Étiquette : Seigneur des Anneaux

  • Bientôt le Printemps… des Légendes !

    Le Printemps des Légendes

    Ardenne, Terre du Milieu

    Le Festival le plus attendu du Nord de la France verra son édition 2014 consacrée au Seigneur des Anneaux !

    Les 5 et 6 avril prochains, la forêt d’Ardenne se teinte de couleurs féeriques pour accueillir des dizaines d’auteurs, illustrateurs, sculpteurs et artisans de la Fantasy pour un week-end inoubliable. Ses atouts: un cadre magnifique, des personnages truculents, une organisation syma et motivée et de quoi vous REGALER !

    N’hésitez plus, réservez dès à présent votre séjour. Pour toutes infos: http://leprintempsdeslegendes.com/

     

  • Bruno Falba et Mike Ratera font chanter les elfes !

    Le Chant des Elfes revisite l’affrontement entre Rome et Attila. L’histoire se colore de fantastique avec des dragons, des ogres, des nains, des elfes… Un souffle tolkienien semble avoir inspiré Bruno Falba (scénario) et Mike Ratera (dessin) qui déferlent à leur tour sur un empire romain en pleine décadence…

    Et quand une série traite de dragons et d’elfes, le Peuple féerique ne peut s’empêcher d’aller embêter ses auteurs… Petites questions à Bruno Falba.

    Les créatures féeriques sont, dans l’imaginaire des gens, plutôt ancrées dans le Moyen Age. Vous les placez dans un contexte proche de la fin de l’Empire romain…

    Effectivement, nos contemporains associent les êtres féeriques à l’époque Médiévale. Et pourtant, une majeure partie de ces créatures appartiennent aux mythologies. Dans l’Antiquité, nymphes, naïades et harpies partageaient physiquement le quotidien des humains.

    Au Vème siècle, nous glissons doucement dans le Moyen-Âge. Les croyances païennes et les sacrifices de toutes sortes disparaissent. La Chrétienté est en plein essor. L’Empire Romain d’Occident est sur son déclin. Les différentes créatures se mêlent. Certaines s’unissent pour ne former qu’un petit peuple. D’autres meurent seules, ou rejoignent les légendes.

    C’est cette fin d’une aire et ces profonds bouleversements que j’ai souhaité traiter avec « Le chant des elfes ». L’invasion d’Attila s’est imposée d’elle-même. C’est l’une des dernières grandes batailles de notre histoire où s’affrontent humains et créatures, civilisation et barbarie, foi et magie.

    Quelles étaient vos appréhensions vis-à-vis de cette série, ce que vous craigniez ? Tant il est vrai que mélanger Histoire et Fiction est fragile…

    Le challenge était de jouer avec ces deux genres, sans m’emprisonner dans un seul. Pour ce faire, j’ai veillé à créer un monde crédible. Les chroniques de Jordanes m’ont servies de bases historiques. J’ai ensuite abattu les frontières qui séparent histoire et légendes. Êtres humains et fantastiques, costumes et décors, tous ont été traités avec autant d’attention. Il fallait coller à la réalité de l’époque. Et nous avons veillé à donner une identité propre à chaque peuple pour les reconnaître au premier coup d’œil.

    Sur le plan de la psychologie, les protagonistes féeriques sont confrontés à des obstacles internes de nature humaine. Ce qui permet au lecteur de s’identifier plus facilement à eux.

    Afin de plonger les personnages dans un récit épique, je me suis appuyé sur une narration interne, complétée par de petites scènes du quotidien. Le conteur, témoin des événements, nous livre ses impressions, ses sentiments et ses doutes.

    J’espère avoir atteint cet objectif.

