatures du Petit Peuple celte qui sont les plus connues ?
    Il y a eu floraison d’images dues aux peintres victoriens et par la suite aux illustrateurs de livres au tournant du siècle. Cela a popularisé et fixé les idées des fées celtes et européennes. La féerie existe dans toutes les cultures mais peut-être qu’ailleurs, dans d’autres traditions, cela perdure plus dans un mode de transmission orale – dans des histories contées et donc moins visuellement représentatives.

    Les êtres féeriques ont souvent une image douce et gentille, mais vous insistez sur le fait qu’il n’y a pas de méchante ou gentille fée car cette notion n’existe pas chez eux. Et pourtant vous avez sorti un livre intitulé Good Faeries/Bad Faeries
    Je désirais publier une suite à Faeries mais ne trouvais pas d’éditeur. J’avais entendu dire que personne n’achetait un grand livre illustré et qui plus est à propos des fées. Donc, j’ai continué à peindre avec cette frustration constante de cette idée qu’on se faisait sur les fées. J’ai eu la chance de tomber sur les carnets de Lady Cottington et ses fées pressées. Ce livre a eu du succès et a relancé l’intérêt pour un livre à propos des fées. Il y avait cette idée préconçue selon laquelle les fées, c’est pour les enfants. Ce n’est que lorsque, en désespoir de cause, j’ai parlé d’un livre sur les méchantes fées que j’ai reçu un avis positif d’un éditeur. J’avais également remarqué le comportement des gens en dédicace : ils tenaient mon livre comme un bien précieux, l’embrassait même avant de me le tendre. D’où l’idée que ce nouveau livre soit d’abord un objet que l’on puisse toucher, manipuler, aussi tactile que possible – ainsi de fil en aiguille l’idée d’un livre réversible, qui pouvait se lire à l’endroit et à l’envers comme une métaphore de la dualité des fées fit son apparition… Et au milieu du livre, des visages et des formes qui peuvent se voir de façons très différentes. Ceci reflète le caractère ambigu de la nature des fées. Dans le livre, je dis que les fées sont mouvantes, changeantes, ont plusieurs fonctions et plusieurs significations.

    Vous avez également marqué le cinéma de vos créatures. Quel est le plus beau souvenir que vous conservez de votre collaboration aux films de Jim Henson, The Dark Crystal et Labyrinth ?
    Ce fut un privilège de collaborer avec Jim Henson. Son approche ouverte et enthousiaste de la créativité fut très inspirante. L’amour des monstres de Jim m’a donné toute liberté et joie pour créer des créatures aussi étranges que merveilleuses. Mais mon plus beau souvenir fut la rencontre de ma future épouse, Wendy.

    Vos personnages sont très marqués. Ils ont énormément influencé les illustrateurs féeriques contemporains. Mais vous, qu’est-ce qui vous inspire?
    Je suis inspiré par la Nature. J’essaye de découvrir quelles choses ressemblent à son intérieur. Je recherche les formes spirituelles de la Nature. Mes meilleures créatures semblent familières, comme si on les avait déjà vues quelque part auparavant. Je combine souvent plusieurs éléments – une créature peut avoir quelque chose d’un poisson, d’un oiseau, d’un pied de table mais la synthèse de tout cela est froudien.
    Mon autre approche est moins rationnelle. Léonard de Vinci parlait de l’inspiration qui se trouve dans les tâches et fissures sur les murs – des univers entiers y sont à découvrir. Donc, j’ai souvent gribouillé des lignes sur un carnet de croquis et vu apparaître des formes féeriques. Ici, j’explore l’imagination dans ce qu’elle a de subconscient. Mes carnets sont remplis de formes en partie réalisées, sur la frontière de la compréhension – attendant le temps où elles seront pleinement réalisées en peinture.

    The Dark Crystal
    The Dark Crystal

    Ce lien entre Nature et Petit Peuple semble très fort. Par exemple, les champignons sont très liés à la féerie…
    Les champignons ont une connexion énorme avec la féerie. Comme les fées, ils sont ambigus et mystérieux. Ils ont des formes étranges, la plupart se cachent sous la surface du sol où ils transforment la matière organique. Ils apparaissent souvent d’un coup, comme par magie. Dans le folklore, là où dansaient les fées, ont voyaient apparaître des cercles de champignons se formant pendant la nuit…

    De votre autre ouvrage, Goblins !, on a tiré des peluches pour les enfants. Une envie de toucher le très jeune public ?
    Non, pas particulièrement. Ces jouets sont pour tous et spécialement pour les adultes ! J’aime voir grandir les mondes que je crée. Un dessin plat demande toujours à se voir transformer – peut-être va-t-il inspirer une sculpture de Wendy ou peut-être se verra-t-il animé dans un film ou deviendra-t-il une poupée ou s’ajoutera-t-il à un clip musical ou bien encore se transformera-t-il en un personnage qui vous accompagnera chaque jour – comme une peluche justement.

