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  • L’incontournable René Hausman

    L’univers de René Hausman

    Il y a des hommes pour qui le monde de Féerie ne demeure pas invisible. Ces humains, touchés par la grâce des fées, ont l’insigne honneur de pouvoir vivre aussi bien au milieu de leurs congénères que s’échapper de temps à autre pour festoyer avec le Petit Peuple. Très souvent, ces élus des elfes, sont reconnaissables à leur attrait particulier pour les bonnes choses de la vie. Ils ne rechignent pas devant une bonne bière bien mousseuse ou encore quelque rôtisserie lors de fêtes populaires… Mais on les reconnaît également à leur don particulier: celui de porte-parole des êtres des bois, amoureux de la Nature et véritable artiste dans l’âme. Partons à la rencontre d’un des plus talentueux de ces personnages incontournables de la scène féerique…

    La Nature mène à Féerie…

    C’est à Verviers en 1936 que naît René Hausman. Déjà tout petit, il se passionne pour l’illustration en découvrant les portraits d’animaux sur les chromos distribués avec des chocolats. Coup de foudre pour le futur illustrateur, qui se met à copier et recopier ces petits animaux, apprenant par là les premiers rudiments du dessin en parfait autodidacte.

    Alors qu’il servait sous les drapeaux, Hausman collabore au journal Le Moustique, puis rencontre Raymond Macherot, le papa de Chlorophylle. De cette rencontre naîtra pour Hausman, une envie de faire de la BD. A 21 ans, il crée les personnages de Saki et Zunie, petits êtres préhistoriques, qui orneront les pages du journal Spirou dès 1958. Zunie deviendra très vite une figure populaire, disparaîtra quelques années pour revenir en force dans les années ’80 (aux éditions Chlorophylle) et, enfin, dans les années 1998, sortira même un « album solo » : Zunie: enfin seule (chez Noir Dessin Productions).
    A côté des histoires de Saki et Zunie, René Hausman s’amusera de quelques histoires bien coquines pour le magazine Fluide Glacial (voir notes). Il réalisera également, et principalement, pour Dupuis, des centaines d’illustrations d’animaux. Préférant même l’illustration à la bande dessinée (son truc à lui, c’est « faire des livres »), il fera bénéficier de son talent les contes de Perrault, les Fables de La Fontaine, le roman de Renard, et autres bestiaires fantastiques.

    Sa passion pour les animaux, la nature et les contes le mettra tout naturellement sur le chemin de Pierre Dubois, elficologue de son état. Les deux compères relateront dans les pages de Spirou des descriptions minutieuses des créatures de la forêt. L’un usant de sa plume et l’autre de ses pinceaux, nos deux artistes revenaient de leurs voyages en Faerie avec toujours plus de détails, de découvertes de peuples curieux et de créatures étranges. Ces portraits étaient rassemblés sous le titre générique du Grand Fabulaire du Petit Peuple.

    Laïyna : la révélation

     

    La complicité de Pierre Dubois et René Hausman les mènera en 1985, a créer le personnage de Laïyna . Deux tomes paraîtront : La forteresse de pierre et Le crépuscule des elfes. En 2001 sortira des presses Dupuis l’intégrale revêtant le doux nom de l’héroïne: Laïyna. Ce récit nous plonge au coeur de la destinée du Petit Peuple troublée par la venue en leur monde d’une petite fille orpheline. Recueillie par les êtres de Féerie, Laïyna grandira en recueillant sagesse et savoir de ces êtres merveilleux. Mais l’appel du monde humain est irrésistible et la jeune fille se frottera à la haine et à la stupidité des hommes…

    La série qui propulsa Hausman sur le devant e la scène avec son grand complice Pierre Dubois.
    En 1993, Hausman fait à nouveau parler de lui en tant que dessinateur BD lorsqu’ il réalise un autre album intitulé Les trois cheveux blancs, sur un scénario amer de Yann. Un conte cruel qui part du souhait d’une belle princesse de conserver à jamais sa beauté. Trois cheveux blancs sont pour elle intolérables et elle ira jusqu’à se soumettre à la Bête pour conserver sa jeunesse, au détriment de son honneur… et de sa vie… Mais avant de disparaître elle fera naître un enfant maudit…
    C’est très certainement avec cet album que la popularité acquise avec Laïyna s’ancre fermement chez les passionnés d’imaginaire et les amateurs de bande dessinée. Quelques années passent et Hausman remet le couvert en compagnie de Yann pour nous émerveiller une fois de plus en 1998 avec Le prince des écureuils. Cette fois le héros de l’histoire est un petit écureuil qui se prendra de passion pour une naine… Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’histoire est loin d’être toute rose…

     

    Lorsque Beauté rime avec Cruauté…

     

     

    Les Trois cheveux blancs
    Les Trois cheveux blancs

    Ce qui caractérise les oeuvres de René Hausman c’est ce sentiment étrange qui nous émerveille tout en nous laissant un arrière-goût amer. Les histoires nous plongent dans des mondes féeriques, un pays de rêve, un conte de fée. La couleur directe (Hausman colorise directement ses planches) donne un cachet de grande valeur aux réalisations et le dessin sublime nos regards. Malgré tout, il y a quelque chose de triste, de perdu, de nauséeux. Une injustice, un cri étouffé, un malaise. On sait que l’humour a quelque chose de léger alors que la tristesse est un gouffre. C’est cette tristesse que le dessin d’Hausman explore. Le côté sombre de nos âmes. Un côté sombre qui est d’autant plus mis en valeur que les personnages d’Hausman nous apparaissent d’une fragilité étonnante. La cruauté des puissants envers les faibles en est renforcée. C’est toute notre culture des contes à la Grimm qui reçoit une claque puissante. Ici les fées sont frivoles, les lutins luttent pour leur survie. Ici, il n’y a pas de miracles à la Disney. Les héros meurent, le sang coule, discrètement, mais il se répand vraiment. Parce qu’il sait rester vrai tout en nous emmenant dans l’Imaginaire, René Hausman a su toucher nos âmes de passionnés.

