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  • Petite promenade en Brocéliande en compagnie de Claudine Glot

    Pour qui s’intéresse de près aux légendes arthuriennes, un nom apparaît très vite parmi les auteurs ayant exploré cet univers vaste, partagé par toute une culture celtique allant des pays anglo-saxons à la Bretagne, terre des Korrigans. Ce nom, c’est bien sûr celui de Claudine Glot qui a fondé et préside le Centre arthurien de Brocéliande, fleuron des bastions de l’Imaginaire en France. Témoin privilégié de l’énorme intérêt des gens pour Arthur, Merlin, Lancelot et leurs compagnons, l’érudite se fait aujourd’hui auteure aux côtés de Marc Nagels et nous offre une trilogie autour d’Arthur. À l’occasion de la sortie du premier tome, Excalibur, aux éditions Le Pré aux clercs, nos fées et lutins se sont précipités aux portes de Brocéliande pour assaillir de questions la passionnante Claudine Glot. Entrevue magique et promenade féerique au pays d’Arthur…

    Vous êtes la fondatrice du centre de l’Imaginaire Arthurien. Pouvez-vous nous expliquer brièvement comment cette idée a germé et a pu se concrétiser ?

    À défaut de l’idée même du centre, la passion pour l’univers arthurien et plus largement le monde celtique, les mythes et les légendes était là depuis longtemps. Puis, à partir de 1979, il y a d’abord eu une revue, Artus (Pays celtiques et mondes nordiques), où nous traitions de ces thèmes à travers l’histoire, l’art, la littérature. Puis, en 1987, alors que je travaillais dans le développement culturel et touristique en Centre Bretagne, aux abords de Brocéliande, l’occasion s’est présentée de proposer un projet à la fois breton et européen, touristique et culturel. En quelques jours, l’idée du Centre a pris forme, et nous avons obtenu un financement qui nous a permis de démarrer et de tenir les deux premières années. Pierre Dubois faisait partie de cette toute première équipe et nous accompagne depuis (Depuis, nous sommes en autofinancement, sauf pour des projets spécifiques comme les différents projets européens). Puis, en 1990, est arrivée une superbe nouvelle : Madame Ferrand, propriétaire de Comper, voulait bien nous y accueillir. Un château breton avec un rempart du XIVe siècle, au bord du lac de la fée Viviane, dans la forêt de Brocéliande ! On pouvait remercier les esprits des lieux.

     

    Avez-vous vu une évolution par rapport à l’intérêt du public pour l’imaginaire arthurien depuis le début du Centre ? Comment l’expliquez-vous ?

    J’ai vu s’élargir le nombre des passionnés. J’ai vu aussi l’attitude des gens changer : ils revendiquent leur goût pour le merveilleux, la féerie, au lieu de l’avouer presque furtivement comme il y a vingt ans. Sans doute sont-ils plus libérés d’avouer que l’on se sent à l’aise dans l’univers des légendes, qu’il est nécessaire, vital. Ils savent qu’ils ne sont pas seuls, et se réconfortent de ce sentiment de confrérie, mi-secret mi dévoilé.

    Bien souvent, en parlant avec nos visiteurs, il me semble que les univers arthurien, celtique, médiéval, féerique ou surnaturel (chacun compose son propre mélange, comportant des doses variables de ces différents mondes), est un antidote à la vie moderne, et qu’il aide à la supporter. La féerie, comme ils en parlent, je la ressens non comme un refuge muré ou un lieu de retraite, de fuite, mais comme une part de soi très précieuse et ardente, dont on connaît la présence permanente et rassurante.

    Mais une chose qui n’a pas changé, c’est l’infinie variété des origines des amoureux de la légende (âges, nationalités, religion, etc.), tout comme l’infinie variété déployée dans la façon de l’aborder et de s’en nourrir.


    Vous avez écrit avec Marc Nagels, un roman reprenant l’univers d’Arthur, Excalibur paru au Pré aux Clercs. Pourquoi cette réécriture ?

    Depuis 22 ans que je m’occupe du Centre, j’ai beaucoup écrit sur les légendes celtiques, la légende arthurienne et sur la forêt de Brocéliande. Des articles, des dossiers, des  documents, des essais. J’ai aussi écrit des contes, des romans pour la jeunesse sur les fées  ou sur Merlin, le roi Arthur, etc. Mais il fallait bien un jour faire le grand saut, et donner notre version de la légende. C’est-à-dire, dans le vaste corpus légendaire rédigé depuis des siècles, trouver notre vérité arthurienne, nos préférences, les mettre en cohérence. Sortir d’une version très répétitive et contraignante sans entrer dans une fiction irrespectueuse de ses origines. Je n’ai pas l’intuition fulgurante de Guy Gavriel Kay, le talent de Zimmer Bradley, l’inventivité de Eddings ou les dons du regretté Robert Holdstock, mais je me suis dit un jour que moi aussi, j’avais quelque chose à raconter, et que je me sentais enfin assez solidement armée pour tenter l’aventure…

    Marc Nagels, je le connais depuis près de vingt ans. Nous sommes unis par une vieille amitié, d’abord et surtout. Et puis nous partageons un goût commun pour la littérature, et une passion pour les légendes celtiques et arthuriennes, et nous avions si souvent parlé de notre façon de voir la légende arthurienne, de nos héros et épisodes favoris… Nous avons d’ailleurs déjà travaillé ensemble pour « Fées, elfes, dragons et autres créatures des mondes de féerie… » ainsi que pour L’Europe des Vikings, tous deux parus chez Hoëbeke, en parallèle avec les expositions de Daoulas.

    Dans l’introduction, vous expliquez qu’il y a en réalité plusieurs « courants » arthuriens, plusieurs points de vue, dont une certaine différence entre l’histoire anglaise et l’histoire française…

    Et ce n’est pas tout : six siècles, des centaines de milliers de lignes ou de vers, des auteurs de tous les pays d’Europe… Je vous laisse imaginer les variantes de cette somme de romans, en un temps où la propriété littéraire n’existe pas, où chacun est libre de réutiliser les personnages tout en les transformant, et de s’inspirer sans devoir de fidélité aux œuvres préexistantes. Certains considèrent cette richesse, cette variété, cette mouvance comme un problème ; personnellement j’y vois plutôt une chance et un des grands charmes des romans de la Table Ronde.

    Oui, je crois qu’on reste trop sur la version canonique… ou du moins sur celle qui s’est établie comme telle. La Vulgate (les 5 romans en prose qui vont de la passion du Christ à la mort du roi Arthur) solidement construite autour du Graal, a forte teneur ecclésiastique, a écrasé les romans dits « épisodiques » et même les romans du graal en vers. Or tous ces derniers m’ont toujours paru plus merveilleux, pleins d’exploits et d’espoir, car toujours recommencés. Le Graal qui donne la vie et la nourriture éternelle est très mortifère pour la Table Ronde. Ils magnifient le monde de la chevalerie et y mettent fin, sans lui donner l’ombre d’une chance.

