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  • L'irrésistible parfum des fées

    L’irrésistible parfum des fées

    Etrangement, les fées sont de toutes les créatures de l’Autre Côté, à la fois les plus évoquées tout en étant les moins saisissables… Tantôt minuscules aux ailes de papillon, tantôt belles dames aux atours médiévaux. Figure aux milles images, toujours en mouvement, en transparence. Petite plongée au cœur de Faerie pour vous livrer quelques secrets sur les fées avant que ces dernières ne s’évaporent…

    Aux origines…
    Le premier constat lorsqu’on s’intéresse aux fées est la multitude de pistes qui s’offrent à nous. Car la fée est plurielle. Qu’on remonte à sa ou ses naissances mythologiques ou qu’on tente de la définir physiquement, on se heurte à nombre de possibilités.

    Qu’est-ce qu’une fée ?
    Pour tenter de le comprendre, il faut nécessairement s’attacher au mot. Pierre Dubois rappelle très justement dans son Encyclopédie des Fées (Hoëbeke) les propos d’Alfred Maury mettant en parallèle les fata (Parques) et les Fées ainsi que le mot fatum d’où découlera l’adjectif signifiant «destiné». On le voit, les fées ont quelque chose à voir avec l’idée de destin et leurs ancêtres divines, les Parques. On notera au passage que ces divinités étaient trois, tout comme le seront très souvent les fées dans les contes…
    Ce lien avec les divinités antiques est encore renforcé lorsqu’on s’arrête sur l’idée de fée marraine. Les Carmentes Anteverta et Postverta, divinités romaines de la connaissance du passé et du futur, étaient liées à la naissance des enfants qui se présentaient par la tête ou par les pieds. Au fil des siècles, la tradition voudra que les fées, comme les anciennes divinités, se penchent sur le berceau de nos enfants, leur procurant protection et bienveillance.

    Dans son Guide du chasseur de Fées (Le pré aux clercs), Edouard Brasey insiste sur la notion de beauté. La fée est un idéal de beauté. Voilà donc un autre trait essentiel, l’idée de beauté, de perfection. Une idée que Jean-Louis Fetjaine reprend dans sa trilogie des elfes (Pocket) où « les femmes elfiques étaient d’une telle beauté que les hommes qui n’avaient pas l’habitude de traverser leurs contrées les prenaient pour des fées ».

    Les traditions celtes et les récits arthuriens entraîneront les fées vers la pratique de la magie. De la prophétesse antique à la magicienne celte, il n’y avait en effet qu’une infime frontière, vite franchie. On y verra également le lien des fées à la Nature, provenant des croyances celtiques et de leurs cultes intimement liés à la Terre, chaque divinité étant la gardienne d’un lieu, d’une rivière ou d’une forêt… Ce lien à la Nature, nous le faisons encore aujourd’hui puisqu’il n’est pas rare de voir ci et là une petite figurine de fée orner un coin de jardin, petite divinité protectrice de cet endroit chéri. Beatrice Philpotts nous parle d’ailleurs des Fées du Jardin (Le pré aux clercs) avec poésie et tendresse. Fleurs, plantes et fées s’y côtoient, tout comme dans un autre ouvrage liant jardin et féerie, l’Herbier féerique par Amandine Labarre (AK Editions).
    Enfin, les idées de beauté et magie fascineront encore les auteurs du Moyen-Âge et donneront naissance à la fée courtoise, celle qui envoûtera nombre de cœurs de ces preuxs chevaliers…

    Nous parlions plus haut du caractère pluriel de la fée. Le mot anglais pour fée est fairy et il désigne tout membre du Petit Peuple. Dans son Dictionnaire féerique (Oxymore), André-François Ruaud reprend bien le terme fée comme un terme générique lorsqu’il affirme «Notons enfin que j’utilise indifféremment pour les êtres féeriques (mâles, femelles ou neutres) les termes esprit, fée ou génie». On s’éloigne donc de la définition typiquement française qui voit en la fée une figure féminine pour l’élargir à l’ensemble des créatures féeriques.