    Des héroïnes au physique particulier

    Autre point commun dans les bandes dessinées d’Hausman cette façon de se représenter l’idéal féminin qui est loin des canons de beauté « à l’américaine ».
    Ici pas de grande blonde pulpeuse mais plutôt de petites brunes un peu potelées. Et lorsqu’on sait que la sensualité réside dans la chair, ces petites héroïnes pourraient bien pousser à quelque péché! La sensualité et un certain érotisme ne sont donc pas absents. Discrets chez Laïyna, ces aspects se font particulièrement présents dans Les trois cheveux blancs (Le sexe étant même une trame primordiale à l’histoire!).
    Et pourquoi surtout des brunes? Sans entrer dans les goûts personnels de René Hausman (mais il y a de ça, sans doute), l’auteur s’est inspiré, pour Laïyna, d’un personnage de La Source d’Ingmar Bergman. Il s’agit de la servante de l’héroïne. Cette jeune femme brune, enceinte et sorcière… Le rapprochement physique est certain, Laïyna a tout de cette “sauvageonne”.

    On ne saurait trop recommander aux passionnés des mondes féeriques de compter au nombre de leurs trésors les albums dessinés par Hausman. C’est un style unique auquel on prend très vite goût. Bien entendu, il faut vous mettre en garde. Entre les bandes dessinées et les illustrations, il n’y a qu’un pas. Vous vous retrouverez rapidement ensorcelés, courant d’expositions à festivals, de magasins spécialisés à brocantes, à la recherche éperdue de quelque ex-libris, sérigraphie ou affiche signée Hausman. Comme si ce joueur de Cornemuse (voir notes) avait composé une mélodie insolite, charme magique pour vous envoûter et mener votre âme à rechercher toute entrée vers un royaume invisible et pourtant si présent…

    – pour ceux que les coquineries intéressent, la période Fluide Glacial d’Hausman se retrouve dans un album intitulé: « Allez couché, sale bête! », aux éditions Dupuis, 1991.
    – René Hausman est un artiste pluridisciplinaire comme on les aime ! Illustrateur, sculpteur, il est également musicien. A son actif un disque paru chez Alpha en 1974 : Les Pêleteus.
    – René Hausman a décoré un restaurant à Verviers (Belgique), situé rue Pont-Saint-Laurent. A l’Ogre de Barbarie, on y mange bien (surtout les moules !) et on se délecte du décor…
    – Un site où vous pourrez découvrir de nombreuses oeuvres d’Hausman :
    http://www.ifrance.com/bdeuro/hausman/
    – Enfin, pour ceux qui aiment à remonter les courants, René Hausman a pour maîtres à penser : Calvo (surtout!), Rabier, Pellos Gus Bofa et Trnka


  • Les femmes et la bande dessinée fantastique

    Les Femmes et la Bande dessinée fantastique…

    Depuis toujours, les filles sont souvent oubliées dans la bande dessinée. La BD est en effet considérée comme un art majoritairement destiné aux garçons. La présence féminine parmi les auteurs se fait donc rare contrairement au personnage féminin qui, lui, surtout au dix-neuvième siècle et au début du vingtième siècle, s’ajoute à l’histoire comme un vulgaire objet de second rang. Ce n’est que bien plus tard, vers le milieu du vingtième siècle, qu’apparaissent enfin les véritables héroïnes de bandes dessinées fantastiques (Pélisse, Yoko Tsuno, Aaricia, etc.). Le fantastique s’ouvre donc aux personnages féminins de premier plan, mais aussi aux auteurs féminins qui s’affirment de plus en plus dans le dessin ou le scénario. A leur tour, elles combinent réalité et fiction et nous font découvrir leur vision d’un univers imaginaire et féerique.

    Voici quatre femmes qui ont largement compté dans la BD en proposant des histoires ou des graphismes forts, qui ont marqué toute une génération de fans d’Imaginaire…

    La Fée Béatrice

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    Béatrice Tillier est sans conteste une grande dame de la bande dessinée. Passionnée dès son plus jeune âge par la science-fiction, influencée ensuite par Bourgeon et Moebius dans lesquels elle retrouve sa façon de dessiner et encouragée par sa prof de dessin, Béatrice décide de suivre une formation artistique. C’est ainsi qu’elle fréquente l’école Emile Cohl de Lyon et qu’elle se fraye une place dans le monde de la bande dessinée. A peine diplômée, cette jeune dessinatrice française d’une vingtaine d’années se lance directement dans la réalisation du premier album de son triptyque Fée et tendres automates. Sur un scénario magique de Téhy, Béatrice vient adapter son dessin et offrir sa sensibilité féminine qui en émerveille plus d’un ! Ce premier volume est d’emblée un grand succès : prix de la découverte en 1997, prix du meilleur album au Festival de Chambery, et nominée pour les Alpharts Coups de Cœur d’Angoulême.

    A Jam, premier album, succède Elle. Quatre ans se sont écoulés entre les deux parutions, quatre ans qui s’expliquent par six mois de promotion suite à Jam et la naissance de son bébé à qui elle s’est consacrée exclusivement pendant plus d’un an. Il reste à ajouter une période d’un an et demi de travail sur le deuxième album avant la parution de celui-ci.

