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  • Brian Froud – illustrateur du Petit Peuple

    Brian Froud
    L’homme qui dessinait les fées…

    Illustration de Brian Froud
    Illustration de Brian Froud

    Parmi tous les illustrateurs féeriques, un homme s’est largement distingué. Chacune de ses représentations nous fait traverser le Miroir. Brian le Magicien puise son énergie et son inspiration dans la Nature. Un amour partagé par son épouse, Wendy. L’exceptionnelle exposition en la galerie Daniel Maghen à Paris en mai dernier était l’occasion rêvée de quelques questions aux deux artisans de Féerie.

    Nous fêtons cette année les 30 ans de votre livre Faeries (Les Fées, Albin Michel) co-réalisé avec Alan Lee. Etes-vous conscient que ce livre est considéré comme une bible par les amateurs du Petit Peuple dans le monde ?
    Je suis très fier que le livre Faeries continue à fleurir et à faire partie de la vie émotionnelle des gens.

    Comment vous est venue l’idée d’écrire un tel ouvrage ?

    Le livre “Gnomes” fut un gros succès, les éditeurs voulaient une suite. C’est pourquoi ils ont demandé à Alan Lee et moi-même si nous pouvions illustrer un livre sur les fées. Nous étions tous deux intéressés par la mythologie nordique et nos bibliothèques contenaient beaucoup de livres sur les fées en particulier, donc nous avons répondu par l’affirmative. Les éditeurs furent choqués lorsqu’ils virent les textes et les images. Nous avions été fidèles autant que possible aux descriptions folkloriques des fées. Ce n’étaient pas les créatures amusantes, mignonnes auxquelles ils s’attendaient. Nous les avions tirées de leur crèche pour leur rendre tous leurs pouvoirs. Nous montrions que les fées étaient dangereuses et malicieuses et qu’ils ont toujours été une part des gens dans leur vie de tous les jours. Alan et moi-même n’avons rien ajouté – c’est un livre de vérité. C’est peut-être pourquoi les gens ont accroché. C’était comme s’ils revenaient chez eux. Nous avons démontré que le monde a une spiritualité cachée et que cela ressemble aux fées.

    Vous ouvrez le livre en affirmant que nul ne peut choisir d’entrer en faerie. Ce n’est pas réduire tout espoir pour vos lecteurs ?
    Si vous regardez le monde et votre environnement avec votre coeur, vous serez invités.

    Brian Froud prend une pose magique !

    Toujours dans Faeries, vous parlez du caractère universel des fées. Comment expliquez-vous le fait de telles croyances partout dans le monde et en même temps, ce sont surtout les créatures du Petit Peuple celte qui sont les plus connues ?
    Il y a eu floraison d’images dues aux peintres victoriens et par la suite aux illustrateurs de livres au tournant du siècle. Cela a popularisé et fixé les idées des fées celtes et européennes. La féerie existe dans toutes les cultures mais peut-être qu’ailleurs, dans d’autres traditions, cela perdure plus dans un mode de transmission orale – dans des histories contées et donc moins visuellement représentatives.

    Les êtres féeriques ont souvent une image douce et gentille, mais vous insistez sur le fait qu’il n’y a pas de méchante ou gentille fée car cette notion n’existe pas chez eux. Et pourtant vous avez sorti un livre intitulé Good Faeries/Bad Faeries
    Je désirais publier une suite à Faeries mais ne trouvais pas d’éditeur. J’avais entendu dire que personne n’achetait un grand livre illustré et qui plus est à propos des fées. Donc, j’ai continué à peindre avec cette frustration constante de cette idée qu’on se faisait sur les fées. J’ai eu la chance de tomber sur les carnets de Lady Cottington et ses fées pressées. Ce livre a eu du succès et a relancé l’intérêt pour un livre à propos des fées. Il y avait cette idée préconçue selon laquelle les fées, c’est pour les enfants. Ce n’est que lorsque, en désespoir de cause, j’ai parlé d’un livre sur les méchantes fées que j’ai reçu un avis positif d’un éditeur. J’avais également remarqué le comportement des gens en dédicace : ils tenaient mon livre comme un bien précieux, l’embrassait même avant de me le tendre. D’où l’idée que ce nouveau livre soit d’abord un objet que l’on puisse toucher, manipuler, aussi tactile que possible – ainsi de fil en aiguille l’idée d’un livre réversible, qui pouvait se lire à l’endroit et à l’envers comme une métaphore de la dualité des fées fit son apparition… Et au milieu du livre, des visages et des formes qui peuvent se voir de façons très différentes. Ceci reflète le caractère ambigu de la nature des fées. Dans le livre, je dis que les fées sont mouvantes, changeantes, ont plusieurs fonctions et plusieurs significations.