    Trouvez-vous qu’on accorde suffisamment d’importance à l’Imaginaire à l’école, dans la vie ?
    L’imagination est souvent oubliée car elle est pensée comme quelque chose d’inventé de non réel. Einstein insistait sur le fait que l’imaginaire était la plus importante et la plus profonde des activités humaines. Sans elle, il n’y aurait rien – pas d’invention, pas de changement, pas de solution à un problème, pas d’empathie, pas d’amour, pas de futur.

    Et vous, comment avez-vous connu les fées ? D’où tenez-vous vos connaissances ?
    En lisant des livres sur le folklore, en observant les peintures victoriennes, les illustrations des artistes de contes de fées, et en essayant d’étudier leurs approches diverses et variées. Puis, en trouvant ma propre voie pour exprimer ce que j’avais expérimenté dans le monde. En accordant de l’attention aux messages internes de la nature. En regardant avec le cœur et pas seulement avec les yeux et en faisant confiance à son intuition. En étant ouvert à une amitié avec le Petit Peuple et en essayant d’écouter ce qu’ils nous disent.

    Croquis et illustrations de Brian Froud

    Que pensez-vous des théories sur l’origine de tout ce petit peuple : des peuples nains ayant existé, des peuples troglodytes ou encore les anciennes croyances…
    Il y a très certainement eu des peuples de stature plus petite que celles qu’on connaît aujourd’hui. Prenez les Pictes du nord par exemple. Certaines théories prétendent que les fées feraient partie d’une mémoire collective issue de peuples ayant existé par le passé, bien que les fées ont toujours été liées à nos ancêtres. Les fées qui vivent sous les collines creuses font la fête et vivent avec les morts. Et pour cela, elles sont d’office liées à notre passé. Si les fées sont des esprits de la terre, alors elles refléteront certains aspects des anciens peuples qui vivaient dans ces contrées et pour cela les fées ont été assimilées à des diables et démons, mais beaucoup ont résisté à cette insulte et ont continué à honorer la terre et ses esprits.

    En Angleterre, la plupart des gens semblent familiers avec les fées. On voit de petites figurines partout, dans les salons comme au jardin.
    En Angleterre, il y a beaucoup de gens qui pensent que les figurines de fées sont kitsch et enfantines. Mais cette tradition a peut-être pour but un désir d’être connecté, dans une manière enfantine et naïve, à un monde magique. La décoration de jardin sous forme de nains, très commune dans les jardins anglais, est la forme d’un désir de connexion à la Nature et aux esprits du lieu. Le placement de telles images est une façon d’inviter les esprits à vivre au milieu de nous et de nous apporter la fertilité et une influence bénéfique sur le jardin.

    Votre créature féerique préférée ?
    Les fées ne me laisseraient pas avoir une créature favorite !

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    Quelques questions à Wendy Froud

    Comment vous est venue cette passion pour les marionnettes ?

    J’ai commencé à fabriquer des poupées dès l’âge de 5 ans. Mes parents étaient tous deux artistes et m’ont encouragé à m’exprimer, peu importe le support choisi. J’ai toujours été fascinée par la façon dont les hommes depuis les origines de l’humanité ont créé de petites images imprégnées d’une sorte de vie ou d’énergie. Ce sont des objets très personnels qui canalisent l’énergie de la personne qui les ont créés vers ceux qui les utilisent. Je crois fermement à cette idée d’imputer une énergie à chacune de mes créations. Souvent les gens me disent qu’ils peuvent sentir cette énergie et que ça les aide dans une certaine mesure. Je sens que nous, artistes et créateurs, nous avons le devoir d’insuffler un maximum de bonne énergie dans les univers que nous concevons. Les poupées sont extraordinaires pour cela car elles sont si expressives. Quelque chose fait d’une vieille chaussette et de deux boutons, en guise des yeux, placé sur les bonnes mains, peut faire pleurer une audience ou rendre les spectateurs incroyablement heureux.

    L'art de la marionnette par Wendy Froud

    Et votre goût prononcé pour la féerie ?
    J’ai grandi avec les fées. Ma mère m’a appris à croire aux esprits de la Nature et qu’on pouvait communiquer avec eux à plusieurs niveaux. Quand j’ai rencontré Brian, nos univers se correspondaient à la perfection.

    En participant à la création du personnage de Yoda pour Star Wars, vous vous êtes inspiré du Petit Peuple ?
    J’aurais aimé dire que oui mais en réalité, j’avais des dessins pour travailler. Je n’ai fait que suivre la direction indiquée pour développer le personnage.

    Pensez-vous que les marionnettes apportent un supplément d’âme par rapport à des personnages numériques ?
    Oui. Je crois vraiment que la performance ne peut être atteinte par un personnage numérique. Il existe des systèmes aujourd’hui qui permettent aux marionnettistes de manipuler les personnages sur écran ce qui aboutit à une performance plus crédible encore mais je continue de croire que la spontanéité qui se dégage d’une marionnette n’a pas encore été atteinte avec le numérique. La connexion, la connivence entre un marionnettiste et une marionnette, entre le créateur et sa créature est quelque part magique, du domaine de l’alchimie – la transformation de quelque chose d’inanimé en quelque chose qui communique des émotions profondes.

