Si vous passez à Quimper, arrêtez-vous en son musée des Beaux-Arts pour y admirer un tableau de Yann Dargent intitulé Les Lavandières de la nuit. C’est ce même tableau qui sert de couverture au recueil Fantômes Bretons disponible en téléchargement sur le site www.arbredor.com, une bonne adresse pour les amateurs de contes populaires…
Mais qui sont ces femmes lavant de nuit leur linge le long des ruisseaux ou frappant leurs draps blancs sur la margelle des fontaines ? On dit qu’elles n’apparaissent qu’aux hommes, jamais aux femmes et toujours pour annoncer leur mort. George Sand parle de mères infanticides, punies pour l’éternité, répétant leur geste infâme. Le paquet de linge blanc dissimulerait alors un petit corps meurtri… D’autres prétendent encore que les kannerezed-noz comme on les appelle en Bretagne, seraient des fées des eaux… Une chose est certaine, il vaut mieux ne pas trop tarder le soir et éviter de rentrer seul de peur d’entendre le bruit caractéristique du battoir frappé en cadence morbide. Et si vous avez le malheur de rencontrer une de ces lavandières nocturnes et que cette dernière vous propose de battre le linge avec elle, surtout ne tordez jamais celui-ci en sens contraire, cela scellerait votre sort ! Proches des dames blanches qui se rencontrent le long des routes, les lavandières de nuit sont souvent annonciatrices de la venue de la grande faucheuse. Dans d’autres régions, elles annoncent (ou font tomber) la pluie en provoquant les orages de leurs coups répétés et de l’eau qu’elles projettent dans le ciel.
Quant à la faute originelle qui leur a valu cette punition, la plupart du temps c’est bien l’avortement ou l’infanticide qui explique leur damnation, parfois encore, le simple fait d’avoir négligé leur travail durant leur vie en utilisant des pierres en place de savons par exemple. Dieu les aurait alors renvoyées dans leur lavoir pour y travailler le linge de nuit et porter de lourds cailloux…
Ces lavandières, dans leurs habits traditionnels, se rencontrent principalement en Bretagne mais trouvent leurs équivalents dans d’autres régions et jusqu’en Belgique où celles-ci perdent leur caractère néfaste en se chargeant du linge déposé le soir avec nourriture et boisson…
Une fois de plus, la galerie Daniel Maghen s’est attaqué à l’édition d’un bel objet. L’univers des Dragons réunit de magnifiques ilustrations pleine page d’Olivier Ledroit, Jean-Babptiste Monge, Jerôme Lereculey, Civiello, John Howe et une vingtaine d’autres artistes parmi les meilleurs en fantasy. Les textes sont signés Monge, Moguérou, Laurent et Olivier Souillé et vous proposent de vivre des histoires d’hommes et de dragons. Des tableaux qui se succèdent et nous émerveillent. La qualité des illustrations, des textes et de l’objet-livre (papier de qualité, pages tabernacle, nombreux croquis et une quarantaine d’illustrations pleine page ou sur une double-page) font de cet ouvrage un incontournable. Lien: www.danielmaghen.com
Faërie
de Raymond E. Feist
Traduction: Jean-Daniel Brèque
Illustration : Anne-Claire Payet
Editions Bragelonne
Faerie de Raymond E. Feist
Imaginez que vous décidiez de quitter la ville et son stress pour vous installer dans une grande et vieille demeure en lisière de forêt… C’est là le point de départ de cette histoire incroyable que va vivre la famille de Phil, scénariste d’Hollywood et écrivain. Incroyable car dans la forêt toute proche se cachent les créatures de Faerie que les enfants de Phil, deux jumeaux intrépides et une jeune fille de toute beauté, vont bien vite croiser.