    Un conte de fées

    Un conte poétique, un récit féerique. Une histoire d’amour, une romance magnifique. Le déchirement de deux êtres, la cruauté de l’humanité. De la glace et du feu. De la haine et beaucoup de peine. Des larmes, de la tendresse, et énormément de pureté. Tel est le monde de Fée et tendres automates. Un monde baroque et décadent peuplés d’elfes et de pantins, de marionnettes et de lutins. Une ère nouvelle : l’an mille vingt après l’an de grâce. Une ville : Carlotta, mégalopole tentaculaire néo-baroque. Une recherche : celle d’une créature emplie de pureté et de grâce. Un danger : les hommes, tueurs et pillards qui font de cet univers, un univers agonisant et boursouflé, un univers de grande souffrance et de poussière. Un chef cruel : Wolfgang Miyaké, un empereur gangrené. Et puis il y a Lui, Jam. Un automate, un brouillon. Lui, éperdument amoureux d’une seule âme. Lui, si courageux et si triste, si triste… Et Elle, le summum de la pureté et de la beauté, l’oeil-Fée. Une fée inachevée par son créateur mais pourtant déjà si parfaite, et si seule, si seule… Elle, c’est sa fée, celle que plus jamais il ne voudrait quitter…

    Poésie et sensibilité féminine

    Béatrice Tillier et Tehy nous offre avec ces deux premiers volumes de Fée et tendres automates, l’histoire magnifique d’une passion éternelle entre deux êtres très attachants. Ce que ce conte féerique nous livre, c’est un éventail de sentiments, sentiments de tristesse face au déchirement de deux héros et sentiments de révolte pour tout ce sang déversé par les humains. Cette palette d’émotions, on la doit autant au souffle poétique et magique de Téhy qu’à l’élégance et à la sensibilité du dessin de Béatrice. Tehy exploite en effet un maximum le cadrage et le découpage de la page. Il accentuera tantôt le désarrois, tantôt l’appréhension par des zooms fréquents sur les yeux ou les gestes des différents personnages. Les décors sont encore extrêmement bien représentés, surtout dans le premier album où vous pouvez admirer le talent de la dessinatrice dans le travail de l’architecture baroque. Le premier tome, plus sombre, s’adoucit dans le deuxième avec l’emploi de couleurs plus pures. Dans Elle, c’est la féerie qui ressort avec une mobilité dans des traits plus souples, plus purs. Les ennemis caricaturés de Tehy deviennent, eux, plus méchants, plus agressifs. Le monde représenté quand à lui, semble avoir été inspiré des œuvres de Tim Burton. Jam, ce personnage solitaire souvent vêtu de noir et pensif en haut de cet espèce d’observatoire de cathédrale remplie de lutins et de marionnettes n’aurait-il pas en effet un petit côté  » Edward aux Mains d’Argent  » ? Un univers particulier donc, proche de celui de Tim Burton mais qui peut aussi nous faire penser à celui de Geppetto et Pinochio, ou encore à toute une littérature où se mêlent humains et êtres fantastiques. Un univers sensible et poétique à découvrir en tout cas, celui d’une femme, celui de la  » Fée  » Béatrice…

    Les lumières de Claire


    Un amour fou, des larmes de fée…

    Originaire de Montpellier, Claire Wendling naît en 1967. Passionnée par le dessin en général, elle décide de suivre des cours à l’école des Beaux Arts d’Angoulême. Avant la fin de ses études, en 1989, elle fait déjà son entrée aux éditions Delcourt. C’est en 1990 que paraîtra le premier tome de son unique série Les lumières de l’Amalou. Les quatre albums suivants sortiront jusqu’en 1996, année où la parution de la série prend fin. Pour ses talents de dessinatrice, elle recevra plusieurs prix : celui de la presse au festival d’Angoulême pour le Tome 2 des Lumières de l’Amalou et celui du meilleur jeune illustrateur pour des couvertures du magazine Player One. Car si Claire Wendling aime la bande dessinée, elle n’en est pas moins passionnée par les différentes autres possibilités d’exploiter son génie créateur. Concrètement, Claire Wendling s’intéresse aussi aux dessins animés, aux jeux vidéos et à la peinture. C’est en 1997 que la Warner l’engage pour participer à certains projets : d’abord en France, elle travaillera sur « The Quest of Camelot », puis à Los Angeles où elle développera son habilité pour le design de quelques dessins animés, notamment Excalibur. Les jeux vidéos quand à eux, constituent un autre champs d’exploration. Dans Alone in the Dark 4, elle laisse libre court à son imagination afin de réaliser les monstres les plus hideux et gluants possible. Ce qu’il faut, c’est avoir peur… Après le fantastique et l’horreur, vient l’érotisme.  » Aphrodite « , paru aux Humanoïdes Associés, rassemble plusieurs illustrations très sensuelles… Finalement, le dessin constitue, pour Claire, le plus beau moyen d’expression. Et en ce qui concerne ses derniers projets, Claire travaille sur un conte de fées pour adultes et sur une histoire fantastique, plus réaliste, qui se passera aux Etats-Unis au XXIème siècle. Bref, un programme réjouissant en perspective !

