Auteur/autrice : Richard Ely

  • Les Journées féeriques du 1er mai à Flobecq, une totale réussite !

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    De retour des Collines enchantées, 2ème édition à Flobecq, des images de rêve plein les yeux, des gourmandises plein l’estomac… Organisées par une équipe de choc, (merci à Sylvie, Anne et toute la bande du restaurant Histoire des Mets et de la Maison des Plantes médicinales), les Journées féeriques du 1er mai se sont aussi bien déroulées que le temps. En effet, si la météo avait annoncé de la pluie, celle-ci se glissa entre deux grands et beaux moments remplis de soleil.

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    Les Collines enchantées, c’est d’abord et avant tout un événement féerique qui s’adresse aux familles et surtout aux enfants. Des enfants venus déguisés pour l’occasion et qui ont fait aussi bien honneur aux animations qu’au buffet de desserts pour le goûter.
    Côté animations, des contes, des jeux anciens et une chasse aux petit peuple du jardin… Quant à moi, j’ai entraîné une quinzaine de participants sur les traces des Roussalki, Dames vertes, du Polevik ou encore du Lieschi… Une belle balade où les secrets des plantes se sont mêlées aux elfes, fées et lutins pour une incursion au cœur même du Grand Livre des Esprits de la Nature en situation bien réelle.

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    En conclusion, une journée apaisante, sensible, belle comme le sont les fées ! Un concept réussi pour une sortie féerique en famille !

  • Les Journées féeriques du 1er Mai 2014, c’est ce jeudi !

    Les Journées Féeriques du Premier Mai : la fête de toutes les fées !

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    Cette année deux lieux, un en France et un en Belgique participent aux Journées féeriques du 1er Mai. Un tout grand merci à leurs organisateurs qui œuvrent à faire de ce jour une vraie fête des fées. Vous trouverez les coordonnées ci-dessous. A vous de les supporter à votre tour en participant à leurs Journées. Et qui sait, l’année prochaine, peut-être rejoindrez-vous le mouvement ?

    Personnellement, je serai cette année à Flobecq, en Belgique pour emmener les gens dans une balade à la rencontre des fées et des plantes, petite balade sympathique d’une heure. Et j’y dédicacerai le Grand Livre des Esprits de la Nature. Au plaisir de vous y croiser !

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    1er Mai 2014 :

    BELGIQUE :

    – FLOBECQ : Goûter féerique + animations

    14h-18h, 1er mai

    INFOS: +32 (0) 472 57 55 73

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    FRANCE :

    – RIEUMAJOU : contes, atelier de plantation, création de moulin à vent, stand maquillage féerique, expo, couronnes de faune et buvette !
    jeudi 1er mai, de 14 à 18h.
    INFOS: 06 32 84 32 71

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  • La Grande Interview de l’Elficologue Pierre Dubois – extrait n°9 et FIN

    La Grande Interview de l’Elficologue, suite et fin.

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    Voici venu, déjà, le temps où la rencontre se termine. Après les dernières paroles de l’Elficologue, nous vous invitons à lire les anecdotes de ses filles… Quant à nous, nous ne pouvons que remercier Pierre du temps passé à échanger autour de ses précieux livres, objets, souvenirs. Le Peuple féerique ne pouvait mieux rêver comme place donnée à l’un des trois sorciers à l’origine de notre propre rêverie…

    Richard Ely : Pour la dernière partie de cette interview, je te propose de changer de lieu et après le jardin et la cheminée, de nous rendre dans ton magnifique grenier…

    Nous quittons l’ombre mystérieuse de cette grande cheminée de briques, témoin de tant de contes et d’histoires qui ont résonné en cette pièce pour gravir les marches d’un escalier, traverser nombre de pièces aux parois décorées de tableaux, d’affiches, de bibliothèques croulant sous des ouvrages murmurant le nom de créatures de toutes sortes. Petit coup d’œil à la plus petite pièce de la maison, le bureau de l’Elficologue où tout s’est écrit. Quelques marches de plus et nous voilà dans cet incroyable grenier, qui tient plus d’une salle au trésor que d’une pièce d’oubli. Ici, tout est vivant, on y capte des regards, curieux de notre intrusion, on y touche des souvenirs. Pierre s’assoit dans un fauteuil de bois sculpté, magnifique. Derrière lui, une bibliothèque digne des plus belles abbaye… Il prend un livre entre ses mains. Le regarde attentivement. Et dans cette pause qui précède ses prochaines paroles, on décèle une grande admiration…

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    Pierre Dubois : Alors par contre là, ici c’est, l’auteur qui n’a rien à voir avec le fantastique mais pourtant oui. C’est le Sage, le père noël, celui qui sait, le sachant, le grand-père qu’on rêve d’avoir, c’est Gaston Bachelard. Alors tous les Gaston Bachelard, j’ai vraiment, euh, j’ai… vraiment, évidemment il a écrit sur Lautréamont, aussi des bouquins un peu scientifiques mais ce que je trouve extraordinaire c’est les L’Eau et les rêves, La Terre et les rêveries de la volonté, la terre et les rêveries du repos, l’air et les songes, la psychanalyse du feu

    Richard Ely : Il y a une citation que tu répètes souvent de Bachelard…

    Pierre Dubois : Oui, c’est « les petits êtres fuyants et cachés oublient de fuir quand on les appelle par leur vrai nom », je ne sais plus duquel c’est issu (NDLR : La terre et les rêveries du repos). Mais ça, ça remonte à mon enfance, lorsque j’étais dans ma cuisine, mon arrière-cuisine et que brusquement, j’avais conscience des petits êtres, j’avais conscience qu’il y avait quelque chose d’autre, que j’étais pas seul, que la maison vivait, que le feu me parlait, que la pluie qui tombait sur les vitres me parlait. Quand tu sens ça quelquefois tu te sens très seul car t’as l’impression d’être un peu fou surtout que beaucoup te disent que t’es pas bien lorsque tu penses comme ça, tu te sens différent. Non seulement toi tu te sens différent mais ça ne te rassure pas parce que… si tu veux, étant différent, t’es rejeté, t’es vite moqué, donc t’oses pas dire ça, tu le dis à personne. Moi, il a fallu que je mette longtemps et j’ai lu Bachelard. J’ai découvert Bachelard tard et tout ce que je pressentais dans mon enfance, il le disait. Chaque fois que je lis Bachelard, j’ai une réponse à mes problèmes. C’est un peu comme une Bible, y en a qui lisent la Bible, ils tombent sur une, sur une page, ils ont une question, ils ouvrent le Livre et boum, ils y trouvent une réponse à leur problème.

    Richard Ely : Tu l’as rencontré Bachelard ?

    Pierre Dubois : Non, non, non, non… « Comment ne pas voir que la véritable filiation des images marche dans l’ordre inverse. C’est parce qu’il a la légèreté ailée qui pèse le monde. Volant, il dit à tous les êtres de la terre pourquoi ne voles tu pas ? Quel est donc le poids qui t’empêche de voler avec moi ? Qui t’oblige à rester inerte sur la terre ? Monte dans ma balance, je te dirais si à la rigueur tu peux être mon compagnon, mon disciple. Je serai ton avenir aérien… ». Voilà, à chaque fois, je trouve… Là, il parle des esprits élémentaires… « L’idée singulière que les esprits élémentaires qui vagabondent dans l’univers, qui vivent dans les matières, viennent se loger dans le corps des oiseaux, des poissons, des mammifères, selon la détermination de leur essence, ce sont eux qui agissent sur les esprits des animaux et font se mouvoir les animaux-machines, un sylphe rêveur se niche dans la machine d’un hibou, d’un chat-huant ou d’une chouette, et, au contraire, un sylphe de gaie humeur et qui aime à chanter la petite chanson s’insinue dans un rossignol, dans une fauvette ou dans un serin de canari ». T’as tout ça, si tu veux, l’idée fondamentale de vol avec le concept d’oiseau. C’est inépuisable, il y a toujours quelque chose… « Ecoutez, les esprits parlent, les liquides réponses de leur langue aérienne résonnent encore »… « Le silence de la nuit augmente la profondeur des cieux ». Tout est là. Il te raconte ce que tu pressens, ce que tu ressens profondément en toi et que tu n’arrives pas à exprimer et que tu as l’impression d’être seul à ressentir et lui vient te prendre par la main, tu prends telle page, tu vas trouver et c’est un livre… à l’école on devrait presque… On devrait lire des contes de fées et lire Bachelard à la place de l’instruction civique et s’arrêter sur… Il t’apprend à mieux vivre, à comprendre les choses à te comprendre toi, c’est un passeur, tout est beau. « la cosmogonie dont parle l’arbre donne une impression de noblesse ». Tu vois, je peux t’en trouver sans arrêt.

