Dessine-moi un dragon
Dessine-moi un dragon
Créature mystérieuse, envoûtante… Symbole d’immortalité, de puissance ou du rêve, le dragon a également soufflé sur la bande dessinée. Petit tour d’horizon de ces albums qui sentent le soufre.
Nombre de dragons ont traversé nos cases et planches de BD. La tentation est forte pour nos héros d’aller s’y frotter un jour ou l’autre au bon vouloir de leurs créateurs comme Michel Weyland l’a fait pour Aria (Dupuis) partie à la recherche d’un draguédon ou encore Andréas pour Capricorne (Le Lombard) dans le dragon bleu. Bien évidemment, les récits puisant dans le légendaire possèdent également leur lot de dragons. Arthur (Delcourt) de Chauvel et Lereculey n’échappe pas à la règle ni la série Merlin (Soleil) de Istin et Lambert…
La bande dessinée jeunesse n’est certes pas en reste de ce côté-là non plus et les monstres à écailles crachant le feu semblent bien appréciés par nos petites têtes blondes, brunes et rousses comme le témoigne l’excellente série de Boulet aux éditions Glénat. Celle-ci nous conte les aventures d’un petit dragon, Raghnarok, qui donne son nom à la série et se révèle être un fieffé coquin !
Même du côté des grandes révélations de la bande dessinée réaliste de ces dernières années, on retrouve la trace du dragon. En effet, Vanyda et François Duprat, dans L’année du dragon (Carabas), utilisent ce dernier comme une porte pour les rêves, le symbole de l’irréel. Magnifique utilisation dans une histoire pleinement ancrée dans le quotiden.
Puissance et immortalité
Le dragon, s’il peut représenter le rêve, l’imaginaire dans sa globalité, figure également la puissance. Par conséquent, il n’est pas étonnant de retrouver ce terme utilisé pour désigner des castes guerrières. Dans les Âmes d’Hélios de Saimbert et Ricci (Delcourt), les Dragons sont l’élite des soldats du Ciboire. Ylang suit une formation pour devenir une apprentie-dragon et subira de dures épreuves pour y parvenir.
Dans les Chroniques de la Lune noire de Froideval et Ledroit (Dargaud), les héros seront confrontés à une autre caste guerrière liée aux dragons dès le tome 2 : « La passe des dragons est l’une des rares entrées du légendaire royaume des grands vers. Au sein d’une immense contrée rocheuse et déchiquetée dorment les dragons, dont le nombre est inconnu. Les dragons les plus vieux règnent impitoyablement sur leur progéniture, avec l’aide de quelques humains avec qui ils ont fait alliance, les « chevaliers dragons ». Ceux-ci veillent avec vigilance et interdisent l’accès au royaume de Drach… ».
Mais le dragon est également symbole d’éternité et c’est tout naturellement vers cette dénomination que se tournent Arleston et Labrosse lorsqu’ils créent leur héroïne Moréa (Soleil). Celle-ci est bel et bien un être immortel luttant contre les forces maléfiques, quoi de plus normal dès lors de l’affubler du terme de « dragon ».
Un souffle d’humour
Côté séries humoristiques, Arleston et Tarquin parsèment Lanfeust de ces créatures majestueuses que sont les dragons. L’encyclopédie de Troy précise que les dragons sont de toutes tailles et de toutes formes. De plus, elle recense deux catégories principales : les volants et ceux dépourvus d’ailes, utilisés par les chevaliers de l’Hédulie comme montures. Car les dragons de Troy sont domestiques ! Des Maîtres Dragonniers sont chargés de leur dressage réputé difficile. Sphax est un autre dragon célèbre issu des aventures de Lanfeust. Ce sympathique dragon blanc n’est nul autre qu’un dieu ! Il accompagnera nos amis dans leur épopée trépidante…
Toujours côté humour, la série Donjon (Delcourt) de Sfar et Trondheim et ses univers parallèles possède son propre et célèbre dragon : Marvin, le compagnon d’Herbert le canard. Celui-ci ne peut combattre quelqu’un qui l’insulte, est végétarien et se passionne pour les monstres en tous genres qu’il chérit en leur offrant pitance et logement. Il est vrai que ces derniers contribuent à augmenter le trésor du donjon en dévorant moult chevaliers.
Enfin, Boiscommun, Morvan et Sfar feront des héros de Troll (Delcourt), les gardiens d’un dragon le temps d’un tome justement appelé Le Dragon du donjon.