    Des fées à lire…
    Belle, liée à la nature, magicienne et prophète, la fée revêt mille apparences et reste par là insaisissable. Il en va de même dans les contes et romans où la plupart du temps, elle n’occupe qu’un second rôle, deus ex machina lorsqu’il faut faire avancer l’histoire par quelque artifice ou amorce à l’intrigue lorsqu’elle se fait responsable du destin des héros. Bien sûr, les fées sont présentes, traversent, transcendent les histoires. Marion Zimmer Bradley, Léa Silhol, Kathryn Kristin Rusch, Laurell K.
    Hamilton, Lord Dunsany et d’autres ont largement teinté leurs récits de poudre de fées. Et même si elles demeurent en retrait comme héroïnes, on peut affirmer que cet attrait des hommes pour les fées participe au succès du genre fantasy aujourd’hui.

    Le grand Shakespeare lui-même n’a pas échappé aux fées en écrivant son Songe d’une nuit d’été et le papa de Peter Pan, James Matthew Barrie, n’hésite pas à donner pour compagne à son héros, une petite fée espiègle et ô combien symbolique, Clochette. Croire aux fées ? Les auteurs ne sont pas en reste quand il s’agit de démontrer l’existence de ces charmantes créatures. Arthur Conan Doyle ira jusqu’à écrire un livre, Les fées sont parmi nous (Lattès) pour défendre les deux petites anglaises qui avaient réussi à photographier des fées dans le Yorkshire.
    Ces êtres magiques inspireront même certains ouvrages de science-fiction comme le Féerie de Paul J. McAuley où une jeune fille de douze ans convainc un pirateur de gènes à l’aider à réaliser son rêve : donner une âme à de petites poupées androïdes pour les transformer en véritables fées.

    On attirera enfin l’attention sur deux œuvres parues aux éditions Terre de Brume. La Compagnie des Fées de Garry Killworth tout d’abord, qui revisite sur fond de fantasy urbaine le classique de Shakespeare, l’occasion de redécouvrir Titiana et Morgane dans un contexte surprenant. Le Parlement des Fées de John Crowley, ensuite, qui réussit à placer les fées comme elles doivent l’être, en transparence, toujours présentes, influentes sans qu’on ne puisse pourtant les apercevoir. Ce chef d’œuvre de la littérature fantasy nous parle de l’univers des fées comme d’un royaume intérieur, et cette vision rejoint bien cette impression d’invisibilité des fées. Peut-être, qu’au fond, le royaume des fées n’existe que dans le cœur des hommes. C’est aussi ce que semblait penser James Matthew Barrie lorsqu’il affirme qu’à chaque fois qu’un enfant ne croit plus aux fées, une de celles-ci disparaît…

    Les fées noires
    Insaisissable, invisible, symbole de pureté, d’innocence, la fée dans toute sa blancheur n’apparaît pas comme une figure facile d’utilisation dans un récit. Par contre, s’il existe des fées blanches, il doit bien y avoir leur opposé. Elle se révolte, agit, fait mal, maudit, devient cruelle et méchante. Son ambiguïté intéresse alors les auteurs et son personnage, les lecteurs. Empêchée de prendre part au repas des fées, la dernière marraine maudit l’enfant et la condamne à un repos éternel le jour où elle se piquera au funeste fuseau (La Belle au bois dormant). Et la sorcière, cette femme pratiquant la magie noire, effrayant les enfants et envoûtant de ses charmes les mâles innocents, n’est-elle pas, après tout, qu’une mauvaise fée ?
    Les fées condamnent, portent malheur, il faut les fuir, les éviter… Pierre Dubois, en éminent elficologue, prétend que les fées vengeresses, déçues et blessées par le comportement des hommes envers la nature, sont à l’origine des cataclysmes, des tempêtes et des bourrasques. L’heure n’est plus à l’indifférence mais à la révolte !

    Dessine-moi une fée !
    Comment ne pas terminer cette brève réflexion sur les fées par le phénomène qui marque les librairies

    Le livre des fées séchées de lady Cottington

    depuis quelques années, surtout en période de Noël : les images de fées. Car ce que semblent rechercher avant tout l’amateur est bien une représentation de celle qu’il admire. Ces véritables icônes de l’Imaginaire se déclinent alors en cartes postales, calendriers, ouvrages divers et variés comme le célèbre Livre des Fées séchées de lady Cottington des incontournables Brian Froud et Terry Jones (Glénat) qui saisissent avec humour nos petites amies à la manière des herbiers. Brian Froud encore avec Alan Lee cette fois qui proposent un superbe recueil de créatures intitulé tout simplement Les Fées (Albin Michel). Sans oublier Le Livre des Fées de Beatrice Philpotts qui dresse un portrait de Faerie abondamment illustré par une kyrielle de maîtres de l’illustration féerique. La bande dessinée aussi recèle de véritable petits bijoux comme le Fée et Tendres automates de Téhy et Béatrice Tillier (Vents d’Ouest) ou encore Loisel qui dans son Peter Pan, revisite avec succès la fée Clochette, succès retentissant dans le mondes des planches et des bulles.

