Étiquette : Contes

  • Les Nutons du Condroz – Alain Voisot (Editions Dricot)

    Les Nutons du Condroz
    Alain Voisot
    Editions Dricot
    82 pages
    Sortie: 1/9/2008
    Prix: 12,50€

    Présentation éditeur:
    Pour l’auteur, Liège est une ville encore pleine de secrets enfouis dans son passé prestigieux et héroïque. Il y puise quelques détails et les place sur le parcours de ce conte fantastique qui nous fait découvrir une nouvelle famille de Nutons. Cette randonnée insolite à travers la Province de Liège fait références au patrimoine liégeois. Les allusions et les références foisonnent et participent au décor de cette histoire qui traverse plusieurs sites connus de la région liégeoise. Les héros, Laurent et Adrien, sont entourés de personnages fantasques, cocasses et redoutables. Les deux frères adolescents, résidant à Dalhem sont venus en vacances chez leur grand-mère à Ouffet. Ils découvrent par hasard l’entrée du monde des Nutons du Condroz. Ce conte  » régional  » fait un alliage entre la tradition des contes populaires liégeois et le patrimoine historique du Pays de Liège. Il est  » fantastique  » par sa conception reprenant le principe d’une aventure à rebondissements durant lesquelles les héros doivent parcourir un itinéraire initiatique à travers… la Province de Liège. En partant d’Ouffet pour aller à pied au Pays des Macrâles de Haccourt les deux jeunes héros de l’histoire traversent des lieux connus et rencontrent des personnages insolites, fantastiques et inquiétants. Le conte se termine au Château de Modave et dans la superbe vallée du Néblon. Mêlant l’histoire et le surnaturel en s’appuyant sur des faits et des sites connus, ce conte remet en lumière les œuvres de Jean Noel Hamal, le Mosasaure, Hubert Goffin… Le passé minier du bassin liégeois invite au mystère de son monde sous terrain formant un réseau de galeries propices aux fantasmes les plus insolites et les plus inquiétants.

    Notre avis:
    C’est à une jolie balade dans la région de Liège que nous invite Alain Voisot en prenant pour héros ces gnomes hantant la Wallonie belge que sont les Nutons. Dans un livre au public pas vraiment ciblé (les héros sont des enfants mais le style d’écriture varie entre tournures plus orientées adultes et tournures plus simples, plus accessibles pour la jeunesse), l’auteur parvient à redonner vie aux contes et légendes de son pays. Une très belle initiative qu’on aimerait voir fleurir un peu partout. Certes l’accent moderne donné ici aux nutons et à leurs activités peut dérouter les puristes mais les contes ne sont-ils pas faits pour évoluer avec leur temps ?
    En résumé, une jolie petite histoire qui a pour premier mérite de revisiter Liège et ses environs. De quoi lui redonner ses couleurs légendaires…

  • Rencontre avec Edouard Brasey, le chasseur de fées…

    En quelques années Edouard Brasey est devenu la référence incontournable en matière de Féerie. Depuis sa première Enquête sur l’existence des Fées et autres esprits de la Nature (Editions Filipacchi) en 1996, il n’a eu de cesse d’enchaîner les publications sur le Merveilleux et la féerie. Ses encyclopédies parues au Pré aux Clercs sont un réel succès et la préparation d’un certain « Traité de Féerie » fait beaucoup de bruit sur le net. Nous l’avions déjà soumis à nos questions il y a quelques temps. L’occasion s’est représentée pour une interview un peu plus longue sur les fées et autres petites créatures féeriques. Rencontre avec un chasseur de fées…

    Le peuple des fées résulterait d’un croisement entre les divinités antiques apportées en nos régions par les romains et des mythologies celte et germanique. On peut y ajouter le travail de modelage du Christianisme et vous soulignez dans vos ouvrages la réminiscence des anciennes druidesses. Alors, le Peuple des fées, finalement, que s’est-il passé avec son « image », d’où découle sa représentation actuelle ?
    Eh bien, jadis les Anciens croyaient aux fées comme à de petites divinités intermédiaires, des esprits élémentaires, que l’on pouvait rencontrer. Des « messagers » de l’Autre Monde, un peu comme les anges. Aujourd’hui, elles ont été infantilisées ; elles sont considérées comme de simples personnages de contes, alors qu’elles sont bien plus que cela !.