     

    Richard Ely : Et tu le lis comme ça ? En prenant une page au hasard ?

    Pierre Dubois : Je les ai lus et relus et puis après… Tu lis énormément, tu lis beaucoup, je lis aussi utile pour alimenter mes bouquins sur les fées, les lutins… Et là je vais repiocher dedans et je suis à nouveau attiré. Et y a Yeats aussi que j’aime beaucoup. Il a parlé du Petit Peuple d’Irlande d’une manière très simple alors que lui c’était un intellectuel même sophistiqué, il avait une pensée aigue et sophistiquée. Il a essayé de retrouver la manière dont les paysans irlandais parlaient des fées. C’est vrai que lorsqu’on parle des fées, etc., est-ce qu’on les a vues, pas vues… Lui, il parle de ceux qui les voyaient. Et qui les voyaient parce que c’était normal de les voir. Le paysan allait, partait conduire ses chèvres ou ses moutons et rencontrait une femme belle, haute et pâle, il savait que c’était une fée. Il pouvait rencontrer un leprechaun avec qui partager le tabac. Par contre, y avait des choses à ne pas faire, c’était God speed ye, bienvenue à toi… À partir de là tout est possible. Il a réussi, Yeats, à parler des fées absolument normalement. Tout à fait simplement. C’est extrêmement écrit, c’est faussement simple mais il est très fort c’est un peu comme Giono qui veut écrire à la façon d’un paysan pour approcher la nature, la mettre en scène. Regain ou surtout son chef d’œuvre Le roi sans divertissement, tu vois qu’il est malin, il reprend des mots simples pour les retransfigurer. Yeats le fait aussi. « Que peut-être la mort sinon le début de la sagesse, du pouvoir et de la beauté ? Et la folie peut-être une sorte de mort. A mon avis il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un grand nombre de gens voient « dans chaque foyer des fées ». Un fou avec un vase brillant plein de sortilèges, de sagesse ou de rêves trop puissants pour l’esprit des mortels ». Et alors y a ce poème que je trouve magnifique : « Cœur épuisé, en un temps épuisé, Défais-toi des rets du mal et du bien, Reprends, Cœur, tes rires dans le soir gris, Reprends Cœur tes soupirs dans la rosée de l’aube, Ta Mère Irlande est toujours jeune, Rosée toujours brillante et soir gris, Quoique l’espoir te fuit et que l’amour pourrisse, brulant dans les feux d’une langue calomnieuse, Viens cœur dans l’amoncellement des collines. C’est là que la fraternité mystique, le soleil et la lune, la vallée et le bois, le fleuve et le ruisseau exécutent sa volonté. Et Dieu se tient là seul et fait sonner son cor. Et le temps et le monde s’enfuient toujours mais l’amour a moins de bienfaits que le soir gris et l’espoir moins de prix que la rosée de l’aube ». C’est magnifique, quoi. Et là, pareil, quand j’ai trop écrit et que j’ai l’impression d’avoir écrit une ragougnasse, que je peine sur ma phrase. Je me nettoie la tête avec un peu de Yeats. Va boire à la fontaine pour voir comment il écrit. C’était au temps de l’âge d’or où les bêtes parlaient ou tout du moins où on les entendait.

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    Tu m’avais demandé des objets. Y a donc la canne. Y a la pipe. Alors c’est terrible car j’ai plus le droit de fumer. Bon, on n’a plus le droit de fumer dans les lieux publics, moi je veux bien mais bon par contre on peut écouter le résultat du foot à fond la caisse ! Si ça pollue pas la tête, ça ! Maintenant dans un pub tu as automatiquement un grand écran avec un groupe imbécile avec la casquette en coin. La pipe, c’était aussi ma compagne. Tu es tout seul à écrire, avec tes rêveries, et tes mots. Barry avait d’ailleurs écrit un bouquin sur la pipe. Je pense comme lui, tu as l’impression de puiser… La pipe t’aide quand j’écris, tu vois, j’ai toujours eu des pipes, les Peterson, une pipe qui est bien tu l’as pas dans les yeux, j’aime beaucoup sa forme, c’était une compagne, c’était mon aide, y a un lutin, un brownie caché dedans. Quand je commençais à écrire, je mettais du tabac sur le bureau. Stevenson disait que quand il manquait d’inspiration, il mettait quelques petits cadeaux sur sa table et le lendemain matin, le travail était fait. Moi, je partageais mon tabac avec l’esprit des lieux, l’esprit du bureau, de mon bureau, tu vois y a des petits elfes, etc. Et fumer la pipe, y avait des volutes, je me racontais des trucs, et maintenant je peux plus. De temps en temps, je remets la pipe sans l’allumer par habitude, pour sentir le goût. Et là, y a un autre objet, c’est la boîte de tabac, qui est superbe, une boîte de tabac anglaise. Quand tu penses que des artistes ont fait une si belle boite. Ils ont mis tant de temps à recréer l’esprit de Dickens. Là tu vois, ça s’appelle Daily mail, Scottish Mixture. Et tu as un paysage anglais avec au fond les collines, le château. Et puis le cocher avec son tricorne et les autres, Monsieur Pickwick et tous ses amis, le Pickwick club accroché au porte bagage avec leurs pipes et leurs chapeaux haute forme. Et dans quelques temps, enfin pareille boîte, ça n’existe plus. On t’aurait mis une image de cancer. On devrait alors en mettre aussi sur les tableaux de Louis Garneret sur les abordages, attention la guerre tue, sur leurs bêtes hideuses voitures, les voitures tuent. Parce que là, la société de la voiture design, quand je vois ces imbéciles qui tournent des heures et des heures, 24h du Mans et tout le truc et qu’on me dit que ça fait marcher l’industrie de la voiture ! Alors quoi, là ça faisait marcher l’industrie du tabac. On a plus de liberté. Tu vois, j’ai tout plein d’objets autour de moi. Alors la boîte de tabac, tu as l’image, toute l’Angleterre qui se déroule et puis tu as le tabac. Tu déplisses le papier, tu sens le tabac, tu bourres ta pipe et c’est magique. Les gars qui fument là, je fume avec eux et on se raconte des histoires. Quand j’écrivais le Capitaine Trèfle, ça me racontait quelque chose ! Donc j’adore ces boites là, j’adore les boîtes avec ces images. Là par exemple, une belle boîte de bière anglaise avec ce chasseur à cour. Dans les comptines assassines, tu as une scène de chasse, c’est ça ! C’est lui ! Je fais collection de boîtes de bière anglaise, j’en ai plein. Et puis on dessinait sur les boîtes. Maintenant on dessine plus, les couvertures de bouquins, c’est des photos. Folio, terminé. Avant, en radio, tu avais des pièces radiophoniques, ça faisait vivre des comédiens. Tu avais des comédiens qui vivaient de ça, ils avaient un rôle à jouer chaque jour. Maintenant, supprimés les comédiens ! Les speakers, terminé aussi ! Et les dessinateurs, les peintres qui faisaient des couvertures, des illustrés, ces boites peintes, les affiches, terminé ! Où sont les caricaturistes à la Savignac ? Les affichistes, c’était un art. Tu as l’impression que le monde artistique s’écroule. Si c’est pas conceptuel, si c’est pas le FRAC, le fascisme réglementé de l’art conceptuel, c’est anodin. Regarde, les buvards étaient dessinés, les protèges cahiers. Les images étaient partout. Alors on dit qu’on est dans le monde de l’image aujourd’hui, mais c’est l’image artificielle, recomposée, qui n’a pas d’âme. Une image fabriquée par des ordinateurs, c’est la palette graphique avec personne derrière. Là, si tu veux, tu avais de vrais dessinateurs, tu as Calvo qui en avait fait, Alain Saint-Ogan, plein, plein et maintenant, terminé. Où est la main de l’homme ? Où est l’imaginaire ? Le vrai, le stylo, le crayon. Je trouve aberrant que maintenant on met de suite les enfants à l’ordinateur avant de leur donner un stylo pour raconter, un crayon pour dessiner. Le fameux dessine-moi un mouton de Saint-Ex, ça va être quoi ? Plus capable de dessiner un mouton… Au clair de la lune mon ami Pierrot, prête-moi quoi ? Un clavier ?
    Je veux pas jouer les anti-progrès, c’est pas ça, c’est bien le progrès mais pas si c’est au détriment de l’art, des autres moyens d’expression. Ça amène une forme de paresse d’appuyer sur un bouton. Les effets spéciaux si ça aide à mieux rendre un univers, pourquoi pas mais quand ce n’est plus qu’effets spéciaux, alors, là non, je ne suis plus d’accord. Ça ne sert à rien. Si ça ne sert pas l’histoire, s’il n’y a pas une histoire derrière avec quelqu’un qui aime, bouge, souffre, ça restera superficiel. Tu vois le dernier pirate, là, avec Johnny Depp, c’est tiré d’un jeu ! Ça me fait penser à Sergio Leone qui n’a conservé que les caricatures, les stéréotypes. Du beurre avec du beurre, ça n’a jamais donné de fromage.