  • L'irrésistible parfum des fées

    L’irrésistible parfum des fées

    Etrangement, les fées sont de toutes les créatures de l’Autre Côté, à la fois les plus évoquées tout en étant les moins saisissables… Tantôt minuscules aux ailes de papillon, tantôt belles dames aux atours médiévaux. Figure aux milles images, toujours en mouvement, en transparence. Petite plongée au cœur de Faerie pour vous livrer quelques secrets sur les fées avant que ces dernières ne s’évaporent…

    Aux origines…
    Le premier constat lorsqu’on s’intéresse aux fées est la multitude de pistes qui s’offrent à nous. Car la fée est plurielle. Qu’on remonte à sa ou ses naissances mythologiques ou qu’on tente de la définir physiquement, on se heurte à nombre de possibilités.

    Qu’est-ce qu’une fée ?
    Pour tenter de le comprendre, il faut nécessairement s’attacher au mot. Pierre Dubois rappelle très justement dans son Encyclopédie des Fées (Hoëbeke) les propos d’Alfred Maury mettant en parallèle les fata (Parques) et les Fées ainsi que le mot fatum d’où découlera l’adjectif signifiant «destiné». On le voit, les fées ont quelque chose à voir avec l’idée de destin et leurs ancêtres divines, les Parques. On notera au passage que ces divinités étaient trois, tout comme le seront très souvent les fées dans les contes…
    Ce lien avec les divinités antiques est encore renforcé lorsqu’on s’arrête sur l’idée de fée marraine. Les Carmentes Anteverta et Postverta, divinités romaines de la connaissance du passé et du futur, étaient liées à la naissance des enfants qui se présentaient par la tête ou par les pieds. Au fil des siècles, la tradition voudra que les fées, comme les anciennes divinités, se penchent sur le berceau de nos enfants, leur procurant protection et bienveillance.

    Dans son Guide du chasseur de Fées (Le pré aux clercs), Edouard Brasey insiste sur la notion de beauté. La fée est un idéal de beauté. Voilà donc un autre trait essentiel, l’idée de beauté, de perfection. Une idée que Jean-Louis Fetjaine reprend dans sa trilogie des elfes (Pocket) où « les femmes elfiques étaient d’une telle beauté que les hommes qui n’avaient pas l’habitude de traverser leurs contrées les prenaient pour des fées ».

    Les traditions celtes et les récits arthuriens entraîneront les fées vers la pratique de la magie. De la prophétesse antique à la magicienne celte, il n’y avait en effet qu’une infime frontière, vite franchie. On y verra également le lien des fées à la Nature, provenant des croyances celtiques et de leurs cultes intimement liés à la Terre, chaque divinité étant la gardienne d’un lieu, d’une rivière ou d’une forêt… Ce lien à la Nature, nous le faisons encore aujourd’hui puisqu’il n’est pas rare de voir ci et là une petite figurine de fée orner un coin de jardin, petite divinité protectrice de cet endroit chéri. Beatrice Philpotts nous parle d’ailleurs des Fées du Jardin (Le pré aux clercs) avec poésie et tendresse. Fleurs, plantes et fées s’y côtoient, tout comme dans un autre ouvrage liant jardin et féerie, l’Herbier féerique par Amandine Labarre (AK Editions).
    Enfin, les idées de beauté et magie fascineront encore les auteurs du Moyen-Âge et donneront naissance à la fée courtoise, celle qui envoûtera nombre de cœurs de ces preuxs chevaliers…

    Nous parlions plus haut du caractère pluriel de la fée. Le mot anglais pour fée est fairy et il désigne tout membre du Petit Peuple. Dans son Dictionnaire féerique (Oxymore), André-François Ruaud reprend bien le terme fée comme un terme générique lorsqu’il affirme «Notons enfin que j’utilise indifféremment pour les êtres féeriques (mâles, femelles ou neutres) les termes esprit, fée ou génie». On s’éloigne donc de la définition typiquement française qui voit en la fée une figure féminine pour l’élargir à l’ensemble des créatures féeriques.

    Des fées à lire…
    Belle, liée à la nature, magicienne et prophète, la fée revêt mille apparences et reste par là insaisissable. Il en va de même dans les contes et romans où la plupart du temps, elle n’occupe qu’un second rôle, deus ex machina lorsqu’il faut faire avancer l’histoire par quelque artifice ou amorce à l’intrigue lorsqu’elle se fait responsable du destin des héros. Bien sûr, les fées sont présentes, traversent, transcendent les histoires. Marion Zimmer Bradley, Léa Silhol, Kathryn Kristin Rusch, Laurell K.
    Hamilton, Lord Dunsany et d’autres ont largement teinté leurs récits de poudre de fées. Et même si elles demeurent en retrait comme héroïnes, on peut affirmer que cet attrait des hommes pour les fées participe au succès du genre fantasy aujourd’hui.