    Vous avez également marqué le cinéma de vos créatures. Quel est le plus beau souvenir que vous conservez de votre collaboration aux films de Jim Henson, The Dark Crystal et Labyrinth ?
    Ce fut un privilège de collaborer avec Jim Henson. Son approche ouverte et enthousiaste de la créativité fut très inspirante. L’amour des monstres de Jim m’a donné toute liberté et joie pour créer des créatures aussi étranges que merveilleuses. Mais mon plus beau souvenir fut la rencontre de ma future épouse, Wendy.

    Vos personnages sont très marqués. Ils ont énormément influencé les illustrateurs féeriques contemporains. Mais vous, qu’est-ce qui vous inspire?
    Je suis inspiré par la Nature. J’essaye de découvrir quelles choses ressemblent à son intérieur. Je recherche les formes spirituelles de la Nature. Mes meilleures créatures semblent familières, comme si on les avait déjà vues quelque part auparavant. Je combine souvent plusieurs éléments – une créature peut avoir quelque chose d’un poisson, d’un oiseau, d’un pied de table mais la synthèse de tout cela est froudien.
    Mon autre approche est moins rationnelle. Léonard de Vinci parlait de l’inspiration qui se trouve dans les tâches et fissures sur les murs – des univers entiers y sont à découvrir. Donc, j’ai souvent gribouillé des lignes sur un carnet de croquis et vu apparaître des formes féeriques. Ici, j’explore l’imagination dans ce qu’elle a de subconscient. Mes carnets sont remplis de formes en partie réalisées, sur la frontière de la compréhension – attendant le temps où elles seront pleinement réalisées en peinture.

    The Dark Crystal
    The Dark Crystal

    Ce lien entre Nature et Petit Peuple semble très fort. Par exemple, les champignons sont très liés à la féerie…
    Les champignons ont une connexion énorme avec la féerie. Comme les fées, ils sont ambigus et mystérieux. Ils ont des formes étranges, la plupart se cachent sous la surface du sol où ils transforment la matière organique. Ils apparaissent souvent d’un coup, comme par magie. Dans le folklore, là où dansaient les fées, ont voyaient apparaître des cercles de champignons se formant pendant la nuit…

    De votre autre ouvrage, Goblins !, on a tiré des peluches pour les enfants. Une envie de toucher le très jeune public ?
    Non, pas particulièrement. Ces jouets sont pour tous et spécialement pour les adultes ! J’aime voir grandir les mondes que je crée. Un dessin plat demande toujours à se voir transformer – peut-être va-t-il inspirer une sculpture de Wendy ou peut-être se verra-t-il animé dans un film ou deviendra-t-il une poupée ou s’ajoutera-t-il à un clip musical ou bien encore se transformera-t-il en un personnage qui vous accompagnera chaque jour – comme une peluche justement.

    Trouvez-vous qu’on accorde suffisamment d’importance à l’Imaginaire à l’école, dans la vie ?
    L’imagination est souvent oubliée car elle est pensée comme quelque chose d’inventé de non réel. Einstein insistait sur le fait que l’imaginaire était la plus importante et la plus profonde des activités humaines. Sans elle, il n’y aurait rien – pas d’invention, pas de changement, pas de solution à un problème, pas d’empathie, pas d’amour, pas de futur.

    Et vous, comment avez-vous connu les fées ? D’où tenez-vous vos connaissances ?
    En lisant des livres sur le folklore, en observant les peintures victoriennes, les illustrations des artistes de contes de fées, et en essayant d’étudier leurs approches diverses et variées. Puis, en trouvant ma propre voie pour exprimer ce que j’avais expérimenté dans le monde. En accordant de l’attention aux messages internes de la nature. En regardant avec le cœur et pas seulement avec les yeux et en faisant confiance à son intuition. En étant ouvert à une amitié avec le Petit Peuple et en essayant d’écouter ce qu’ils nous disent.