    Et c’est sur ces paroles, que j’ai quitté l’antre de l’elficologue, les mots se bousculant en mon esprit, ma mémoire visuelle a jamais remplie des merveilles qui se cachent entre les murs de cette vieille ferme décidément bien hantée…
    Pour prolonger le voyage, j’ai laissé la parole aux filles de Pierre, Charlotte et Capucine pour deux anecdotes reproduites ci-dessous…

    Richard Ely, des jours d’été 2010.

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    Souvenirs, souvenirs…

    « Enfant, mes vacances de Pâques rimaient avec Dartmoor et Devon et la cueillette des œufs se révélait à chaque fois pleine de découvertes. Certes, il m’arrivait de trouver des douceurs en chocolat durant mes pérégrinations dans les petits sentiers égarés anglais mais mon père (je l’ai su plus tard) me réservait bien d’autres surprises. Nous allions à la recherche des Pixies et il me demandait de leur déposer de petites offrandes ou des courriers entre deux rochers qui ressemblaient à s’y m’éprendre à des boites aux
    lettres de lutins. Il sollicitait ma sœur pour qu’elle confectionne des petits vêtements en feutrine. J’ai donc eu la chance incroyable de découvrir un petit bonnet orné de perles de toutes les couleurs, une veste brodée et un soulier égaré. Il m’avait aussi glissé une toute petite tabatière remplie de son fameux” Kentucky Bird” enivrant au creux d’un vieil arbre croulant. Etant tellement nourrie de croyance magique, à un âge où le rêve créateur est à portée de main, que par la force des choses, j’ai passé toute ma primaire à parler aux lutins à la récréation. » – Charlotte Dubois

    « J’ai passé toute mon adolescence avec mon père et j’ai eu la chance de partager avec lui des moments de complicité shopping. Eh oui, nous allions tous les deux chiner dans les friperies ou au “kilo shop” qui a à l’époque fourmillait de merveilles à dentelles noires, redingotes, chapeaux à voilettes , des manteaux “Beattles”, bottines de Mary Poppins et tout un tas de trouvailles qui me paraient à la manière de Lydia dans Beetlejuice… Que de bons souvenirs entre un père et sa fille avec un soupçon d’originalité en plus peut-être? » – Capucine Dubois

     

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  • La Grande Interview de l’Elficologue Pierre Dubois – extrait n°8

    La Grande Interview de l’Elficologue, la suite (8)

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    Nous poursuivons la discussion indiscutablement tournée vers l’Angleterre et ses fantômes, lutins, fées… Pierre poursuit également la présentation des livres qui lui tiennent à cœur et ont marqué sa vie de lecteur boulimique à voir les milliers d’ouvrages entassés partout en sa demeure…

    Richard Ely : Tu es très axé sur l’Angleterre apparemment, ça a commencé quand ?

    Pierre Dubois : Dès que j’ai pu. A un moment donné, j’allais deux, trois fois par an. Là, ça fait un petit moment que je n’y suis plus allé mais j’y ai été très souvent. J’ai un copain qui est pareil que moi c’est Jean-Pierre Croquet qui a publié justement chez Hoëbeke un bouquin qui est bourré d’histoires de fantômes de grande qualité, y a rien à jeter, vraiment. Et donc avec Croquet on s’amuse à se raconter des histoires de fantômes et là on avait été à Londres et avec ce copain qui habite Londres, celui-ci nous a amené dans plusieurs lieux hantés et notamment dans un parc qui n’avait l’air de rien mais arrivé sous un arbre, il nous a révélé que l’on pouvait parfois entendre des cliquetis, on entend cliqueter des épées car il y avait eu un duel autrefois. Et… euh… tu m’avais demandé des objets également, il y a cette canne. Cette canne m’accompagne toujours quand je vais en Angleterre. C’est une canne irlandaise. Les irlandais n’avaient pas beaucoup d’argent avant. Ils vendaient des cannes, c’est un bout de bois goudronné et ferré. J’ai arpenté l’Irlande et l’Angleterre avec cette canne. Quand j’étais enfant, il fallait toujours que j’aie un bout de bois à la main et j’ai gardé ce bout de bois, c’est d’abord un bout de bois avant d’être une canne. J’ai gardé ce goût tout comme René Hausman. Quand on va se promener, il demande toujours si j’ai pris mon « bois », il a un « bois ». Avant, tout le monde avait son bout de bois, son bâton, sa canne. Ça servait aussi à faire partir les chiens, à se guider, à marcher , à repousser les vaches, à baisser les ronces pour marcher. On n’a plus de bâton, de canne aujourd’hui. J’ai arpenté le Dartmoor avec cette canne, à la rechercher du chien des Baskerville. Et avec cette canne , j’ai été à New Forest, un petit coin dans le sud de l’Angleterre. C’est avant tout une forêt comme son nom l’indique. C’était un pays de sorcières. Tu as de très jolis villages, des poneys qui sont dans la forêt et Alice Liddell y est enterrée, Alice au Pays des Merveilles, évidemment elle est devenue Alice Hargreaves. Et un peu plus loin, c’est Conan Doyle qui est enterré, dans un autre cimetière. C’était très tôt le matin, on était arrivé par le ferry vers 4h du mat et quand on est arrivé, tout était endormi. Tu arrivais dans les petites rues de Dickens, dans une gravure de Rackham… J’avais l’impression de rentrer dans une image et quelle image puisque j’allais rencontrer Alice. Et je repère le clocher de l’église, le clocher carré comme tous les clochers anglais. Je pousse la porte du cimetière et j’entends un tout petit cling cling cling cling… Un petit grelot. Arrive un petit chat blanc, tout mignon et je le suis. Est-ce que ce chat à l’habitude que les gens se rendent sur la tombe d’Alice ? Je ne sais pas, mais il m’a conduit directement à cette tombe. Je me suis recueilli un moment, j’ai déposé une rose. Puis le chat m’a accompagné jusqu’à la sortie mais n’a pas été plus loin. C’était très curieux, tu vois, j’étais troublé. Et le village commençait à s’ouvrir et comme j’avais faim, je me suis rendu dans le premier pub. Et là, y avait une grande cheminée et à côté en belles lettres gothiques, on racontait l’histoire du fantôme de Noël, de cette cheminée. L’histoire du propriétaire qui le jour de la Noël ayant bu plus que de raison n’avait pas été à la messe et avait été puni, le diable le jetant dans cette cheminée. Et tous les ans, il réapparaît à la Noël, à nouveau embrasé. Tu vois, c’est étonnant, tu vas en Angleterre pour essayer de trouver des histoires et tu es à peine arrivé et elles se présentent à toi… C’est un peu comme le disait Bram Stoker, tu traverses le pont et les fantômes viennent à ta rencontre.