    Le grand Shakespeare lui-même n’a pas échappé aux fées en écrivant son Songe d’une nuit d’été et le papa de Peter Pan, James Matthew Barrie, n’hésite pas à donner pour compagne à son héros, une petite fée espiègle et ô combien symbolique, Clochette. Croire aux fées ? Les auteurs ne sont pas en reste quand il s’agit de démontrer l’existence de ces charmantes créatures. Arthur Conan Doyle ira jusqu’à écrire un livre, Les fées sont parmi nous (Lattès) pour défendre les deux petites anglaises qui avaient réussi à photographier des fées dans le Yorkshire.
    Ces êtres magiques inspireront même certains ouvrages de science-fiction comme le Féerie de Paul J. McAuley où une jeune fille de douze ans convainc un pirateur de gènes à l’aider à réaliser son rêve : donner une âme à de petites poupées androïdes pour les transformer en véritables fées.

    On attirera enfin l’attention sur deux œuvres parues aux éditions Terre de Brume. La Compagnie des Fées de Garry Killworth tout d’abord, qui revisite sur fond de fantasy urbaine le classique de Shakespeare, l’occasion de redécouvrir Titiana et Morgane dans un contexte surprenant. Le Parlement des Fées de John Crowley, ensuite, qui réussit à placer les fées comme elles doivent l’être, en transparence, toujours présentes, influentes sans qu’on ne puisse pourtant les apercevoir. Ce chef d’œuvre de la littérature fantasy nous parle de l’univers des fées comme d’un royaume intérieur, et cette vision rejoint bien cette impression d’invisibilité des fées. Peut-être, qu’au fond, le royaume des fées n’existe que dans le cœur des hommes. C’est aussi ce que semblait penser James Matthew Barrie lorsqu’il affirme qu’à chaque fois qu’un enfant ne croit plus aux fées, une de celles-ci disparaît…

    Les fées noires
    Insaisissable, invisible, symbole de pureté, d’innocence, la fée dans toute sa blancheur n’apparaît pas comme une figure facile d’utilisation dans un récit. Par contre, s’il existe des fées blanches, il doit bien y avoir leur opposé. Elle se révolte, agit, fait mal, maudit, devient cruelle et méchante. Son ambiguïté intéresse alors les auteurs et son personnage, les lecteurs. Empêchée de prendre part au repas des fées, la dernière marraine maudit l’enfant et la condamne à un repos éternel le jour où elle se piquera au funeste fuseau (La Belle au bois dormant). Et la sorcière, cette femme pratiquant la magie noire, effrayant les enfants et envoûtant de ses charmes les mâles innocents, n’est-elle pas, après tout, qu’une mauvaise fée ?
    Les fées condamnent, portent malheur, il faut les fuir, les éviter… Pierre Dubois, en éminent elficologue, prétend que les fées vengeresses, déçues et blessées par le comportement des hommes envers la nature, sont à l’origine des cataclysmes, des tempêtes et des bourrasques. L’heure n’est plus à l’indifférence mais à la révolte !

    Dessine-moi une fée !
    Comment ne pas terminer cette brève réflexion sur les fées par le phénomène qui marque les librairies

    Le livre des fées séchées de lady Cottington

    depuis quelques années, surtout en période de Noël : les images de fées. Car ce que semblent rechercher avant tout l’amateur est bien une représentation de celle qu’il admire. Ces véritables icônes de l’Imaginaire se déclinent alors en cartes postales, calendriers, ouvrages divers et variés comme le célèbre Livre des Fées séchées de lady Cottington des incontournables Brian Froud et Terry Jones (Glénat) qui saisissent avec humour nos petites amies à la manière des herbiers. Brian Froud encore avec Alan Lee cette fois qui proposent un superbe recueil de créatures intitulé tout simplement Les Fées (Albin Michel). Sans oublier Le Livre des Fées de Beatrice Philpotts qui dresse un portrait de Faerie abondamment illustré par une kyrielle de maîtres de l’illustration féerique. La bande dessinée aussi recèle de véritable petits bijoux comme le Fée et Tendres automates de Téhy et Béatrice Tillier (Vents d’Ouest) ou encore Loisel qui dans son Peter Pan, revisite avec succès la fée Clochette, succès retentissant dans le mondes des planches et des bulles.

