Parcourir les œuvres de Brian Froud est toujours un réel émerveillement pour les amateurs de Faerie. Il s’est ici associé aux mots d’Ari Berk, folkloriste et professeur de littérature. Tous deux nous entraînent dans un voyage au travers de runes elfiques. Chacune des runes illustrées est accompagnée d’un joli conte et du charme qu’elle opérerait si elle était tracée. Et, bien entendu, des dizaines de petits êtres s’amusent à en reproduire la forme tout au long des pages !
Les Runes du Pays des Elfes, un ouvrage qui fera rêver vos pupilles et vos esprits. Aux éditions Glénat.
Étiquette : féerie
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Les Runes du Pays des Elfes – Glénat
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Les lavandières de nuit
Les lavandières de nuit
Si vous passez à Quimper, arrêtez-vous en son musée des Beaux-Arts pour y admirer un tableau de Yann Dargent intitulé Les Lavandières de la nuit. C’est ce même tableau qui sert de couverture au recueil Fantômes Bretons disponible en téléchargement sur le site www.arbredor.com, une bonne adresse pour les amateurs de contes populaires…
Mais qui sont ces femmes lavant de nuit leur linge le long des ruisseaux ou frappant leurs draps blancs sur la margelle des fontaines ? On dit qu’elles n’apparaissent qu’aux hommes, jamais aux femmes et toujours pour annoncer leur mort. George Sand parle de mères infanticides, punies pour l’éternité, répétant leur geste infâme. Le paquet de linge blanc dissimulerait alors un petit corps meurtri… D’autres prétendent encore que les kannerezed-noz comme on les appelle en Bretagne, seraient des fées des eaux… Une chose est certaine, il vaut mieux ne pas trop tarder le soir et éviter de rentrer seul de peur d’entendre le bruit caractéristique du battoir frappé en cadence morbide. Et si vous avez le malheur de rencontrer une de ces lavandières nocturnes et que cette dernière vous propose de battre le linge avec elle, surtout ne tordez jamais celui-ci en sens contraire, cela scellerait votre sort ! Proches des dames blanches qui se rencontrent le long des routes, les lavandières de nuit sont souvent annonciatrices de la venue de la grande faucheuse. Dans d’autres régions, elles annoncent (ou font tomber) la pluie en provoquant les orages de leurs coups répétés et de l’eau qu’elles projettent dans le ciel.
Quant à la faute originelle qui leur a valu cette punition, la plupart du temps c’est bien l’avortement ou l’infanticide qui explique leur damnation, parfois encore, le simple fait d’avoir négligé leur travail durant leur vie en utilisant des pierres en place de savons par exemple. Dieu les aurait alors renvoyées dans leur lavoir pour y travailler le linge de nuit et porter de lourds cailloux…
Ces lavandières, dans leurs habits traditionnels, se rencontrent principalement en Bretagne mais trouvent leurs équivalents dans d’autres régions et jusqu’en Belgique où celles-ci perdent leur caractère néfaste en se chargeant du linge déposé le soir avec nourriture et boisson… -
Petit portrait de Brian Froud
Petit portrait de Brian Froud
Une illustration de Brian Froud
Né à Winchester en 1947, Brian Froud sort en 1971 du Maidstone College of Art. Il commence par travailler sur divers projets comme réaliser des couvertures de livres, de magazines ou illustrer des livres pour enfants. Aujourd’hui, il est devenu l’illustrateur le plus fameux pour tout ce qui concerne le Petit Peuple.