Dragons superstars
Si les dragons ne sont pas rares dans le neuvième art, il semble pourtant que les séries entièrement dévolues à ces cracheurs de feu soient, elles, beaucoup moins fréquentes. Il est vrai que placer en cases d’aussi titanesques créatures ne doit pas être chose aisée. Argument supplémentaire, les dragons demeurent des êtres fuyants, secrets et jouissent de cette dualité : à la fois imposants et invisibles… Dans cette optique, abordons la série très réussie d’Ange avec La geste des Chevaliers-Dragons (Soleil). Le premier album débute par un texte explicite : « Nul ne sait pourquoi les dragons apparaissent… Leur seule présence déforme la réalité. D’abord cette influence est discrète et n’affecte que les lieux proches. Puis, à mesure que le dragon grandit, vieillit, le voile maléfique croît comme les ronds à la surface d’un lac. C’est ce qu’on appelle le Veill. Le Veill tord les choses, transforme les animaux et les gens en êtres monstrueux. Il croît et croît encore, semant mort et destruction sur son passage ».
On le voit, le dragon revêt ici une aura maléfique et seule la pureté peut le vaincre : « Seules les vierges peuvent approcher la bête pour la tuer… C’est pour cela qu’a été créé L’Ordre des Chevaliers Dragons. Il y a de ça bien longtemps ».
Proche de cette première série, Le Souffle, également scénarisé par Ange mais dessiné par le talentueux Philippe Xavier, nous parle des obscurs qui autrefois régnaient sur la Terre. Les humains, leurs esclaves, les exterminèrent. Ainsi la magie disparut en même temps que ces viles créatures. Mais aujourd’hui la magie revient, et avec elle la menace d’un autre retour… A lire les interviews des auteurs et le premier tome de la série, on peut se demander s’il n’y a pas quelques « souffles de dragons » là-dessous… Quoiqu’il en soit, Ange propose ici aussi une vision néfaste en plus de ce caractère peu visible et du mystère.
Réalisé en deux tomes aux éditions Delcourt, Dragons de Frédéric Contremarche et Joël Mouclier s’attaque quant à lui à la science-fiction avec une histoire de peuple dragon devant quitter leur planète pour une autre. Et bien évidemment, c’est la terre qui se révèlera très vite un lieu de destination idéale même si la façon d’en prendre possession débouchera sur un affrontement entre les partisans de la manière douce et ceux de la manière forte.
Les passionnés de dragons et de belles images seront ravis d’apprendre la parution aux éditions Soleil, annoncée pour septembre ou octobre de cette année, d’un livre illustré sur le sujet… Ecrit par Thierry Jigourel, spécialiste du monde celte, et illustré par Gwendal Lemercier. Thierry Jigourel nous dévoile un bout de l’histoire : » Mélar, collecteur de contes et de gwerzioù, ces chants populaires profonds de Bretagne, a une succession de visions étranges qu’il ne peut élucider. Des images de dragons se mêlant à des images de femmes deviennent chaque jour plus obsédantes. Un jour, il entend un vieux conteur raconter une histoire de dragons dans une langue celtique très ancienne. A quelques jours d’intervalle, il trouve, dans le grenier de l’évêché, un vieux manuscrit où il est question de dragons et de saints sauroctones. Commence alors une quête longue et difficile qui lui dévoilera les ultimes dragons du monde occidental… » . Voilà qui semble bien prometteur, affaire à suivre !
Toujours aux éditions Soleil, L’Eveil des Dragons Eternels de Téhy et Lalie. Une romance sur fond de dragons comme nous l’explique Lalie : « A vrai dire, l’idée de la bd est partie d’une illustration « gothique » de salle de bain… Oui, on est loin des créatures mythiques ailées ! Cette image, et le monde féerique et fantastique qui entoure mes réalisations graphiques, ont donné à Téhy l’envie d’une histoire romantique. Un homme tant aimé par sa douce Hanaé-Rose, mais hanté par les légendes imprécises d’une époque gouvernée par la terreur de celle qui soufflait ses désirs à l’oreille de la Mort… La Reine Spectre. J’ai tout de suite adoré, il ne restait qu’à broder finement les détails de l’histoire« … Quant à l’image même des dragons, la dessinatrice nous a répondu que « visuellement, la représentation des dragons me vient sans doute du jeu de rôle et de la littérature médiévale-fantastique. Un mélange entre les horribles montures Nazgul de John Howe dans Le Jeu de Rôle des Terres du Milieu et l’image que je me fais des majestueux dragons de la saga de Pern de Mc Caffrey. Je rêve secrètement qu’un jour, comme Licomte dans la bd, on découvre le squelette d’une race reptilienne intelligente ayant vécu et dormant peut être toujours dans les entrailles de notre terre. Par chance, il est toujours permis de rêver et de s’en inspirer! ».
Enfin, coup d’oeil sur le collectif DRAGONS paru aux éditions Spootnik et qui rassemble pas moins de 80 pages avec plus de 50 illustrateurs et leurs interprétations du dragon. Un must !
Que vivent les dragons !