    Une collection 100% fées

    Récemment, les éditions Spootnik ont lancé une collection dédiée aux fées. Confiant les pages illustrées à des dessinateurs aux styles variés, la collection Estragon s’enrichit au fil des mois de beaux livres au format carré qui nous plongent dans la Féerie. Dessins, poèmes, contes, illustrations de fées se succédent dans des univers variés. A noter qu’il existe également des livres jeunesse dans cette collection à commencer par le très utile Hôpital des fées pour aborder le thème de l’hôpital avec les jeunes enfants…
    Petite conclusion féerique…

    Ce besoin inextinguible d’admirer les représentations de fées, doit-on le comprendre comme une tentative d’entrevoir ce qui ne peut être vu ? Est-ce là une façon d’entrouvrir la porte de l’Autre Côté ? Ou de rechercher la bénédiction, la protection de ces Demoiselles et Bonnes Dames ? Quoiqu’il en soit, les fées ont encore de beaux jours devant elles car l’homme, apparemment, n’a pas fini d’y croire. Au détour d’un chemin, au milieu d’une forêt ou assis sur ce banc, dans votre jardin, fermez les yeux, respirez doucement. Vous le sentez vous aussi n’est-ce pas ? Cet irrésistible parfum des fées…

  • Erwan et Ronan Lebreton – Interview

    Erwan & Ronan Le Breton
    La passion des Légendes

     

    Enrôlés par le Petit Peuple dans toutes ses aventures, les deux frères Le Breton devaient avoir bien des histoires à nous raconter… Mais comment attirer les deux scénaristes prolifiques de la collection Soleil Celtic loin des jeux de ces joyeux farfadets ? Malgré tout, nous avons pu soutiré les deux hommes aux farandoles lutines le temps de deux petites heures. Juste le temps qu’ils nous dévoilent quelques-uns de leurs secrets…

    D’où vous est venu l’envie de scénariser ?
    Erwan : Pour moi, clairement du jeu de rôles.
    Ronan : Enfant, j’ai toujours lu des contes et légendes ainsi que de la mythologie. Notre mère était prof et, en tant que prof, elle avait des prix sur des beaux livres illustrés. Elle revenait régulièrement avec des livres de contes et légendes. Par la suite, et étant donné la passion de mon frère, je me suis intéressé au jeu de rôle.

    Vous faites partie des premiers auteurs de la collection « Soleil Celtic », dirigée par Jean-Luc Istin. Que pensez-vous de son catalogue?
    Erwan : C’est un catalogue qui s’est beaucoup développé. Au début, je considérais plutôt « Soleil Celtic » comme « Jean-Luc Istin présente ». Maintenant, ça se recentre vraiment sur ce qui représente à mes yeux sa « spécificité éditoriale » : les références directes ou symboliques au folklore et à l’histoire de la Bretagne, l’Irlande, l’Ecosse, etc. Aujourd’hui, la collection compte Thierry Jigourel qui est un folkloriste pur et dur et Claudine Glot, auteure d’un livre sur les fées. Il y a encore des beaux livres qui arrivent sur les Druides, sur les Dragons dans la tradition celtique. Ça devient très cohérent. Autre exemple, Merlin est rapatrié chez « Soleil Celtic » alors qu’il était dans le catalogue Soleil « général ».

    D’où vient Koc’h, le korrigan narrateur des contes ?
    Erwan : Pour l’anecdote, la première fois que Jean-Luc et moi avons parlé de Koc’h le Korrigan et du concept de contes folkloriques, c’était à un mariage. A l’origine, notre première idée était de prendre l’Ankou comme personnage narrateur et on voulait le faire à la façon des contes de la crypte. L’Ankou aurait été dans son cimetière et aurait invité les gens à venir écouter ses histoires. Avec le recul, je ne pense pas que ça aurait été aussi efficace et aussi populaire que ce qu’on a fait avec Koc’h. Rapidement on s’est dit qu’on allait garder l’Ankou pour une série sombre et le projet s’est concrétisé ensuite avec Les Contes de l’Ankou. Comme personnage emblématique on a alors pensé au korrigan. Jean-Luc lui a donné son visage et ses attitudes, Ronan et moi lui avons donné sa « voix » et son nom. Koc’h est un mot que notre grand-père nous avait appris et qui voulait dire « fiente » ou « excrément ». Le mot sonnait bien… Bien sûr, il y a une raison au nom de Koch mais ça on la garde pour un album futur ! Ce nom n’est pas anodin…