On dirait un conte moderne, une petite famille sympathique, une forêt mystérieuse, un « pont du troll »… Mais ce serait sans compter sur la véritable nature des créatures de Faerie ! Car chez eux, c’est bien connu, point de mal, point de bien et donc le pire est à craindre. Le pire, c’est ce que vont découvrir nos héros. Le pire, c’est ce que l’ancien propriétaire de la maison, un dénommé Kessler, devait éviter, lui et sa secte mystérieuse. Mais voilà, le gardien parti, le Pacte est en péril…
Raymond E. Feist est bien connu des lecteurs de fantasy pour son célèbre magicien, Pug et les chroniques de la guerre de la Faille. L’auteur nous avait enchanté pour son autre trilogie, écrite avec Janny Wurts, la trilogie de l’Empire qui décrivait habilement la montée au pouvoir d’une jeune femme pleine de ressources et de sens tactique. Ici, avec Faerie, Raymond E. Feist plonge dans le folklore et tisse des liens entre différentes légendes et croyances pour en ressortir une idée originale et qui se tient. Le résultat est prenant, oscillant parfois entre le récit pour enfant et celui pour adulte. Le thème en étant fort noir, c’est bien au second registre qu’il appartient. En conclusion, voilà un bon moment de lecture à passer pour les compagnons des êtres féeriques qui savent combien ils peuvent se montrer cruels parfois.
Créature mystérieuse, envoûtante… Symbole d’immortalité, de puissance ou du rêve, le dragon a également soufflé sur la bande dessinée. Petit tour d’horizon de ces albums qui sentent le soufre.
Nombre de dragons ont traversé nos cases et planches de BD. La tentation est forte pour nos héros d’aller s’y frotter un jour ou l’autre au bon vouloir de leurs créateurs comme Michel Weyland l’a fait pour Aria (Dupuis) partie à la recherche d’un draguédon ou encore Andréas pour Capricorne (Le Lombard) dans le dragon bleu. Bien évidemment, les récits puisant dans le légendaire possèdent également leur lot de dragons. Arthur (Delcourt) de Chauvel et Lereculey n’échappe pas à la règle ni la série Merlin (Soleil) de Istin et Lambert…
La bande dessinée jeunesse n’est certes pas en reste de ce côté-là non plus et les monstres à écailles crachant le feu semblent bien appréciés par nos petites têtes blondes, brunes et rousses comme le témoigne l’excellente série de Boulet aux éditions Glénat. Celle-ci nous conte les aventures d’un petit dragon, Raghnarok, qui donne son nom à la série et se révèle être un fieffé coquin !
Même du côté des grandes révélations de la bande dessinée réaliste de ces dernières années, on retrouve la trace du dragon. En effet, Vanyda et François Duprat, dans L’année du dragon (Carabas), utilisent ce dernier comme une porte pour les rêves, le symbole de l’irréel. Magnifique utilisation dans une histoire pleinement ancrée dans le quotiden.
Puissance et immortalité
Le dragon, s’il peut représenter le rêve, l’imaginaire dans sa globalité, figure également la puissance. Par conséquent, il n’est pas étonnant de retrouver ce terme utilisé pour désigner des castes guerrières. Dans les Âmes d’Hélios de Saimbert et Ricci (Delcourt), les Dragons sont l’élite des soldats du Ciboire. Ylang suit une formation pour devenir une apprentie-dragon et subira de dures épreuves pour y parvenir.
Les Chroniques de la Lune noire
Dans les Chroniques de la Lune noire de Froideval et Ledroit (Dargaud), les héros seront confrontés à une autre caste guerrière liée aux dragons dès le tome 2 : « La passe des dragons est l’une des rares entrées du légendaire royaume des grands vers. Au sein d’une immense contrée rocheuse et déchiquetée dorment les dragons, dont le nombre est inconnu. Les dragons les plus vieux règnent impitoyablement sur leur progéniture, avec l’aide de quelques humains avec qui ils ont fait alliance, les « chevaliers dragons ». Ceux-ci veillent avec vigilance et interdisent l’accès au royaume de Drach… ».
Mais le dragon est également symbole d’éternité et c’est tout naturellement vers cette dénomination que se tournent Arleston et Labrosse lorsqu’ils créent leur héroïne Moréa (Soleil). Celle-ci est bel et bien un être immortel luttant contre les forces maléfiques, quoi de plus normal dès lors de l’affubler du terme de « dragon ».