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    Ça c’est pour l’Angleterre mais tu as ça partout. Je suis allé avec Monge à la Réunion, nous sommes partis huit jours, là tu as le vaudou, Saint Expedit. Ils y croient à fond la caisse. On a été accueillis par un libraire de là-bas.. Saint Expedit, partout où tu vas, dans la montagne etc., tu as des caches creusées dans la roche, peinte en rouge et tu as une bougie avec une bouteille de rhum, un crucifix et tu fais ta prière à Saint Expédit qui expédie les autres dans l’au-delà. Alors moi je voulais allumer et le libraire me l’a interdit car c’était prendre le mal sur moi. Et aux carrefours, il faisait un tas de détours pour ne pas passer sur des sacs en plastique, dans ces sacs tu as des gris-gris, des poules, vouées au diable. Dans les cimetières, tu as ça aussi. Et pour te montrer combien c’est universel les histoires de fées, de sorcières eh bien, bon par chez toi tu as les chôrchiles bien sûr, mais dans les Ardennes belges vous avez la macrale, en Bretagne, y a la Markale, et là bas y avait une sorcière c’était la Mère Kale. Partout où tu vas, si tu cherches tu vas trouver des trucs. Mais l’Angleterre, l’Ecosse, les Cornouailles, ils ont une espèce d’enzyme mystique, quelque chose en plus. Est-ce que c’est le climat ou c’est parce qu’ils ont été élevés dans le légendaire ? Le fantastique y est très présent.

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    Le deuxième bouquin, c’est Laura Willows de Sylvia Townsend Warner. Elle a écrit plein de choses, de la poésie, des romans. 1893, fille d’un professeur… Elle va étudié à Vienne avec Shonberg… ça raconte l’histoire d’une vieille fille, un peu en retrait, une anglaise ordinaire, de condition bourgeoise, elle se marie pas. Son frère ainé s’inquiète, invite des bons partis mais ça l’intéresse pas. Et elle commence à dire des choses bizarre, elle entend que mardi c’est la pleine lune et elle parle de loups-garous, ça jette un froid dans l’assemblée. Et elle repousse tous les bons partis au grand dam du frère et un jour elle s’intéresse à un jeune homme parce qu’il est bègue. Puis elle décide de partir, elle va dans les Chiltern Hills, elle loue une petite maison, respire la nature, y est bien, elle va faire ses courses à la petite épicerie du coin… Elle y achète une grande brassée de branches sèches. C’est assez insidieux, elle rentre petit à petit dans la nature. Tout ce qui est naturel, sorcier, apparaît peu à peu… Elle se rend compte que les gens le soir sont partis ailleurs, petit à petit elle se sent devenir sorcière et un jour elle va dans la forêt et y rencontre le diable, Pan, ce que tu veux, sous la forme d’un chasseur vert. Et il lui dit qu’il sera toujours là pour elle et c’est fini. Je trouve ça extraordinaire. C’est un bouquin de littérature et tout doucement tu arrives au fantastique, tu arrives à quelque chose qui te dépasse, tu prends conscience que la nature est vivante, que tu es un élément de cette nature. Et que les religions d’avant, païennes, t’ouvraient à ça. Du grand dieu pan on en a fait le diable, c’était le premier dieu cornu. En Angleterre tu as beaucoup l’homme vert, sculpté un peu partout. Et cette auteure, qui était lesbienne, cultivée, à la fin de sa vie a écrit un bouquin sur les elfes. Et c’est pas de la fantasy, c’est réel, tu as l’impression qu’elle l’a vécu ! ça prouve un peu que le fantastique d’abord tu le vis, il est là en toi, pour peu que tu le révèles en toi, il est là. Ce bouquin est l’un de mes livres de chevet.

     

    Alors là, aussi, une anglaise, j’aime beaucoup la littérature féminine. En même temps c’est un peu asexué. Maintenant on a besoin de filles terrorisées courant dépoitraillées, etc. Mais le vrai fantastique, c’est autre chose. J’avais vu en Irlande, pour parler de paganisme, à côté d’un lough, une énorme pâtisserie, un château incroyable avec des fioritures partout et c’était un collège de jeunes filles perdu dans la lande avec des forêts de rhododendrons tout autour. Et j’avais visité cet établissement, y avait des bannières, les photos de toutes les filles ayant côtoyé cet établissement, Et tu voyais qu’elles jouaient en fin d’année le Songe d’une nuit d’été, du Shakespeare, du Keats, et tu imaginais cette vie de jeunes filles ensemble dans ces couloirs sombres et tous ces règlements et en face, la colline sauvage où le vent hurlait, tu penses à Sarn de Mary Webb ou aux brownies, des esprits de la lande qui doivent les appeler la nuit, le berger de la nuit qui leur joue la flûte pour les amener au sabbat. C’était évident que derrière le visage lisse des jeunes filles sur les photos, se cachait le grand dieu pan…

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    Et là, y a une auteur, regarde qu’est-ce qu’elle est belle, c’est Kathleen Raine. C’est une poétesse. Elle est morte il n’y a pas si longtemps. Intelligente, belle… Elle a écrit « Adieu prairies heureuses » où elle raconte son enfance en Écosse. C’est magnifique. Elle dit qu’elle a un moment conscience qu’il se passe quelque chose, elle se rend compte que la lande est vivante. « Reconnaître les fleurs sacrées des fleurs profanes. Avoir le sens instinctif de leur nature, de leur symbolique intrinsèque, de leur signature. Ces facultés, je les dois à mon éducation presbytérienne, elles ne m’ont jamais quittées ». Là c’est l’impression que j’ai eu de nombreuses fois en allant dans les cimetières anglais, dans les petites églises anglaises. J’avais toujours dit que quand je serai grand, je serai, je le ferai peut-être encore on ne sait jamais, je serai pasteur fou dans le Yorkshire ou le Devonshire. Tu arrives dans ces petites églises, tu traverses le cimetière, le cimetière n’est pas un parking, c’est un enclos, un jardin, c’est vert. T’as des buis, des bancs, des oiseaux, des écureuils. T’as les choucas. Dans Le Devon, j’ai vu des poneys entrer dans le cimetière et mettre bas. C’est vraiment le symbole de la survie, de la résurrection. Ici quand t’es dans le cimetière c’est bétonné, c’est propre. Propre chez nous, ça veut dire les pelouses rasées, tu peux pas marcher dedans. Terrasson disait que la jardin à la française c’était pousse toi que je m’y mette. Le parc anglais, il commence dans la pelouse avec des aménagements et puis, il est pas fermé il continue dans la campagne, dans le sauvage comme leur vision du monde fantastique. On partage, la frontière est lâche. Pareil avec le cimetière, nous on dirait un parking, du gravier et des tombes carrossées. J’ai vu un jour la tombe d’un enfant, une tombe abandonnée sur laquelle, par la grâce d’une fée sans doute, des coquelicots s’étaient mis à pousser. Eh bien, le lendemain, on avait passé du désherbant dessus ! Nous, faut que ça fasse propre, sans âme. En Angleterre, tu traverses le cimetière et bien souvent sur la porte des églises de campagne il est marqué « Faites attention de bien fermer la porte car des oiseaux pourraient rentrer derrière vous », se retrouver prisonnier…