    Vous décrivez les lutins comme des êtres farceurs, parfois limite méchants. Ils sont responsables de tous nos maux comme les retards de trains par exemple. Ils se sont donc adaptés à notre vie moderne ?
    Bien sûr ! Les lutins ne sont pas foncièrement méchants, mais ils ne peuvent pas s’empêcher de tout mélanger, égarer les clés, créer mille petits problèmes. On leur impute même, dans le cas des gremlins, la responsabilité des bugs informatiques !

    Pensez-vous que l’énorme succès que connaissent les elfes aujourd’hui est du aux films du Seigneur des Anneaux, adaptés par Peter Jackson à partir de l’œuvre de Tolkien, et au fait que les elfes y apparaissent physiquement comme des humains sublimés ?
    Les elfes de Tolkien sont des descendants des Tuatha dé Danann d’Irlande, un peuple idéal, venu des îles enchantées du nord. Ils sont bien différents des elfes noirs germaniques, qui ressemblent davantage à des nains vivant sous terre, à des démons ou à des esprits des morts !

    Donc les elfes n’ont pas toujours eu cette image ultra positive. On peut d’ailleurs lire dans vos œuvres que les elfes sont à l’origine de nombreuses maladies (folie, urticaire, colique, lumbago, etc.) D’où vient ce lien ?
    Les elfes germaniques étaient redoutés ; ils étaient considérés comme un peuple sorcier pouvant jeter des maléfices. Les maladies incurables, notamment, étaient dues à leur malveillance. Il existait même des conjurations pour les éloigner !

    N’a-t-on pas largement adouci l’image des fées aujourd’hui ? Un travail commencé au XIIe et XIIIe siècle avec les contes de fées… Et ces douces amies ne sont-elles pas une vision très française du Petit Peuple ?
    Les fées d’aujourd’hui pâtissent d’une représentation stéréotypée – la fée à la baguette magique qui résout tous les problèmes – qui remonte surtout aux fées de cour du XVIIIe siècle français, et aussi aux fées infantiles des dessins animés de Walt Disney… La fée Clochette est le résultat de cette évolution.

    Dans Le guide du Chasseur de fées vous dites que la fée est une femme idéale…
    Elle l’est ! En tout cas les chevaliers errants qui faisaient leur rencontre au détour d’un chemin, d’un bois ou d’une rivière tombaient immédiatement amoureux d’elles et les demandaient en mariage. C’est le cas de la fée Mélusine, par exemple, qui épousa le seigneur Raimondin dans le livre de Jean d’Arras.

    Vous écrivez aussi que « les fées vivraient dans l’Autre Monde. Elles seraient des anges féminins rejoints en leur Paradis par les humains dignes d’elles ». C’est une vision très spirituelle et mystique de la féerie ?
    Non, elle correspond à la mythologie celtique, qui voyait l’Autre Monde, le paradis, dans une île lointaine, Avallon, peuplée de fées sublimes. Les preux qui les y rejoignaient n’en revenaient pas, tant ils y étaient heureux… A moins qu’ils ne fussent morts… Pour le savoir, il faudrait y aller…

    Quel lien voyez-vous entre la Vierge Marie et les fées ?
    Le parfum ! Il s’agit d’un parfum de lis et de rose mêlés, que j’ai eu l’occasion de humer quelquefois… en particulier dans la grande salle de la Bibliothèque nationale de la rue de Richelieu à Paris !

    D’où vient la diminution de la taille des fées. Comment sont-elles passées d’une taille humaine à ces êtres ailés et minuscules ? Influence des elfes nordiques ? Shakespeare ?
    Shakespeare a en effet décrit Mab, la reine des fées, comme un être minuscule. Mais en réalité les fées ont diminué de taille au fur et à mesure qu’elles ont diminué dans les croyances des gens… Lorsque les hommes y croyaient et les aimaient d’amour, elles étaient grandes et belles…