    Croquis et illustrations de Brian Froud

    Que pensez-vous des théories sur l’origine de tout ce petit peuple : des peuples nains ayant existé, des peuples troglodytes ou encore les anciennes croyances…
    Il y a très certainement eu des peuples de stature plus petite que celles qu’on connaît aujourd’hui. Prenez les Pictes du nord par exemple. Certaines théories prétendent que les fées feraient partie d’une mémoire collective issue de peuples ayant existé par le passé, bien que les fées ont toujours été liées à nos ancêtres. Les fées qui vivent sous les collines creuses font la fête et vivent avec les morts. Et pour cela, elles sont d’office liées à notre passé. Si les fées sont des esprits de la terre, alors elles refléteront certains aspects des anciens peuples qui vivaient dans ces contrées et pour cela les fées ont été assimilées à des diables et démons, mais beaucoup ont résisté à cette insulte et ont continué à honorer la terre et ses esprits.

    En Angleterre, la plupart des gens semblent familiers avec les fées. On voit de petites figurines partout, dans les salons comme au jardin.
    En Angleterre, il y a beaucoup de gens qui pensent que les figurines de fées sont kitsch et enfantines. Mais cette tradition a peut-être pour but un désir d’être connecté, dans une manière enfantine et naïve, à un monde magique. La décoration de jardin sous forme de nains, très commune dans les jardins anglais, est la forme d’un désir de connexion à la Nature et aux esprits du lieu. Le placement de telles images est une façon d’inviter les esprits à vivre au milieu de nous et de nous apporter la fertilité et une influence bénéfique sur le jardin.

    Votre créature féerique préférée ?
    Les fées ne me laisseraient pas avoir une créature favorite !

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    Quelques questions à Wendy Froud

    Comment vous est venue cette passion pour les marionnettes ?

    J’ai commencé à fabriquer des poupées dès l’âge de 5 ans. Mes parents étaient tous deux artistes et m’ont encouragé à m’exprimer, peu importe le support choisi. J’ai toujours été fascinée par la façon dont les hommes depuis les origines de l’humanité ont créé de petites images imprégnées d’une sorte de vie ou d’énergie. Ce sont des objets très personnels qui canalisent l’énergie de la personne qui les ont créés vers ceux qui les utilisent. Je crois fermement à cette idée d’imputer une énergie à chacune de mes créations. Souvent les gens me disent qu’ils peuvent sentir cette énergie et que ça les aide dans une certaine mesure. Je sens que nous, artistes et créateurs, nous avons le devoir d’insuffler un maximum de bonne énergie dans les univers que nous concevons. Les poupées sont extraordinaires pour cela car elles sont si expressives. Quelque chose fait d’une vieille chaussette et de deux boutons, en guise des yeux, placé sur les bonnes mains, peut faire pleurer une audience ou rendre les spectateurs incroyablement heureux.

    L'art de la marionnette par Wendy Froud

    Et votre goût prononcé pour la féerie ?
    J’ai grandi avec les fées. Ma mère m’a appris à croire aux esprits de la Nature et qu’on pouvait communiquer avec eux à plusieurs niveaux. Quand j’ai rencontré Brian, nos univers se correspondaient à la perfection.

    En participant à la création du personnage de Yoda pour Star Wars, vous vous êtes inspiré du Petit Peuple ?
    J’aurais aimé dire que oui mais en réalité, j’avais des dessins pour travailler. Je n’ai fait que suivre la direction indiquée pour développer le personnage.

    Pensez-vous que les marionnettes apportent un supplément d’âme par rapport à des personnages numériques ?
    Oui. Je crois vraiment que la performance ne peut être atteinte par un personnage numérique. Il existe des systèmes aujourd’hui qui permettent aux marionnettistes de manipuler les personnages sur écran ce qui aboutit à une performance plus crédible encore mais je continue de croire que la spontanéité qui se dégage d’une marionnette n’a pas encore été atteinte avec le numérique. La connexion, la connivence entre un marionnettiste et une marionnette, entre le créateur et sa créature est quelque part magique, du domaine de l’alchimie – la transformation de quelque chose d’inanimé en quelque chose qui communique des émotions profondes.