     

    Le monde de la Légende

     

    Il est dit qu’autrefois, tous les animaux vivaient réunis dans un autre monde gouverné par un Dieu, un gigantesque chêne.  » Celui-ci avait créé une race particulière pour le servir : les transparents. Son amour pour eux entraînait la jalousie des animaux… Un jour, le chef d’une communauté de furets tomba amoureux d’une ravissante transparente. Ils s’aimèrent en cachette, bien sûr ! Mais à la naissance des deux enfants issus de leur union, leur secret s’envola, et ce fut l’indignation générale !…Les animaux saisirent cette occasion pour exiger le bannissement des transparents, ainsi que de la communauté de furets dont le chef avait fauté…Face à l’unanimité de ses sujets, le grand chêne fut contraint d’accepter mais il leur imposa une terrible condition : les animaux devraient perdre l’usage de la parole ! !… Ils acceptèrent ! Le grand chêne donna alors aux furets une de ses branches pour qu’ils y taillent un bateau afin de descendre l’Amalou… Le bateau construit, transparents et furets embarquèrent et partirent… Quand aux autres races, privées de la parole, elles s’éparpillèrent à la surface du monde…  » (T.1, p.23-23)
    Les deux enfants ? Un fils et une fille, Meth et YZ, le grand arbre les garda près de lui, dans son corps,… jusqu’au jour où le grand chêne affaibli décida de les libérer… et ainsi de remonter l’horloge de la légende… L’équilibre ne dépend maintenant plus que des relations entre les deux communautés, relations ressenties instantanément par les hybrides (créatures mi-furets, mi-transparents) qui peuvent se faire adorables si les furets et transparents cohabitent en paix, où à l’opposé détestables et même dangereux pour le chêne à l’occasion d’une quelconque animosité…

     

    Le grande âge de l’arbre et sa grande fatigue est pour Théo (qui n’est autre que l’origine de la légende, le magicien, celui qui a donné le visage à tout le royaume) l’occasion de s’emparer du trône et du pouvoir du chêne… Le rôle d’Andréa, Elwood et Orane sera dès lors d’emprunter le passage vers le monde de la légende, un univers de créatures insolites et cauchemardesques, pour se rendre au secours du grand arbre agonisant dont la mort signifierait leur perte à jamais… pour empêcher leur passé de se consumer…

     

    Un dessin magique

     

    Claire Wendling possède en effet des doigts magiques. Ces dessins sont sources de vie… Source de vie des personnages que l’on croirait entendre ou voir bouger… Source de vie de ces créatures hybrides, féroces, majestueuses ou furtives qui peuplent un univers magnifique et étonnant, un univers créé par la seule force de l’imagination et du rêve. Le scénario de Christophe Gibelin est aussi remarquable : très bien construit, très bien pensé, original et surprenant jusqu’au bout. Il nous rempli de rêve et de merveilleux en créant une créature aussi belle que le Cafou, ce félin qui aide les petits êtres à affronter les monstres qui peuplent leurs cauchemars… Une légende magnifique donc, illustrée par les dessins aux traits nets et sensibles de Claire Wendling que l’ont peu sans conteste catégoriser comme une des auteurs les plus douée de sa génération !

     

    L’intangible Algésiras

    Un autre univers aux personnages doux et intangibles…

    Algésiras n’est aujourd’hui âgée que de 29 ans et pourtant, en tant que dessinatrice et scénariste, elle nous offre déjà un petit bijou de BD fantastique: Candélabres !
    C’est en Afrique, à Bangui, en 1972, que cette jeune fille voit le jour. Elle passera les seize premières années de sa vie dans ce pays avant de retourner en France où elle réussira un bac scientifique. Elle entamera ensuite, sous les encouragement de sa professeur de dessin, le concours d’entrée de l’école des Beaux Arts d’Angoulême. Ses parents, de fervents lecteurs de bande dessinée, lui transmirent aussi leur passion ! Après quatre années de travail et de multiple rencontres, Algésiras travaille sur un projet de récit qui prendra le nom de  » Candélabres « . Entre temps, elle effectuera aussi sur de la traductions de scénarii et du lay-out de dessins animés. Parmi tous les genres en bande dessinée, un prédomine incontestablement dans ses préférences : le fantastique ! Et en tête, le fantastique américain. Une influence de cette littérature fantastique américaine est peut-être même à déceler dans le scénario de Candélabres. Algésiras avoue être très sensible à ce qui se fait à l’étranger (par exemple, par ce que fait Bisley, Moore, Baker, Matsumoto etc.). En Europe, elle se sent plus proche d’Andréas, Frank, et Cosey, trois grandes figures de la BD !

    Candélabres

    Candélabre, c’est l’histoire d’un jeune garçon, Paul Klarheit, confronté à des êtres intangibles, des êtres immatériels apparentés au feu. Dans le premier tome, Julien Soledango, un candélabre le sauve mystérieusement d’un incendie et lui permet de recouvrer l’usage de ses jambes paralysées. Mais le prix à payer pour ce miracle est grand : il doit devenir le gardien d’une source de feu enfouie au plus profond de son corps, une source qui souvent s’embrase et lui fait subir de fortes poussées de fièvre. Grâce à cette source, il a le pouvoir de voir les candélabres mais surtout, il a le don de la danse, le pouvoir de ses jambes qui le font virevolter comme un oiseau… Tout se complique dans le deuxième tome lorsqu’une fillette turque semble percevoir le mal dont il souffre et lorsqu’elle le mène vers un tableau représentant un groupe de dix candélabres… Ces même candélabres qui tentent de lui voler ses précieuses étincelles…

    Une grande élégance

    Ces deux tomes déploient en effet la grande élégance d’Algésiras. Elégance dans le trait et élégance dans la narration. La couverture du deuxième album confirme à elle seule ces dires ! Elle est simple mais tellement explicite : elle reprend en effet les éléments clés de l’histoire. Tout est dit en un seul dessin très expressif. Tout au long de son récit, Algésiras met en scène des personnages aux traits fins et sensibles, et à la personnalité forte et individualisée. Son scénario construit autour d’un seul narrateur central, entraîne un découpage rigoureux de l’histoire. Ce découpage permet une structure claire et précise du récit et permet à chaque lecteur de se resituer dans l’espace et dans le temps. Impossible d’être perdu donc ! Avec subtilité, Algésiras créera chez le lecteur un sentiment de manque, de vide, engendré par l’absence de plus en plus répétée de Soledango, le  » protecteur  » de Paul. Autant par son dessin flamboyant que par son scénario authentique, elle éveillera une multitude d’émotions chez le lecteur… Un très belle version du fantastique par une auteur hors pair !