    Quant à la différence entre les Anglais et les Français, elle est curieuse : l’Angleterre donne la première fiction, l’Histoire des Rois de Bretagne, avec ses fées, ses géants, ses dragons, et le dernier texte, Le Morte Darthur, de Malory. Et très peu de choses entre les deux. Le Morte Darthur qui reprend toute la tradition des romans français de la Vulgate du graal plus des traits de folklore celtique de Grande-Bretagne, organise le récit en un ensemble cohérent. Et cet ensemble est, depuis, sans cesse réutilisé par le monde anglo-saxon (littérature, cinéma) comme l’œuvre unique de référence. Ce qui fait que les caractères qu’il dessine, les situations qu’il met en scène sont devenues les seules références de nombre d’amateurs de la légende arthurienne.

    Alors que c’est en France que se construit l’ensemble du fonds littéraire : très nombreux romans en vers contant des aventures merveilleuses, grandes suites en prose donnant toute une importance majeure à l’histoire du Graal et à sa Quête, créant même un nouveau héros, Galaad

    Enfin, les Anglais ont toujours recherché une vérité historique arthurienne, assez évanescente à vrai dire, par souci politique et dynastique. Alors que les Français, dont le royaume avait déjà trouvé ses racines antiques, ne considérait que l’aspect artistique et littéraire de la légende.

    Via le cinéma, l’incontournable dessin animé Disney, les grands auteurs de fantasy anglophones, une certaine connaissance du mythe arthurien s’est imposée… Du coup, la lecture de votre livre remet un peu les choses en place… On pense à l’origine d’Uther Pendragon, en réalité deux frères, Uther et Pendragon. On pense aussi aux différents lieux et leur situation géographique, au lien entre Grande et petite Bretagne… Autant de choses rendues plus claires dans votre ouvrage…

    C’est mon côté prof et mon côté gardienne de la flamme qui se sont ainsi réunis ! Pas très rock’n roll mais utile parfois.

    Par contre vous enlevez une sacrée couche de chrétienté, ne passe-t-on pas dès lors à côté d’une caractéristique du chevalier, plaçant Dieu avant toute chose (même si cela relevait plus d’une symbolique, voire d’une propagande à l’époque de la fondation du mythe arthurien) ?

    Le chevalier tel que vous le décrivez est une construction romanesque somme toute tardive dans l’évolution des thèmes arthuriens. Ou il s’agit d’un membre d’un ordre de chevalerie : là, c’est un autre registre, celui de l’histoire. L’ascèse de la chevalerie ne s’invente pas avec le christianisme. Le chevalier arthurien est l’héritier des guerriers de Finn, des héros irlandais partant seuls à l’aventure, en un temps où le christianisme n’existait pas. Dans les grands romans du graal, le service de Dieu placé plus haut que toute autre action nous offre un héros déshumanisé et, paradoxalement, privé de merveilleux,  d’arrière plan mythique, comme Galaad, que Jean Cocteau appelait très justement le chevalier robot. Il chevauche, il prie, il tue. Mais tout chevalier arthurien s’efface devant ce qu’il a élu de plus grand : le roi, l’honneur, l’amour sublimé de la Dame, et enfin Dieu. Comme pour le Graal, ce n’est pas l’objet (le but) qui compte, mais la démarche (ou même la marche), le mouvement vers, l’état d’esprit qui accompagne cet élan.

    Je n’ai pas eu le sentiment d’enlever quoi que ce soit ; juste de recourir à des sources existantes mais moins souvent utilisées. Je ne voulais pas recourir à la tradition romanesque qui reconstruit toute la Matière de Bretagne en fonction du Graal, avec pour but de mettre fin aux « enchantements de Bretagne ». Ces enchantements qui, justement, m’enchantent ! La version que j’ai suivie est tout de même initiée par Chrétien de Troyes et ses continuateurs, et elle n’est pas antichrétienne. Elle est courtoise et merveilleuse, et celtique dans ses origines, et s’écrit dans une société chrétienne. C’est ce qui m’intéressait, et qui ne se trouvait pas dans les versions de Langlais ou de Boulenger. Je n’ai pas situé mon récit dans une société non-chrétienne, au contraire. Simplement, je ne soumets pas toute l’aventure héroïque à un formatage ecclésiastique, superbement construit et écrit cependant.

    Comptez-vous poursuivre cette aventure romanesque ?

    Nous sommes déjà en train de la poursuivre. Deux volumes sont prévus, et déjà en écriture. Le second se concentrera sur les aventures chevaleresques, les exploits de la Table Ronde, et le troisième sur la Quête du Graal.

    Que sont les fées dans le mythe arthurien, leur origine, leur place et ce qu’elles symbolisent ?

    On ne voit pas toujours à quel point elles sont présentes et combien leur rôle est primordial. Que ce soient les plus nobles fées ou les plus modestes, celles qui ne sont même pas nommées, il n’est pratiquement pas de personnage féminin qui ne soit féerique dans le légendaire de la Table Ronde, même la reine Guenièvre. Les fées sont clairvoyantes, prophétesses, guérisseuses, elles savent le destin de ceux dont elles guident la route. Elles enseignent et intronisent les chevaliers et le roi lui-même. Elles vont et viennent entre notre monde et l’Autre Monde, entre les palais, les eaux, les forêts.

    Dès que le chevalier quitte le monde façonné par les humains (châteaux, villes, champs) et qu’il entre dans la nature, il pénètre dans un monde sous-tendu par le surnaturel, hanté par les esprits de l’ailleurs et du tout autre. Une demoiselle seule dans les bois, près d’une fontaine, d’un gué ou à un carrefour, c’est tout simplement une fée. Mais à l’inverse d’aujourd’hui, où l’on attend de la fée un « appareil » qui la désigne clairement (ailes, oreilles pointues, nudité plus ou moins offerte), l’être féerique ( N’oublions pas que fée est d’abord un adjectif qui désigne toute créature surnaturelle, dame, chevalier, animal, arbre, etc. avant de devenir un nom déterminant uniquement un personnage féminin.) ne s’impose pas, son rôle la désigne. L’identification de la fée passe donc par la fulgurance de l’intuition, dans l’exception du moment de la rencontre. Je trouve que c’est très beau ainsi.

    Vous avez tenu récemment une conférence sur l’origine, la naissance des fées… En quelques lignes, quelle est-elle donc cette origine?

    Je crois que les mots ont une importance, une précision absolue et qu’ils ne sont pas impunément interchangeables. Comme son nom, attesté à partir du XIIe siècle seulement, (« Le nom est bien le principe décisif, non de l’invention des êtres mythologiques, mais de l’instant même où ces êtres deviennent purement mythologiques et tranchent leurs derniers liens avec la terre ». Ferdinand de Saussure), la fée commence à exister quand on a besoin d’elle. Si les femmes surnaturelles ou divines existent dans toutes les cultures et dans toutes les parties du monde, la fée a son canton personnel, à l’ouest du continent eurasiatique. Ni déesse, ni nymphe, ni dryade, ni Parque, elle tient pourtant un peu de toutes celles-ci et impose son rôle auprès des humains.