  • Sandrine Gestin – Au Bord des continents

    Rêveries de fées par Sandrine Gestin
    Rêveries de fées par Sandrine Gestin

    Petite visite Au Bord des Continents où sont parus deux ouvrages de Sandrine Gestin. Le premier est un carnet d’adresses parcheminé et rempli d’elfes et de fées. Le second est une œuvre plus personnelle, une invitation au voyage onirique au pays de l’Autre Côté. Rêveries de fées a été écrit, illustré et mis en page par Sandrine Gestin et on ressent tout l’amour qu’elle a donné à la création de ce magnifique objet. On entre véritablement dans l’univers Gestin et on se complaît à y demeurer jusqu’à la toute dernière page. Difficile de refermer ce genre d’ouvrage !

  • Féerie chez le Pré aux Clercs…

    Le Petit livre des fées dEdouard Brasey
    Le Petit livre des fées d'Edouard Brasey

    Une fois de plus, les fées auront de quoi se réjouir côté lectures pour cet été 2008. Commençons notre tour d’horizon par une promenade du côté du Pré aux clercs, maison décidément bien prolifique lorsque l’Imaginaire s’allie aux belles images. L’Art de la Fantasy est un recueil d’illustrations somptueuses qui a le mérite de mettre en avant de jeunes créateurs contemporains. Les professionnels y côtoient des artistes découverts sur le net. De quoi intéresser les amateurs de belles images qui pourront se ruer à partir de ce recueil sur les différents noms qu’il présente. Les amis des fées choisiront la collection des Petits livres de… qui nous invite à revenir sur les fées, les dragons et les elfes. Trois livres écrits par Edouard Brasey et jouissant d’illustrations de Sandrine Gestin.

  • Sixième rue, neuvième art – Fantasy urbaine et bande dessinée

    Sixième rue, neuvième art
    Fantasy urbaine et bande dessinée

    Des fées qui débarquent en ville, des personnages de contes qui déambulent dans les rues citadines, voilà un concept aussitôt adopté par les auteurs de bande dessinée. Pour les amateurs de cases, planches et bulles, voici quelques repères, autant de portes à ouvrir pour se projeter dans un monde urbain teinté d’étincelles magiques…

    La fantasy urbaine répond favorablement à cette double attente de lecteurs majoritairement citadins.

    Déesse blanche, déesse noire de Servais

    A savoir une critique de la société urbaine, un regard sur son côté décadent augmenté d’une attirance pour la Nature comme symbole de pureté. Les fées, les personnages de contes, les elfes lorsqu’ils sont plongés dans nos villes soit les fuient en se construisant leur propre monde ou leurs propres règles, soit les subissent et leur sort rejoint les plus malheureux, les plus oubliés des hommes. Au contact de la société moderne, industrielle et urbaine, les fées perdent leur pureté.
    Mais les fées influent également ce monde urbain, ce monde des hommes. Elles plantent leurs griffes en nos destins, le plus souvent pour nous ramener vers la Nature et ses règles sauvages, inhumaines dans le sens d’incompatible avec notre système de pensée, notre vision dichotomique du Bien et du Mal. Déesse Blanche, déesse noire de Servais épouse bien cette idée lorsque les fées interagissent sur le destin de deux jeunes filles bien modernes.

    On peut donc voir le traitement de la féerie urbaine par les auteurs comme d’une part une juxtaposition de deux mondes néanmoins clairement séparés, d’autre part, lorsque cette frontière est perdue, une métamorphose irréparable de la nature profonde des fées, un empoisonnement de leur pureté.