    Quand tu rentres dans ces petites églises, tu as l’impression qu’elles sont habitées, un ange, une fée… J’ai vu des trucs assez étonnant comme ce pasteur du siècle dernier qui, en Cornouailles, s’adressait en chaire à sa femme et laissait ses animaux venir à la messe le dimanche, c’était presque des rites païens par moments. C’était au bord de la mer, il dialoguait avec les pixies, récitait des poèmes, avait érigé une cabane en flanc de rocher. Dans le cimetière, t’as une figure de proue, il récitait des vers habillé en sirène ! Y a que là que tu peux trouver des choses comme ça. Et dans ces recoins, dans le village à côté, c’est souvent les femmes qui en parle le mieux car elles sont plus proches de la nature que nous. Je déteste la compétition, être meilleur que l’autre. On devrait apprendre aux enfants d’être meilleur qu’eux mêmes, se dépasser soi mais pas l’autre ! Les femmes sont encore dans le senti, le ressenti et Katlheen Raine c’est magnifique, beau. Elles se souvient qu’elles ont été fées, sorcières, c’est la même chose, mères, vieilles déesses. Donc à côté du village de ce pasteur, y a un village de naufrageurs, de contrebandiers, complétement encaissé, et tu as un hôtel hanté, les lustres et tout ont été payé par Thomas Hardi, qui a écrit Tess d’Urberville, etc. Et tu as un musée de la sorcellerie, on y raconte l’histoire de la sorcellerie, tu as la cage où on noyait la sorcière, et puis, en passant par la Blavatsky, Alisteir Crowley, tu arrives aujourd’hui, les bâtons, les robes, et je vois les photos de cérémonie, de sabbat avec une fille assez belle nue avec d’autres nues, avec des couronnes de fleurs. Et je me dis que je connais cette fille, je me demande où je l’ai vue, dans un bouquin ou quoi… Entretemps mes amis viennent me rechercher et demande à la caissière si je suis encore là. Elle dit à mes amis qu’il ne reste plus que moi là-dedans. Et elle dit à mes amis que si je suis intéressé et veux plus de renseignements je peux lui demander. Donc je sors avec mes amis et jette un coup d’œil à la caissière et là je remarque que la fille, c’était elle ! C’est pour ça que j’avais l’impression de l’avoir reconnue, c’était la caissière du musée !

    Tu te dis que dans ce petit patelin, il y a encore un culte au Grand Dieu Pan ! La nuit ils font des hymnes à la nature, des incantations ; c’est ça que j’aime beaucoup. J’aimerais bien le raconter un jour, faire un bouquin sur mes voyages…

    Alors là, c’est un bouquin de John Galsworthy,  la saga des Forsyte, j’ai jamais lu cette saga mais j’ai lu quelques pages. Et un jour, je suis tombé sur quelques pages où il décrit un champ de coquelicots. Et là encore tu as un hymne à la nature que seuls les anglais peuvent dire, comprendre. Ça se voit d’ailleurs dans les boutiques, même si c’est quelquefois un peu cucul, transformé en bon savon joliment présenté, en mug à fleurs, Cicely Mary Barker, Beatrix Potter, on a l’impression que plus elles se sont penchées sur les fleurs pour les dessiner, plus elles ont vu ce qui se passait à l’intérieur, elles ont brusquement eu la vision de la petite fée, de la déva. Il s’est passé quelque chose. Tu parlais de Findhorn tout à l’heure, je suis persuadé qu’à force de vivre dans la nature, de faire des hymnes à la nature, tu ne peux que faire pousser des légumes qui sont… euh, tu es complétement intégré dans la nature et puis l’Ecosse…

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    Enfin, bon, donc Galsworthy, a écrit la saga des Forsyte. Un jour je vais à Pêle-Mêle à Bruxelles et là dans un tas à dix centimes, dix centimes de l’époque en plus, je trouve « Sous le pommier en fleurs » de Galsworthy. Je sais pas pourquoi, je me sens attiré, obligé de l’acheter. Je le prends, je le lis pas. Et puis un jour, je le lis : « Le jour de leur noces d’argent, Ashforth et sa femme faisaient une excursion en automobile autour de la lande avec l’intention de terminer cette journée de fête en passant la nuit à Torkay ». Donc je vois ce truc, Torkay. Dans le Devon, c’est au bord de la mer et la lande, c’est le Dartmoor ! Ce couple décide de s’arrêter dans la lande et elle fait de l’aquarelle et lui se promène. Ils découvrent une tombe le long de la route. Pour moi, c’est notre rapport avec la féerie. Hier avec les victoriens, aujourd’hui avec la féerie. 9a raconte l’histoire d’un gars avec sa femme. L’homme va voir la tombe, marche dans la lande et se rappelle que jeune homme, avec un copain, il avait traversé cette lande et ils arrivent, fatigués, près d’une petite ferme et là y a un verger avec un pommier en fleur et sous le pommier, une fée, une jolie paysanne. C’est Titania, Flore. L’homme est subjugué. Ils restent un moment à manger et à boire. Et le jeune homme le lendemain reste là et tombe éperdument amoureux de cette fille. Il lui promet une bague de fiançailles et part à Torkay acheter la bague et la robe et brusquement un cab passe et c’est son copain avec sa sœur et une maie de sa sœur. Cette femme est de son monde, lettrée. Il suit ses amis un peu plus loin et au retour il voit une fille mal entichée qui se faufile maladroitement entre les cabs et il reconnaît la fille de la ferme. Lui se cache. Il ne retournera pas et épousera la sœur du copain. Des années après il arrive près de cette ferme, il y voit un vieillard et lui demande des nouvelles de cette fille. Il apprend que sa fille s’est suicidée, pendue au pommier. Et ça, c’est nous qui passons à côté de la vraie fée. Touché par la grâce, il passe à côté. Donc je lis ce bouquin, et ça me dit quelque chose. Ça c’est Jay. Effectivement dans le Dartmoor, tu as une tombe à un carrefour, Jay’s grave. Kitty Jay, c’était une servante de ferme, qui après a travaillé dans un pub fin XIXe siècle. Elle avait été séduite par le fils d’un fermier qui l’a mis enceinte et elle s’est pendue. Et on l’a enterrée à ce croisement de chemins. Alors pourquoi on enterrait les suicidés aux carrefours, parce que leur âme, fantôme ne pouvait pas aller se venger comme il y a quatre chemins, ils ne peuvent pas choisir, leur âme tourne en rond. Et on aperçoit parfois l’ombre de Kitty Jay. Et aussi parce que cela forme une croix, le carrefour leur donne un semblant de croix qui par ailleurs leur est refusée. Les Pixies, dit-on, viennent fleurir la tombe régulièrement. Et cette tombe-là, même en hiver est toujours fleurie alors qu’il n’y a pas d’habitation dans le coin ! Donc c’était la même histoire pratiquement et en faisant des recherches en bibliothèque, je me suis rendu compte que Galsworthy avait habité Widecombe-in-the-Moor, donc il connaissait l’histoire. J’ai pleuré chez tous les éditeurs pour rééditer cet ouvrage et personne n’en veut. J’ai presque réussi à convaincre Gindre de la Clef d’Argent de le sortir…

     

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  • La Grande Interview de l’Elficologue Pierre Dubois – extrait n°7

    La Grande Interview de l’Elficologue, la suite (7)