     

    Quel a été le point de départ de cette idée du Chant des Elfes ? Dans ce deuxième album on voit les Ogres d’Attila, sa force d’élite… Certains rapprochent en effet « Ogre » de « Hongrois » et le lien historique apparaît…

    Outre la rencontre déterminante avec Mike Maximus Ratera, lors de laquelle nous avons associé nos idées et nos envies, le point de départ de cette série provient de mes origines Provençales. Je suis né à Draguignan, en Dracénie, cité où le Dragon a été terrassé par Saint Hermentaire. On y trouve aussi une « Pierre de la Fée » et un elfe qui a pour nom Helclayen. La première Province de l’Empire Romain, le pays de Marius, de César et des cigales, fourmille de légendes. Les Celto-ligures ont laissé leur empreinte. Dolmens et créatures du petit peuple n’ont rien à envier au folklore de notre merveilleuse Bretagne. C’est ici, au cœur de mes racines, que je puise mes inspirations. Malheureusement, les promoteurs immobiliers (et leurs co-légionnaires pyromanes) ont justes gommé certains aspects de notre culture. J’espère que ce patrimoine rejaillira du passé pour le plus grand plaisir de tous.

    L’apparition des Ogres m’a été soufflée par feu ma tante Athena, il y a bien longtemps. Enfant, elle me racontait bon nombre d’histoires et de contes, auxquels je pris goût très vite. Ces histoires étaient tirées de sa Toscane natale. Certaines d’entres elles parlaient de créatures avides de chairs fraîches, le visage couvert de cicatrices, les dents acérées…

    J’ai appris bien plus tard, qu’elle faisait allusion aux Huns. Leur présence a tellement marqué les esprits, qu’ils ont traversé les âges en se transformant en monstres terrifiants. Il faut dire qu’aux premiers abords, ils ne prêtaient pas au dialogue. Les membres de la tribu ouigour, partis de l’actuelle Chine, avaient d’étranges coutumes pour nos ancêtres occidentaux. Ils se taillaient le cou, le menton et les joues pour que le bulbe de leurs poils ne repousse pas. Leurs dents étaient aiguisées. Comme leurs campagnes militaires couvraient des milliers de kilomètres sur des mois, ils passaient le plus clair de leur temps sur leur monture. Ce qui les obligeait à dormir et manger dessus. Leur alimentation était principalement composée de viande et de tubercules glissées sous leur selle. Et lorsque ils n’avaient rien à se mettre sous la dent, ils suçaient le sang de leur poney. Imaginez la vision que ces tribus barbares laissaient dans l’esprit des peuples dits civilisés.

    Il devenait indispensable de replacer ces créatures dans une trilogie épique comme l’est « Le chant des elfes ».

     

    Comment se fait-il que les personnages féminins prennent le dessus sur les personnages masculins ?

    Je reconnais avoir un faible pour la gent féminine et leur silhouette élégante et gracile. Je les préfère incontestablement aux lourds gladiateurs chargés de testostérone et couverts d’huile ! C’est une question de goût. Vous noterez que cela ne nous a pas empêché d’opter pour un fier Romain sur la couverture du tome 2.

    De tout temps les jupes des filles ont fait tourner la tête des hommes. Et quand Ratera m’a présenté ses superbes recherches de personnages, ma tête a tourné de plus belle. Attardez-vous un instant sur ces créatures et vous comprendrez pourquoi elles tiennent le haut du Dolmen !

    Le Chant des Elfes est très guerrier. Un rythme qui ne laisse guère d’espace pour se reposer, des batailles, des machines de guerre, des montres… Beaucoup d’action et de spectacle. C’est une série d’action avant tout ?

    Réponse : D’un autre côté, Attila, n’était pas fleuriste… hein ! :O)

    Plus sérieusement, lorsque j’ai débuté la rédaction du « Chant des elfes », je souhaitais créer une intensité dramatique croissante à chaque tome, digne du « Seigneur des anneaux ». A ce propos, le grand J.J.R Tolkien Force s’est en partie inspiré de cette page de l’histoire de l’Europe pour écrire son chef d’œuvre.

    Mike et moi étions d’accord pour offrir aux lecteurs un spectacle semblable aux plus grandes productions du grand écran.

    Ainsi le premier opus met en place le récit, avec une action calme et posée et une structure proche du thriller.

    La tension monte d’un cran dans le second tome qui est, dirons-nous, plus musclé. Certes, le siège d’Orléans ne laisse pas aux personnages beaucoup de sérénité, mais vous noterez que l’un d’eux trouve malgré tout le temps d’aller à la pêche. (Rire)

    Quoiqu’il en soit, le troisième tome nous conduira sur les Champs Catalauniques et devrait être encore plus spectaculaire que l’album précédent.