L’histoire de Brian Froud en tant que peintre du Petit Peuple commence véritablement par la publication de Faeries avec Alan Lee (Les Fées, aux éditions Albin Michel). Le livre est un gros succès et décide Alan Lee à se lancer dans l’illustration de Fantasy avec la carrière qu’on lui connaît, notamment dans l’univers de Tolkien. Par contre, Brian Froud, reste aux frontières de Faerie et s’y plaît tellement qu’il n’empreinte nulle autre voie. Sur la préparation du film Dark Crystal (Jim Henson), il fait la connaissance de sa future épouse, Wendy, qui est créatrice de poupées. Elle vient d’une famille d’artistes et c’est tout naturellement qu’elle crée sa première poupée à l’âge de six ans. Passionnée de mythologie antique et de merveilleux, elle donne forme à centaures, licornes, satyres… Elle a également sur l’Empire contre-attaque où elle a créé Yoda !Les Froud au grand complet ont collaboré à Labyrinth, le film de Terry Jones, où apparaît leur fils, Toby (le bébé volé par David Bowie !).C’est d’ailleurs à la suite de ce film que Brian Froud a une idée excellente pour faire admettre ses créations par le monde de l’édition plus tourné vers l’Heroic Fantasy que vers le Petit Peuple. Avec Terry Jones, il propose avec humour le Livre des Fées séchées de Lady Cottington (Glénat), le projet séduit d’abord les éditeurs, ensuite le grand public et ouvre définitivement la voie à l’art de Brian Froud. Depuis, les publications s’enchaînent, livres, calendriers, cartes postales et le talentueux peintre de Faerie ne cesse de travailler dans son petit coin d’Angleterre.
Le style unique de Brian Froud (combinaison alchimique d’acrylique, crayons de couleurs, pastels et d’encre) fait de son oeuvre une curiosité indépassable. Il a su donner au monde de féerie des visages emplis de malices et de réalisme. Nombre de nos propres visions du Petit Peuple lui sont dus aujourd’hui. Le maître avoue trouver l’inspiration en son âme. Comme s’il se laissait guider par une quelconque force extérieure. Doucement, des images se créent, des images qui racontent leur propre histoire… L’histoire de petits êtres difformes, tout droit sortis d’une Nature délicieuse. Des créatures entre deux formes prêtes à toutes les facéties…
Pour les plus curieux d’entre-vous, on ne saurait trop vous conseiller d’aller faire un tour sur le site http://www.worldoffroud.com/ , vous y trouverez tout l’art des Froud et bien plus encore !
De quelques ouvrages récents des Froud…
A Midsummer Night’s Faery Tale ( aux éditions Simon & Schuster )est le fruit de la collaboration entre Wendy Froud et Terry Wendling la célèbre éditrice et auteure de fantasy.Basé sur une relecture de la pièce de Shakespeare et inspiré des poupées de Wendy Froud, le livre nous conte les aventures de Sneezle, un jeune fé d’à peine 200 ans…
Good Faeries, Bad Faeries (aux éditions Simon & Schuster, sous la direction de Terri Windling) qui comme son nom l’indique présente les bons lutins et les mauvais… Pour qui se passionne de l’art de Brian Froud, voilà un livre richement illustré à ne pas oublier !
Brian Froud’s Goblins! (Editeur : Harry N. Abrams, sous la direction de Ari Berk)
Voilà une œuvre bien singulière ! Certains prétendent que le livre est tout imprégné des pouvoirs malfaisants des Goblins ! Si vous désiriez tout connaître de ces capricieuses créatures et de ces mauvais farceurs, vous voilà bien servis !
Lady Cottington’s Pressed Fairy Book
Lady Cottington avait défrayé la chronique au début du Xxè siècle en révélant des photos où l’on pouvait y voir des fées. Appuyée par Conan Doyle et Barrie, il y avait eu tout un débat à l’époque sur l’authenticité de la chose… Ce livre serait une reproduction du journal de Lady Cottington, découvert dans le grenier de son château après sa mort.
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Civiello, dessinateur du Petit Peuple ?
Civiello, dessinateur du Petit Peuple
KorrigansLe Petit Peuple, Emmanuel Civiello le connaît bien. Passionné depuis toujours par les légendes celtiques, son imagination nous emmène souvent au-delà des frontières de notre monde. Imprégné de ces légendes traditionnelles et de leur atmosphère médiévale, Civiello crée des univers brumeux et des personnages très réalistes. Son graphisme est unique, reconnaissable entre tous. Ses univers nous happent, tant les lieux et les événements sont crédibles et cohérents. A 31 ans, son travail sur le Petit Peuple est déjà tellement impressionnant qu’il est devenu une référence en la matière. Civiello, un des ces auteurs à posséder la clé de la porte vers l’Autre Monde?
Légendes celtiques et mythologie…
Autant La graine de folie que Korrigans marquent votre intérêt pour les légendes celtiques. D’où vous vient cette passion pour les légendes anciennes et les peuples imaginaires ?
