Je vous en dévoile l’introduction agrémentée de quelques clichés maison. Un livre qui fourmille d’elfes, de lutins et de fées dont la sortie en cette période est plus que justifiée. En effet, c’est à l’approche de Noël que dans de très nombreuses contrées, les esprits se manifestent, se réveillent… Un cadeau à mettre sous le sapin cette année qui enchantera tous les passionnés de Féerie !
» Trois hivers. C’est le temps qu’il a fallu avant que vous teniez ce livre entre vos mains. Curieusement, le précédent volume, consacré aux esprits de la nature, avait pris lui aussi autant d’années de recherche et d’écriture, mais ponctuées de trois printemps…
L’hiver. L’hiver a quelque chose qui nous ramène à notre foyer, à la chaleur des bûches enflammées, la douceur grisante des braises. Il suffit d’un bon fauteuil, d’un thé parfumé ou de quelque spiritueux pour vous réchauffer l’âme et entrevoir l’esprit du lieu.
A l’heure où j’écris ces quelques lignes, un orage a éclaté. Le ciel gronde et fulmine d’éclairs. Il est d’encre noire. Sur la vitre des fenêtres viennent claquer gouttes de pluie et grêlons de gelée. La bourrasque se glisse de dessous les portes offrant une piqûre glaciale à mon corps qu’aussitôt un élan de chaleur en provenance de l’âtre vient apaiser. Elle fait siffler d’un air terrifiant les chambranles, craquer les meubles et l’escalier, frappe les tuiles… C’est toute la force du sauvage qui tente de briser la coquille de cette demeure. Mais rien n’y fait. Elle est bien gardée. A chacune des gifles du dehors répondent les écus du dedans. Autant de talismans contre le mauvais œil…
L’histoire de ces Esprits de la Maison, ces Gardiens du Foyer, ces Génies domestiques va de pair avec celle de l’Homme. Tout commence avec le feu. Cette invention, ce cadeau des dieux qui distingue l’être humain de l’animal. L’étincelle salvatrice garante de notre survie. Car l’Homme n’est rien sans le feu. Sa fourrure des plus minces ne le protège pas contre le froid, son système digestif ridicule ne peut facilement assimiler la nourriture crue, l’eau pesante sur ses vêtements a vite fait de l’enrhumer, le gripper, le tuer… Le feu, c’est la vie. Et pour protéger ce bien incommensurable, il a fallu construire autour de ce trésor des murs, un toit, une cheminée… Le foyer est la maison, la maison est le foyer.
Pour construire, il faut une permission. Non le pauvre papier délivré par quelque autorité, mais bien le signe approbateur du génie topique. Une offrande est faite. La poule sacrifiée disparue, le présent accepté, l’homme peut alors bâtir sa future demeure. Dans le cas contraire, il lui faut déplacer son projet. Toute bravade à une interdiction claire du génie du lieu est punie d’un mal terrible.
Le petit maître des lieux se transformera au gré de l’avancée du bâti en esprit domestique ou bien le premier être à pénétrer dans la demeure, le premier sacrifié, emmuré, décédé… en deviendra le précieux gardien, comblant de ses bienfaits les générations futures, les préservant du malheur et des maladies, les protégeant des autres esprits et de tous ces croquemitaines qui en veulent tant à leur progéniture.
Mais les demeures tranquilles n’existent pas. A un moment ou un autre, un fantôme s’invite, un tapageur tambourine, un farfadet se fâche, un objet disparaît. Il faut alors ruser de prières, d’amulettes et de chansons pour que l’équilibre soit rétabli.
Des esprits, des formules, des offrandes, vous en trouverez bien des traces en ces pages. Voilà qu’au cours de ces trois hivers, je les ai patiemment rassemblés pour vous. Le tout a été une fois de plus illustré par le talent magique de Frédérique Devos. Nous ne nous étendrons pas sur le prix payé. Nous avons arrêté de compter le nombre d’objets disparus, déplacés ; les nuits de vacarme et les poussées cauchemardesques.
Voilà que s’entrouvre Le Grand Livre des Esprits de la Maison. Ecoutez les murmures de derrière vos murs, sentez les parfums qui remontent de la cave, touchez le bois des poutres, la pierre de l’âtre… Une vibration du parquet, un mouvement dans les tentures, un bruit de pas dans le grenier… Oui, votre maison est hantée. Confiez-lui une part de votre âme. La boucle sera bouclée. »
Richard Ely
LE GRAND LIVRE DES ESPRITS DE LA MAISON, Richard Ely (textes) et Frédérique Devos (Illustrations), éditions VEGA, 2015
Voilà, Le Grand Livre Des Esprits de la Maison est terminé. Dans quelques jours, il sortira en librairie. Ce deuxième tome faisant suite au Grand Livre des Esprits de la Nature paru en 2013 clôture une belle collaboration entre Richard Ely aux textes et Frédérique Devos aux illustrations. Six années passées dans nos bureaux et ateliers méritaient bien un petit débriefing…
Frédérique Devos : Après trois années de recherche et de documentation, le Grand Livre des Esprits de la Maison sort bientôt en librairie. Tu peux être fier de ton travail! Quelles sont tes attentes par rapport à cette nouvelle publication?