    Dans la fée originelle se fondent des réminiscences des grandes déesses ou des petites divinités du Panthéon classique et des esprits protecteurs chantés par la poésie latine. Leur demi-nudité, leur éclat, leur préférence pour les forêts et les eaux les rattachent à la famille des nymphes et des dryades, des esprits des bois qui s’unissent volontiers aux humains.

    Elles ont aussi la hardiesse de manière, la liberté de mouvement, les cheveux d’or et le teint lumineux des dames de l’Autre Monde celtique, comme la belle Niamh aux chevaux d’Or ou l’inconnue qui enlève Connla. L’union de la fée avec un homme est d’ailleurs typique des contes d’origine bretonne : dans la mythologie gréco-latine, ce sont les dieux qui s’unissent volontiers avec les mortelles.

    Tisserandes, devineresses, guérisseuses, elles multiplient les savoirs et pouvoirs d’origine divine, filles en cela des Parques latines, des Nornes nordiques, et des Sybilles. Dans leur colère et leurs vengeances, se profile l’ombre de Médée ou d’Erichto de Thessalie, le pays de toute sorcellerie. Leur ascendant sur la nature leur permet de jouer à volonté du vent et des eaux, de la mer ou des rivières. Au XIXe siècle, Chateaubriand le rappelle : « Les fées gauloises, répondit Velléda, ont le pouvoir d’exciter les tempêtes, de les conjurer, de prendre la forme de différents animaux. »

    AU XIIe siècle, alors que la foi semble la plus ardente et que la société, le pouvoir, la vie civile fonctionnent sur le modèle dicté par la religion, fait irruption tout un peuple venu de bien avant le christianisme : fées, enchanteurs, chevaliers aux pouvoirs surnaturels, et avec eux un cortège de forêts ou d’îles enchantées, de cimetières et de landes maléficiées, de dragons étincelants et d’épées magiques. Compensation aux contraintes de l’Église et ses interdits moraux et sexuels? En partie, mais surtout la nécessité d’affirmer que la religion n’a pas le monopole du merveilleux, des êtres qui défient le temps et la logique. Et c’est ainsi que les Lusignan se réclament de Mélusine, les rois de France, au travers du Troyen Énée, font remonter leur lignée à Aphrodite… et les Bretons au roi Arthur, « le roi le plus aimé des fées ». (Je m’arrête là, avec ces fées si proches des humains par leur apparence. Mais ensuite vient l’évolution des fées, leur « miniaturisation », la naissance de la fée ailée, l’engouement victorien pour les fées, etc.)

    Et les dragons ?

    Vaste question ! Le dragon est universel, et sa présence tutélaire ou effrayante répandue par toute notre planète. Il fait partie des figures archétypales de nos effrois et de nos espoirs, protecteur dans les pays d’Asie, en orient, ravageur en Occident. Seul le dragon des Pendragon, est à la fois un dragon occidental et bénéfique.

    Dans la tradition antique classique (Grèce), le dragon est un serpent monstrueux. Ce serpent est présent dans l’iconographie celtique dès le Ve siècle avant JC : serpents affrontés, en esse, à tête de rapace (proche du griffon) ou de cheval (proche du dragon marin grec, le kétos). Pendant la seconde moitié du IV siècle, le motif se répand jusqu’à la Tamise et en Gaule : on a retrouvé plus de 200 fourreaux d’épées ou de coutelas celtiques ainsi décorés. Il est donc vraisemblable de lier ce motif à la fonction guerrière. Cette symbolique perdure dans l’usage du dragon sur les enseignes militaires des légions romaines.

    Ce dragon, habite au creux de la terre (caverne, grotte, intérieur d’une montagne), et s’abrite dans les eaux souterraines. Il crache du feu, vole dans les airs. Il est totalité cosmique et esprit du sol, en un temps où le roi (revoyez Excalibur) et la terre ne sont qu’un. Le roi émane du dragon, le dragon obéit au vrai roi. Ce qu’on retrouve dans le draco insularis, le dragon de l’île (le roi d’Angleterre) ou dans le titre de Pendragon, tous deux donnés au roi pour montrer son pouvoir, mais aussi pour attirer sur lui la protection du dragon.

    Vous évoquiez votre livre sur le Petit Peuple chez Hoëbeke. Lorsqu’on est passionnée par le mythe arthurien, est-on inévitablement attirée par la féerie ? Qu’est-ce qui vous séduit chez le Petit Peuple ?

    Petite précision : chez Hoëbeke, j’ai publié, avec Michel Le Bris, Fées, elfes, dragons et autres créatures des mondes de féerie, qui accompagnait l’exposition du même titre. Je n’étais pas le seul auteur de cet ouvrage qui retraçait l’histoire des fées et des créatures de féeries à travers les siècles et les pays, et pour lequel Pierre Dubois avait écrit des textes  magnifiques.

    Si l’on se pénètre des mystères de la légende, si l’on s’émerveille de toute ce qu’elle convoie de traditions, de rêve, d’invention, de beauté, on ne peut pas ne pas être attiré par la féerie. Mais je serais tentée de vous dire que le Petit Peuple, c’est un autre versant, ou un autre canton du pays de nos légendes, de nos croyances les plus anciennes et les plus intimes. Le Petit Peuple dit notre rapport au monde qui nous entoure, car ils le peuplent et lui donnent une âme. Ils sont là dans les lieux familiers, les gestes du quotidien. Leur fréquentation, leurs contes sont aussi ceux qui relient le fil qui nous unit à nos grands-parents, à nos proches origines. Ils m’enchantent aussi par leur infinie variété, leurs habitudes, leurs coutumes même, leur mauvais caractère, leurs défauts et leurs sens aigu de la justice – enfin d’une certaine justice.

     

    Le Centre arthurien se situe en forêt de Brocéliande (Paimpont en Bretagne). Comment Paimpont est-elle redevenue Brocéliande ?

    Le village de Paimpont naît vers le VIIe siècle, dans le mouvement du monachisme breton. Il est d’abord un ermitage, autour duquel un hameau prend forme. Une abbaye remplace le petit ermitage. Lorsque l’industrie du fer prend possession de la forêt, au XVIIe siècle, on commence à désigner par le nom du bourg qui en forme le centre, Paimpont. c’est là qu’elle perd son nom de Brésilien, ou Brécheliant, attesté pendant le moyen âge et dont Chrétien a fait Brocéliande.

    Mais dès l’époque romantique, Brocéliande retrouve ses fervents : érudits, derniers romantiques, celtomanes aussi, antiquaires chercheurs de traces des anciennes cultures et acharnés à trouver la trace des êtres légendaires. À partir de 1950, l’abbé Gillard, curé de Tréhorenteuc, relance l’intérêt pour Brocéliande et ses légendes. Et nous, au Centre Arthurien, nous prenons le relais à la fin des années 80.