    Une collection 100% fées

    Récemment, les éditions Spootnik ont lancé une collection dédiée aux fées. Confiant les pages illustrées à des dessinateurs aux styles variés, la collection Estragon s’enrichit au fil des mois de beaux livres au format carré qui nous plongent dans la Féerie. Dessins, poèmes, contes, illustrations de fées se succédent dans des univers variés. A noter qu’il existe également des livres jeunesse dans cette collection à commencer par le très utile Hôpital des fées pour aborder le thème de l’hôpital avec les jeunes enfants…
    Petite conclusion féerique…

    Ce besoin inextinguible d’admirer les représentations de fées, doit-on le comprendre comme une tentative d’entrevoir ce qui ne peut être vu ? Est-ce là une façon d’entrouvrir la porte de l’Autre Côté ? Ou de rechercher la bénédiction, la protection de ces Demoiselles et Bonnes Dames ? Quoiqu’il en soit, les fées ont encore de beaux jours devant elles car l’homme, apparemment, n’a pas fini d’y croire. Au détour d’un chemin, au milieu d’une forêt ou assis sur ce banc, dans votre jardin, fermez les yeux, respirez doucement. Vous le sentez vous aussi n’est-ce pas ? Cet irrésistible parfum des fées…

  • L’Univers des dragons T1

    Une fois de plus, la galerie Daniel Maghen s’est attaqué à l’édition d’un bel objet. L’univers des Dragons réunit de magnifiques ilustrations pleine page d’Olivier Ledroit, Jean-Babptiste Monge, Jerôme Lereculey, Civiello, John Howe et une vingtaine d’autres artistes parmi les meilleurs en fantasy. Les textes sont signés Monge, Moguérou, Laurent et Olivier Souillé et vous proposent de vivre des histoires d’hommes et de dragons. Des tableaux qui se succèdent et nous émerveillent. La qualité des illustrations, des textes et de l’objet-livre (papier de qualité, pages tabernacle, nombreux croquis et une quarantaine d’illustrations pleine page ou sur une double-page) font de cet ouvrage un incontournable. Lien: www.danielmaghen.com

  • Arcanes féeriques

    Arcanes féeriques

    Carnet de voyage de Sinane l’enchanteur

    Arcanes féeriques
    Arcanes féeriques

    Lorsqu’une fée illustratrice rencontre un conteur de fantasy, le projet qui naît alors ne peut que séduire les amoureux de beaux voyages en terres d’Imaginaire. Nous avons posé notre regard sur cet ouvrage à paraître aux éditions La Mascara.

    Le projet est-il né de votre rencontre ou la rencontre du projet ?

    Mathieu Gaborit : Il y a quelques mois, un soir, je m’en souviens parfaitement, je me suis assis devant mon ordinateur avec une idée simple en tête : je vais surfer sur internet et tâcher de trouver un illustrateur dont j’aime le travail. Un seul, à qui j’enverrai un mail pour prendre contact. J’ai toujours aimé cette idée de bouteille à la mer. Je crois beaucoup aux coïncidences de la vie et celle-ci en est une, sans aucun doute possible. Je suis tombé par hasard sur le site d’Amandine. Certaines illustrations m’ont ensorcelé et je lui ai envoyé ce mail. La suite est un écho entre deux imaginaires. J’ai eu beaucoup de chance, je l’avoue. Elle connaissait un peu mes univers et nous avons commencé à correspondre en confiance. Alors, oui, le projet est né de notre rencontre.

    Que sont les arcanes féeriques qui donnent le titre à l’ouvrage ?

    Elles représentant les différentes fées qui inspirent la magie du monde. Chaque fée est née sous le signe d’une manifestation naturelle comme la pluie, la neige, l’orage ou les rivières. Pour correspondre avec elles et utiliser leur magie, les mages ont créé un jeu de carte : les arcanes féeriques.

    Parlez-nous un peu du héros, Sinane ?