     

    Comment se passe la collaboration avec Mike Ratera ?

    Trop bien !… une autre question ? (Rire)

    L’Espagne est un pays où les lecteurs sont plus orientés vers les comics US que la BD franco-belge… Qu’est-ce qui ressort de cette confrontation de cultures ?

    Une excellente collaboration ! Et c’est sans compter le professionnalisme de Mike. Son talent est à chaque fois au rendez-vous. Son sens de la mise en scène et son découpage dynamise la narration. Il la sublime même. De ses expériences chez Marvel, il en tire toute la substantifique moelle pour la mettre au service de notre trilogie. Ce qui contribue au succès de la série. Il est à rappeler que notre Québécois préféré, Jacques Lamontagne, nous accompagne dans l’aventure. Sa vaste culture Comics et son œil critique ne manque pas pour nous guider tout au long de chaque album.

    En combien d’albums cette série est-elle prévue ?

    « Le chant des elfes » se compose de trois tomes. La fin de la trilogie paraîtra durant le second semestre 2010. Bien entendu, si notre éditeur nous demande de poursuivre la série, un second cycle aussi riche que le premier suivra. J’ai d’ores et déjà rédigé la trame.

     

    Pour le moment, nous n’avons pas beaucoup entendu les elfes chanter…

    Patience ! Ils ne vont pas tarder. Mais avant de les apercevoir, ce sont leurs flèches que vous entendrez siffler.

    Propos recueillis par le Peuple féerique en janvier 2010

    Et de gauche à droite: Mike Ratera, Jacques Lamontagne et Bruno Falba…


  • Fae: rencontre avec une créatrice de vêtements féeriques

    L’imaginaire féerique se decline et se vit d’une multitude de façons. Cette fois, notre regard s’est porté sur une jeune styliste aux creations médiévales-fantastiques de toute beauté. Et puisque son enterprise naissante porte le doux nom de Fae, il nous a paru important de lui poser quelques questions et, ainsi, de vous la presenter… 

     
    D’où t’es venue cette passion alliant un univers médiéval-fantastique, féerique et la création de vêtements ?
    J’ai toujours été attirée par l’univers médiéval- fantastique. Petite je lisais déjà beaucoup de contes et de mythologies, j’ai découvert le Seigneur des Anneaux très tôt et l’oeuvre de Tolkien a été une vraie révélation. Les jeux de rôle m’ont aussi attirée très tôt : mon grand frère en faisait à l’époque, ainsi que des Grandeur Nature (ou « GN »), et je trouvais ça fascinant. J’en ai fait dès que j’ai pu et c’est grâce aux GN que j’ai fait mes premiers costumes, voilà ce qui m’en a donné le goût, même si au départ ça ne ressemblait pas à grand-chose !

     Quel genre de vêtements aimes-tu le plus créer ?
    Aaah, les robes médiévales ! Enfin, elles ne sont pas véritablement médiévales, historiquement parlant c’est plus un mélange, mais je parle du genre de robes que l’on peut voir par exemple dans le Seigneur des Anneaux, le film. Ce sont des merveilles ! Avec une foule de détails, de finitions, que l’on ne soupçonne même pas à l’écran ! Je suis loin d’avoir le niveau mais je m’y emploie, et même si cela demande beaucoup de travail j’adore ça ! Mon seul regret est qu’il n’y ait pas assez de circonstances pour les porter.

    T’inspires-tu de légendes particulières ? Ou de musique ?
    J’aime particulièrement les mythes et légendes celtes et scandinaves, mais ils constituent une toile de fond, un contexte, sans m’inspirer de façon directe
    bien que leur influence soit indéniable. Je suis plus marquée par la littérature fantastique avec des auteurs comme Michael Moorcock (Le cycle
    d’Elric), George R .R. Martin (Le cycle du Trône de Fer), ou bien sûr et principalement, Tolkien. Son oeuvre est pour moi une source inépuisable d’inspiration.
    Pour ce qui est de la musique, bien sûr ! Je ne peux coudre sans musique et elle stimule l’imagination. Pour citer quelques artistes, j’aime particulièrement Omnia, Narsilion, Summoning et les pyrénéens de Stille Volk, et on retrouve d’ailleurs leur musique dans mes défilés, normal !
    Sinon je puise aussi beaucoup dans les oeuvres d’illustrateurs tels qu’Alan Lee, John Howe, Brian Froud, ou Brom.