     

    Si vous devez pencher pour une des œuvres suivantes, laquelle préférez-vous et pourquoi?

    Merlin de Istin et Lambert (Soleil) ou Arthur de Chauvel et Lereculey (Delcourt) ?

    Joker !

    Kaamelott ou Monty Python and the Holy Grail ?

    Monthy Python, précurseurs, comme déjantés iconoclastes, rois du nonsense. Quand Kaamelott a démarré, j’en ai été ravie. La dernière série m’a un peu laissée sur ma faim, je n’ai guère apprécié l’élucidation « romaine » et la trop grande implication historique.

    Lancelot de Jerry Zucker avec Richard Gere et Sean Connery ou Les Chevaliers de la Table ronde de Richard Thorpe avec Robert Taylor et Mel Ferrer ?

    C’est dur de me faire dire du mal d’un film où joue Sean Connery, et le film de Thorpe est loin de refléter ma vision du récit et des personnages, mais c’est pourtant ce dernier que je choisirais. Parce que le Lancelot de Zucker, privé de toute magie, accumule les contresens, je choisis Les chevaliers de la table ronde, pour son imagerie naïve, son beau technicolor et pour sa distribution.

    Le seul film qui réponde vraiment à la légende reste Excalibur. Boorman connaît son sujet en profondeur, il en est imprégné, il a compris a dimension mythique. Qu’on en discute l’esthétique, oui. Mais pas le sens ni l’intelligence du propos.

    – Le cycle Brocéliande de Jean-Louis Fetjaine ou The Mists of Avalon de Marion Zimmer Bradley ?

    Les Brumes d’Avalon, sans hésiter.

    Vous organisez en 2010 une très belle rencontre entre les légendes de Bretagne et celles d’Angleterre. Parlez-nous de ce fabuleux projet et de cette idée de jeter un pont entre deux zones géographiques réelles partageant un même univers légendaire…

    À la fin de l’année 2007, j’ai découvert que le programme Interreg IV (Pour plus de précision sur ce programme, voir le site Internet de Interreg III.) permettait à une association comme la nôtre d’élaborer des projets communs avec une région européenne frontalière. En Bretagne, cela voulait dire le sud-ouest de la Grande-Bretagne. J’ai alors repris contact avec des artistes (peintres, illustrateurs, musiciens) avec qui j’avais travaillé en 2003, pour l’exposition Fées, elfes, dragons et autres créatures de mondes de féerie. Et j’ai découvert qu’ils avaient ajouté une nouvelle corde à leur arc, la réalisation de films (vidéo) tournés dans le Devon. Mieux encore, ces films avaient pour sujet des contes ou des légendes locales ; or nos légendes bretonnes et les légendes de Cornouailles sont plus que cousines. Donc, avec Elizabeth-Jane Baldry (la harpiste des fées) et le Chagford Filmmaking Group, nous avons mis sur pied un double projet. Une exposition d’abord, menée par le Centre Arthurien, réunissant des artistes français et anglais et destinée à être montrée dans les deux pays. Et un film de 52’, tourné dans les deux pays. Restait à s’accorder sur le sujet. Nous sommes pratiquement sans hésitation tombées d’accord sur le Lai de Lanval. Ce lai féerique de Marie de France (XIIe siècle) s’est maintenu sous sa forme originelle en France, mais a été maintes fois réécrit par différents auteurs anglais. Chaque artiste travaille sur la version de son choix.

    La subvention Interreg impliquait une logique de territoire. Virginie Ropars (Créatrice d’incroyables poupées de collection.), chargée des expositions en Bretagne, a contacté une quinzaine de personnes en Bretagne (Deux artistes qui ont beaucoup travaillé sur les thèmes médiévaux et celtiques, qui exposent régulièrement en Bretagne, mais qui sont parisiens, ont été aussi associés au projet : le livre d’art Merlin, qu’ils venaient de publier chez Soleil, rendait leur présence indispensable.), tandis que Kelly Martinez faisait de même en Devon. Pratiquement tous ont été d’accord, et nous avons 26 participants au projet. Des dessinateurs, illustrateurs, peintres, sculpteurs…Certains d’entre eux, comme Alan Lee ou Brian Froud, sont aussi impliqués dans la conception artistique du film.

    Voici la liste complète des artistes : Alan Lee, Brian and Wendy Froud, Kelly Martinez, Marc Potts, Linda Ravenscroft, Ian Daniel, Jacqui Martinez, Bridget Barker, Josephine Wall, Ed Org, Terry Windling, Rima Staines en Grande-Bretagne.

    Et en France Olivier Ledroit, Severine Pineaux, Didier Graffet, Erwan Seure Le Bihan, Brucero, Virginie Ropars, Aleksi Briclot, Jean-Sebastien Rossbach, David Thiérrée, Erlé ferronnière, Yoann Lossel, Anne Smith, Jean Lemonnier. (Il existe un groupe Facebook, Légendes et féerie en Brocéliande, pour ceux qui auraient envie de soutenir ce projet et de se tenir au courant de son avancement).

    Outre l’échange, essentiel, et base même de ce projet, je trouve très excitant ce mélange de liberté et de contrainte : « faites ce que vous voulez, mais sur un sujet précis » ainsi que la chance qu’il offre de confronter ce qu’il faut bien appeler (faute de mieux) le génie propre à chaque peuple. Mon travail sur le domaine des légendes arthuriennes m’a au moins enseigné ceci : dès les premiers romans, la même histoire (le même schéma narratif) prend une couleur, un style, totalement différents en France, en Angleterre et en Allemagne.

    Un autre point fort, bien sûr, c’est d’avoir regroupé de très grands artistes, célèbres pour leur travail d’illustration des légendes, et de les confronter à des plus jeunes ou à des moins connus, en toute égalité !

    Propos recueillis par le Peuple féerique en janvier 2010

  • Rencontre avec Jean-Luc Istin, créateur de légendes et directeur de Soleil Celtic

    Jean-Luc Istin vient de fêter dix années extraordinaires. Extraordinaires au vu de son parcours, multipliant les casquettes de dessinateur, scénariste, directeur de collection. Extraordinaires par les rencontres, les auteurs qu’il a lancés, qui l’ont marqué, qui l’ont inspiré. Extraordinaires par les actes accomplis, les albums réussis, le nombre d’univers dans lesquels il nous a invité à plonger avec émerveillement. Tout cela valait bien une interview spéciale 10 ans !