    Sinane est un farfadet. Il est né dans un arbre, comme tous ceux de son peuple. Seulement, alors qu’il était encore un fœtus sous l’écorce, un humain a été tué contre l’arbre. Le sang de cet humain s’est mêlé à la sève et fait naître Sinane avec une âme métisse. Sinane incarne ce métissage entre l’homme et la nature, entre le monde des humains et le monde « merveilleux » né des rêves gaïens. Nous avons voulu raconter l’histoire d’une réconciliation entre ces deux mondes, nous avons voulu que Sinane, fort de ce métissage, s’accepte lui-même comme un trait d’union, un artisan d’une paix fragile entre l’homme et les merveilles de la nature.

    Pour une illustratrice, un tel ouvrage, de par la diversité des choses à dessiner, représente un sacré défi, non ?

    Amandine Labarre : En fait pour moi le défi le plus difficile consisterait au contraire à dessiner toujours sur le même thème sans se répéter ou susciter l’ennui… La diversité et la beauté des thèmes abordés avaient quelque chose de passionnant, et les textes de Mathieu m’ont forcé à peindre des images dont je ne me serais pas cru capable, comme le monastère de cristal, l’oiseleur ou les paysages du périple de Sinane… Il fallait suivre le récit sans tricher pour que le livre soit cohérent, et la confiance de Mathieu m’a vraiment donné des ailes.

    Votre ouvrage s’inscrit en féerie ? Comment expliquez-vous cette passion toujours grandissante pour les fées ?

    MG : La fée demeure l’incarnation première du merveilleux. Dans l’imaginaire collectif, il me semble qu’elle représente la magie au sens le plus pure, une forme d’innocence qui fait écho à notre enfance. Sa fragilité la rend d’autant plus attirante.

    AL : Comme Mathieu les fées m’attirent notamment pour la pureté qu’elles symbolisent, une sorte d’harmonie juste et profonde avec la nature mythique, comme celle qui est tissée entre un animal et son environnement, et que bien souvent les hommes semblent avoir perdu. Je suis également sensible à la tension qui peut en surgir : la nature saigne, et les fées qui partagent leur essence avec elle peuvent être brisées, entravées ou mourantes, et pas seulement en train de sautiller gaiement autour d’un arbre.

  • Civiello, dessinateur du Petit Peuple ?

    Civiello, dessinateur du Petit Peuple

    KorrigansLe Petit Peuple, Emmanuel Civiello le connaît bien. Passionné depuis toujours par les légendes celtiques, son imagination nous emmène souvent au-delà des frontières de notre monde. Imprégné de ces légendes traditionnelles et de leur atmosphère médiévale, Civiello crée des univers brumeux et des personnages très réalistes. Son graphisme est unique, reconnaissable entre tous. Ses univers nous happent, tant les lieux et les événements sont crédibles et cohérents. A 31 ans, son travail sur le Petit Peuple est déjà tellement impressionnant qu’il est devenu une référence en la matière. Civiello, un des ces auteurs à posséder la clé de la porte vers l’Autre Monde?

    Légendes celtiques et mythologie…

    Autant La graine de folie que Korrigans marquent votre intérêt pour les légendes celtiques. D’où vous vient cette passion pour les légendes anciennes et les peuples imaginaires ?

    Civiello : Ma mère a toujours aimé les livres. Tous les livres, romans, livres de science, d’histoires, d’ésotérisme… C’est par elle que m’est venu le goût de la lecture. Pas vraiment les mêmes sujets, bien que c’est elle qui me fit découvrir, enfant, Bilbo le Hobbit. Cela m’a tellement plu que j’ai commencé à dévorer tout ce que je trouvais sur le sujet. Les romans ainsi que les livres d’illustrations et certaines BD. L’univers de Tolkien est tellement bien construit qu’il pourrait bien être plausible. Mais, d’autres écrivains ont également inventé un monde particulier, se basant sur un futur peut-être proche ! Je pense notamment à Dune de Franck Herbert, roman que j’ai adoré. Mais bon, nous nous éloignons. Mettons plutôt alors la légende du roi Arthur où l’on découvre la perte des anciennes croyances et donc du Petit Peuple. Sujet qui m’a fort marqué comme l’on a pu le découvrir avec l’histoire de La Graine de Folie. Je préfère la version de Marion Zimmer Bradley où l’on est beaucoup plus proche de la terre et des anciennes croyances des origines plutôt que des stéréotypes du roi Arthur et des chevaliers chevauchant dans de belles armures bien dorées !

