Rencontre avec Stéphane Bileau, le dessinateur de "La Quête du Graal"
Le Graal a fait rêvé tant d’hommes au cours des siècles. Chaudron magique procurant la vie éternelle ou coupe du Christ, ce symbole est à la base de nombreuses fictions. La série de bande dessinée « La Quête du Graal », parue dans la collection Soleil Celtic et dont le troisième tome est déjà en libairie, renoue avec la féerie et les croyances celtes tout en nous procurant le plaisir d’une fiction d’aventure. Pour donner une apparence aux chevaliers de la Table Ronde et aux royaumes magiques qu’ils traversent, Stéphane Bileau déploie tout son art du dessin. Créatures fabuleuses et belle Guenièvre vous donnent rendez-vous dans cette interview.
Vous avez pris le parti de jouer à fond la carte de la féerie dans « La Quête du Graal » et non pas de présenter un côté plus « réaliste » ou « historique »…
Oui. Ça me paraissait une évidence dès le départ. Déjà parce que je me sens plus à l’aise comme ça. Pour moi, La quête du graal est un roman fantastique et féerique… Je trouve que ça aurait été le dénaturer un peu que de le traiter de manière historique. Personnellement, c’est une histoire qui me fait rêver. J’aimerais pouvoir faire partager ça en la mettant en images.
Et puis, j’en avais marre de voir dans les films qu’excalibur ne se comporte que comme une banale épée, et que le simple fait de la porter garantissait la victoire. J’avais envie de donner forme à sa magie.
Guenièvre fait partie des chevaliers de la Table Ronde. Cet élément donne une image très différente de celle à laquelle nous sommes habitués.
C’était un choix des le début.
J’avais un petit a priori là-dessus quand François (Debois, NDLR) m’a présenté le scénario. J’avais encore en tête le « Arthur », sortis récemment au cinéma où l’on voyait Guenièvre en amazone et ça m’avait un peu dérangé. Mais à force, je me suis fait à l’idée et j’ai essayé de me l’approprier.
Le fait est qu’une Guenièvre plus mièvre aurait plus difficilement trouvé sa place dans cette série. On a plus laissé ce rôle à Viviane. François en joue beaucoup, il avait envie d’aborder la relation Arthur-Guenièvre de manière plus terre à terre et de la faire évoluer, plutôt que de partir sur un amour passionnel dès le départ. C’est un contre-pied qui m’a parut assez intéressant.
Au début de l’histoire on nous parle de la mort de Ban de Bénoïc. Peux-tu nous en dire plus sur ce proche d’Arthur et premier amour de Guenièvre. S’agit-il de Lancelot ? Si je ne me trompe, Ban de Bénoïc, dans la légende, est le nom du père de Lancelot…
Oui, Ban est le père de Galaad, le futur Lancelot du lac.
Lancelot du lac vieillit plus vite que les autres personnages dans le plan féerique où il passe ses épreuves. Quand il rejoindra Arthur et qu’il apparaîtra devant Guenièvre pour la première fois, il aura à peu près l’âge de son père quand il est mort…
C’est un univers à la trame assez complexe. Comment travailles-tu avec François Debois pour cerner chaque pièce du puzzle qui se met doucement en place ?
François nous présente toujours (à Bruno Stambecco et moi) son travail à chaque stade de son évolution. La trame est en place. Nous, on en discute, on essaye de trouver les failles, on discute aussi de nos idées et de nos envies. Chacun rebondit sur l’idée des autres, c’est vraiment enrichissant. cette lecture lui permet de faire évoluer son récit vers le scénario final.
Après, moi, bien évidemment, j’impose mes planches sans les leur montrer. Que eux ne puissent rien en dire, c’est plus pratique ! Comme ça, moi, j’ai rien à refaire. J’aime beaucoup travailler avec eux !
Dessiner la féerie, c’est un univers qui t’inspire beaucoup ?
Disons que ça paraît beaucoup plus facile pour moi de m’évader sur ces thèmes que sur du contemporain trash… Comme beaucoup, j’ai grandi dans cet univers-là. Quasiment toutes mes illustrations en sont issues. C’est l’univers qui m’inspire le plus. Que j’aime le plus.
La conception d’une créature passe par quelles étapes ?
Ben en fait, je travaille beaucoup au feeling, y’a pas vraiment de règle. La seule chose dont j’ai besoin avant tout, c’est de connaitre son caractère et son rôle. Il me faut savoir ce que le scénariste en attend. Ça me permet de me faire une idée globale de ce que doit apporter la créature ou le personnage.
A partir de ça, je fais des recherches jetées sur plusieurs feuilles volantes jusqu’à trouver un croquis qui me convienne. Quand j’en trouve un, je le précise, le termine. ça m’arrive de la décliner sur un ou deux angles. Mais en général, je me contente d’une seule vue. Parfois, un plan américain suffit. Le but, c’est d’avoir en tête la créature et un petit visuel pour mémoire.
En général, j’essaye de faire en sorte qu’elle dégage quelque chose une fois sur la page.
Si la créature doit très peu apparaître, je la travaille directement sur la page finale. Leur forme et leur composition découlent souvent des cases dans lesquelles elles apparaissent.
Sinon, quand je ne suis pas inspiré, je pars de formes globales au hasard et je regarde ce qui sort. J’essaye d’utiliser des formes improbables et hasardeuses. Quand je me penche à nouveau dessus plus tard ça peut provoquer un déclic et créer un nouveau monstre intéressant.
Si c’est un personnage, ça m’arrive simplement de faire des séries de tronches.
Si le monstre m’inspire, j’essaye d’en tirer des illustrations, pour moi, dès que je m’en donne le temps.
Quelle est ta créature féerique préférée et pourquoi ?
Ça, c’est difficile à dire. J’aime beaucoup les licornes et les centaures. Les licornes pour ce qu’elles représentent à mes yeux . Et les centaures parce que j’aime bien les créatures hybrides.
Les fées aussi j’aime bien parce qu’elles sont souvent plus facile à dessiner.
Soleil Celtic est une collection qui semble recueillir de plus en plus de succès. De ton point de vue, qu’est-ce qui attire les lecteurs vers ce genre d’albums ? Comment expliquer le succès des korrigans et autres créatures féeriques ?
L’univers féerique, c’est l’univers du rêve et du songe, il est emprunt de mystère. Peut être est-ce une contre partie au sentiment faux qu’on aurait de tout savoir, tout connaître. Tellement l’information et la désinformation sont facilement accessibles aujourd’hui. On finit par avoir le sentiment d’avoir tout vu, tout découvert.
J’ai l’impression que les coins sauvages et mystérieux ont quasiment tous disparus… ceux-là même qui alimentaient nos contes de magie. Nos forêt ne font plus peur. On doit se battre pour essayer de sauver nos espèces animales menacées les plus retranchées. On détruit tout ce qui nous fait rêver. On démystifie.
Retrouver cet univers, c’est peut-être retrouver un peu tout ce qu’on perd par ailleurs.
Propos recueillis par le Peuple féerique en mars 2009.
Retrouvez l’actualité de Stéphane Bileau sur son BLOG.