    Il y a un peu plus de 10 ans… et avec le recul…

    Te souviens-tu de la critique de Jean-Claude Servais ? Que te reprochait-il alors ? C’est quelque chose qui t’a marqué ? As-tu eu l’occasion d’en reparler avec lui depuis ?
    Absolument. C’était dans la médiathèque François Mitterrand aux Ulis où j’habitais. Il était passé pour répondre à des questions. A la fin de la séance, je suis allé le voir avec mes pages, très (trop !) sur de moi. J’ai pris une belle douche froide. En deux coups de cuillère à pot, il m’a montré toutes mes erreurs mais plus encore a démontré que j’ignorais ce qu’était le dessin. Je n’étais pas si jeune que ça, environ 23, 24 ans. J’essayais de dessiner de mémoire alors que je ne pouvais pas. Il m’a donc conseillé de me documenter. Il est vrai que pour dessiner une chaise, le mimimum c’est d’en avoir une devant soi ou dans un catalogue. Bref, j’ai du me remettre en question et commencer à réellement travailler.
    C’est une expérience qui m’a marqué notamment par le fait que ce fut ma première rencontre avec un pro. Et qui plus est, un pro qui ne mâche pas ses mots et n’enrobe pas ses dires dans du miel. Du coup, j’ai pris les remarques comme un coup de poing mais j’en avais besoin et ça m’a stimulé par la suite.
    Je n’ai jamais eu l’occasion d’en discuter avec lui car on ne s’est plus jamais croisé. Mais une chose est certaine, il ne doit plus se souvenir de moi à l’heure qu’il est.

    L’expérience Nucléa, toujours avec le recul, ce fut un bon laboratoire ou un difficile faux-départ à surmonter ?
    Je dirais, le moyen de m’armer pour un avenir plutôt difficile. Une sorte de contrat d’apprentissage où j’y ai appris tout ce que je fais maintenant, du scénario au dessin en passant par mon rôle éditorial.

    Tu as eu une petite expérience en tant qu’éducateur avec des jeunes en difficulté lors de ton service militaire. Encore quelque chose qui a pu te servir pour instaurer un bon dialogue et gérer l’aspect humain de tes nombreuses relations de travail ?
    Pas vraiment. Les dessinateurs sont plus difficiles à gérer que les jeunes en difficulté Hé ! Hé ! Hé ! Par ailleurs, je me le reproche souvent, je ne suis pas vraiment efficace pour instaurer un bon dialogue. Je suis souvent contraint à rattraper mes erreurs plus tard. Fort de ce constat, j’essaie de progresser. Après tout, c’est ça la vie. Vous apprenez en faisant des erreurs et vous vous améliorez. Se remettre en question, c’est une loi importante dans un monde en perpétuel mouvement.

    Il y a 10 ans, pensais-tu à quelque-chose qui ressemble à aujourd’hui, quel était ton objectif d’alors ?
    A peu près. Je me voyais éditeur et je suis devenu directeur de collection. En tant qu’auteur, j’aurais souhaité être le nouveau Jodo. J’ai un peu bifurqué, je n’ai finalement quasiment pas fait de S.F., et contrairement à Jodo qui dispense son savoir, ses sagesses, au travers de mes scénarios, je pose des questions et tente de trouver des réponses.

    Pendant 10 ans…

    De Merlin, Arthur Pendragon aux nombreuses séries Soleil Celtic, on peut dire que l’imaginaire celte t’as toujours suivi. C’est véritablement ton univers, ta culture ? Tu la vis également au quotidien à travers tes autres loisirs ?
    L’imaginaire celte dans ma vie joue au yoyo, il part, il revient. Je vis en Bretagne, alors on peut dire que je baigne dedans. Mais je reste un amateur au regard des compagnons tels que Thierry Jigourel et Laurent Miny. Ces personnalités me fascinent par leur promiscuité avec les légendes. Quelque part, ils en sont le prolongement.

    Ce fut dix années de travail acharné ou de coups de chance? Les deux ? Quelle est la formule Istin pour expliquer cette réussite ?
    Donner ma recette ? Est-ce qu’un bon chef donne sa recette ? Est-ce qu’un magicien dévoile ses tours ?
    Bon, en 10 ans, on ne peut pas dire que j’ai chômé. Pour ne parler que de Soleil celtic, c’est déjà une trentaine de titres. Mais il faut y ajouter les autres collections donc Secrets du Vatican et Serial Killer.
    Pour 2010, je lance d’autres collections, des nouveaux titres.
    Non, je n’ai pas chômé.
    J’aime la b.d., c’est un fait. J’en lis depuis tout gamin et je continue à en acheter. Je ne sais plus où les ranger.
    Les coups de chance, véritablement, j’en ai eu un : MERLIN. Lorsque je l’ai écrit, j’étais naïf au point d’ignorer l’impact que ce titre aurait sur les lecteurs.

    Tu sembles être plus attiré par l’écriture que par le dessin? La raison serait-elle que le scénario te permet d’évacuer toutes tes envies d’histoires plus rapidement ?
    Quand tu dis évacuer, ça me fait peur. HA ! HA ! HA !HA !. Des images de tuyauteries organiques me viennent à l’esprit.
    Mais dans le fond, c’est sans doute vrai. Dessiner est plus long. Néanmoins, j’adore dessiner. Et j’ai d’autres projets dans ce sens.
    Dessiner, écrire, ce n’est pas le même travail.

    Soleil Celtic, c’est aussi une belle aventure d’amitiés, de copains de toujours, de rencontres… C’est comme ça que tu aimes fonctionner. En « famille » ?
    Fonctionner en famille ? Oui et non. Plus je vieillis et moins j’aime l’idée de famille dans le travail. D’abord parce que la b.d. est avant tout un travail. Un travail de passion oui, mais un travail tout de même. Ensuite, parce que j’aime aussi l’idée d’avoir une vie en dehors de la bd. Et si tous mes amis sont de la profession, lors d’une journée barbecue, on ne parle que de bd. Bref, on n’en sort plus.
    Ceci étant, c’est un fait, soleil celtic se conçoit comme ça. Et lorsque j’échange avec un autre scénariste, je ne peux m’empêcher d’avoir de la sympathie pour lui ce qui finit par faire naître des amitiés. Ce qui fait que 80 % des scénaristes avec qui je bosse sont effectivement des copains et des amis. Tans pis pour les barbecues sans bd.
    Par ailleurs, il y a 2 générations soleil celtic. Mais je vois aussi un aspect générationnel. Il y a eu les auteurs fondateurs, ceux là continuent mais font de la bd en dehors du celtic aussi, et les nouveaux qui viennent s’ajouter dernièrement. Ces deux générations ne se connaissent pas forcément.