    Tu fais beaucoup de défilés? Quelles sont les principales reactions des gens?
    Pour le moment je n’ai que deux défilés à mon actif vu que Faë n’est lancée que depuis mars 2009, mais j’aimerais en faire environ deux par an. J’ai été très agréablement surprise des réactions des gens venus au défilé de mai, duquel j’attendais beaucoup. Je l’avais organisé pour lancer Faë et essayer de
    présenter un éventail diversifié et représentatif de mes différentes créations, donc je me demandais quel allait être le retour. Et bien c’était très positif !
    J’ai été très félicitée, les gens semblaient emballés et contents, quell soulagement ! Bon après je ne me fais pas d’illusions, on ne peut pas non plus
    plaire à tout le monde et de toute façon je n’y compte pas, mais ça reste très encourageant. Et sinon j’ai pu remarquer que les robes médiévales font toujours leur petit effet sur la gent féminine, ce doit être le syndrome princesse, on a beau grandir il faut croire qu’on n’y échappe pas toujours complètement. Héhé !

     


    As-tu l’impression qu’il y a un mouvement qui s’est créé autour de l’imaginaire féerique ? Avec ses artisans, ses musiciens, ses conteurs, etc.
    Comment l’expliques-tu ?

    Oui, il y a un réel mouvement avec de nombreuses ramifications, certaines tendent plus vers le médiéval par exemple et d’autres vers le féérique en effet, mais tout est souvent lié. Je dois toutefois avouer que la mièvrerie autour des fees a tendance à m’agacer, enfin cela dépend des approches bien sûr.
    Comment l’expliquer ? Nous avons tous besoin de rêves, après nous l’assumons plus ou moins. Mais dans ce monde, comment ne pas avoir besoin d’évasion ?
    L’air de nos villes sent mauvais, nous marchons sur du béton et le ciel est caché par de grands bâtiments qui se ressemblent tous. Ce regain d’intérêt pour l’imaginaire féerique est comme un retour aux sources, c’est une bouffée d’air pur ici bas pour les déracinés que nous sommes. Enfin, c’est un point de vue personnel.

    Quelle est ta créature féerique préférée et pourquoi ?
    Le dragon ! Parce qu’il est emblématique de l’imaginaire fantastique et a une symbolique très forte. Créature féroce et destructrice,  liée à la terre et au feu, gardien primitif et ancien, c’est un symbole de puissance, notamment dans les mythes scandinaves. Cette puissance a d’ailleurs beaucoup été sous-estimée comme dans l’univers de Donjons&Dragons où les héros tuent des dragons à tout va, mais enfin, un dragon, ce n’est pas rien ! Moi je parle de Fafnir, d’Ancalagon le Noir, de Glaurung, et Smaug le Doré ! Le dragon, c’est le gardien de notre univers merveilleux.

     

     Ton actualité, tes projets?
    Et bien tout d’abord l’ouverture prochaine du site internet, pour le mois de novembre j’espère ! Il fera vente en ligne vu que je ne souhaite pas ouvrir de
    boutique (du moins pour le moment) et je pourrai aussi prendre des commandes. J’aimerais refaire un défilé bientôt, mais ce ne sera pas avant le début du printemps, je pense. Et sinon il est prévu que je fasse des salons de créateurs et surtout des fêtes médiévales, mais je dois d’abord passer mon permis (et oui…)! En attendant le site web (www.fae-creations.fr) vous pouvez toujours visiter ma page myspace :  www.myspace.com/fae_creations. Pour me contacter :
    juliane@fae-creations.fr. Au plaisir de croiser votre route!

    Propos recueillis par le Peuple féerique en octobre 2009.