    Un monde parallèle au nôtre
    Dans le premier cas, on retrouve des séries tel que Algernon Woodcock, où ce médecin à l’œil fé parvient à voir de l’Autre côté du miroir. Sans cet instrument, les fées restent invisibles à l’homme. Elles appartiennent de plus entièrement à leur monde. L’Héritage d’Emilie inscrit également son monde féerique mêlant créatures légendaires et extraterrestres dans une dimension parallèle. A la fois présente et infiniment lointaine.
    Dans Tir Nan Og, Fabrice Colin plonge un peu plus ses personnages dans notre monde urbain mais garde les distances. Ses fées vivent bien dans leur monde, ont fui le nôtre et celles qui demeurent se sont regroupées dans des lieux magiques, à l’abri du regard des hommes.
    Bien connu pour ses romans de fantasy urbaine, Neil Gaiman avec Sandman survole notre monde sans vraiment s’y poser. Son mélange de rêve et de mythologie sépare bien ses personnages du monde des hommes qu’ils influencent plus qu’eux-mêmes le sont par lui. Empruntant également la voie du rêve Ellis rapproche un peu plus les deux mondes en permettant aux créatures oniriques de s’incarner dans nos villes.

    Fables

    Un seul et même monde
    Dans cette seconde catégorie d’œuvres rattachées au courant de fantasy urbaine, se trouvent certainement les plus intéressantes car plus ancrées dans un contexte urbain et a fortiori plus proches de nous. Commençons ce petit tour d’horizon par le Kamikaze de Satoshi Sichi qui prend Tokyo comme cadre de la lutte entre plusieurs clans « féeriques ». Evoquons également très brièvement The Magic of Aria ou l’histoire d’une bande de jeunes féeriques s’amusant dans les soirées new-yorkaises, pour arriver à deux titres véritablement incontournables pour le sujet qui nous occupe. Le premier est bien entendu Fables qui met en scène les personnages des contes qui se sont réfugiés dans notre monde, chassés du leur par l’Adversaire. Ils vivent donc parmi nous, même si les moins conformes à notre apparence humaine sont parqués à l’extérieur de New-York dans « La Ferme ». Les héros de notre enfance sont ici revisités pour s’immiscer dans notre quotidien. Une excellente série à découvrir si ce n’est déjà fait.

    Autre incontournable et toute récente celle-là, Wisher de Latour et De Vita. Une série qui nous propose une étrange chasse aux féeriques dans les rues de Londres où les créatures rescapées d’une extermination totale vivent au milieu des hommes. Le héros est un djinn qui s’ignore et le dernier espoir des féeriques…

    Enfin, et pour terminer cet article, signalons la parution assez récente d’un livre illustré intitulé tout simplement Faery City et qui est l’œuvre de Mathieu Gaborit et Amandine Labarre. Un livre qui raconte la recherche d’une jeune fille sur ses origines dans un Paris qui voit surgir son côté féerique. Une œuvre originale puisqu’elle s’appuie sur un jeu de tarots et ses arcanes et jouit d’illustrations soignées.

    A lire…
    Tir Nan Og de Colin et de cock, Les Humanoïdes Associés
    Wisher de Latour et de Vita, Le Lombard
    Sandman de Gaiman, Delcourt, Panini Comics
    Déesse blanche, déesse noire de Servais, Dupuis
    Ellis de Latour et Griffo, Le Lombard
    L’Héritage d’Emilie de Florence Magnin, Dargaud
    Algernon Woodcock de Sorel et Gallié , Delcourt
    Faery City de Gaborit et Labarre (livre illustré), Tournon
    Magic of Aria, de Brian Holguin et Jay Anacleto, Semic
    Fables, de Willingham, Medina, Buckingham, Panini Comics

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  • Tir Nan Og – Féerie urbaine et neuvième art

    Tir Nan Og
    Féerie urbaine et neuvième art

    Comment s’est faite la rencontre avec Elvire de Cock ?
    La rencontre a été « arrangée » par l’éditeur. J’avais envoyé des synopsis sans dessins, et Elvire cherchait manifestement un scénariste. Nous avons été mis en contact, et le courant est très vite passé. Elvire adore l’architecture et les fées : j’ai jeté les bases de Tir Nan Og en prenant en compte ses goûts et ses aspirations.

    Comment procédez-vous pour la BD ? Vous fournissez un scénario définitif d’un seul coup ou bien travaillez-vous page après page ?
    Je travaille sur un plan général, que je soumets à Elvire ; nous décidons alors d’un découpage global : combien de pages pour telle scène ? Après quoi, oui, nous travaillons planche par planche.