    Quel a été le plus beau succès commercial de Soleil celtic? Et le plus beau succès à tes yeux ?
    Merlin. Encore Merlin. Parce que cette série réunie aujourd’hui 10 tomes pour le cycle initiation dessiné par Lambert et 3 tomes pour Merlin la quête de l’épée, dessinée par Demare. 13 tomes en tout, du coup, les ventes sont assez costauds. Rien que le tome 1 fait 70 000 albums vendus en juillet dernier (nuclea+soleil) et le tome 2 n’est qu’à 4000 exemplaires en dessous. Ceci étant les succès commerciaux du Sang du dragon et de Lancelot sont similaires à raison du nombre de tomes terminés. Les druides en revanche ont démarré plus vite que Merlin à l’époque et en comparant avec Merlin au même niveau de tome, les druides sont plus hauts.
    A mes yeux, le plus beau succès ? Je ne vais pas le dire… je ne veux blesser personne.
    Mais par contre, j’ai envie d’ajouter qu’il y a eu succès dans ma caboche le jour où je me suis dit : « Tiens celui là, j’en ai pas honte, si j’étais lecteur, je l’aurais acheter »

    Lis-tu beaucoup les grands folkloristes bretons ? Quelles sont les sources que tu recommandes ?
    Anatole Le Braz, forcément. Ensuite, je recommande tout simplement aux lecteurs de se jeter sur les éditions « terres des brumes », c’est génial ! Tout y est.

    Dix ans plus tard…

    Aujourd’hui, Soleil Celtic est une collection phare des éditions Soleil. Elle affiche de beaux succès. Elle a signé un sacré coup de maître avec les Contes du Korrigan en réussissant là où beaucoup se sont plantés (un collectif d’histoires aux dessins multiples). Penses-tu que la thématique est un peu essouflée maintenant, qu’il faudra l’élargir ou qu’il reste encore de nombreux territoires celtiques à parcourir ?
    Au contraire, il reste tout à faire. Les contes du korrigan dans le domaine du petit peuple, c’est un démarrage, une esquisse, n’oublions pas que nous étions tous débutant. Maintenant, il faut peaufiner, maîtriser et tenter de nouvelles expériences dans le genre. Ça va venir…
    Quant aux territoires celtiques, oui, il en reste. Considérez que finalement nous n’avons même pas un CUCHULAINN dans cette collection. C’est presque un comble. Bien sûr, il y a eu des tentatives mais aucune pour le moment ne m’a séduite.

    Soleil celtic a en son catalogue des séries moins celtiques… Je pense au Crépuscule des dieux par exemple ou La Rose et la Croix… Comment expliques-tu cette présence a priori hors thème?
    Pour la rose et la croix, il est effectivement passé dans « Secrets du vatican ». Il n’était pas à sa place mais comme je voulais m’occuper de cet album, à l’époque, c’était plus pratique.
    Le crépuscule des dieux et bientôt Odin en revanche, c’est de l’extension aux légendes nordiques. J’aurais pu créer une nouvelle collection mais bon… Soleil Nordic ? Pas classe, hein ?
    Finalement ces légendes sont proches de leurs parents celtiques, du coup, je les ai casées dans soleil celtic.

    Tu as été au four et au moulin sur quasiment tous les albums. Tu as la réputation d’être quelqu’un de très présent, très impliqué. Maintenant que la collection est bien en place, vas-tu plus déléguer les choses ?
    Sans soucis. Avec la nouvelle génération de scénaristes, je suis en confiance. Nous discutons beaucoup et même si je regarde l’ensemble, je les vois aussi corriger en direct et ils ne se plantent pas. L’avenir est donc bien plus détendu de ce côté.

    Parlons également des deux autres collections que tu as lancées, Secrets du Vatican et Serial Killer. Des thèmes très en vogue… Elles se portent bien ? Qu’est-ce qui t’attire personnellement dans ces deux thématiques, assez éloignées du monde celtique… ?
    Serial Killer, c’est tout simplement une fascination morbide de l’ado que je fus pour ce genre.
    Cette collection a beaucoup de difficultés. Les titres ont du mal à percer et pourtant tout le monde y met de l’énergie et les lecteurs sont très très positifs. Prenez le Ed gein, c’est un petit bijoux et pour une fois qu’on est pas obligé d’attendre X tomes pour avoir la fin, vu que ce sont des one-shot, eh bien, je m’attendais à plus d’enthousiasme. Mais non. Pourtant les serial killer sur le format ciné font un gros succès. En roman également. Mais en bd, nous n’avons pas encore fait de best seller.
    Nous venons de sortir une intégrale moyen format avec des commentaires d’une criminologue sur chacun des 4 tueurs mis en bd. C’est un très très bel objet et qui plus est peu coûteux puisqu’il réunit 4 titres. J’espère que cette formule fonctionnera.

    Secrets du vatican c’est tout l’inverse. Ça décolle. Le cinquième évangile, succubes et l’ordre des dragons sont des titres qui ont marqué. Le cinquième évangile t1 est entré dans les meilleures ventes en France dès sa sortie. Cette collection possède qui une maquette attirante élaboré par Laurent Arnaud, le directeur artistique de Soleil. Je dis souvent que Laurent est l’un des meilleurs. Une efficacité et une créativité qui fait la différence avec les autres éditeurs. D’ailleurs, il est de plus en plus copié ce qui prouve qu’il marque son temps.

    La BD grand spectacle, grand public, c’est quelque chose que tu assumes pleinement et revendiques ? Un genre qui te plaît au cinéma par exemple ? On peut dire que si sur grand écran les français ne sont pas les maîtres du genre, côté BD, ça assure plutôt pas mal…
    Oui en bd, nous n’avons pas de souci de budget. Nous pouvons tout nous permettre, de vastes épopées etc… Et, je n’ai pas peur de le dire, nos scénaristes sont bien souvent meilleurs que la plupart de ceux du cinéma français.
    Le cinéma français ; même si il évolue dans le bon sens (une nouvelle génération est en train d’apparaître), manque tout de même de « couilles ». N’ayons pas peur des mots. Nous avons un passé épique mais personne ne l’exploite. Qu’est ce que fichent les producteurs ? Il n’y a guère que Jeanne d’arc de Luc Besson qui va dans le sens du mélange genre et historique, alors que les pays de l’est sortent Nomad et Mongol, alors que les chinois mettent leur histoire sur grand écran de façon épique, nous, on n’est pas foutu de faire la même chose. Kingdom of heaven, c’est nous qui aurions du le faire, pas Ridley scott. C’est le monde à l’envers.
    Mais qu’on arrête d’engager des rigolos pour faire les scénario de films, qu’on s’adresse à des gars qui ont le sens du rythme, de la narration, ça facilitera le travail des comédiens qui n’en peuvent plus (les pauvres !) de devoir déballer des niaiseries à tour de bras.
    Et commençons déjà par les séries T.V.
    A quand un PSYCHOVILLE français ???

    La féerie a évidemment une place de choix dans ta vie et ton oeuvre. Quelle est d’ailleurs ta créature féerique préférée et pourquoi ?
    Mes enfants ! Quand ils sont nés, ils ressemblaient tous à des korrigans. C’est chou, un korrigan, c’est poilu !
    Plus sérieusement, je ne suis pas spécialement accroc à un personnage en particulier. J’aime les fées, les poulpiquets, les anglais, les bretons, les petits, les gros, les pas-beaux, les mignons… Ils ont tous leur raison d’être, je les aime tous.