    Thomas Mosdi, votre scénariste avec qui vous travaillez également sur La Graine de Folie, est aussi un grand passionné des légendes traditionnelles. Vos univers de conteurs et vos connaissances en mythologie celtique se recoupaient-ils ?

    La Graine de foliePour ma part, je ne pense pas avoir de connaissance particulière en mythologie celtique, j’ai simplement beaucoup lu à ce sujet. Quand à Thomas, ayant officié dans le jeu de rôle pendant de nombreuses années, je pense qu’il maîtrise le sujet pour l’avoir potassé.

    En ce qui concerne nos « univers de conteur », Thomas et moi avons su nous mettre sur la même longueur d’onde et la fin de La Graine de Folie en est l’exemple. Maintenant, sur Korrigans nous continuons d’affiner cette vision ! A force de discutions, nous arrivons à trouver un équilibre.

    Créatures enchantées

    Les premières planches des albums de Korrigans (1ère édition) sont des pages de croquis. Dans vos représentations, on sent que vous cherchez à coller le plus fidèlement possible à la réalité. Pourquoi et sur quoi vous basez vous ? Où cherchez-vous l’inspiration ?

    Plus les créatures et les univers seront réalistes, plus ils seront crédibles. Ce qui fait, par exemple ou ce qui a fait les premiers Guerre des Etoiles, c’est la véracité et la réalité technologique d’un monde purement fictif. Ce qui est le cas également de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Le fait d’avoir créé différents langages, différentes cultures et des différenciations au sein même des peuples, fait de tout cela un monde on ne peut plus réel !

    L’inspiration est partout autour de nous. Il suffit simplement de regarder. Et, parfois, pas besoin de transformer un nez ou une souche d’arbre, celle-ci contient déjà l’antre d’un gnome et le personnage est là devant moi…

    Quels sont les contrastes ou les détails importants que vous vouliez faire ressortir entre les différentes créatures de l’Autre Monde (Korrigans, Cluricaunes, Formoîrés…) ? Quelle est celle que vous préférez dessiner ?

    D’abord un contraste très important, dans n’importe quelle légende féerique, on nous parle de ce rapport de taille, petit ou grand, d’êtres qui ont diminué ou grandi au fil des ans ou d’êtres qui sont devenus tellement minuscules qu’ils ont disparu… comme les Elfes !

    Dans les croyances populaires, on ne verra jamais un ogre de cinquante centimètres mais plutôt de deux ou trois mètres (ce qui a aussi pour but d’effrayer les enfants) et l’on ne fera jamais une fée ou un elfe de six mètres de haut… (bien qu’il y en ai eu). Tout cela en fait, correspond à une iconographie établie au fil des âges.

    Celles que je préfère dessiner : toutes ! Elles sont toutes intéressantes à dessiner mais, ça va peut-être vous surprendre, j’adore faire les « monstres ».

    Quelle est votre créature préférée issue du Petit Peuple ? Pourquoi ?

    Incontestablement, toute la faune noire, le côté obscur de la féerie. Je trouve que, dans leur malveillance, il y a un côté séducteur !

    Ambiances sombres

    La plupart de vos planches sont de véritables tableaux. Le travail en couleurs directes renforce le sentiment de réalité et transporte l’imaginaire. Il contribue à porter le lecteur au-delà de la frontière des mondes. Un mot sur votre technique et l’effet recherché ?

    L’effet recherché : le réalisme !

    La Graine de folieLa couleur est directement travaillée sur le crayonné des pages. Je ne fais jamais d’encrage. Je travaille à l’acrylique. Et même si beaucoup pensent que l’aérographe est un instrument « facile » d’utilisation pour les effets tape à l’œil et un peu rétro, je l’utile pour les ombres, les lumières, les flous, les halos, les ambiances de brumes. Personnellement, traiter une histoire d’Heroic Fantasy à l’ordinateur gâche un peu la donne… je ne parle qu’au niveau BD… Lorsque l’on voit le résultat de Peter Jackson, on révise son jugement !

    L’histoire de la petite Luaine se déroule en Irlande et se réfère aux antiques légendes celtes irlandaises. Quelle(s) différence(s) majeure(s) au niveau des légendes et des créatures faites-vous entre l’Irlande, la Bretagne ou l’Ecosse par exemple ?