Richard Ely : Oulah ! D’abord que les lecteurs du premier tome trouvent dans celui-ci de quoi prolonger leur aventure au pays des fées, elfes et lutins. Qu’ils puissent entrevoir les liens qui unissent les esprits de la nature aux esprits de la maison, mais également les différences. Les deux livres sont vraiment complémentaires, je m’en suis rendu compte à la fin, quand je l’ai relu entièrement pour la première fois. C’est ce qui m’a poussé d’ailleurs à créer quelques pages supplémentaires par rapport au premier tome, ceci afin de tisser plus serré encore le lien entre les deux mondes qui n’en font qu’un.
Mais toi, niveau illustrations, j’imagine qu’il t’a fallu pas mal de réflexion pour aborder la thématique de la « maison ». Etait-ce plus ou moins évident par rapport au tome précédent où les esprits baignaient dans un cadre naturel ? Tu t’es orienté vers des couleurs, des symboles particuliers ?
Chez Richard, on semble ne pas boire que du thé…
Frédérique : Oui, en effet, j’ai bien réfléchi avant de me lancer dans les illustrations… Pour le premier tome, je souhaitais m’éloigner de l’imagerie habituelle que l’on se fait des fées, des elfes et des lutins en proposant aux lecteurs une autre perception du monde de Féerie. Il y avait déjà pas mal de réflexion pour aborder la thématique de la nature, mais c’était un travail très agréable à réaliser car tout ce qui m’entourait était propice à l’imagination… Bien sûr, je me suis beaucoup documentée sur telle ou telle plante correspondant à un esprit en particulier… D’autres fois, en m’asseyant sur un banc dans le jardin, certaines mises en page me venaient automatiquement à l’esprit ! A croire que l’on me chuchotait des idées de derrière les buissons…
Pour les esprits de la maison, c’était une autre démarche. Oui, un nouveau style de dessin avait été trouvé pour le premier tome, mais cette fois, je ne pouvais plus intégrer d’éléments naturels ! Il fallait également garder une certaine harmonie au niveau du graphisme et des couleurs… Alors, je me suis inspirée des motifs traditionnels propres à chaque pays : cela pouvait être le détail d’un costume folklorique, d’une broderie traditionnelle, d’objets ou d’instruments de musique… mais aussi quelques références archéologiques. Par exemple, pour les Lares, le bélier qui repose sur le bras de cet esprit est en fait un rython, un vase en terre cuite qui se termine par une tête d’animal… Ce travail de documentation et de recherche d’images était vraiment très passionnant et enrichissant…
Mais, dis-moi, les esprits de la maison peuplent les quatre coins du monde alors quel pays ou quelle contrée t’ont le plus inspirés dans tes recherches ?
Richard : Il y a deux zones géographiques qui m’ont beaucoup plu. La première, c’est la Russie et les pays slaves qui conservent encore pas mal de coutumes liées au foyer. Le plus évident gardien de la maison est pour moi le Domovoï qui illustre notre couverture. Dans ces pays, les « grands-pères » et « grands-mères » qui veillent sur la famille, la maison reçoivent encore des attentions particulières. J’aime cette ambiance un peu rude, forte… J’ai beaucoup apprécié les ouvrages parlant des croyances chez les paysans russes… L’autre contrée, c’est le Nord de l’Espagne. C’était déjà un coup de cœur dans le Grand Livre des Esprits de la Nature, ça l’est demeuré dans celui-ci. Des paysages superbes au sein desquels l’authentique demeure. Le Pays Basque, la Galice… Ces régions m’attirent vraiment beaucoup.
Et toi, quelle est la créature qui t’a menée le plus loin, qui t’a plongée, en la dessinant, le plus dans le monde des fées de ce livre-ci ?
L’atelier de Frédérique fourmille d’objets féeriques reflétant sa passion pour le légendaire et le Moyen Âge
Frédérique : Ouh, j’ai plusieurs coups de cœur ! Le tout premier, je te rejoins, c’est le Domovoï. J’aime beaucoup ce style graphique, très chargé, chatoyant et fleuri propre à la Russie. Sinon, le sympathique Massariol me plaît aussi ! Dans un autre genre, la Kamifuchi a un côté plus apaisant et spirituel. Son illustration est remplie de symboles : ciel, terre, ombre et lumière… D’autres esprits me plaisent encore mais je m’arrête ici pour te demander… Lorsqu’on rédige des ouvrages sur les esprits, qu’ils soient de la nature ou de la maison, comment réagissent ces derniers? As-tu senti leur présence pendant tes recherches? T’ont-ils mis des bâtons dans les roues pendant ton travail ou étaient-ils plutôt conciliants?