    On imagine aussi qu’en dix années, il y a eu des rendez-vous manqués… Quel est ton plus grand regret ?
    Ne pas avoir fait ne serait-ce qu’un album avec Didier Convart. C’est la seule chose… Pour le reste, l’avenir me permettra sans doute de réaliser mes autres rêves.

    Dans 10 ans…

    Des envies en-dehors des collections suivies ?
    En tant que dessinateur, oui. Mais c’est trop tôt. Je ne peux en dire plus, j’hésite actuellement entre trois possibilités dont un space-opéra, un celtic et une fantasy en rapport avec un film bien connu.
    L’année prochaine, je sors de nouvelles collections.
    1800 – des récits basés sur des personnages et des romans du 19ème siècle tels que Sherlock Holmes, docteur Hide, Nemo , le tout mâtiné d’un zest de fantastique.
    Space-Opera – Tout est dans l’intitulé. Cette collection présentera ce qui s’approche le plus de Dune, Hypérion ou les chroniques de Riddick.
    Anticipation – une collection qui se situe dans notre futur proche. Soit après une catastrophe sans nom, soit après une performance technologique qui parque notre univers.

    Où sera Jean-Luc Istin et qu’aura-t-il accompli de plus ?
    Dans 10 ans,Oulaaaaa. Un film ? Une comédie bien niaise ? Un drame social avec une héroïne qui meurt avant la fin… ?
    60 séries soleil celtic ? 30 série secrets du vatican ? Nous verrons bien…

    Propos recueillis par le Peuple féerique en novembre 2009

  • Merlin – Aleksi, Rossbach, Istin – Editions Soleil

    MERLIN

    Illustrations & Design graphique:

    Aleksi Briclot & Jean-Sébastien Rossbach

    Texte: Jean-Luc Istin

    Editions Soleil

    Notre avis:

    C’est avec beaucoup d’impatience que nous attendions le retour de vacances de notre libraire préféré afin de lui arracher un exemplaire du livre Merlin d’Istin, Aleksi et Rossbach dont nous avions entendu le plus grand bien et pensé de même à la vue des quelques exraits disponibles ici et là. C’est donc hier soir vers 17h30 que j’arrachais des mains du libraire le seul et unique exemplaire qu’il possédait. Aussitôt rentré, je me mis à dévorer des yeux les sublimes images d’un univers que l’on apprécie tant. Et c’est plein de joie que ce matin même, une seconde incursion, plus approfondie et accompagnée de la lecture du texte signé Jean-Luc Istin, nous emmena dans cet ailleurs le temps d’une petite heure ô combien délicieuse… Car, oui, oui et oui, tout ce que vous avez pu entendre ou lire sur ce beau livre est vrai: c’es une magnifique réalisation, un incontournable de l’illustration d’inspiration celtique. Plus encore, comme le souligne Claudine Glot dans la préface, ce livre donne plus que probablement la vision du Merlin correspondant aux attentes et croyances de ce début de XXIe siècle. Exit le bonhomme au chapeau pointu et à la barbe longue qu’apporta Disney, place au guerrier féerique, au mage celtique, au druide sage… Un livre qui fusionne le goût des traditions, la passion de l’image et de l’imaginaire, la Légende et l’Histoire. Des images puissamment belles et qui vous transporteront sur les champs de bataille, au coeur des secrets de la forêt, sur l’île de l’Ailleurs… Un texte érudit, ponctué de références tout en traçant un nouveau chemin, si représentatif des vérités d’aujourd’hui…

  • Interview d’Alexe, dessinatrice de Lancelot (Soleil)

    Alors que le premier tome de la série Lancelot est actuellement dans toutes les bonnes librairies, le Peuple féerique profite de l’événement pour poser quelques questions à la dessinatrice Alexe. Une série autour du plus connu de tous les chevaliers de la Table Ronde mais qui en surprendra plus d’un puisque son Lancelot est une fille !!! Et puisque l’album s’ouvre sur une assemblée de créatures féeriques du Petit Peuple, nous ne pouvions vraiment pas passer sous silence cette très belle réussite autant graphique que scénaristique.

    Lancelot, une histoire de filles ?
    En fait Lancelot est une histoire de coïncidences. Jean-Luc ne cherchait pas particulièrement de fille pour dessiner sa série, comme nous n’en cherchions pas nécessairement pour en faire les couleurs. Tout ça s’est, au final, parfaitement bien emboîté. Il me l’a proposé parce qu’il pensait que mon style collerait bien et nous avons fait de même avec Elodie. Mais avant elle, il y avait eu des essais avec des coloristes masculins à l’instar des essais dessin avant que je n’arrive sur le projet.

    Comment s’est passé le travail du dessin, comment avez-vous procédé techniquement ?
    D’une certaine manière, les deux ans qu’il m’a fallu pour réaliser ce tome 1 m’ont permis de me former, grâce à Jean-luc qui m’a poussé à m’améliorer sans cesse. On a décidé très tôt qu’il ferait le story-board juste sur ce premier tome, pour que je me concentre sur le dessin et puis aussi parce qu’il le faisait largement mieux que moi. Donc, à chaque story que je recevais, je faisais un crayonné très poussé, qu’on corrigeait ensemble suivant les besoins. Une fois ce crayonné validé je l’imprimais en bleu et passais au N&B. Pour le tome 2, ça n’a pas beaucoup changé, hormis que je réalise le story. Nous avons tout travaillé à fond, le dessin/design des personnages, le travail sur les décors, l’émotion des persos, etc. Au final, ces deux ans ont été nécessaires pour moi afin que je me lâche et que je développe plus de dextérité.

     

    On vous connaissait comme coloriste, un travail confié à Elodie Jacquemoire pour cette série. Pourquoi ?
    Pour les mêmes raisons que le story-board. Il fallait que je me concentre uniquement sur le dessin, sans me soucier du reste. Je préfère ça. Au final, ça me permet d’avoir un regard critique plus « objectif » que je n’avais pas lorsque je faisais mes propres couleurs, par exemple pour les Légendes de la Table Ronde T3. Et puis Elodie est très douée, pourquoi s’en priver ? Je l’ai beaucoup accompagnée, elle m’a aussi beaucoup épatée, donc nous sommes tous les trois ravis de cela. Ça me permet de m’éclater en couleurs sur mes illus à côté et d’y retrouver un réel plaisir… Mon expérience de coloriste, qui a été fort enrichissante, m’a un peu lassée de la colorisation d’album. Je préfère dessiner ou peindre.