    Personnellement je n’en vois aucune. Les trois lieux précisés auraient fonctionné à merveille, car chaque pays contient son lot de légende et de créatures mythiques.

    Inspiration et impressions

    Vous êtes un grand admirateur du travail de René Hausman. Qu’est-ce qui vous fascine dans son œuvre ?

    Eh bien, tout ! Surtout la simplicité qui en émane. Le fait que tout est immédiatement reconnaissable. Un nain, n’a jamais été autant un nain que chez René. Que dire de ses frondaisons… Magnifiques !

    D’autres noms gravitent autour de votre univers : Brian Froud, Alan Lee, Tolkien… Toutes ces personnes ont-elles quelque chose en commun et qui est partagée par vous?

    Le rêve. Cette faculté de nous faire plonger dans un univers tout à fait crédible et, surtout, d’avoir réussi à donner corps à l’imagination partagée par tous. Enfin, pour ma part j’essaye car ce n’est pas facile d’apporter quelque chose de nouveau…

    Qu’avez-vous pensé de l’adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux par Peter Jackson ? Et de l’adaptation de Bilbo le Hobbit en BD ?

    S’il est une oeuvre marquante de ce siècle, c’est bien cette adaptation cinématographie. Oh bien sûr, comme tout fan et lecteur de Tolkien, je pourrais lui en vouloir de ne pas avoir été aussi fidèle et d’avoir fait quelques transgressions. Mais cela n’a-t-il pas gagné en épaisseur ?! Se référer totalement à l’œuvre littéraire aurait peut-être été un peu ennuyeux. L’intervention d’une femme au scénario a apporté un côté plus romantique qui, selon moi, contribue positivement à l’œuvre. Du côté imagerie, rien à en dire. C’est tout bonnement du génie.

    L’adaptation BD, et bien, c’est tout le contraire. Même si les qualités graphiques de l’auteur dans d’autres ouvrages fonctionnent à merveille, je trouve que dans cette histoire, elles sont un peu déplacées. On ne retrouve ni la noirceur des grands moments, ni l’héroïsme et l’envolée lyrique, et encore moins le féerique.

    Projets

    Quelques mots sur vos projets ou vos envies dans la bande dessinée…

    Deux albums de Korrigans sont encore prévus. Peut-être plus…

    Sinon, à l’opposé, je réalise actuellement le premier tome d’une série sur la mafia, sur un scénario d’Hélène Herbeau. L’action se situe dans les années 30 à LA.

    J’illustre également les textes de Catherine Quenot pour une série de quatre petits livres sur le Petit Peuple, chez Albin Michel. C’est une sorte de carnet de route de la féerie.

    Sinon, j’ai d’autres idées de scénars que je suis en train de peaufiner et qui, j’espère, verront le jour dans un avenir assez proche…

    (suite…)

  • Edouard Brasey – interview

    Edouard Brasey

    Il était une fois le Merveilleux…

    Après Pierre Dubois, nous poursuivons nos rencontres avec les amis du petit Peuple et de l’Imaginaire. Cette fois-ci, c’est le conteur et auteur Edouard Brasey qui nous entretient des univers féeriques. Lui qui vient d’entamer un projet bien ambitieux sous la forme de l’Encyclopédie du Merveilleux aux éditions Le Pré aux Clercs.

    Né le 25 mars 1954 à Marseille, Edouard Brasey effectuera d’abord des études en politique et en droit pour opter pour les sciences-économiques lors de son passage à l’ESSEC en 1977. Tout cela le mène à travailler dans un cabinet d’audit américain, puis, très vite, à devenir journaliste économique et enfin journaliste littéraire pour le magazine Lire. C’était sans compter sur les fées qui allaient lui suggérer d’emprunter un autre chemin. Titulaire d’un DEA en études cinématographiques en 1984, et fort de son expérience de journaliste, Edouard Brasey passe à l’écriture d’essais divers et se révèle dans une autre passion : l’art de conter. Si le conte le mène à rencontrer le public lors de nombreux spectacles, la plume l’entraîne dans le tourbillon de Faerie avec une première Enquête sur l’existence des fées et des esprits de la nature (Filipachi 1996, J’ai Lu 1998). Mais on le connaît surtout pour la collection l’Univers féerique chez Pygmalion ainsi que pour Le guide du Chasseur de fées (Le Pré aux Clercs, 2005). Et voilà que cette même année allait aboutir, avec la parution en octobre 2005, à l’Encyclopédie du Merveilleux.