Un souffle d’humour
Côté séries humoristiques, Arleston et Tarquin parsèment Lanfeust de ces créatures majestueuses que sont les dragons. L’encyclopédie de Troy précise que les dragons sont de toutes tailles et de toutes formes. De plus, elle recense deux catégories principales : les volants et ceux dépourvus d’ailes, utilisés par les chevaliers de l’Hédulie comme montures. Car les dragons de Troy sont domestiques ! Des Maîtres Dragonniers sont chargés de leur dressage réputé difficile. Sphax est un autre dragon célèbre issu des aventures de Lanfeust. Ce sympathique dragon blanc n’est nul autre qu’un dieu ! Il accompagnera nos amis dans leur épopée trépidante…
Toujours côté humour, la série Donjon (Delcourt) de Sfar et Trondheim et ses univers parallèles possède son propre et célèbre dragon : Marvin, le compagnon d’Herbert le canard. Celui-ci ne peut combattre quelqu’un qui l’insulte, est végétarien et se passionne pour les monstres en tous genres qu’il chérit en leur offrant pitance et logement. Il est vrai que ces derniers contribuent à augmenter le trésor du donjon en dévorant moult chevaliers.
Enfin, Boiscommun, Morvan et Sfar feront des héros de Troll (Delcourt), les gardiens d’un dragon le temps d’un tome justement appelé Le Dragon du donjon.
Dragons superstars
La Geste des Chevaliers dragons
Si les dragons ne sont pas rares dans le neuvième art, il semble pourtant que les séries entièrement dévolues à ces cracheurs de feu soient, elles, beaucoup moins fréquentes. Il est vrai que placer en cases d’aussi titanesques créatures ne doit pas être chose aisée. Argument supplémentaire, les dragons demeurent des êtres fuyants, secrets et jouissent de cette dualité : à la fois imposants et invisibles… Dans cette optique, abordons la série très réussie d’Ange avec La geste des Chevaliers-Dragons (Soleil). Le premier album débute par un texte explicite : « Nul ne sait pourquoi les dragons apparaissent… Leur seule présence déforme la réalité. D’abord cette influence est discrète et n’affecte que les lieux proches. Puis, à mesure que le dragon grandit, vieillit, le voile maléfique croît comme les ronds à la surface d’un lac. C’est ce qu’on appelle le Veill. Le Veill tord les choses, transforme les animaux et les gens en êtres monstrueux. Il croît et croît encore, semant mort et destruction sur son passage ».
On le voit, le dragon revêt ici une aura maléfique et seule la pureté peut le vaincre : « Seules les vierges peuvent approcher la bête pour la tuer… C’est pour cela qu’a été créé L’Ordre des Chevaliers Dragons. Il y a de ça bien longtemps ».
Proche de cette première série, Le Souffle, également scénarisé par Ange mais dessiné par le talentueux Philippe Xavier, nous parle des obscurs qui autrefois régnaient sur la Terre. Les humains, leurs esclaves, les exterminèrent. Ainsi la magie disparut en même temps que ces viles créatures. Mais aujourd’hui la magie revient, et avec elle la menace d’un autre retour… A lire les interviews des auteurs et le premier tome de la série, on peut se demander s’il n’y a pas quelques « souffles de dragons » là-dessous… Quoiqu’il en soit, Ange propose ici aussi une vision néfaste en plus de ce caractère peu visible et du mystère.
Réalisé en deux tomes aux éditions Delcourt, Dragons de Frédéric Contremarche et Joël Mouclier s’attaque quant à lui à la science-fiction avec une histoire de peuple dragon devant quitter leur planète pour une autre. Et bien évidemment, c’est la terre qui se révèlera très vite un lieu de destination idéale même si la façon d’en prendre possession débouchera sur un affrontement entre les partisans de la manière douce et ceux de la manière forte.
Dragons de Jiggourel et Lemercier aux éditions Soleil
Les passionnés de dragons et de belles images seront ravis d’apprendre la parution aux éditions Soleil, annoncée pour septembre ou octobre de cette année, d’un livre illustré sur le sujet… Ecrit par Thierry Jigourel, spécialiste du monde celte, et illustré par Gwendal Lemercier. Thierry Jigourel nous dévoile un bout de l’histoire : » Mélar, collecteur de contes et de gwerzioù, ces chants populaires profonds de Bretagne, a une succession de visions étranges qu’il ne peut élucider. Des images de dragons se mêlant à des images de femmes deviennent chaque jour plus obsédantes. Un jour, il entend un vieux conteur raconter une histoire de dragons dans une langue celtique très ancienne. A quelques jours d’intervalle, il trouve, dans le grenier de l’évêché, un vieux manuscrit où il est question de dragons et de saints sauroctones. Commence alors une quête longue et difficile qui lui dévoilera les ultimes dragons du monde occidental… » . Voilà qui semble bien prometteur, affaire à suivre !