    Vous dessinez particulièrement bien les personnages féminins. Certains dessinateurs avouent que c’est leur difficulté. Pensez-vous qu’il soit plus facile pour une fille de dessiner des filles et pour les hommes de dessiner des hommes ?
    Oui. Au même titre que je trouve mes personnages masculins encore un poil trop féminin par moments. On dessine mieux ce que l’on connaît très bien. Il y a aussi une histoire « d’état d’esprit ». Lorsque je dessine un homme, j’essaye de me mettre dans cet état de « rage masculine » en essayant d’en faire rejaillir une certaine puissance. Lorsqu’il s’agit d’une femme, cela devient plus lunaire, plus mystérieux avec un certain jeu de séduction suivant le sujet. Dans les deux cas, je travaille beaucoup sur l’émotionnel, tout du moins j’essaye de le faire. Je rentre au maximum dans mes personnages, pour pouvoir en tirer le meilleur de ce que je peux faire.

    Du dessin à la colorisation…Vos personnages encapuchonnés sont également une grande réussite. Ils dégagent une force mystérieuse efficace. Est-ce difficile de dessiner des visages dans l’ombre d’une capuche ?
    Difficile techniquement non. Ce qui l’est, comme je le dis précédemment, est de rentrer dans le bon état d’esprit et de comprendre ce qui doit s’en dégager. Par exemple pour Iweret, l’enchanteur « obscur », j’ai beaucoup pensé à l’Empereur de Star Wars lorsque je le dessinais. Il faut saisir les mécanismes et codes graphiques de ce qui va rendre tel personnage obscur, mystérieux, etc. Enfin, j’ai une affection toute particulière pour ces personnages mystiques… C’est mon penchant pour l’occulte qui doit ressortir.

    Qu’avez-vous eu de plus difficile à dessiner ?
    La refonte totale de mes personnages masculins, pour les raisons que nous avons évoquées. Mais globalement, j’ai bossé à fond sur tout : les costumes, les décors, etc. En fin de compte on a tout revu de A à Z, Jean-Luc et moi. Ce qui explique la grande marge graphique entre les Légendes de la Table Ronde T3 et Lancelot T1.

    Cette série plonge Lancelot dans une histoire assez différente de celle que tout le monde connaît. N’est-ce pas un pari osé ?
    Je ne pense pas qu’elle soit si différente de l’originale dans le fond, hormis bien sûr le fait que notre Lancelot soit une femme. Ce « détail » est une des raisons qui m’a fait accepter le projet. Je trouvais ça culotté et surtout bien vu. Car j’ai toujours trouvé que le personnage de Lancelot avait ce côté paladin, extrémiste et psychorigide qui sied bien au caractère parfois entier et obsessionnel des femmes (et ça n’est pas une critique, j’en suis une :D). Il en est même souvent agaçant et perçu de manière très antipathique… Ceci dit, la façon dont Jean-Luc le révèle dans cette série, permet de nuancer un peu tout ça. En égratignant le mythe du Chevalier parfait, on l’humanise aussi. Lancelot a ce côté « personnage de tragédie grecque » accablé et révélé par un destin qu’il subit mais également suffisant et vaniteux, donc finalement très humain.
    Et puis, il a souvent été montré avec une certaine ambiguïté, notamment au travers de ses relations distantes avec les autres Chevaliers et au contraire excessivement proches avec Arthur.

    Dans ce premier tome, Lancelot s’appelle Galaad, son nom de baptême mais en l’utilisant n’y avait-il pas de risque pour les lecteurs de le confondre avec son fils ? Pourquoi n’avoir pas juste utilisé « Lancelot » ?
    Non, je trouve que c’est suffisamment bien expliqué pour que ça ne prête pas à confusion. Le nom de « Lancelot » est son nom de Chevalier. Hors, il ne devient chevalier que plus tard… et notre souci dans cette série est de montrer toute l’évolution du personnage, son initiation. Il deviendra Lancelot dans les prochains tomes, lorsqu’il le sera devenu intrinsèquement. En attendant c’est Galaad, ce qu’il aurait pu rester si le destin n’en avait pas décidé autrement…

     

    Le premier tome s’ouvre sur une assemblée du Petit Peuple. Aimez-vous dessiner ces créatures féeriques ?
    Au début, j’avais beaucoup d’appréhension à le faire, car c’était une première. Au fur et à mesure de ces deux pages (les seules où ils apparaissent) j’y ai pris du plaisir, ça m’éclatait.

    Quel est votre créature féerique préférée et pourquoi ?
    Le Dragon, j’ai toujours été fasciné par les dragons, qu’on retrouve dans beaucoup de cultures très différentes. Il y a, dans ma vision, une quintessence de puissance, de sagesse et de mystère. Et puis franchement, un dragon, ça pète bien quand même ! Enfin, je changerai peut-être d’avis, le jour où on me demandera d’en dessiner…

    Vos projets à venir ?
    Et bien du Lancelot et encore du Lancelot. Nous avons une série de 5 tomes à faire et je ne compte pas bosser sur quoi que ce soit d’autre en attendant.

    Propos recueillis par le Peuple féerique
    le 29 octobre 2008

    Retrouvez toute l’actualité d’Alexe sur son blog STUDIO CAMELEON

    Voir le site de la série LANCELOT

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  • Lancelot T.1: Claudas de la terre déserte – Editions Soleil

    LANCELOT T1. CLAUDAS DE LA TERRE DESERTE
    Scénariste : ISTIN
    Dessinateur : ALEXE
    Coloriste : JACQUEMOIRE Elodie
    Editions SOLEIL

    MERLIN A DISPARU, ON LE DIT EN DORMITION…
    UNE LÉGENDE SE DISSIPE, UNE AUTRE NAÎT AU MILIEU DE LA MYTHIQUE FORÊT DE BROCÉLIANDE.

    Nous sommes dans les âges sombres.
    Le seigneur félon Claudas envahit les terres de son ennemi, Ban de Benoïc et assiège son château. Tentant de s’enfuir pour quérir l’aide du roi Arthur, Ban meurt, laissant son unique enfant entre les mains de la dame du lac, Viviane.
    Tout était écrit. Une prophétie est en train de s’accomplir, à ceci près que l’enfant n’est pas un mâle mais une fille. Pour Viviane, la prédiction doit tout de même se réaliser. L’enfant de roi sera le combattant que les Bretons attendent tant. Commence alors une initiation à la mesure de l’être qu’il devra devenir, à la mesure du nom entré aujourd’hui dans la légende : Lancelot !

    NOTRE AVIS :
    Nous avons été d’emblée séduit par le dessin et les couleurs. Un très bon travail d’excellent augure pour le succès de cette nouvelle série de la collection Soleil Celtic dirigée de main de maître par Jean-Luc Istin.
    Les personnages féminins et les « méchants dans l’ombre » sont particulièrement bien réussis. Viennent ensuite la lecture et ses surprises. Lancelot ne serait pas un homme mais une femme ! Cela étonne, surprend, puis on s’y fait et même en s’en réjouit. Voilà bien une façon originale d’aborder la légende du plus célèbre chevalier de la Table Ronde et qui promet de beaux rebondissements. On referme l’album avec une grande satisfaction d’avoir passé un moment plein de légende et de merveilles. Une jolie réussite !

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