     

    Peuples de la lumière

    Peuples de la LumièreLe premier volume de cette encyclopédie parue aux éditions Le Pré aux Clercs porte sur les peuples de la lumière. Anges, fées, elfes, nains, djinns et nymphes se partagent les nombreuses pages bien documentées, parsemées d’anecdotes. A ce premier tome feront suite des volumes consacrés à un bestiaire féerique, aux peuples de l’ombre , aux héros, aux lieux de légendes, aux objets. Un sixième et dernier tome prévu devrait faire la part belle aux auteurs de l’Imaginaire. Une œuvre colossale qui garnira bientôt toutes les bibliothèques des passionnés de merveilleux, de fantasy et de féerie.

    La magie de Sandrine Gestin

    Cerise sur le gâteau, un soin particulier a été apporté à la maquette et aux illustrations. Sur des pages imitant le parchemin, une très jolie iconographie mêlant tableaux de maître et esquisses diverses. Le livre a également bénéficié du talent de Sandrine Gestin, reconnue aujourd’hui comme l’une des meilleures illustratrices de l’Imaginaire avec une prédilection pour les êtres de lumière. Autant dire que l’accord pour ce premier volume est parfait.

    La parole au conteur

    Laissons maintenant l’auteur de cette ravissante encyclopédie répondre aux quelques questions que nous avons voulu lui poser…

    Comment est née votre passion pour l’Imaginaire ?
    Edouard Brasey : Je crois que j’ai toujours considéré l’Imaginaire non pas comme un refuge ou une évasion, mais comme l’intégralité du Réel, dont ce que nous nommons « réel » n’est qu’une petite succursale, celle où nous vivons… La présence de l’invisible me semble une réalité incontestable, une nécessité. Il y a quelques années, un journaliste sceptique avait demandé à Jeanne Moreau, alors qu’elle avait joué le rôle d’une fée dans un film, si elle croyait à l’existence des fées. Elle répondit, superbe: « J’y crois plus qu’à la vôtre… »

    Sur votre site, on propose un voyage conté en Afrique du Nord. Une terre particulièrement riche en contes ?
    Oui, bien sûr. Dans le désert, on raconte encore comme il y a deux mille ans. J’ai raconté dans le désert blanc d’Egypte au coucher du soleil, pour un groupe de Français, mais les chameliers égyptiens écoutaient. Même s’ils ne comprenaient pas notre langue, ils m’ont remercié à la fin et m’ont qualifié du terme de « vieil homme ». Ce qui pour eux voulait dire: « le sage », celui qui a suffisamment vécu pour raconter des histoires. C’était un beau compliment qui m’a beaucoup touché…

    Après plusieurs ouvrages sur les créatures féeriques chez Pygmalion, voilà que les éditions du Pré aux Clercs vous confie un projet plutôt ambitieux: une véritable Encyclopédie du Merveilleux. En quelques mots comment définissez-vous ce terme « Merveilleux » ? On pense de prime abord aux fées mais un des tomes portera sur les ombres dont le vampire… A prendre dans un sens très large dans ce cas ?
    Je définis le Merveilleux comme la présence permanente du miraculeux et du magique dans notre vie,

    Le Bestiaire fantastiquecontrairement au fantastique qui suppose l’ingérence d’un surnaturel inquiétant dans le réel. Cela dit, vous avez raison de souligner que je vais consacrer un tome de l’Encyclopédie du Merveilleux à des créatures liées plutôt au fantastique! Mais au-delà des genres, l’idée est en effet de brosser un inventaire le plus complet et exhaustif possible de ce que l’on appelle l’Imaginaire: les êtres de Féerie, les vampires et démons, les trésors et objets magiques, les lieux imaginaires et îles enchantées, les héros et personnages, les créateurs… Cela n’a jamais été fait, en France du moins. Et cela manquait cruellement…

    Le terme « encyclopédie » fait de suite penser à celles de Pierre Dubois ou encore aux ouvrages universitaires de Claude Lecouteux. En quoi la vôtre est-elle semblable ou différente ?
    Je connais bien Pierre Dubois, qui est un ami, ainsi que Claude Lecouteux. Ce dernier est un pur universitaire. Celui-là est un poète, qui prend beaucoup de libertés avec ses sources documentaires en brodant à sa manière. Disons que je me situe modestement à mi-chemin, en essayant de concilier la rigueur de la recherche et le sérieux de la documentation avec une volonté de lisibilité, de clarté, voire d’humour. Je m’adresse à un public curieux de Fantasy ou de mythologie et qui désire savoir d’où viennent toutes ces croyances, à quelles sources elles s’alimentent… Tout en se divertissant.