  • L'encyclopédie de la fantasy – Jacques Baudou – Editions Fetjaine

    L’encyclopédie de la fantasy
    Jacques Baudou
    Editions Fetjaine
    175 pages
    Prix: 24,90

    Présentation éditeur:
    Le Merveilleux existe depuis les premiers textes de l’Histoire, et toutes les mythologies regorgent d’un bestiaire fabuleux ou d’exploits surhumains. Plus tard, au Moyen-âge, les chansons de geste fourmillent elles aussi de fées, de nains et de chevaliers s’aventurant dans des contrées étranges. Mais c’est avec JRR et le succès planétaire du Seigneur des anneaux que la Fantasy devient un genre littéraire à part entière. Après lui, des centaines d’auteurs ont dynamité les frontières de ce domaine, devenu aujourd’hui l’un des plus foisonnants, tant en littérature qu’au cinéma, sans oublier les jeux de rôle, les jeux d’ordinateur, la BD et l’illustration. Sous la plume de Jacques Baudou, spécialiste de la Fantasy et de la Science fiction au Monde, ce livre s’est employé à répertorier, trier, expliquer cet univers extraordinaire (dans tous les sens du terme) rassemblant des oeuvres aussi différentes qu’Alice au pays des merveilles, Harry Potter, Peter Pan, Conan le barbare, Le Magicien d’Oz, L’Histoire sans fin ou Les Chroniques de Narnia, ainsi que des auteurs exceptionnels, parmi lesquels Robin Hobb, Terry Pratchett, Terry Goodkind, Robert Holdstock, Raymond Feist et un nombre impressionnant d’auteurs français au succès croissant. Une indispensable encyclopédie, magnifiquement illustrée et maquettée, qui donne envie de découvrir plus encore l’extraordinaire univers de la Fantasy.

     

    Notre avis:

    Jacques Baudou est un vrai spécialiste du genre. Critique de l’Imaginaire pour le journal Le Monde, il est un habitué des festivals spécialisés, des débats et un lecteur des plus gourmands lorsqu’il s’agit de fantasy. Voilà donc le type d’ouvrage qui devrait régaler les fans de ce genre sorcier, de ces mondes où sirènes, dragons et mages partagent la vie trépidante de jeunes héros. C’est un fait, le livre retrace la vie de la fantasy depuis ses précurseurs jusqu’au rôle joué par les jeux ou la bande dessinée (un peu faiblement représentée au vu de la richesse de celle-ci mais bon…) et comme cet ouvrage jouit d’une mise en page aérée et agréable, d’une iconographie importante, vous tiendrez bientôt entre vos mains un bon, très bon même, bouquin pour tout savoir sur votre genre de prédiclection. De là à l’appeler « encyclopédie »… nous n’aurions pas été jusqu’à employer ce terme. Il manque beaucoup d’éléments pour cerner parfaitement le genre, beaucoup d’auteurs même si les plus représentatifs y sont, beaucoup de thèmatiques n’y sont que légèrement abordées. Plus un ouvrage vulgarisateur qu’une véritable encyclopédie qui demanderait au moins deux volumes tels que celui-là pour véritablement toucher au coeur de ce genre aux ramifications nombreuses, marqué par la plurimédialité de notre époque et le fait que ce genre tende à englober de plus en plus quantité de sous-genres et de mondes voisins… Bref, un livre tout indiqué pour quiconque désire une vue globale, réfléchie et juste  sur le genre fantasy sans trop entrer dans les détails.

     

  • Interview d’Anne Besson, spécialiste de la fantasy

    Je reproduis ci-dessous l’interview d’Anne Besson que j’ai réalisée pour le site Khimaira

    Anne Besson est universitaire, maître de conférence en Littérature Générale et Comparée à l’Université d’Artois (Arras) et spécialiste de la fantasy sur laquelle elle a notamment écrit un essai très éclairant « La fantasy » (coll. 50 questions, Klincksieck). Elle est également co-fondatrice de l’association Modernités médiévales. Elle organise des cycles de conférences et journées d’études sur la Fantasy, c’est d’ailleurs peu après le colloque « La Fantasy en France aujourd’hui » tenu à Paris les 10 et 11 juin derniers qu’elle a accepté de répondre à nos questions.