    Isa et le Roi

    D’origine franco-allemande, Isabelle Dethan est née en 1967. Son premier court récit est d’ailleurs publié en Allemagne dans la revue Schermettal. Elle aussi, succédant à Claire Wendling, remportera l’Alph’Art Avenir en 1992. Depuis sa plus tendre enfance, le dessin représente une de ses plus grandes passions. Ses parents la pousseront pourtant vers des études de français. La voilà donc diplômée en Lettres Modernes de la Faculté de Bordeaux, maîtrise qu’elle couronnera par un mémoire sur la littérature médiévale (Isabelle est passionnée par l’imaginaire et l’histoire) et un CAPES de documentation. Tenace, elle reviendra à son premier amour en créant, en auteur complet, sa toute première série : Mémoire de sable. Pour son premier album, La tour du Savoir, elle sera récompensée par les Grelots d’or 1993. A la fin de cette première série, elle se lance sans attendre dans un deuxième triptyque : Le Roi Cyclope. Elle collabore ensuite à différents projets : deux récits pour le revue Je Bouquine (Bayard éd.), des illustrations et travaux de communication d’entreprise et des livres pour enfants. Pour l’avenir, Isabelle Dethan nous prépare un nouvel album, Sur les terres d’Horus, histoire qui se situera en l’an 39 du règne de Ramses II. A suivre…

    Le Roi cyclope

    Dans la ville de Lycène, ville royale, un sinistre marquis parvient à convaincre son roi de tuer ses propres fils afin de conserver sa couronne. Pour cela, rien de plus simple : les principes monarchiques exigeant un prince avec une bonne vue à la tête de Royaume, il suffit d’éborgner les sept descendants ! Le marquis est certes un grand sorcier mais ses paroles ne sont pas vaines… Derrières ses  » précieux conseils  » se cache en effet un but bien plus pervers : posséder le pouvoir absolu. Ainsi, suite à la mutilation des six premiers fils du roi, il ordonna la mutilation du septième, Thalès. Le fils cadet échappera cependant de justesse à la mort (avec toutefois un œil en moins, ce qui lui vaudra le surnom de roi cyclope). Sauvé par la jolie Antimée, gardienne du Jardin où rien ne meurt, Thalès découvrira le réel but du marquis : s’approprier cette terre afin de se nourrir de son énergie magique et ainsi devenir le maître incontestable !

    Cinq années s’écoulent ensuite, avant que Thalès, devenu un voyant réputé, découvre le seul point faible du sinistre marquis : une jeune saltimbanque, dénommée Griselda. Ce tyran se révélerait-il être un être humain, sachant faire preuve d’humilité et éprouvant des sentiments ? Un faille qui pourrait bien lui être fatale…

    Une réussite graphique

    Isabelle Dethan aime à voir évoluer ses personnages dans une direction non programmée. En créant l’effet de surprise, elle les laisse à leur destin et évite à tout pris les fins stéréotypées. Elle les laissent suivre le cours de la vie, tout simplement, en leur imposant leurs erreurs, leurs arrogances et les vérités qui sont parois dures à entendre… Elle fuit à tout pris l’habitude en suscitant les découvertes : découverte d’une porte cachée au plus profond des souterrains du château, découverte d’un vis ou d’un secret bien gardé… Son scénario met en scène des personnages impulsifs tantôt maléfiques, comme l’arrogant marquis aux traits rudes et sévères, tantôt plus sensibles, comme le courageux prince et la douce Antimée. Des personnages qui ont une évolution commune, le Marquis étant à l’origine du Roi cyclope et de sa vie plus mouvementée qu’elle ne l’aurait dû être. Thalès, en effet, était au départ destiné à une vie beaucoup plus banale. Quand au dessin, il peut être qualifié de délicat et gracieux. La fluidité dans les traits donne une impression de mouvement et de vie à chaque élément représenté. Les couleurs raffinées utilisées par l’auteur lui permettent encore de jouer sur les atmosphères qui se veulent parfois tristes, mélancoliques, ou dangereuses, menaçantes ainsi que de créer des sentiments propres à la scène. Bref, un style élégant et un conte inspiré pour une autre grande dame du monde magique du fantastique !

    Sevie, 2000

  • Claude Seignolle – Le folklore au service de l’Imaginaire

    Claude Seignolle

    S’il est un auteur français qui mérite bien sa place parmi les plus grands fantastiqueurs francophones, c’est bien Claude Seignolle. Revisitant les légendes anciennes ou les grandes figures du fantastique, l’auteur nous emmène dans son imaginaire avec la justesse de ses mots et le plaisir sans nul pareil d’une écriture profonde et vraie. Entre amour du terroir et réflexion sur l’homme, le fantastique de Seignolle a un goût particulier dont on ne se délassera jamais. Regards sur l’homme et ses œuvres…
    Certes, certains trouveront étrange de parler ici d’un écrivain fantastique, mais Claude Seignolle a bel et bien sa place dans les mondes féeriques car il est l’un de ceux qui a récolté patiemment les contes et légendes de nos terroirs. Sans lui, le Petit Peuple et ses histoires auraient été perdus !