    Avec Les Contes de l’Ankou, vous abordez un thème plus sombre…. On dit que la mort fascine les bretons…
    Erwan : Il y a une chose dont on s’est vraiment rendu compte en lisant toutes ces histoires lorsque nous étions enfants, puis un peu plus grands, c’est qu’on se moque toujours du diable en Bretagne, il ne fait peur à personne. On parle de l’enfer et de la damnation mais sans les prendre trop au sérieux. En revanche, la mort n’est pas un sujet de rigolade. C’est aussi pour ça qu’au fur et à mesure, on s’est éloigné du personnage d’Ankou narrateur un peu idiot, ça ne collait pas. L’Ankou n’est pas un personnage maléfique par essence puisqu’il est juste « le passager des âmes », le « cocher ». Il est respecté car quand tu es mort, ton âme doit être transportée vers le purgatoire, le paradis ou l’enfer… Pour l’enfer apparemment, il y a un raccourci ! Mais pour les autres, elles passent toutes par le royaume de l’Ankou. Il y a toutes les superstitions qui l’entourent : si tu entends le bruit de sa charrette, c’est que toi ou quelqu’un de ta maison va mourir dans les jours qui viennent ; si tu le vois, tu es sûr d’y passer… Il y a vraiment une fascination : il y a des récits modernes qui mettent en scène le personnage de l’Ankou, des contes d’horreur dignes de ceux de Poe ou de Maupassant. C’est un personnage traité très sérieusement.
    Ronan : C’est un mélange entre croyances païennes, où des liens demeurent avec les morts, et foi chrétienne. Au fil du temps, la Mort est devenue un personnage beaucoup plus inquiétant, voire diabolique, alors qu’elle ne l’était pas à l’origine. Dans la Bretagne rurale du début de siècle, les gens n’en parlaient pas vraiment, mais en même temps, ils savaient énormément de choses. Il n’y a qu’à lire le livre d’Anatole Le Braz sur la Mort, un livre sur les superstitions bretonnes : les intersignes de la Mort en occupent une grande partie.

    Dans les Légendes de la Table Ronde, vous optez plus pour les versions chrétiennes, non ?
    Ronan : Les sources sont médiévales. Il n’y aura jamais le personnage de Galahad. Je ne vais pas non plus chercher les sources les plus récentes qui sont elles hyper christianisées. On y développe toute l’origine du Graal : il vient de Terre Sainte et on le rattache au Christ. Chrétien de Troy ne dit pas du tout ce qu’est le Graal et il n’y a vraiment aucune référence chrétienne. C’est après qu’on commence à imaginer une histoire autour de ça. Comme dans les contes folkloriques bretons, au début il y a le folklore et la superstition locale païenne, liée aux menhirs, aux esprits et à la nature. La version chrétienne essaie de se réapproprier ça et de le faire rentrer dans son propre univers, dans son cadre et dans son langage. Dans les Légendes de la Table Ronde, j’essaie de montrer que, pour moi, la source arthurienne (celte, galloise) antérieure au christianisme a été réinterprétée par le christianisme. J’utilise Arthur, son royaume et son règne, comme une période de transition entre le monde celte, païen et chrétien : une période qui passe des druides et des cercles de pierres aux prêtres, Chrétiens, églises et ermitages. On change de religion : on passe de la nature, des éléments et de la déesse-mère à la Sainte Trinité et à la vierge Marie…

    C’est un peu le point de vue de Jean-Luc Istin dans sa série qui touche au mythe d’Arthur…
    Ronan : Oui, c’est vrai. Toutefois, ma référence première et visuelle pour les Légendes de la Table Ronde reste Excalibur de Boorman, avec ces chevaliers en armure complète qui cavalent ! Boorman, c’est Mallory. C’est le 15ème siècle. C’est le dernier grand roman arthurien qui fait la synthèse de tout ce qui a été écrit auparavant : Chrétien de Troyes, Lancelot, le gallois, les épisodes anglais, etc. Il y a un beau travail de synthèse, une certaine cohérence. Avant cela, chaque épisode, chaque manuscrit a été écrit dans l’une ou l’autre abbaye… Il y a forcément des incohérences, cela ne s’inscrit pas dans une continuité. C’est un peu comme dans une sitcom américaine où il y a plusieurs auteurs qui ne se consulteraient pas… Mallory a justement tout mis ensemble et essayé de construire un récit plus cohérent. Je trouvais ce travail très intéressant.

    Lorsqu’on referme le premier tome des Légendes de la Table Ronde, on a l’impression d’un récit clôt. D’autant plus que d’emblée, on nous annonce la mort d’Arthur. On a l’étrange sentiment que ce premier tome n’en appelle pas d’autres…
    Ronan : Au premier tome, on ne connaissait pas le nombre de tomes pour la série. En présentant les histoires les plus connues, on donne peut-être cette impression d’avoir fait le tour mais c’est très loin d’être le cas. A partir du tome 2, ce sera plus cadré et plus continu du fait que je suis seul à écrire. Je pars sur des trilogies… La série se réorientera autour du personnage de Lancelot. C’est un peu le mythe arthurien au travers des yeux de Lancelot.

    Trois séries mais un seul univers légendaire ?
    Ronan : En réalité ce sont trois mondes assez différents. Pour l’Ankou, il s’agit d’un univers gothique, fantastique…Dans Les contes du Korrigan, nous sommes plutôt dans la féerie. C’est presque un registre comique. La série est destinée à un public jeune comme on s’en est rendu compte… Les Légendes de la Table Ronde évoluent dans un univers plus dramatique et qui repose sur des personnages plus complexes avec Lancelot notamment qui est le seul à douter. C’est le double d’Arthur. Arthur est sûr de lui, rayonnant, c’est le roi. Lancelot remet ses choix en question…
    Erwan : Avec Lancelot, on est assez proche de la figure de Judas par rapport au Christ… Dans la version de l’Evangile de Judas, Judas est le disciple préféré du Christ et c’est par amour pour lui qu’il le trahit…