Toujours aux éditions Soleil, L’Eveil des Dragons Eternels de Téhy et Lalie. Une romance sur fond de dragons comme nous l’explique Lalie : « A vrai dire, l’idée de la bd est partie d’une illustration « gothique » de salle de bain… Oui, on est loin des créatures mythiques ailées ! Cette image, et le monde féerique et fantastique qui entoure mes réalisations graphiques, ont donné à Téhy l’envie d’une histoire romantique. Un homme tant aimé par sa douce Hanaé-Rose, mais hanté par les légendes imprécises d’une époque gouvernée par la terreur de celle qui soufflait ses désirs à l’oreille de la Mort… La Reine Spectre. J’ai tout de suite adoré, il ne restait qu’à broder finement les détails de l’histoire« … Quant à l’image même des dragons, la dessinatrice nous a répondu que « visuellement, la représentation des dragons me vient sans doute du jeu de rôle et de la littérature médiévale-fantastique. Un mélange entre les horribles montures Nazgul de John Howe dans Le Jeu de Rôle des Terres du Milieu et l’image queje me fais des majestueux dragons de la saga de Pern de Mc Caffrey. Je rêve secrètement qu’un jour, comme Licomte dans la bd, on découvre le squelette d’une race reptilienne intelligente ayant vécu et dormant peut être toujours dans les entrailles de notre terre. Par chance, il est toujours permis de rêver et de s’en inspirer! ».
Enfin, coup d’oeil sur le collectif DRAGONS paru aux éditions Spootnik et qui rassemble pas moins de 80 pages avec plus de 50 illustrateurs et leurs interprétations du dragon. Un must !
Dresser le portrait de ces lutins facétieux n’est pas chose aisée car on les retrouve de-ci de-là en nos contrées européennes sous des noms divers et des apparences quelque peu changeantes. Si l’on s’attache au nom, nos pas nous mènent en Provence où le mot fadet provient du latin fatum et désigne les fées (fades). On n’est pas loin non plus du mot fada qui signifie «un peu fou» et qui caractérise bien le comportement des farfadets. Un comportement qui permet de les reconnaître et qui s’avère le plus souvent difficile à suivre dans une logique quelconque. Tantôt ils se révèleront d’ignobles gredins en pénétrant de nuit dans les fermes isolées, renversant pots et chaudrons, faisant tourner le lait ou encore enduisant les marches d’escalier de beurre frais. Tantôt ces esprits follets se transformeront en aide précieuse pour les gens de ferme. Ils rangeront la vaisselle, prendront soin des animaux ou encore faucheront les champs. Mais prenez garde à ne les récompenser que d’un bol de crème assorti d’un gâteau de miel car leur en offrir de trop les offenserait et les forcerait à quitter de suite votre maison !
Les farfadets mesurent moins de cinquante centimètres, ont la peau ridée et foncée, sont de corpulence mince et sont revêtus de quelques haillons quand ils ne courent pas en tenue d’Adam. Ils se complaisent dans les champs de lavande de Provence, on en rencontre également beaucoup en Vendée et certains de leurs cousins vivent plus au Nord, en Irlande ou en Ecosse. Sur le sujet, Brian Froud et Terry Jones ont conçu un ouvrage des plus plaisants appelé La Bible des Gnomes et des Farfadets tandis que la petiteFadette, un peu sorcière, est l’héroïne du roman éponyme de Georges Sand. Fadette étant un prénom signifiant «petite fée». A noter que si la fadette est jolie, le fadet correspond moins aux normes de la beauté humaine et les farfadets ne se rencontrent d’ailleurs que sous la forme mâle. Voilà donc une créature bien changeante et difficile à cerner qui représente bien le Petit Peuple dans sa nature à la fois joviale et lunatique.
Sur ce, nous vous laissons en compagnie des fadets, follets, fradets, frérots, folatons, foulets, ferrés, bouquins, caraquins et perchevins !