    L’homme et ses outils : la pelle et la plume

    La lecture d’Une enfance sorcière, récit autobiographique de Claude Seignolle, nous en apprend beaucoup sur l’auteur et cette sorte de prédestination à l’amour du passé, de ses pierres et de ses légendes. Claude Seignolle est né le 25 juin 1917 très exactement à 15 h dans le Périgord à Périgueux. Très tôt, il se met en chasse de vieilles pierres et se découvre une véritable passion pour l’archéologie. Il explique lui-même cette passion par une sorte de  » destin  » auquel il n’aurait pu échapper. Il se dit en effet atteint du  » lithos  » qui, nous explique l’auteur, est vulgairement appelé le  » microbe de la pierre « . Il entassera dans sa chambre diverses trouvailles : pierres préhistoriques, morceaux de vases, etc. Mais son père ayant décidé de monter à Paris, le jeune Seignolle se voit contraint d’abandonner sa Sologne et ses vieilles pierres…

    Mais lorsque le destin vous tient, rien ne peut le contrer et c’est au sein du lycée Lakanal, à Paris, que Seignolle va faire une première rencontre importante en la personne de son professeur d’Histoire qui, apparemment lui-aussi atteint du lithocoque, lui conseille de préférer la pelle aux leçons, décelant dans le jeune garçon, un chasseur de pierres en devenir. A quatorze ans, alors que le conseil disciplinaire de son Lycée le renvoyait pour son attitude jugée trop passive vis-à-vis de l’enseignement dispensé, Claude Seignolle se faisait appeler, par esprit de taquinerie, « cher collègue » à la Sorbonne ! Plus précisément, la présence assidue de ce jeune homme intéressé aux séances de la Société préhistorique Française l’avait fait admettre comme honorable membre actif. Sa première arme, la pelle, allait le servir à déterrer des trésors enfouis depuis des siècles et les marchés aux puces parisiens allait voir venir à eux un terrible négociateur, toujours à l’affût d’une quelconque « trouvaille ».

    Une autre rencontre décisive allait transformer la vie et la passion de notre jeune archéologue. Arnold van Gennep, le folkloriste bien connu, se lie d’amitié avec le jeune homme qu’il appellera familièrement « neveu ». Considérant que les pierres vieilles de quelques milliers d’années peuvent bien encore attendre quelques temps qu’on les ramasse, il insiste beaucoup sur la nécessité autrement plus urgente de récolter les contes, légendes et traditions de ces paysans, restés fidèles à leur passé et qui disparaissent entraînant avec eux toutes leurs richesses. Délaissant pour un temps la pelle à la faveur de la plume, Claude Seignolle aidé de son frère Jacques, allait s’enfoncer pour deux ans dans une collecte d’informations primordiales qui allait aboutir à l’ouvrage Folklore du Hurepoix.

    Depuis, l’homme se partage entre l’amour des légendes (nombreux ouvrages concernant le folklore et les légendes de différentes régions de France, voir chez Omnibus. A noter également que Claude Seignolle est très certainement un des plus grands spécialistes du diable et de ses légendes en France, de son érudition, il a également retiré de nombreux ouvrages majeurs comme  » Les Evangiles du Diable « ) et l’inspiration qu’il retire de son travail de recherche pour les contes fantastiques qui l’ont fait véritablement connaître des amateurs de l’étrange. Son premier roman, Le rond des sorciers, publié en 1959 allait amorcer une belle carrière de conteur et allait le faire entrer en contact avec de futurs grands amis de ce docteur es-diableries : Jean Ray, Thomas Owen…

    Ici, c’est bien entendu à l’auteur de récits fantastiques que nous nous attacherons et dans la suite de cet article, nous vous proposons un petit tour d’horizon de ses œuvres en nous arrêtant aux thèmes essentiels.

    Vampires des villes et Loups-Garous des campagnes

    Si Claude Seignolle est très apprécié pour ses récits tirés de légendes campagnardes ou situés dans un univers paysan, on oublie souvent qu’il a également écrit de somptueuses histoires placées dans un univers urbain. N’oublions pas qu’il a vécu après tout, longtemps à Paris ! Dans le recueil La Nuit des Halles, Seignolle nous confronte avec une créature qui aime à se lover dans les pierres citadines : le vampire.

    Qu’il prenne la forme de mains-vampires venues chercher la matière première de l’inspiration du peintre El Chupador (Le Chupador, in La Nuit des Halles) ou qu’il prenne l’apparence d’une jeune fille de quinze ans, condamnée à se nourrir de  » clients  » sur les trottoirs de Paris (Pauvre Sonia ! in La nuit des Halles), le vampire, créature qui ressent le besoin de se rapprocher de ses proies et donc de vivre là où celles-ci se concentrent est bien une figure incontournable de la ville. On notera également dans cet imaginaire urbain des morts prenant le taxi (Nuits), une prostituée-araignée (Un petit monstre à louer au quart d’heure) ou encore des murs fantômes (Et si c’était !)… Enfin, La Brume ne se lèvera plus est un court roman contant la recherche désespérée de son amour par un jeune déserteur. Si le récit est moins à catégoriser dans le genre fantastique que d’autres histoires de Seignolle, il n’en reste pas moins empreint d’une atmosphère surréaliste, onirique et étrange. Et que dire de ce vieil organiste qui se présente à la fin du récit sous les traits de l’ange noir du héros ?