    Si on regarde Les contes du Korrigan, vous travaillez avec des dessinateurs issus d’un même registre…
    Erwan : C’est vrai que dans ce cas, nous voulions répondre à un certain genre « jeunesse ». Ce qui pénalise la plupart des collectifs c’est souvent le fait de se retrouver avec des styles trop diversifiés car graphiquement, ce n’est pas cohérent. On est plus dans le recueil, l’anthologie et lorsqu’on lit une anthologie, on tombe sur une histoire qu’on aime, et la suivante qu’on aime moins…

    Le fait de travailler avec des dessinateurs proches dans leur style réduit-il le fait d’aimer ou pas une histoire ?
    Erwan : Oui, les lecteurs ne sont pas déçus en voyant la couverture et les histoires intérieures. Et ils ne sont pas désorientés d’un tome à l’autre. Ce qui a dû pénaliser le Grimoire du Petit Peuple, c’est justement cette hétérogénéité. Du coup, c’est très expérimental et à ça, souvent, le public n’accroche pas trop. Les enfants, une fois qu’ils ont goûté à quelque chose, recherchent souvent les mêmes sensations. Ceci a été imposé clairement par Jean-Luc dès le départ. La série serait dans un style précis. Ce qui n’empêche pas des variations, bien entendu, mais ça reste toujours dans le même esprit.

    Que pensez vous de la morale qui traverse les contes ?
    Ronan : En schématisant, on peut dire que les contes de fées doivent toujours finir bien et les histoires mythologiques, elles, finissent toujours mal. Maintenant pour ce qui est de la morale, le Petit Peuple n’en a pas, c’est-à-dire que c’est une notion étrangère à ces créatures. Le concept est intéressant et nous aimerions le traiter dans une série plus adulte. Ici, nous avons fait le choix de nous rapprocher du conte de fée.
    Erwan : On s’est quand même basé sur des contes bretons où l’humain, à la fin, est récompensé par les fées. Ceci parce qu’il s’était bien comporté. Et par « bien comporté » on n’entend pas vraiment une morale chrétienne, obéissant à une série de règles de société. Non, c’est plutôt basé sur des valeurs universelles.

    Abordons maintenant le monde des contes et légendes. Nous découvrions au fil des voyages de Koc’h, les légendes bretonnes, irlandaises, écossaises… Y a-t-il une grande différence entre les contes bretons et les autres ?
    Erwan : Il y a des contes typiques. L’Ankou par exemple est un personnage breton. Il y a des contes propres à chaque culture mais il est vrai qu’on va trouver des sirènes, des lutins fort semblables, si ce n’est par le nom, d’un pays à l’autre. C’est très rare qu’on découvre quelque chose sans équivalent en Bretagne. Maintenant, il y a aussi des liens avec l’histoire des différentes contrées. Beaucoup de créatures sont liées aux marins en Bretagne et des lutins guerriers, comme les Red Caps, se rencontrent là où l’Histoire fut marquée par les guerres.
    Peut-être trouverait-on plus de différences avec les fées sombres qu’on a moins abordées. Les contes écossais sont plus cruels, les contes bretons (notamment avec les fées noires) sont plus macabres.

    Quel conseil donneriez-vous à un humain qui désire rencontrer les créatures du Petit Peuple ?
    Ronan : D’aller dans la campagne un soir de pleine lune… Bon à Carnac, il y a trop de touristes, mais on peut trouver des cercles de pierres moins fréquentés…
    Erwan : Et ne pas oublier d’amener une offrande, quelle qu’elle soit. Ou de jouer de la musique, cuisiner quelque chose ou apporter un bol de lait… Ou le dernier tome des Korrigans dédicacé par les auteurs… (rires)

    Quelle est la légende que vous aimeriez aborder dans un projet futur ?
    Erwan: La légende de Cuchulain. Ça a failli se faire chez Soleil, Jean-Luc était intéressé mais il voyait plus le côté « guerrier celte, irlandais »… Ce côté m’intéressait moins. J’aimerais peut-être faire quelque chose qui se passe de nos jours. Sinon, j’ai un grand faible pour Macbeth. J’aimerais en faire une bd dans une version modernisée…
    Ronan : Outre Lancelot, j’aimerais travailler sur Beowulf mais en beaucoup mieux que la version qui a été faite au cinéma…

    Que pensez-vous de la place de l’Imaginaire dans notre société ?
    Erwan : Nous sommes la génération des 25-35 ans. L’imaginaire, on connaît. C’était l’époque des jeux de rôles, Donjons et Dragons, Tolkien était bien connu, les Stephen King étaient à la page. C’est aussi la grande époque Star Wars… On est tous passés par le fantastique et la fantasy. Ensuite, la génération des 15-25 semble être passée par une traversée du désert. L’horreur était confinée au slasher movie, la fantasy était marquée par des daubes au cinéma… A la télé, c’était les sitcoms, Alerte à Malibu, ce genre de choses… Le jeu de rôle était remplacé par les cartes Magic. Du coup, on a eu une génération sacrifiée. Dans le jeu vidéo, où j’ai commencé, c’était des jeux de guerre, de voiture ou de foot. On était dans une réalité sublimée ou à la bad boy mais pas dans l’imaginaire. Et puis, Dieu merci, il y a eu deux choses fabuleuses : Harry Potter et Jackson avec le Seigneur des Anneaux. Du coup la génération des 5-15 ans est sauvée.