    Comment expliquez-vous l’attachement de l’homme au dragon ? Ici aussi, on remarque une image très positivée d’une créature mythique autrefois liée au serpent d’Eden et au Mal…
    Le dragon est un monstre effrayant qu’il faut vaincre pour s’approprier le trésor dont il est le gardien ; il est une sorte de gardien du seuil, de créature initiatique. Il est aussi un très vieux sage issu du chaos originel. Et le cousin du serpent de la Genèse aussi, bien sûr…

    D’où vient l’idée des dragons gardiens de trésors ?
    En réalité, les richesses conservées par les dragons sont initiatiques : il s’agit de la sagesse, de l’illumination que l’on ne peut atteindre qu’en affrontant ses peurs ancestrales, ses démons intérieurs, son ombre, au sens où la définissait le psychologue Jung.

    Les sylphes auraient été perçus comme des extraterrestres au Moyen-Âge. Expliquez-nous un peu ça…
    On en trouve l’étrange récit dans un curieux ouvrage du XVIIe siècle, « Le Comte de Gabalis », écrit par l’abbé Montfaucon de Villars. L’auteur parle de sylphes, donc de créatures de l’air, mais il fait une description ressemblant parfaitement aux enlèvements extraterrestres !

    On croise souvent dans vos écrits des références à un certain Ismaël Mérindol. Comment expliquez que pour notre part, nous n’avions jamais croisé son nom auparavant ? Dites-nous en plus ce cet énigmatique personnage…
    Il s’agit d’un changelin, un enfant des fées, qui vécut entre 1400 et 1522, et à qui l’on doit ce fameux « Traité de Faërie » de 1466, incunable que j’ai eu la chance de consulter à la bibliothèque nationale de Prague il y a quelques années… Je vais d’ailleurs publier ce texte rarissime en avril prochain dans la collection de grimoires et traités que je dirige au Pré aux Clercs. Il y parle de ses rencontres avec les fées, les nymphes, les gnomes…. En annexe, je publierai également « Le Comte de Gabalis », déjà cité.

    L’Encyclopédie du Merveilleux brasse très largement l’univers légendaire en incluant en ses pages aussi bien les fées que les anges, les vampires que les djinns. N’est-il pas risqué de mélanger toutes ces créatures aux origines différentes ou est-ce là une façon d’épouser le légendaire d’aujourd’hui multiculturel et universel ?
    J’ai en effet intégré des créatures lointaines, voire exotiques, comme les djinns ou les zombies, mais qui ont été accueillies dans notre imaginaire fantastique, ne serait-ce que par les contes ou le cinéma. En revanche, j’ai laissé de côté les créatures trop différentes de notre culture, comme les dieux et esprits du shintoïsme par exemple, ou encore les dieux et démons africains.

    Combien d’ouvrages sur le Petit Peuple possédez-vous dans votre bibliothèque ?
    Je l’ignore ! Il y en a un peu partout ! Parfois je les perds, puis je les retrouve par hasard ! Les livres sont vivants, ils ont leur autonomie…

    « L’Imaginaire est comme une peinture. Le paysage réel existe, mais c’est la palette du peintre qui va le sublimer et en faire une œuvre d’art ». Expliquez-nous votre phrase…
    Tout dépend du regard que l’on porte sur les choses. L’artiste, le peintre, le poète, l’amoureux des fées a le pouvoir de réenchanter le monde par le regard « ravi » qu’il porte sur les choses. Il ne change pas le réel, mais son regard. Mais en changeant son regard sur le réel, le réel, par reflet, change à son tour…

    André Malraux disait que le XXIe siècle serait spirituel ou ne sera pas. Nous y sommes. D’après vous, ce siècle est un siècle hautement spirituel ?
    Parfois, on peut se poser la question ! Le bal des banquiers en déroute de l’actualité récente laisserait penser que nous avons replongé dans la matière la plus lourde… Et pourtant… Ceux qui s’intéressaient aux fées voici à peine vingt ans passaient pour des fous. Aujourd’hui, c’est devenu presque naturel. Peter Pan serait-il de retour parmi nous ? Je l’espère…

    Ces dernières années, les ouvrages féeriques se multiplient. Comment expliquez-vous ce retour aux fées ?
    Ce sont les bonnes marraines, les protectrices, les amantes désirées, les femmes idéalisées. C’est aussi un retour de la culture celte, qui avait une haute opinion des femmes. Une revanche de la féminité sur le machisme du siècle passé ?