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    Assis à côté de sa magnifique cheminée, Pierre poursuit son récit à propos de son parcours, de ses coups de coeur. Il règne un silence curieux dans la pièce. Comme si toutes les petites créatures s’étaient arrêtées pour écouter les paroles de leur ami et protecteur… C’était un moment important pour elles car nous allions enfin parler de l’époque où Pierre allait devenir Elficologue…
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    Richard Ely : Comment, avec ce passé de fantastique, d’aventurier, d’émissions radios sur le légendaire au sens large, comment en es-tu venu précisément aux fées, aux lutins, à la petite mythologie ?pierredubois0702
    Pierre Dubois : Eh bien, donc ORTF est devenu France 3, j’ai continué ces émissions, des feuilletons, quelques films, j’ai tâté à la télé, des dramatiques et j’ai eu un directeur, Célarié et un autre, Jean-Paul Gugain, qui était un breton. Il m’avait défendu. Quand tu fais de la radio, de la télé, forcément tu es écouté et comme je balançais parfois des choses, les gens écrivaient. Lui m’avait défendu et puis il est parti et je n’ai plus eu de protecteur. Donc je me suis retrouvé viré. Mais j’avais commencé à écrire, j’avais écris Bidochet le petit ogre, la botte secrète de Bidochet, Bidochet et les 55 plumes de l’indien, l’Almanach sorcier, le capitaine Trèfle, des bd pour Hachette, Casterman, j’étais déjà édité. J’avais fait un truc sur Vandewattyne, que j’avais mis en scène dans un journal pamphlétaire de Jean-Luc Porquet etpierredubois0703 Philippe Casoar, j’écrivais dedans. De mes articles sortis dans ce canard-là, ils ont en sorti un recueil, dans lequel il y avait cette histoire sur Jacques Vandewattyne, le grand sorcier du Pays des Collines. J’avais par ailleurs de plus en plus de renseignements sur les sorciers, les petits êtres, etc. Gugain, quand il a su que j’étais viré, il m’a proposé de travailler à Limoges, et là, j’ai rencontré d’autres lutins. J’avais déjà mes fées ardennaises, mes fées anglaises de par mes voyages, ça s’emmagasinait. J’avais commencé plus ou moins un grimoire aux lutins. Chaque fois qu’on me racontait une histoire de lutin, je la mettais de côté dans cette farde et après avoir fait quelques films à Limoges, Gugain est parti en Bretagne. J’ai quitté la maison ici et suis parti travailler en Bretagne. Là, j’ai eu comme directeur des programmes Michel Le Bris. J’aimais beaucoup ce qu’il écrivait et suis devenu très copain de Le Bris, j’allais souvent chez lui, on sortait ensemble.
    Richard Ely : Nous sommes en quelle année, là ? Tu connaissais déjà René Hausman ?
    Pierre Dubois : Oui, on est dans les années 80 et René, j’avais fait un film sur lui quand j’étais à Lille en tant qu’animalier, folkloriste, il jouait aussi de la cornemuse. Un vrai coup de foudre. C’est lui qui avait d’ailleurs illustré le Capitaine Trèfle et l’Almanach sorcier. Il a même habité ici pendant des mois. C’est ici qu’il a dessiné les contes de Perrault. C’était assez étonnant, René jouait de la cornemuse et dans le coin, déjà, j’avais assez mauvaise réputation. Le gars habillé en noir qui écrit des choses bizarres, on avait vu ma tête dans les journaux, j’étais un affreux sorcier. Mes gamines en ont d’ailleurs un peu souffert, mes filles, elles étaient pas trop invitées dans les jeudis, mercredis, les anniversaires. C’était les filles de l’ogre. Et Aline, ma femme, assez sombre de peau, brune, un peu indienne, hippie… On avait un bouc aussi. Y avait les amis, sympas, qui venaient et puis René avec sa cornemuse qui résonnait dans la campagne. C’était la maison de sorciers et puis y avait certainement des fantômes… les gens, ils en rajoutent, ils sont assez méchants. C’est pas toujours facile la campagne. Ça n’a pas changé d’ailleurs, ils ont ouvert récemment une médiathèque, tout le monde a été invité sauf moi. Laïyna a été fait quelque temps après, j’avais un copain, Philippe Vandooren, j’ai aussi eu comme ami Jean-Baptiste Baronian, qui avait d’ailleurs inventé des folios junior, des bouquins illustrés pour enfants et malheureusement personne n’a suivi point de vue capitaux. Et donc Philippe Vandooren, ami de Baronian, à l’époque rédacteur en chef de Spirou, il adorait ce que faisait René et aimait bien ce que je faisais également. Il a demandé de faire une bd pour Hausman, avec des fées, des sorcières, des animaux. Je lui ai écrit Laïyna.
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    Quand j’avais amassé les légendes de lutins dans ma farde, mon grimoire, j’avais l’idée de faire un bouquin avec des lutins. A l’époque, j’étais déjà agacé par l’arrivée des mangas, des trucs japonais avec des lutins et je me disais qu’on avait ça nous ! Les japonais s’inspiraient de nos histoires… C’était aussi l’époque épouvantable où la littérature pour enfants devait être de plus en plus facile. Des bouquins exprès pour eux, en tranches, de 7 à 8, de 8 à 9 ans et surtout éducatifs ! Qui parlaient de la vie réelle. On était à l’époque de « Papa divorce », « Mon meilleur ami s’appelle Boubala », « Mon premier vol de pétard », etc. En réaction, je me suis dit qu’il fallait à nouveau de la fantasy, du rêve…
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    Richard Ely : Oui, mais pourquoi le côté fées, lutins et pas fantômes, sorciers que tu appréciais tout autant ?
    Pierre Dubois : Parce que ça, je les réservais aux contes de crime que j’avais déjà dans la tête à l’époque. Je voulais faire des ghost stories. J’avais aussi écris sous d’autres noms, des pseudonymes, sous celui de Budy Matieson chez Fleuve Noir, des trucs plus violents. J’avais écris des histoires de fantômes pour Baronian dans Treize histoires de fantômes marins. Et donc j’avais envie de rêver. J’ai toujours été assez sombre, autour de moi il y avait toujours des drames, j’avais donc envie de m’écarter de la magie noire, la sorcellerie. L’ombre du croquemitaine me collait trop à la peau. Je cherchais chez moi les trouées de lumière, le roi des hurlutes, mes sentiers lumineux. Je me suis donc tourné vers les fées. Et puis y avait les filles, je leur racontais des histoires, j’étais brusquement papa. J’essayais de ne pas les entrainer avec moi dans une espèce d’errance sombre. Enfin, on essaye toujours, on réussit pas pour autant. Et donc là, on a fait le Grand Fabulaire du Petit Peuple ce qui a confirmé l’idée de Vandooren de faire Laïyna. Et au départ, pas question de faire un album, c’est passé dans un numéro de Noël. Et c’est un libraire de Mons qui a sorti la BD sous le nom d’Hausman uniquement d’ailleurs, j’existais pas. Ça a convaincu Dupuis de peut-être sortir cet ovni pour l’époque. Donc ils l’ont sorti. On a fait un deuxième tome et j’en ai fait un troisième qui là, n’a pas vu le jour. J’ai jamais trop su pourquoi mais ça a même mis en péril à un moment donné mes relations avec Dupuis… Un troisième album où elle se révélait vengeresse, son côté sorcière, ses pouvoirs, c’était une fille de la Nature, l’esprit féminin de la forêt. En gros, un chevalier la séduisait qui petit à petit voulait combattre le petit peuple, remplacer des arbres par des croix, Hausthar en mourrait… c’était un peu l’intrusion de l’Eglise… Quand Laïyna s’en rendait compte, il le tuait d’une façon très sauvage comme la forêt peut le faire. Est-ce que ça a choqué la maison sage Dupuis de l’époque ? Je ne sais pas.
    pierredubois0706Le Capitaine Trèfle galopant au-dessus du piano… en attendant la BD avec René bientôt…