    Pour vous le Seigneur des Anneaux est donc une pleine réussite ?
    Erwan : Oui, Peter Jackson a été le premier a traiter sérieusement la fantasy au cinéma. On ne rigole pas et ce n’est pas kitsch. Gandalf avec la crasse sous les doigts, ça m’a marqué. Les cottes de maille forgées à la main par des artisans pour passer 15 minutes dans le film, c’est pareil, c’est énorme ! Certes, il y a l’histoire d’amour ajoutée mais Jackson est resté très proche du livre de Tolkien. Respect !

    Quels sont les auteurs de fantasy que vous lisez volontiers ?
    Erwan : Pendant longtemps, je n’ai plus lu de fantasy. J’avais l’impression d’en avoir fait le tour et que les auteurs se répétaient. Je me suis arrêté après la Belgariade d’Eddings. Côté français, j’avais juste lu Gaborit et un peu de Colin… Et puis, il y a deux ans, un ami m’a parlé du Trône de fer. J’ai découvert quelque chose de très mature, très vrai qui m’a vraiment plu. De là, j’ai été amené à lire Robin Hobb et d’autres. Bref, Le Trône de fer a été un véritable renouveau pour moi.
    Ronan : Moi, je suis plus un lecteur de contes et légendes. Sinon, je suis lecteur de fantastique… Là, j’ai redécouvert Philip K. Dick dans ses œuvres non SF. Le Maître du Haut-Château par exemple.

    Quels sont vos projets ?
    Erwan : Il n’y a rien de signé. J’ai un projet à la Neil Gaiman, mais bon, il faut le concrétiser et trouver le bon dessinateur. Le deuxième projet m’amènerait vers le Manga et l’Asie mythologique… Le déclencheur de tout ça, c’est que, durant mes études, j’ai fait un DEA sur un poète et dramaturge irlandais qui s’appelle William Butler Yeats et qui a écrit entre 1885 et 1939 en reprenant le folklore irlandais pour en faire des poèmes et des pièces. Puis, il a découvert le théâtre Nô et cela a bouleversé sa conception de la scénographie. A la fin de sa vie, il a écrit des Nô irlandais. J’ai donc envie de faire quelque chose proche de cette fusion entre Asie et celtisme.
    Ronan : Quant à moi, j’aimerais bien aller vers du plus sombre. Pour l’instant les circonstances ne se sont pas encore présentées. Un univers plus adulte, plus noir… Quelque chose entre l’Histoire et le contemporain… J’ai aussi présenté d’autres thématiques à Jean-Luc (Istin, ndlr.) pour « Soleil Celtic ».

    Propos recueillis par le Peuple féerique en avril 2006

    NOTES:
    La richesse des Contes celtiques
    Issus du jeu de rôle et d’abord auteurs de livres dont vous êtes le héros (chez Hachette jeunesse), Erwan et Ronan Lebreton nous font aujourd’hui partager leur passion pour les légendes bretonnes à travers plusieurs collectifs de bande dessinée : Les Contes du Korrigans (7 tomes parus) et Les Contes de l’Ankou (3 tomes parus). Dans le premier recueil, Koc’h, un facétieux lutin, nous fait découvrir par ses voyages toute la richesse et la diversité du petit peuple. Dans le second, l’Ankou ou la Mort nous plonge dans les ténèbres de son esprit.
    De son côté, Ronan signe le scénario des Légendes de la table Ronde (2 tomes parus). Il s’attaque aux récits issus de la mythologie celtique à travers Arthur et ses chevaliers. Lancelot sera le personnage conducteur de cette série de la collection Soleil Celtic.

    Titres de la collection Soleil Celtic
    Les contes du Korrigan (E. & R. Lebreton/Collectif)
    Les contes de l’Ankou (E. & R. Lebreton/collectif)
    Les contes de Brocéliande (Collectif)
    Légendes de la table ronde (R. Lebreton/Collectif)
    Le grimoire de féerie (Istin/Debois/Minguez)
    La rose et la croix (Critone/Jarry/Richemond/Pieri)
    La Quête du Graal (Bileau/Debois/Stambecco)
    Le sang du dragon (Michel/Istin/Cordurié)
    Les Druides (Lamontagne/Istin/Jigourel)
    Merlin, la quête de l’épée (Demare/Istin/Cordurié)
    Merlin (Lambert/Istin/Stambecco)

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