    N’est-ce pas un peu paradoxal pour un conteur d’écrire des encyclopédies ? Pour un inventeur d’histoires de choisir des définitions précises ? Les dictionnaires et encyclopédies ne sont-ils pas des outils qui limitent l’imaginaire ?
    Au contraire! Car les sources auxquelles je me réfère sont vivantes: il s’agit de la tradition des légendes, des contes, des mythes, du folklore, que l’on trouve dans les livres, bien sûr, mais qui viennent avant tout de la tradition orale… Conter le monde féerique ou l’inventorier dans une encyclopédie correspond pour moi à deux aspects indispensables et complémentaires…

    Peut-on espérer un ancrage actuel dans un des tomes de cette encyclopédie, une sorte d’état des lieux d’aujourd’hui ?
    Oui, bien sûr. Nous avons prévu un tome sur les créateurs d’hier et d’aujourd’hui. Il y aura Tolkien, bien sûr, mais aussi les auteurs contemporains et les illustrateurs.

    L’illustration et la maquette sont très réussies… Sandrine Gestin fut véritablement un choix judicieux. Une volonté de proposer un bel objet ?
    Je connaissais Sandrine pour l’avoir rencontrée il y a quelques années au Salon du Livre de Figeac consacré au Fantastique. J’ai proposé son nom à l’éditeur, nous l’avons contactée et elle a accepté avec enthousiasme. Elle a notamment créé tous les croquis, une façon de dire: ce sont des êtres invisibles, on n’a pas le temps de les peindre, ils ne posent pas assez longtemps! Oui, nous avons voulu reproduire l’esprit des ouvrages médiévaux somptueusement enluminés. D’où le choix également du papier couleur de parchemin…

    On parle d’un succès pour l’imaginaire féerique ces dernières années en France. Comment expliquez-vous cette arrivée tardive et assez timide alors que ce n’est pas le cas dans la culture anglophone, par exemple ?
    Nous avons beaucoup de retard par rapport aux Anglo-Saxons, qui baignent véritablement dans cette culture. Nous autres Latins à culture cartésienne avons plus de difficultés avec le monde de Féerie. Pourtant, il s’agit de nos racines culturelles! Mais je crois qu’à présent le pli est pris, et on peut parler des fées et des elfes sans passer pour un illuminé…

    Vous qui êtes conteur et auteur, pensez-vous que l’Imaginaire doit être d’abord lu ou d’abord vécu ?
    C’est la même chose. On peut le lire et en rêver, ou le vivre et se reporter ensuite à des livres. C’est à chacun de suivre son propre chemin…

    Quels sont vos propres ouvrages de référence ?
    Parmi les collecteurs de légendes et mythes, Sébillot, Seignolle, tous les folkloristes du XIXe siècle, mais aussi Katrine Briggs, qui a publié de nombreuses encyclopédies de la Féerie en anglais. Parmi les romanciers, Arthur Machen, Charles Nodier, Anatole France…

    Pour terminer, votre plus beau souvenir de Faerie ?
    Alors que je faisais mes recherches sur la Féerie pour mon premier livre sur le sujet, Enquête sur l’existence des fées et des esprits de la nature, publié en 1996 (réedité chez J’ai Lu), j’allais souvent à la Bibliothèque Nationale de la rue de Richelieu à Paris. A plusieurs reprises, à des heures et des places très différentes, je sentais un fort parfum de lis. Ce ne pouvait pas être une voisine trop parfumée ni un système de diffusion d’odeurs inexistant dans cette vieille salle boisée surmontée d’une coupole. Alors je me suis dit qu’il s’agissait du parfum de la fée de la Bibliothèque Nationale, qui venait ainsi m’encourager… C’est un parfum délicieux, que je n’ai plus senti nulle part depuis, mais qui, étrangement, ressemble sans doute au parfum de lis qui, selon les témoignages, accompagne les apparitions mariales…

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