    Vous venez du roman. Quelles différences majeures voyez-vous entre le procédé créatif d’un roman et celui d’une bande dessinée ? N’est-ce pas étrange de voir ses mots traduits par les images de quelqu’un d’autre ?
    Ce n’est pas étrange ; c’est magique. Par ailleurs, la différence entre les deux média est énorme : l’écriture du roman est beaucoup moins elliptique que celle de la BD. Il faut tout dire et tout montrer par l’écriture, les descriptions sont un passage obligé. Point intéressant : on peut distinguer subjectivité et objectivité sans recourir à une voix off, et les moyens de brouiller les pistes sont considérables. Mais c’est aussi parce que le roman est un art vieux de plusieurs siècles alors que la BD n’en est sans doute qu’à sa préhistoire. Je suis persuadé que tout reste à expérimenter dans ce domaine. Mais bien sûr, ce n’est pas du tout ce que nous essayons de faire avec Tir Nan Og…

    Côté romans, Or not to be et le cycle Arcadia appartiennent à ce courant de fantasy urbaine. Leur point commun est de flirter fortement avec le rêve voire l’inconscient. Même dans Tir Nan Og, il existe encore une distance entre les hommes et les fées, un autre côté du miroir. Refusez-vous de mélanger pleinement les fées et les hommes ?
    Il s’agit juste d’intuitions, de partis pris. Pour moi, les fées n’ont rien de commun avec les hommes. Elles se voient comme des êtres d’une essence supérieure. Leur esprit, leur culture ne peuvent être correctement appréhendés par l’esprit humain.

    Quel roman conseilleriez-vous à quelqu’un qui veut découvrir la fantasy urbaine ?
    Il y en a beaucoup ! Il faut aller chercher chez Gaiman, Jonathan Carroll, John Crowley évidemment qui, pour moi, s’est hissé avec Le Parlement des Fées au-dessus de tous les autres, Charles de Lint, etc. Chez les Français : Johan Héliot, David Calvo, Léa Silhol sont les premiers noms qui me viennent à l’esprit. Mais j’en oublie forcément.

    Pensez-vous que ce style d’histoires a un grand avenir ?
    Ici encore, nous n’en sommes qu’aux balbutiements. Le genre existe déjà mais nous pouvons l’emmener plus loin, élargir, approfondir – injecter du social, du politique, du scientifique – procéder à des mélanges plus ou moins contre-nature. Si la fantasy urbaine meurt, c’est que personne n’aura su ou voulu porter l’étendard. La question qui se pose, à ce niveau, c’est celle de la réception en termes de ventes : des ouvrages consacrés à ce thème peuvent-ils toucher un large public ? Je reste persuadé que oui. Mais pas nécessairement dans une collection de genre.

    Un de vos personnages dans Tir Nan Og s’exclame : « L’immuable et tragique nature des hommes : même confrontés à l’évidence, ils refusent de voir ». Une critique de notre esprit trop cartésien ou une façon de dire que nous refusons trop facilement l’Imaginaire ?
    Il s’agit d’une réflexion assez générale. Je ne peux pas m’empêcher de penser que des choses très, trop évidentes se refusent obstinément à notre esprit – des sortes d’infra-concepts, annihilés par des schémas de pensée conscients, automatisés, polis par un contexte idéologique. Prenons la mort : il est possible qu’au moment ultime, une compréhension advienne ; on représente d’ailleurs souvent le passage comme quelque chose de lumineux : « bon sang, alors c’était bien ça ! ». Les enfants seuls savent croire authentiquement. C’est ce qui les rend si merveilleux et attachants. Plus tard, les gens croient au fric, au pouvoir. Autant dire que c’est terminé.
    On peut décider que les fées ont toujours existé mais que nous leur avons donné d’autres noms, que nous avons plaqué sur elles nos idéologies ou nos fantasmes pour les rendre, eh bien, plus humaines. Ainsi avons-nous choisi, dans Tir Nan Og, de nous cantonner à une représentation « classique » des fées. Mais peut-être certaines personnes sont-elles des fées par intermittence? C’est ce qu’on appellerait « avoir la grâce ». Peut-être les fées sont-elles les rêves, la pluie ou la musique qui donnent une autre couleur à nos émotions – les larmes, qui nous délivrent de nos chagrins ?

    Combien de tomes sont-ils encore prévus et quand sortira le prochain ?
    Le prochain : dans moins d’un an. Combien de tomes ? Au moins quatre.

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