Civiello : Ma mère a toujours aimé les livres. Tous les livres, romans, livres de science, d’histoires, d’ésotérisme… C’est par elle que m’est venu le goût de la lecture. Pas vraiment les mêmes sujets, bien que c’est elle qui me fit découvrir, enfant, Bilbo le Hobbit. Cela m’a tellement plu que j’ai commencé à dévorer tout ce que je trouvais sur le sujet. Les romans ainsi que les livres d’illustrations et certaines BD. L’univers de Tolkien est tellement bien construit qu’il pourrait bien être plausible. Mais, d’autres écrivains ont également inventé un monde particulier, se basant sur un futur peut-être proche ! Je pense notamment à Dune de Franck Herbert, roman que j’ai adoré. Mais bon, nous nous éloignons. Mettons plutôt alors la légende du roi Arthur où l’on découvre la perte des anciennes croyances et donc du Petit Peuple. Sujet qui m’a fort marqué comme l’on a pu le découvrir avec l’histoire de La Graine de Folie. Je préfère la version de Marion Zimmer Bradley où l’on est beaucoup plus proche de la terre et des anciennes croyances des origines plutôt que des stéréotypes du roi Arthur et des chevaliers chevauchant dans de belles armures bien dorées !
Thomas Mosdi, votre scénariste avec qui vous travaillez également sur La Graine de Folie, est aussi un grand passionné des légendes traditionnelles. Vos univers de conteurs et vos connaissances en mythologie celtique se recoupaient-ils ?
La Graine de foliePour ma part, je ne pense pas avoir de connaissance particulière en mythologie celtique, j’ai simplement beaucoup lu à ce sujet. Quand à Thomas, ayant officié dans le jeu de rôle pendant de nombreuses années, je pense qu’il maîtrise le sujet pour l’avoir potassé.
En ce qui concerne nos « univers de conteur », Thomas et moi avons su nous mettre sur la même longueur d’onde et la fin de La Graine de Folie en est l’exemple. Maintenant, sur Korrigans nous continuons d’affiner cette vision ! A force de discutions, nous arrivons à trouver un équilibre.
Créatures enchantées
Les premières planches des albums de Korrigans (1ère édition) sont des pages de croquis. Dans vos représentations, on sent que vous cherchez à coller le plus fidèlement possible à la réalité. Pourquoi et sur quoi vous basez vous ? Où cherchez-vous l’inspiration ?
Plus les créatures et les univers seront réalistes, plus ils seront crédibles. Ce qui fait, par exemple ou ce qui a fait les premiers Guerre des Etoiles, c’est la véracité et la réalité technologique d’un monde purement fictif. Ce qui est le cas également de la trilogie du Seigneur des Anneaux. Le fait d’avoir créé différents langages, différentes cultures et des différenciations au sein même des peuples, fait de tout cela un monde on ne peut plus réel !
L’inspiration est partout autour de nous. Il suffit simplement de regarder. Et, parfois, pas besoin de transformer un nez ou une souche d’arbre, celle-ci contient déjà l’antre d’un gnome et le personnage est là devant moi…
Quels sont les contrastes ou les détails importants que vous vouliez faire ressortir entre les différentes créatures de l’Autre Monde (Korrigans, Cluricaunes, Formoîrés…) ? Quelle est celle que vous préférez dessiner ?
D’abord un contraste très important, dans n’importe quelle légende féerique, on nous parle de ce rapport de taille, petit ou grand, d’êtres qui ont diminué ou grandi au fil des ans ou d’êtres qui sont devenus tellement minuscules qu’ils ont disparu… comme les Elfes !
Dans les croyances populaires, on ne verra jamais un ogre de cinquante centimètres mais plutôt de deux ou trois mètres (ce qui a aussi pour but d’effrayer les enfants) et l’on ne fera jamais une fée ou un elfe de six mètres de haut… (bien qu’il y en ai eu). Tout cela en fait, correspond à une iconographie établie au fil des âges.
Celles que je préfère dessiner : toutes ! Elles sont toutes intéressantes à dessiner mais, ça va peut-être vous surprendre, j’adore faire les « monstres ».