    Mais rejoignons vite la véritable richesse à retirer des œuvres de Claude Seignolle. C’est bien dans les légendes du terroir que nous pénétrons avec plaisir en compagnie de ce merveilleux conteur. Commençons notre exploration avec une bête disparue de bien des contrées mais qui a laissé un souvenir vivace dans les villages : le loup. Avec Le Gâloup, Claude seignolle nous invite à pénétrer les pensées de la bête. Récit à deux voix, l’œuvre montre toute la force de l’animal, tantôt chasseur, tantôt proie… un régal ! Mais mieux encore, c’est avec le roman Marie-la-Louve que l’on découvre toute la force de l’écriture de Seignolle. L’histoire est celle de la jeune Marie amoureuse de Martin au déplaisir des parents de ce dernier. La rumeur qui entoure Marie n’est pas non plus sans venir renforcer la méfiance des parents de Martin. On raconte que lorsqu’elle n’était encore que bébé, un homme étrange était venu, au cœur de l’hiver, demander nourriture pour lui et ses bêtes. Les parents de Marie, découvrant avec horreur que les bêtes en question étaient des loups, se rappelèrent aussitôt la légende du Meneur de loups ! Pas question de lui déplaire. Une fois le repas pris, le meneur demanda à les remercier et transmis à Marie le don de guérir les morsures de loups tant que lui serait en vie… Et l’histoire de se construire autour de la légende, de nous faire frémir pour l’amour et les drames de Marie et Martin, de nous confronter à la dureté et la folie des hommes. A bien y réfléchir, le livre nous pose la question suivante : quelle morsure est-elle la plus dangereuse, celle du loup ou celle de l’homme qui colporte mensonge et infamie ?
    Du loup, on en trouvera encore dans La morsure de Satan, où une fois de plus les croyances des gens joueront un mauvais tour…

    Dans les campagnes revisitées par Seignolle on ne trouve pas que des loups, il y a également des malédictions comme dans Un viol , où un seigneur mort depuis longtemps se venge de ce satané bûcheron qui lui a fendu le crâne en portant le malheur à jamais autour de cette profession. Il y a aussi d’étranges objets comme cette statue que l’on retrouve en un lieu damné et qui augmentera la méchanceté de Jeanne, qui porte bien son surnom de La Malvenue.

    Mais, au fond, toutes ces choses étranges qui se déroulent dans les campagnes, n’ont-elles pas une source commune ? Qu’ils soient malédictions, êtres damnés, monstres assoiffés de sang, sorcières et jeteurs de sorts n’ont-ils pas le même maître ?

    Diable et sorciers

    Et oui. Dans l’univers de Claude Seignolle, le diable a une place de choix. Le Mauvais, le Cornu, en sabots ou en pèlerine, il se déplace là où il est attendu ou là où on l’attend le moins… Mais toujours pour y apporter le mal et la désolation. Il récompense ceux qui le servent et châtie impitoyablement ceux qui tentent de lui nuire.
    Mais à quoi ressemble-t-il cet être que l’on craint tant et si fort ? Qu’il nous soit permis ici de répondre à cette question par les descriptions que nous en fait Seignolle dans diverses histoires.

     » Malgré la dureté de ses traits ravinant sa peau, il y a de la jeunesse dans ses lèvres, ce qui donne à imaginer qu’il ne doit pas avoir dépasser la quarantaine…peut-être moins mais pas plus… Son visage osseux évoque un masque ocré fendu de deux ovales allongés vers les temps, dans lesquels ses yeux verts ont une fixité animale. Sa tête, toute en hauteur, trop étroite, dépare un aussi grand corps et fait penser à un fruit non venu à terme, resté sur l’arbre, puis contrarié par quelque gelée. Le nez fort, pilier d’un front court barré par une chevelure noire, luisante, tranche ce masque et l’aide à pourfendre toutes les volontés qui tenteraient de s’opposer à la sienne. Il ne saurait en être autrement avec un tel soc d’autorité. Ses pommettes saillent, remontant les joues, les creusant aussi « . Ainsi est décrit Roc, le nouveau forgeron dans Le Diable en sabots. Ajoutons à ce portrait qu’il éprouvera de l’amour pour une femme mais lui avouera qu’il n’est pas bon. Une histoire qui met une fois de plus en avant la cruauté des hommes amenée par leurs croyances.

    Et dans le Gâloup, le maître apparaît à la bête et nous apporte une description plus fidèle à l’imaginaire universel :  » Là, gigantesque, sort de terre un être à facettes multicolores… Être d’or, d’argent et de puissance, mi-homme avec ses hautes jambes gainées d’étoffes arlequinées et ses longs bras perdus dans un vaste pourpoint cramoisi ; mi-bête avec sa queue aux poils hirsutes, ses sabots de corne et sa face de chèvre mécréante « .

    Mais le diable se manifeste dans les récits de Claude Seignolle surtout au travers de ses serviteurs : sorciers et sorcières ! Et méfiez-vous bien de ces gens-là ! Ne soyez pas tel ce boucher ambulant, qui assassinait et découpait de riches personnes et revendait leur viande sous forme de boudins et autres quartiers aux gens de la région et qui, refusant de donner un cœur de mouton à un homme que l’on disait sorcier se verra en très mauvaise posture (Il ne faut jamais)… Ou tel cette femme qui voulant sauver sa vieille cousine alla chercher le secours d’un sorcier. Celui-ci donna au cerisier du jardin le mal dont souffrait la femme. Mais apprenez que jamais sorcier ne fait de bonne action sans qu’il y ait plus mauvaise en retour… Et la joie de l’homme retrouvant son aimée en parfaite santé ne dura que le temps d’abattre ce vieux cerisier pourrissant…(Une santé de cerisier).

    Le malheur peut prendre diverses formes et n’a pas toujours besoin d’un visage pour se manifester. Que notre curiosité nous entraîne vers la fatalité (L’oubliette) ou qu’un mal d’autrefois pénètre en nous jusqu’à le rejouer (Chaque chose à sa place), le malheur guette ses proies. Soyez donc sur vos gardes !