Richard: Eh bien, oui, bien sûr ! Un livre posé sur le bureau et aussitôt disparu. Des heures de recherche pour le retrouver à la cuisine ! Des problèmes de clavier aussi, j’en ai changé deux fois pendant la rédaction du dernier tome. Ceci me rappelle une interview pour le tome précédent. Une équipe de télévision était venue chez moi. Les journalistes me regardaient d’un drôle d’air et, comme souvent, me demandèrent si je croyais à toutes ces bestioles… Je leur réponds qu’ils verront bien, au fil de l’interview, que fées et lutins se mêlent toujours de tout compliquer. Panne de micro, caméra vérifiée le matin même qui ne se met pas en marche et comble du comble, la journaliste qui ne retrouve plus ses clés de voiture, un classique ! A la fin de la journée, leur regard s’était transformé. Et puis, souviens-toi, ce sont les fées qui nous ont fait nous rencontrer, comme quoi, malgré leurs farces et facéties, il y a aussi l’envie de nous permettre d’écrire sur eux. Tiens, mais à propos d’atmosphère féerique, je crois savoir que ton atelier recèle de petites choses liées au Bon Peuple… Encore un peu de thé ?
Quelques compagnons qui ont beaucoup aidé Richard dans l’écriture des Grands Livres…… et les gardiens farceurs de la bibliothèque de Frédérique !
Frédérique : Oui, volontiers, merci. Alors Oui, le Petit peuple a trouvé refuge dans mon atelier ou dois-je plutôt dire LEUR atelier… Tout d’abord il y a un Greenman qui observe la pièce de son regard bienveillant. Ensuite, tu peux rencontrer les gardiens de la bibliothèque, créatures de petite taille mais d’une grande exigence! Ils me font savoir qu’un livre est mal rangé en me l’éjectant de l’armoire! Il faut avoir de bons réflexes pour ne pas le recevoir en pleine figure! Je t’avoue que la cohabitation est parfois chaotique… Heureusement, certains esprits ont meilleur caractère! Comme ces petites fées diaphanes qui veillent sur les plantes ou les brownies qui rangent mon bureau le soir, à condition de leur donner une petite récompense en retour. Ils sont assez susceptibles… Voilà, tout ce petit monde a trouvé sa place à la maison et s’y sent bien !
Une dernière question avant de termine ces délicieux petits gâteaux… Pour revenir à tes ouvrages, lors de notre première rencontre, tu m’avais dit que la réalisation de ces deux tomes te tenait particulièrement à cœur… Tes attentes ont-elles été comblées ? Si cela n’est pas encore fait, quel serait le livre que tu rêverais d’écrire ?
Le fameux Greenman de l’atelier de Frédérique, source inépuisable d’inspiration…
Richard : En effet, ce livre était un rêve. Et je suis très content du résultat. Nous avons pu lui donner la forme et le contenu que nous désirions. Notre éditeur nous a laissé libre de ce choix et je pense que ce grand format, cette écriture libre et tes belles illus ont trouvé leur chemin. Depuis la parution du premier Grand Livre, je vis mes rêves de plume, je n’ai pas un livre mais des dizaines que j’aimerais écrire. Depuis que j’ai entendu le premier murmure des fées qui m’accompagnent, jamais plus il ne s’est tu. Et j’ai la chance aujourd’hui d’enchaîner les projets. En espérant très bientôt en sortir de nouveaux ensemble… D’ailleurs, de ton côté, je te retourne la même question, sur quoi aimerais-tu travailler ?
Quand il n’écrit pas ou ne court pas les bois, Richard s’amuse à façonner de petits compagnons encapuchonnés…
Frédérique : Bien sûr, je souhaiterais également collaborer avec toi sur de nouveaux projets. A part cela, comme je suis très attirée par l’univers médiéval, cela me plairait bien d’illustrer des légendes de cette époque… Pourquoi pas un recueil de poésie ou revenir au livre jeunesse… Cette belle aventure ne fait que commencer…
Sur ces mots, Frédérique et Richard terminent leur thé, le regard tourné vers le jardin. Derrière eux, une petite ombre fugace s’échappe vers l’escalier pendant que du grenier, des rires cristallins s’évanouissent dans l’air…
Un petit coin du jardin de Richard, visible de là où il travaille et a écrit les Grands Livres…