Quelle est votre créature préférée issue du Petit Peuple ? Pourquoi ?
Incontestablement, toute la faune noire, le côté obscur de la féerie. Je trouve que, dans leur malveillance, il y a un côté séducteur !
Ambiances sombres
La plupart de vos planches sont de véritables tableaux. Le travail en couleurs directes renforce le sentiment de réalité et transporte l’imaginaire. Il contribue à porter le lecteur au-delà de la frontière des mondes. Un mot sur votre technique et l’effet recherché ?
L’effet recherché : le réalisme !
La Graine de folieLa couleur est directement travaillée sur le crayonné des pages. Je ne fais jamais d’encrage. Je travaille à l’acrylique. Et même si beaucoup pensent que l’aérographe est un instrument « facile » d’utilisation pour les effets tape à l’œil et un peu rétro, je l’utile pour les ombres, les lumières, les flous, les halos, les ambiances de brumes. Personnellement, traiter une histoire d’Heroic Fantasy à l’ordinateur gâche un peu la donne… je ne parle qu’au niveau BD… Lorsque l’on voit le résultat de Peter Jackson, on révise son jugement !
L’histoire de la petite Luaine se déroule en Irlande et se réfère aux antiques légendes celtes irlandaises. Quelle(s) différence(s) majeure(s) au niveau des légendes et des créatures faites-vous entre l’Irlande, la Bretagne ou l’Ecosse par exemple ?
Personnellement je n’en vois aucune. Les trois lieux précisés auraient fonctionné à merveille, car chaque pays contient son lot de légende et de créatures mythiques.
Inspiration et impressions
Vous êtes un grand admirateur du travail de René Hausman. Qu’est-ce qui vous fascine dans son œuvre ?
Eh bien, tout ! Surtout la simplicité qui en émane. Le fait que tout est immédiatement reconnaissable. Un nain, n’a jamais été autant un nain que chez René. Que dire de ses frondaisons… Magnifiques !
D’autres noms gravitent autour de votre univers : Brian Froud, Alan Lee, Tolkien… Toutes ces personnes ont-elles quelque chose en commun et qui est partagée par vous?
Le rêve. Cette faculté de nous faire plonger dans un univers tout à fait crédible et, surtout, d’avoir réussi à donner corps à l’imagination partagée par tous. Enfin, pour ma part j’essaye car ce n’est pas facile d’apporter quelque chose de nouveau…
Qu’avez-vous pensé de l’adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux par Peter Jackson ? Et de l’adaptation de Bilbo le Hobbit en BD ?
S’il est une oeuvre marquante de ce siècle, c’est bien cette adaptation cinématographie. Oh bien sûr, comme tout fan et lecteur de Tolkien, je pourrais lui en vouloir de ne pas avoir été aussi fidèle et d’avoir fait quelques transgressions. Mais cela n’a-t-il pas gagné en épaisseur ?! Se référer totalement à l’œuvre littéraire aurait peut-être été un peu ennuyeux. L’intervention d’une femme au scénario a apporté un côté plus romantique qui, selon moi, contribue positivement à l’œuvre. Du côté imagerie, rien à en dire. C’est tout bonnement du génie.
L’adaptation BD, et bien, c’est tout le contraire. Même si les qualités graphiques de l’auteur dans d’autres ouvrages fonctionnent à merveille, je trouve que dans cette histoire, elles sont un peu déplacées. On ne retrouve ni la noirceur des grands moments, ni l’héroïsme et l’envolée lyrique, et encore moins le féerique.
Projets
Quelques mots sur vos projets ou vos envies dans la bande dessinée…
Deux albums de Korrigans sont encore prévus. Peut-être plus…
Sinon, à l’opposé, je réalise actuellement le premier tome d’une série sur la mafia, sur un scénario d’Hélène Herbeau. L’action se situe dans les années 30 à LA.
J’illustre également les textes de Catherine Quenot pour une série de quatre petits livres sur le Petit Peuple, chez Albin Michel. C’est une sorte de carnet de route de la féerie.
Sinon, j’ai d’autres idées de scénars que je suis en train de peaufiner et qui, j’espère, verront le jour dans un avenir assez proche…