    Vous avez entamé une nouvelle trilogie d’encyclopédies avec celles du légendaire. Une façon de mettre en avant des choses essentielles mais trop souvent reléguées à des secondes places comme les objets, les héros humains ou les lieux ?
    Oui, on parle peu des objets magiques, des artefacts, alors qu’il s’agit de vecteurs d’imaginaires extraordinaires… L’épée Excalibur, le chaudron de Dagda, le trésor des Nibelungen… Le tome second, sur les personnages légendaires, fera la part belle au roi Arthur et aux chevaliers de la table ronde, ainsi qu’à Merlin et autres questeurs du Graal ! Quant aux lieux de l’imaginaire, ils abondent aussi : Avallon, Brocéliande, Thulé…

    De conteur à Encyclopédiste, cela semble très éloigné, non ?
    Pourquoi ? Il faut bien commencer par collecter les histoires avant de les raconter… Pour moi cela fait partie d’un ensemble, dans lequel j’ajouterai la dimension du roman…

    Transmettre les choses par écrit, c’est plus ou moins compliqué que l’oralité ?
    C’est très différent, et en même temps c’est un peu la même chose. Etre inspiré en écrivant ou en racontant, quelle différence, sinon le fait d’utiliser la main ou la voix. Ce sont les dieux qui parlent à travers le scribe ou le conteur…

    Vous êtes également romancier et venez de commencer une tétralogie autour de la mythologie nordique avec La Malédiction de l’Anneau. C’est un sujet énorme ! Ce défi ne vous effrayait-il pas au départ ?
    Si, bien sûr… Mais personne – à ma connaissance – ne s’y était risqué ! Mon but a été de retourner aux sources légendaires et mythologiques dont se sont inspirés Tolkien dans « Le Seigneur des anneaux » ou Richard Wagner dans son cycle d’opéras « L’anneau du Nibelung », et d’en tirer mon propre univers romanesque, en essayant de rester fidèle à l’histoire originelle de l’anneau maudit. Mes personnages sont donc les dieux d’Asgard, Odin, Freya, Frigg, Loki, les Walkyries comme Brunehilde, les héros comme Siegmund ou Siegfried, les Nibelungen comme Alberich, les géants comme Regin, les dragons comme Fafnir. En écrivant, j’ai senti renaître en moi le souffle épique des anciens âges, et la légende a pris corps, presque malgré moi. Dieux, héros, dragons et filles de l’air attendaient de renaître de l’oubli où on les avait plongés ! Le premier tome, « Les Chants de la Walkyrie », sorti en octobre chez Belfond, raconte l’origine de la légende ayant donné naissance à « La Malédiction de l’anneau ». Le second tome, qui sortira en mai avec une belle couverture de Didier Graffet, s’appellera « Le Sommeil du dragon ». L’histoire sera vue du côté de Fafnir, le dragon abattu par Siegfried ! C’est la première fois à ma connaissance que l’on prend le point de vue du dragon pour raconter cette histoire…. Il existe aussi un site consacré à cette tétralogie romanesque : www.lamaledictiondelanneau.com

    Qu’est ce que « Croire aux fées » pour vous ?
    Croire aux miracles, à la beauté, à l’harmonie, et à la réalisation possible de ses vœux les plus chers…

    Quelle est votre créature féerique préférée et pourquoi ?
    Les cluricaunes d’Irlande, car c’est eux qui ont livré aux hommes le secret de la fabrication du whiskey !

    Votre actualité ? Vos projets en cours ?
    Plusieurs publications au printemps : « Le Traité de Faërie » d’Ismaël Mérindol en avril (Le Pré aux Clercs), « Le Sommeil du dragon », second tome de « La Malédiction de l’anneau » en mai (Belfond), un agenda du merveilleux et le tome deux de « L’Encyclopédie du légendaire » à l’automne (Le Pré aux Clercs). Et des publications de livres d’auteurs dont je suis le directeur de collection, comme Sire Cédric en mars avec son thriller gothique « L’Enfant des cimetières ».
    En tant que conteur, je vais me produire chaque premier samedi du mois à 17 h dans un salon de thé délicieux, « Caramelle », situé 6 rue de l’Arbalète 75005 Paris, à côté de la rue Mouffetard. La première aura lieu le 7 mars. Mais il est impératif de réserver au 01 43 36 60 79, car il n’y a que 45 places !