    Richard Ely : Après Laïyna, c’est la bande dessinée et quelques années après, les encyclopédies chez Hoëbeke…
    Pierre Dubois : J’aurais voulu que le Grand Fabulaire continue dans Spirou et je pensais en faire un gros volume par la suite et puis tout s’est arrêté. Donc je voulais écrire les contes de crime et je ne trouvais pas d’éditeur parce que le fantastique, parce que le merveilleux, des histoires de fantômes n’intéressaient pas la littérature française. Il a fallu que Le Bris donne un grand coup de pied, avec les éditions Phébus, tout ce qu’il a pu écrire sur le sujet, grâce au festival Étonnants voyageurs pour que ça bouge un peu. Mais le fantastique pur, ça marche pas trop à moins que ce soit fabriqué, du Twilight, du Stephen King. Mais la littérature fantastique bien écrite, victorienne, féminine comme les sœurs Brontë, Mary Webb, Miss Oliphant [NDLR : Margaret], qui est une immense écrivain de ghost stories n’est même pas traduite en français ! C’est aberrant ! Il y a un éditeur qui, à cause du succès de Twilight, voulait en faire des petits, épuiser la veine jusqu’à l’écoeurement. On va faire fuir les fées si ça continue, cette surenchère à faire du pognon sur la féerie en ce moment, ça me fait gerber.
    Donc je voulais écrire les contes de crime et je ne trouvais pas d’éditeur et Hoëbeke était intéressé par ces contes de crime et c’est Caro de Caro et Genet qui aurait du illustrer, avec un dessin à la manière de Tenniel et avec Hoëbeke on a beaucoup parlé. Et j’ai parlé de l’idée de l’idée de faire une encyclopédie de lutins et il m’a dit qu’il fallait choisir. A l’époque dire lutins, tout le monde fuyait, ça faisait peur, personne n’en voulait. Quand est sorti les Fées de Brian Froud et les Gnomes chez Albin Michel, sorti sous « gnomes » alors que ce sont des Kabouters et pas des Gnomes. Et le succès de Fairies et des Gnomes a fait que Hoëbeke a dit pourquoi pas sans y croire vraiment. On a sorti les lutins et ça a fait un malheur. On a dit que c’était la Noël, et puis après la Noël on en parlait encore, Pivot a été intéressé et brusquement, comme c’était le premier français qui sortait dans cet esprit-là, ça a été un succès. Puis on a réédité et réédité et est venu le tome deux puis le trois.
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    Richard Ely : Au départ on partait sur deux tomes, le deuxième devant regrouper fées et elfes, puis c’est devenu trois et les elfes sont venus bien après, pourquoi ?
    Pierre Dubois : Parce que si tu veux les fées, l’histoire s’est imposée. Ma fille a disparu, décédée, elle est partie. Mélanie… Et donc cette rupture, cette cassure, les fées se sont imposées. Michel Le Bris en lisant les fées avait dit à un ami, c’est curieux, il écrit plus pareil. Et c’est vrai que les lutins étaient écrits de manière plus décontractée comme j’avais pu écrire le Capitaine Trèfle dans une écriture un peu enlevée et là brusquement quelque chose avait changé.
    Et quand j’ai eu terminé les fées, il y a eu comme un grand vide et je n’ai pas pu écrire les elfes tout de suite. Et tu remarqueras aussi que les elfes, c’est très sombre. Et la fin, l’épilogue est une manière d’adieu des elfes pour l’être humain, ils veulent véritablement pas en faire partie, une forme de rupture, de fuite, de retirement. C’est vrai qu’à partir de là tout a un peu changé. Par contre, j’ai pu écrire les Comptines assassines, les Contes de crimes, plus d’humour noir. Il y a un jeu là-dedans entre les fées et moi. Une espèce de connivence… Là, je suis un peu pressé à le faire, mais je suis en train de… Je fais un elféméride. Tout ce que j’ai emmagasiné depuis trente ans de télé, de radio… ça m’agace d’entendre les journalistes d’aujourd’hui, des journalisses… Tu entends toujours les mêmes discours politiques, les mêmes choses, le foot, des milliardaires en culottes courtes qui jouent à la baballe. J’ai envie d’éteindre tout ça. Il y a d’autres chemins qu’on nous dit dans les contes, d’autres vérités. J’ai un peu contribué au retour des fées, j’ai un peu l’idée que quand le matérialisme, le pouvoir, l’argent nous étouffent dans une inhumanité on a besoin de fées, de rêver. Et ici, ça recommence, ce débordement, cette bouffée d’air pur va se polluer par notre faute à nouveau, on va faire de l’argent, abîmer ce beau rêve, cette renaissance des fées, en faire du marketing, elles vont fuir à nouveau. C’est ce que je pressentais en faisant les elfes, j’étais un peu triste. Là, je fais cet elfemèride, trente ans de légendes, de contes. Bon, je fais beaucoup de digressions là mais c’est normal quand on parle de féerie, le chemin de féerie pour le trouver, faut se perdre. Le journaliste parle de l’instant présent comme si c’était essentiel et oublie que la nature continue de vivre. On s’éloigne de plus en plus de la nature, de nos sources, de ce qui nous rendait humain, ce qui rendait possible cette alliance avec la nature. On perd cela par cette espèce d’artifice, ce monde asphalté.
    Mon bouquin va faire 200 ou 300 pages alors qu’il y a trente ans dedans. Il va falloir choisir. Je l’ai donc écrit avec une espèce de résignation en me disant qu’on ne pourra pas tout mettre.
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    Richard Ely : A t’entendre, on sent comme un regret. Pourtant, si les encyclopédies, ton travail sur la féerie, ont connu un grand succès, cela a ouvert des portes. Maintenant, à chacun de choisir, soit emprunter le chemin commercial et proposer des fées, des lutins un peu vides de sens. Ou poursuivre l’exploration. Tu sembles regretter le succès de tes livres mais l’alternative aurait été l’insuccès et que les encyclopédie ne se soient vendues qu’à quelques exemplaires laissant la féerie dans l’ombre.
    Pierre Dubois : Oui, c’est vrai. En même temps, j’ai toujours été fasciné par les écrivains qui n’avaient pas de succès, les œuvres inconnues… Middleton [NDLR : Richard], qui a écrit un seul recueil de nouvelles et ne l’a même pas vu publié. Et c’est superbe.
    Petite interruption, Pierre s’en va quérir quelques vitamines liquides à base de houblon et de malt, pour se donner quelque force afin de poursuivre nos échanges…
    Pierre Dubois : J’adore Montague Rhodes James, c’était chez omnibus, j’adore les histoires de fantômes. C’est bizarre que chez nous on n’ait pas de collection de bouquins fantastiques, ils se cassent la figure régulièrement, c’est vraiment une tare chez nous. On préfère le fantastique frelaté, fabriqué que le vrai fantastique. Déjà en parlant de Montague Rhode James, il y a eut une époque où beaucoup d’auteurs anglais s’adonnaient à la ghost story, l’histoire de fantômes a toujours été pour les anglais le fin du fin, déjà la nouvelle, chez nous, il y a très peu d’auteurs qui font de la nouvelle. La nouvelle, c’est une gourmandise, une espèce d’histoire très courte, un petit bijou, on cisèle une histoire, il y aurait un mot de trop ça ne marcherait plus et toujours, des histoires à chute, ou des histoires sans chute où la fin est en suspend comme ça. A nous de rêver la suite, de trouver une porte ou de la refermer ou de rester comme saisis par la peur ou d’être troublé. Ces auteurs là très souvent étaient des fils de pasteur, pasteurs eux-mêmes, c’était de fins lettrés, et ils écrivaient quelquefois des biographies ou des bouquins très sérieux. Montague Rhode James, c’est très étonnant que ce personnage, donc c’est 1862-1936, il était principal du collège d’Etton en Angleterre, cet érudit