    Nous terminerons sur les derniers mots de Claude Seignolle contenus dans le document qui ouvre Histoires vénéneuses, recueil paru chez Marabout en 1976. Document intitulée De qui venait ce sang ? L’auteur nous confie que la passion pour le diable et ses sorciers provient très certainement d’une expérience vécue, enfant, lorsqu’il était parti à la recherche de trésors archéologiques et que, surpris par un orage, il avait trouvé refuge dans une grange. Là, il fut témoin d’un rite étrange. Un vieux berger, acceptant la présence du jeune homme, reçu une femme et son enfant malade. Certes, l’homme fut quelque peu sorcier car pour guérir l’enfant (ou l’offrir à son maître ?) il éventra un coq que la mère avait apporté, éclaboussant l’enfant de son sang. Durant ce rite, le jeune Seignolle fut également souillé du sang de la volaille et cette expérience le marqua tant que l’auteur semble y trouver là l’origine de son écriture :  » En vérité, de Qui venait ce sang qui me marqua comme d’un don, mais d’une plaie et me lia aux forces obscures car, de ce jour-là de cet instant-là s’épanouit à jamais ma fascination pour l’enfer sournois qui couve sous l’humus de nos campagnes ? Mon âme en fut toute changée. Je commençais à voir clairement l’au-delà et à sentir les plus secrètes faims des êtres. Commença mon aventure pourpre. Commencèrent mes livres noirs « .

    Octobre 2000

    On signalera ci-après une succincte bibliographie et les traces de l’univers de Claude Seignolle au cinéma et dans la bande dessinée :

    Bibliographie
    Marie la Louve, Les Quatre-Vents, 1947 (aussi en Presses Pocket)
    La Malvenue, Maisonneuve, 1952 (aussi chez Marabout n°215 et Presse Pocket)
    Le diable en sabots, Le Terrain Vague, 1959 (aussi chez Presses Pocket)
    La brume ne se lèvera plus, Le Terrain Vague, 1959 (aussi chez Marabout n°419)
    La Nuit des Halles, Morgan, 1965 (aussi chez Presses Pocket)
    Les Evangiles du Diable, Maisonneuve, 1964 (aussi chez Omnibus)
    Contes sorciers, Marabout, bibliothèque fantastique, n°465
    Histoires maléfiques, Marabout, bibliothèque fantastique, n°230
    Contes macabres, Marabout, bibliothèque fantastique, n°244
    Récits cruels, Marabout, bibliothèque fantastique, n°282
    Les Loups verts, Marabout, bibliothèque fantastique, n°353
    Histoires vénéneuses, Marabout, bibliothèque fantastique, n°419
    Contes, récits et légendes des pays de France : Nord, Flandres, Artois, Picardie, Champagne, Lorraine, Alsace, Bourgogne, Franche-Comté, Paris, Omnibus, 1997.

    Cinéma
    Le Faucheur, Court métrage, N/B, Alain Gassener, 1969
    Désirée la Sangsue, Court métrage, couleur, Jean-Claude Boussard, 1971
    Celui qui avait toujours froid, Court métrage, couleur, Atahualpa Lichy, 1972
    Pauvre Sonia, Court métrage, couleur, Dominique Maillet, 1975
    Le Miroir, Court métrage, couleur, Dominique Maillet, 1976
    Marie la Louve, Téléfilm, couleur, Daniel Wronecki, FR3, 1991

    Bande dessinée
    La Malvenue, Bruno Loisel, Anvers, Loempia, 1988
    Le Gâloup, Bruno Loisel, Anvers, Loempia, 1990
    Le meneur de loups, Editions Mille regards, 1996

  • Le Grimoire du Petit Peuple

    Pierre Dubois est une célébrité dans le monde des fées. Vous risquez donc d’en entendre beaucoup parler ici. Comme par exemple pour sa série e bande dessinée trop tôt arrêtée sur le Petit Peuple…

    Le Grimoire du Petit Peuple T2

    Scénario: Dubois, Pierre
    Dessin : Collectif
    Editeur : Delcourt


    Quelques mois à peine après nous avoir plongé dans des histoires de Crépuscule, voici que l’extraordinaire conteur du Petit Peuple, Pierre Dubois, nous entraîne cette fois dans la Forêt. De la vieille Russie, épouvantée par son Leichy, au Troll, ogre géant, mais dont la naïveté sera être mise à profit par le héros, Maître Dubois est dans son élément. Côté dessins, signalons de suite la participation de Thierry Ségur (Légende des contrées oubliées). Notons aussi celle d’Aleksa Gajic, illustrant un conte roumain. On est loin du Fléau des dieux mais Gajic nous offre ici une preuve ce plus de son talent exceptionnel. Jérôme Lereculey, Jean-Emmanuel Vincent-Desroches, Dominique Bertail sont encore au sommaire du Grimoire. Tandis que Etienne Le Roux signe les portraits de l’Elficologue et Civiello pages de garde et couverture (comme dans le premier tome). Mêlant habilement contes universels et thèmes plus particuliers, Pierre Dubois a commencé une collection féerique qu’on aimerait espérer infinie. Inévitable !

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  • Petit Abécédaire féerique et Celtique – AK éditions

    Voici un petit abécédaire où le plaisir de l’auteur se ressent car rien ici ne doit être pris au sérieux. Vagabondages au travers des mots et de la féerie où le vocabulaire se fait jeu et où tout se mélange allégrement. Petit exemple:

    « Pouf: bruit provoqué par la dématérialisation d’un être féerique. est accompagné généralement d’une nuée de poussière. »

    Mais si on explore un peu plus ce petit livre on y trouve pas mal de références aux autres ouvrages édités par AK éditions. Publicité pour leur catalogue ou hommages sous forme de clins d’oeil aux amis-auteurs ? Une astuce qui malheureusement alourdit l’abécédaire en question qui, finalement, aurait mérité que son humour soit travaillé un peu plus finement. Cela aurait pu aboutir à quelque chose de très raffraichissant.

    Côté illustrations, elles se limitent aux pages introductibves représentant la lettre traitée. Le tout en noir et blanc.

    En résumé, un sentiment de rendez-vous manqué pour un ouvrage qui ne vaut pas le prix indiqué (9,50 euros !).

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