    Propos recueillis par le Peuple féerique en février 2009`

    Découvrez le BLOG d’Edouard Brasey et son actualité continue…

  • Légendes

    Le Petit Robert désigne par légendes, un « Récit populaire traditionnel, plus ou moins fabuleux, merveilleux ». La légende se rapproche donc de la définition du conte à ceci près qu’une légende contient toujours un fond de vérité, une vérité transformée et déformée par le récit des hommes. La légende a donc un lien historique avec un fait qui s’est réellement passé ou une explication liée à l’Histoire d’un peuple, d’un lieu, d’une personne. Les légendes sont également attachées à une région, un lieu particulier, le conte étant plus ou moins universel.

  • Contes

    Les contes relèvent de la tradition orale. Ils sont les descendants des mythes mais sans le caractère religieux. Ils sont porteurs de leçons et de morale pour les sociétés. Aujourd’hui les contes oraux sont repris sous forme écrite et leur transmission se fait majoritairement par le biais de livres, de recueils pour enfants. Certaines personnes perpétuent néanmoins la transmission orale, ce sont les conteurs et conteuses. Ceux-ci oeuvrent sur scène ou dans d’étonnants spectacles de rue ou de plein air. Quant aux veillées contées, elles ont pratiquement disparu de la culture occidentale.

    D’après le Petit Robert, le mythe est «  un récit fabuleux, transmis par la tradition, qui met en scène des êtres incarnant sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects de la condition humaine ». On voit donc bien le lien entre le mythe et le conte.

    Ce dernier étant défini par le Petit Robert comme un « court récit de faits, d’aventures imaginaires, destiné à distraire ». Le conte de fées étant un récit merveilleux où apparaissent des fées.

  • Sur la trace des fées avec Marie-Charlotte Delmas – Interview

    On se demande souvent où Marie-Charlotte Delmas puise autant d’énergie. Auteure, scénariste de bande dessinée, encyclopédiste, folkloriste, organisatrice d’un salon de l’Imaginaire, conférencière… Autant de casquettes qu’elle réussit à porter avec la même impression de facilité tout en fournissant un travail de qualité qu’on devine énorme. Si ses travaux sur Claude Seignolle nous l’avait fait remarquer, c’est avec Sur la trace des fées paru aux éditions Glénat qu’elle nous a totalement impressionné. Alors que la mode est aux encyclopédies illustrées reprenant trop souvent les mêmes créatures, se basant sur Les fées de Brian Froud et Alan Lee ou les Encyclopédies de Pierre Dubois, deux oeuvres fondarices du genre pour le public français, Marie-Charlotte Delmas propose une approche originale autant par le texte que par l’iconographie. Elle retourne à la source des fées pour nous offrir ce dont tout amoureux français rêvait: un aperçu des fées de France, région par région. Un travail colossal et fondamental qui méritait bien de revenir dessus quelques années après la parution du livre.



    En lisant votre livre, on se rend compte que les fées sont présentes partout en France. Nulle région ne leur échappe même si la Bretagne semble être largement en tête. Comment expliquez-vous cette prédominance bretonne (que cette région compte autant de fées mais aussi que les français connaissent plus celles-là que les autres?)?
    Je ne suis pas certaine que les fées soient plus nombreuses en Bretagne. En revanche, il se trouve que la Bretagne a bénéficié de nombreux collecteurs au XIXe siècle, et pas des moindres (Sébillot, Luzel, Orain…).