brillant, orientaliste, médiéviste, il affirmait une passion pour les manuscrits anciens et l’archéologie. Il a écrit plein de bouquins scientifiques et une traduction du nouveau testament, c’est dire son sérieux. Et, à la fin de l’année, il réunissait ses amis, ça pouvait être des élèves, ça pouvait être des collègues, des amateurs de Ghost Stories, il les amenait dans la bibliothèque ou au bureau, il avait préparé le porto, le sherry, y avait des verres, y avait plein de bougies, les bougies brillaient comme ça dans son bureau et il accueillait ses hôtes, il les faisait s’asseoir, et il les éteignait une à une et il n’en gardait qu’une seule sur son bureau et il racontait son histoire de l’année, sa ghost story de l’année, son histoire de fantôme de l’année. Il offrait ça à la Noël. Et d’ailleurs autrefois, les histoires de Noël, c’était toujours des histoires de fantômes, la preuve, Scrooge, la fameuse histoire de Dickens, c’est une histoire de fantômes, on se faisait peur on se racontait des histoires de fantômes à la Noël. Peut-être parce que c’était la nuit la plus courte de l’année, le soleil allait réapparaître. Y avait presque un petit côté païen, de paganisme, un reste de sorcier rassemblant ses ouailles autour du feu, du foyer, autour de la lumière qui brusquement allait ressurgir de la nuit, au solstice. Et même Shakespeare dans la nuit des rois, ça commence par il était une fois un homme qui habitait près d’un cimetière, et c’est une histoire fantastique. Et Montague Rhode James, tout particulièrement raconte des histoires qui sont crédibles, qui peuvent lui être arrivées ou à un ami. C’est toujours un érudit, un célibataire endurci qui se promène dans la lande, ou qui va visiter une bibliothèque, qui cherche une crypte, qui cherche un monument, qui trouve un manuscrit… qui va tout doucement entrer dans un autre monde. Les histoires de fantômes de cette époque-là parlent à ton inconscient, à tes peurs viscérales, enterrées bien au fond et qui ressurgissent pour le peu que… Y en a une qui dit par exemple « siffle et je viendrai » et là il trouve un sifflet en os avec un dessin runique un peu et il va siffler et là viendra un être fantastique. C’est toujours comme ça, c’est l’intrusion du fantastique, du merveilleux même mais un merveilleux teinté d’épouvante dans un monde de lettrés, de crédible. Ou alors, il rencontre quelqu’un qui lui en parle. Mais avec une telle sincérité et en plus y a pas d’esbroufe, on ne te fait pas d’effets pour te faire peur. Une porte s’ouvre et le fantôme apparaît. On t’emmène par la main dans un monde en te disant n’ayez pas trop peur, il y a des petites scènes assez conviviales où ils se retrouvent en fumant la pipe autour du feu, ils se promènent dans la campagne et le malaise vient d’une maison, d’une pièce supplémentaire qu’on ne connaissait pas, d’une boutique qui n’existait pas. Y a du Jean Ray un petit peu là-dedans, Jean Ray s’en est beaucoup inspiré.
    pierredubois0709
    Richard Ely : A la différence que chez Jean Ray on a du construit alors que chez James et d’autres on a du ressenti…
    Pierre Dubois : Oui, du vécu ! Je mettrais bien avec James, Sheridan Le Fanu qui pour moi, avec James, sont les deux meilleurs. Ça fait partie d’une tradition, les histoires de fantômes, ils y croient. C’est tout à fait normal de raconter ces histoires à ce moment-là. Je me suis baladé pas mal de fois en Angleterre. C’est incroyable le nombre d’histoires de fantômes qu’on peut te raconter. Par exemple, il y a un auteur de cette époque-là, c’est Baring-Gould, qui était pasteur. Il avait le château de Lew Trenchard dans le Dartmoor, château superbe, c’est vraiment le manoir des Baskerville pratiquement. Et il avait rencontré une jeunesse et il avait parié avec ses amis qu’il en ferait une lady. Il s’occuperait de son éducation après l’avoir épousée. Et il avait raconté ça à son ami Bernard Shaw qui a écrit Pygmalion qui est devenu par la suite My Fair Lady. Et c’est ce fameux personnage, le héros de Pygmalion. Il a écrit plein de bouquins, même des hymnes religieux, il a écrit sur les brigands du Dartmoor, sur le Devon, l’histoire du pays, aussi sur les mégalithes, et aussi sur les fantômes, les vampires, les loups-garous. Et il est tout à fait normal qu’il rentre lui-même dans une histoire de fantômes, on raconte que quand sa femme est morte toutes les fenêtres du premier étage ont explosé mystérieusement. On l’a portée en bière, mise dans la chapelle du château et j’y suis allé dans cette petite église anglaise… Elle était dans son cercueil, le bedeau affairé à préparer les fleurs pour l’enterrement et il l’a vu se lever et retomber. Et donc, je vais là avec des amis pour leur montrer ce château, et le propriétaire nous reçoit. Je l’interroge sur le fantôme de la dame et là il me dit qu’il n’y a pas de fantôme, y a pas un fantôme mais y en a deux ! Y a aussi celui de l’extérieur qu’on entend marcher dans le gravier. Et c’est ça James, c’est un état d’esprit d’amateurs de fantômes, qui se font plaisir à se raconter des histoires, à se faire peur. Aussi, ça rassure de se faire peur, on revient à l’idée du premier bivouac, avec la peur des fauves, de l’hiver et on se racontait des histoires pour exorciser ses peurs. La peur des fauves mais aussi d’êtres pires, ceux que créait notre imagination, les vampires, les loups-garous… Il faut lire MR James pour retrouver ce temps du fantastique, ce moment où la réalité glisse vers l’irréel, vers quelque chose de bizarre qu’on n’arrive pas à définir. Y a un malaise, on ne sait pas si on doit en avoir peur ou si c’est une protection. J’aime beaucoup ces histoires de fantômes en demi-teinte. Pour moi, c’est ça la véritable histoire de fantômes. Y a le fantôme, le spectre et le revenant, c’est trois personnes différentes. Le revenant, qu’on appelle aussi le retournant, c’est quelqu’un qui est mort, un cadavre, qui revient, en général dans la tradition populaire, demander des messes, il est mal à l’aise. Il revient chercher quelque chose. C’est un être vivant qui sort de la tombe, un non-mort en chair et en os même s’il est une charogne. C’est pour ça qu’on le représente avec son linceul. Puis, il y a le spectre qui lui est toujours menaçant. Lui, il vient pour se venger, pour hurler, il n’y a pas de spectre gentil. Et puis il y a le fantôme. Le fantôme ça peut être un chien, un parfum, une musique, le piano qui marche tout seul, c’est quelque chose qui est décalé et donc très crédible. Depuis le temps que je m’intéresse à cela, j’ai rencontré plein de gens qui avaient eu une relation avec l’occulte, qui avait rencontré des fantômes, avec quelque chose qu’ils n’avaient pas compris. Alors évidemment nous on a tendance à le rejeter. C’est idiot parce qu’on passe à côté de quelque chose d’important. Au contraire, on devrait affiner cette perception qu’on peut avoir quelquefois, avec l’au-delà, les présences. Ces présences qu’on a autour de nous. Y a un très joli bouquin qui s’appelle The Lovely Bones, un joli petit film aussi qui raconte l’histoire d’une petite fille qui a été assassinée et qui essaie d’aider son père qui ne va pas du tout bien. La petite a été violée et assassinée par un pédophile et lui veut trouver le coupable. Elle, elle essaye de le rassurer, de lui dire qu’elle est là. Et elle n’y parvient pas. De temps en temps y a quand même des choses qui passent entre eux. Là, c’est tout l’art des Ghost Stories de ce temps-là, de MR James.
    pierredubois07010
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