La Banshee, bean sidhe en gaélique « femme de l’Autre Monde », hante la verte Irlande de ses pleurs et de ses cris. On la connaît également en Ecosse. Vêtue d’une robe verte et d’un long manteau, elle sillonne tristement les campagnes. Son chant annonce le décès de ceux qui l’entendent. Sombre destin de cette femme tantôt belle, tantôt vieille et laide dont le seul compagnon semble être le corbeau qui l’accompagne. Si votre chemin croisait par malheur le sien, peut-être apercevriez-vous, sous ses cheveux longs, ses yeux rougis d’avoir tant pleuré. Peut-être àce moment-là, entendriez-vous sa voix, son cri, son déchirement qui vous mènera sous peu vers l’au-delà…
Le vieux O’Connor n’arrivait plus à dormir. Cela faisait bientôt une semaine que les insomnies l’amenaient à se promener chaque nuit dans l’enceinte du parc entourant le manoir familial. L’homme descendit l’escalier, longeant les portraits de ses prestigieux aïeuls. Il y avait là plusieurs siècles de l’Histoire de l’Irlande qui pouvait se lire à travers les regards et les postures de ces hommes qui ont toujours défendu ce territoire. Plus qu’à ses habitants, c’est au pays que le vieil homme était attaché. Lui, le dernier des O’Connor ne s’était jamais résolu à quitter sa terre pour trouver une épouse. Il avait préféré demeurer dans cette grande maison, au début encore animée de domestiques, mais qui l’avaient quittée un à un. Le château familial ayant englouti le peu de fortune qu’il restait au clan, prendre soin d’un tel édifice au XXIème siècle était presque une hérésie. Le jeune idéaliste d’alors avait fait place au vieillard d’aujourd’hui sans perdre une once de cette volonté de rester, de s’occuper de ses terres. Le malheur avait voulu qu’il n’ait ni frère ni sœur et que son oncle décède jeune, sans descendance de ce côté. La situation géographique du manoir avait fait le reste pour que la solitude soit la seule compagne du Lord. En réalité, pas la seule. Une ombre féminine rôdait souvent dans les jardins. C’était elle que le vieil homme allait chercher chaque nuit depuis une semaine. Il voulait la voir, espérait la toucher. Il ouvrit la porte vitrée et descendit dans les jardins. Il dirigea ses pas vers le petit bois où les bouleaux dansaient avec quelques vieux chênes, tous vêtus de lambeaux de lichen. S’enfonçant sous les feuillages enflammés des couleurs de l’automne, il s’orienta vers le cœur du bosquet, puis, arrivé au pied du plus vieil arbre que comptent ses terres, il s’arrêta et écouta le chant de la nuit. Quelques minutes plus tard, un léger bruit se manifesta derrière lui. L’homme ne bougea pas. Il fermait les yeux. Un mouvement furtif, glissement d’une chose sur le sol. Un léger souffle, froid, dans sa nuque. Alors il sut. Le vieil homme se retourna. Face à lui se tenait la Banshee. Un visage d’une extrême pâleur, des traits d’une exquise beauté. Elle fixait l’homme droit dans les yeux et il vit alors les larmes rouler le long des joues de la belle créature. Il caressa de sa main ridée le visage glacé pour en effacer la tristesse. Il crut discerner une esquisse de sourire tandis que les yeux de la fée lui renvoyaient l’espace d’une seconde, l’idée d’un regret. « Ce n’est rien », dit-il. « Je suis heureux ». Le vieux noble quitta l’apparition et prit le chemin de son manoir. Derrière lui, un cri déchira la nuit. L’homme tomba sur le sol, sur cette terre qu’il chérissait plus que tout et où il reposerait désormais pour l’éternité.
Le site bien connu ActuSF vient de livrer son avis sur le Grand Livre des Esprits de la Maison. Au vu de leur beau travail quotidien et des milliers de livres qui passent entre leurs mains, je dois bien avouer que leur avis était très attendu. Et le moins que l’on puisse dire est que le livre a été bien apprécié !
« Non content de fournir un contenu de haute qualité, ce superbe album, présenté comme un grand grimoire au papier taché de fausses traces d’humidité, bénéficie d’un travail d’illustration de toute beauté, qui magnifie et amplifie les rêveries suggérées par le texte », voilà qui fait plaisir !
Saluons le travail de ma comparse Frédérique Devos dont le style particulier et grandiose semble avoir fait l’unanimité à en juger par les dizaines de chroniques positives sur ses illustrations. Promis, elle ne va pas s’arrêter là !
Si vous avez manqué la parution du Grand Livre des Esprits de la Maison en novembre 2015, rassurez-vous, il peut toujours être commandé chez votre libraire habituel.
Le Grand Livre des Esprits de la Maison de Richard Ely et Frédérique Devos, aux éditions Vega (Trédaniel).
Chaque mois, le Peuple féerique vous fait découvrir un artiste de Féerie. Sculpteur, peintre, illustrateur… Respectable Ancien ou délectable moderne. Peu de mots, mais de belles images pour vous laisser vous immerger dans ces mondes fabuleux.
Ce mois-ci :
Rob Gonsalves
Rob Gonsalves est né en 1959 à Toronto. Cet artiste canadien n’est pas directement rattaché au courant féerique, mais quelques-unes de ses œuvres me paraissaient tellement appropriées que je n’ai pu m’empêcher de partager ces moments d’émotion avec vous. Le Réalisme magique est un courant qui me touche beaucoup et qui ouvre bien des portes de notre Imaginaire…
Asako Eguchi est né en 1952 au Japon. Il commence à exposer dans diverses galeries à partie de 1983. Parallèlement à son travail de création graphique et d’illustration, il conçoit des poupées et les expose également un peu partout. Cet artiste au talent fou et parsemé de féerie nous a déjà offert de très nombreuses illustrations qui font rêver. Voici de quoi vous plonger dans son art…