    Vous vous êtes occupée de la recherche iconographique du livre. Expliquez-nous cette démarche et ce désir particulier?
    J’ai effectivement souhaité réaliser l’iconographie de ce livre à partir de mes propres collections d’images. Tous les récits et les anecdotes qui servent de base à mon travail et à ce livre ont été collectés au XIXe siècle. Il me semblait important que l’iconographie appartienne à la même époque qui regorge de dessinateurs de talent, une époque où la photographie n’existait pas encore et où on illustrait les articles de presse avec des dessins. Ainsi, il y a une homogénéité entre les textes et les images. Au moment où les collecteurs parcouraient les campagnes pour relever les traditions bientôt en voie d’extinction, des artistes dessinaient les mêmes paysages

    Si on imagine bien que les Fileuses, Filandières et autres Tisseuses sont attachées à la figure des Parques antiques, d’où proviennent ces fées bâtisseuses ou boulangères qui parsèment la France ?
    L’origine des fées est très compliquée. Je travaille actuellement sur cette question, et plus j’avance, plus je trouve que le sujet est complexe. Les collectages sont tardifs, donc pollués par les contes de fées littéraires, les récits des almanachs et autres publications populaires. Chaque fée ou tribu de fées semble être un mélange de plusieurs êtres surnaturels. Beaucoup sont liées aux grands cultes naturalistes – pierres, eaux, arbres dont elles sont souvent la manifestation physique. La plupart des fées sauvages se rattachent à ces cultes et sont les héritières des nymphes de l’antiquité. Pour d’autres, l’influence des Parques est certaine. C’est évident pour certaines triades de fileuses, mais aussi pour les « fées marraines » qui président au destin d’une personne et pour lesquelles on prépare des mets à la naissance de l’enfant, tradition déjà relevée au moyen âge. N’oublions pas que l’étymologie du mot fée, qui vient du latin fatum, renvoie à la destinée.

    On s’étonne de voir que certaines fées ont bâti des églises. Religion chrétienne et féerie faisaient-elles bon ménage dans l’imaginaire populaire ?
    Non, évidemment, les fées n’ont jamais fait bon ménage avec l’église. La christianisation du terroir a tenté de balayer les divinités liées à la nature. Les fontaines, les mégalithes, les arbres où l’on venait porter des offrandes et dont le nom ancien était lié aux fées furent placées sous le patronat de saints et de saintes. Les fées, comme tous les êtres surnaturels dans lesquels croyaient les paysans (les païens, au sens propre du terme) furent placés sous la tutelle de Satan et devinrent autant de démons. A la Renaissance, l’image de la sorcière, qui s’est également trouvée rattachée au diable, est venue s’associer à celle de la fée, de la femme en général. Il est étrange que les fées construisent des églises. Elles partagent cette « occupation » avec le diable qui est aussi un grand bâtisseur. On leur attribue également la construction des mégalithes où des entassements de rochers, ce qui pourrait être le signe d’une croyance très ancienne. Mon hypothèse actuelle est que ce sont certainement les pierres et leur culte qui sont en jeu. Elles passent du paganisme au service de dieu. Mais, mes recherches sur cette question sont loin d’être achevées.

    L’eau est également un thème très lié aux fées. Quelle en est la raison ?
    Là encore, je pense que c’est vers les cultes naturalistes qu’il faut se diriger. Le culte des sources et des fontaines, à laquelle s’attaquera l’église pendant plusieurs siècles, était particulièrement populaire. En apportant leurs offrandes aux fontaines, c’est aux divinités qui sont censées les habiter que s’adressent les paysans. Avec le temps, ces divinités gauloises, puis romaines seront remplacées par les fées.

    Certaines fées, dont celle du Trou-aux-Fades dans le Berry, enlèvent nos enfants pour les remplacer par des changelins. Quelle est l’origine de cette drôle de coutume ?
    Les histoires de « changelin » concernent aussi bien les fées que les lutins et on en retrouve dans plusieurs pays d’Europe. Quant à savoir l’origine de cette croyance, franchement, je n’en sais rien… pour le moment.

    Les fées pratiquent également partout des danses où elles entraînent souvent les hommes. Cette tradition remonte-t-elles aux bacchanales ? Quel est le lien avec les sabbats des sorcières ?
    La ronde des fées peut effectivement renvoyer aux nymphes-bacchantes. D’ailleurs, en Picardie certaines fées, dites Soeurettes, dansaient au bois de « Bacchan Soeurettes ». Néanmoins, la ronde (autour d’un arbre ou d’une pierre) est un acte magique très ancien, ce qui explique peut-être qu’il soit aussi associé aux sorcières car le sabbat est une invention des démonologues.

    On découvre aussi dans votre livre un nouvel animal lié aux fées, du moins dans les Vosges et le Lyonnais : la taupe. On connaissait les chèvres, les chevaux ou les serpents, mais les taupes?
    La transformation des Fades en taupes est une punition divine. Il s’agit là d’un récit christianisé qui n’a pas valeur d’exemple.

    Dames Blanches, Dames Vertes, deux couleurs à la symbolique particulière ?
    Les Dames Vertes sont évidemment liées aux divinités de la nature. Pour les Blanches, il peut y avoir plusieurs explications. Tout d’abord, on ne faisait souvent qu’apercevoir leur silhouette vaporeuse et brumeuse, donc blanches. Ensuite, nous savons que le blanc était la couleur réservée aux Druides de la religion des Celtes ou aux Vestales de celle des Romains, donc une couleur sacrée pour le peuple.

    Exception faite des Laminak du pays basque, les fées mâles ont un rôle très réduit voir inexistant. Comment l’expliquez-vous ?

    Plus mon travail et mes recherches avancent, plus je suis persuadé qu’on a mis dans le même sac des êtres surnaturels qui n’appartiennent pas à la même famille. On parle aujourd’hui du « Petit peuple » dans lequel on associe fées et lutins comme s’il y avait une sorte de royaume de féerie. En fait, il n’y a quasiment aucun récit qui lie ces deux types d’êtres surnaturels. Ils ont très peu de points communs et leurs actions, leurs fonctions, sont différentes. Pour les fées, en dehors des Laminak du Pays Basque et de quelques familles de fées des Côtes-d’Armor, il est rare de trouver des tribus de fées avec mâles et enfants. Jean-François Cerquand qui a collecté les histoires de Laminak au XIXe siècle s’interrogeait d’ailleurs sur leur parenté avec les fées. Ce nom semble recouvrir un ensemble d’êtres surnaturels, plus qu’une catégorie déterminée. Quant aux mâles, il se pourrait bien qu’ils soient une invention récente des paysans, liée à la représentation qu’ils se faisaient d’une vie communautaire.

    Il semblerait finalement que les fées étaient plus craintes qu’admirées comme aujourd’hui ?
    Elles succédaient à des divinités païennes et je pense qu’elles étaient surtout respectées. En fait, tout ce que nous savons des rapports entre le peuple et les fées provient du XIXe siècle. A cette époque, on ne croyait plus aux fées et beaucoup de récits ont probablement été déformés avec le temps.

    Dans votre livre, on y lit encore que les fées ont déserté nos contrées mais qu’elles reviendront lors d’un siècle impair. Nous sommes au XXIe siècle, un bel espoir de les voir revenir alors ?
    Qui sait ! Peut-être ne nous ont-elles jamais quittés !

    Depuis cette incursion dans le féerique, vous semblez vous attacher plus au fantastique, notamment dans votre carrière de scénariste de bande dessinée parsemée de fantômes ?
    Mon étude du folklore, de la magie aux êtres surnaturels n’a jamais cessé, même si de temps en temps je me détends un peu en écrivant des récits de fiction. Je continue mes recherches, mais c’est un travail très long qui ne peut donner lieu à une publication que lorsqu’il est abouti. Sur la trace des fées a demandé de nombreuses années de travail.

    Quels sont vos projets en cours ou à venir ?
    A venir, un livre sur l’histoire et les procédés liés à la magie amoureuse que je viens de terminer et qui sortira en octobre aux éditions Fetjaine. Il sera abondamment illustré. Comme pour les fées, j’ai puisé dans mes collections et demandé à Laurie de peindre les lieux ou les objets que l’on peut encore voir de nos jours. A venir encore, une édition annotée du Dictionnaire infernal de Collin de Plancy avec une biographie et une bibliographie de l’auteur. Je prépare également un dictionnaire des êtres surnaturels de tous les temps et de tous les pays qui va encore m’occuper quelques temps et j’ai en réserve des projets pour plusieurs vies.

    Propos recueillis par le Peuple féerique en février 2009

    Découvrez les autres publications de Marie-Charlotte Delmas sur son site web.

Suivez les fées !

Abonnez-vous pour ne rien manquer...