    Khimaira : Pourquoi parle-t-on de « modernités médiévales », de « médiévalisme », de « neomedieval » en littérature, musique, etc., aujourd’hui ? Qu’entend-on exactement par ces néologismes ?
    Anne Besson :
    Pour parler de ce que je connais (la littérature plus que la musique, donc…) : « médiévalisme » et « néomédiéval » sont des traductions, et donc des tentatives pour importer en France des termes existant depuis longtemps aux Etats-Unis.
    Le « medievalism » y désigne tout un champ de recherches universitaires, très développé là-bas (le rendez-vous annuel de Kalamazoo regroupe plusieurs milliers de communications !), car le travail sur les textes du Moyen Âge n’y est pas coupé de ses prolongements dans les siècles ultérieurs. « Modernités médiévales » est le nom de l’association que j’ai fondée en 2004 avec Vincent Ferré et Anne Larue (voir www.modernitesmedievales.org) pour contribuer à faire émerger en France ce type d’études – tout en évitant si possible les travers de la recherche américaine, très inégale… Notre idée consistait à introduire des travaux sur la fantasy dans un cadre disciplinaire qui lui donne une légitimité universitaire : en les rapprochant donc des autres exploitations littéraires du Moyen Âge depuis sa « redécouverte » par les romantiques français et les victoriens anglais.
    « Néo-médiéval » s’utilise davantage pour désigner la fiction, afin de donner un équivalent français de l’abréviation « medfan », « medieval fantastic », qu’on ne peut pas reprendre tel quel parce que le « fantastique » américain correspond davantage à notre « fantasy », c’est-à-dire, pour parler comme Todorov, au « merveilleux » plus qu’au « fantastique » (ce n’est pas simple !).

    K : Vous expliquez que le Moyen-Âge a été choisi par la fantasy d’une part pour son bestiaire fantastique, son imaginaire mais aussi car il représente un « monde intact et préservé »…
    C’est une explication également valable pour les festivals médiévaux ? Comment expliquer leur succès ?
    A.B. :
    Le bestiaire merveilleux est malheureusement difficile à transposer dans la vie réelle ;-), mais les festivals, fêtes et autres banquets médiévaux, ou encore certains GN et certaines reconstitutions se rattachant à cette période, participent bien d’un goût similaire, et très répandu aujourd’hui, pour ce que semble offrir le Moyen Âge tel qu’on aime à se le représenter : au milieu de motivations très variables selon les activités (goût de l’histoire pour les reconstituteurs, dépense physique pour les adeptes du GN…), les participants semblent partager :
    – un désir d’évasion (un monde alternatif qui propose de mettre le quotidien entre parenthèse),
    – fortement ludique (on aime se mettre en scène, se déguiser, de plus en plus, rapprocher nos univers de jeux de notre quotidien : le médiéval n’en est qu’une variante, le gothique ou le cosplay manga en donnent d’autres),
    – des « valeurs » associées quant à elles spécifiquement au Moyen Âge, qui vont de la proximité à la nature (rejoignant des intérêts écologistes aujourd’hui très partagés) à la convivialité – l’image de la « taverne », liée à la détente et à un contact facile avec d’autres gens partageant les mêmes envies. C’est un peu paradoxal, car le Moyen Âge était socialement très inégalitaire, mais cette période apparaît dans ces occasions de rencontres communautaires comme un « grand égalisateur » : les costumes ne sont pas tous aussi beaux, les contributions ne sont pas toutes aussi abouties, mais chacun peut participer pour peu de s’impliquer un minimum !
    Pour plus de développements, via des articles universitaires accessibles consacrés à ces divers aspects, voir : l’article de Gil Bartholeyns et Daniel Bonvoisin sur les motivations des joueurs de GN et leur perception du Moyen Âge et les articles tirés du colloque « Le Moyen Âge en jeu » (université Bordeaux 3, 2008), sur les JdR, jeux vidéo, reconstitutions, médiations culturelles…

    K : La fantasy semble avoir beaucoup de mal à se définir. Toute tentative se heurte à des contours flous ou part dans des directions diffuses aux multiples sous-genres. Évoquer tant de sous-genres, en voir surgir sans cesse de nouveaux, n’est-il pas une façon étrange de définir un genre ? On a l’impression qu’aussi bien les auteurs, les critiques ou les universitaires détournent la question de la définition du tout en s’arrêtant sur celles des parties, peut-être plus facilement circonscrites ?
    A.B. :
    L’impossibilité de la définition est en réalité un problème partagé par absolument tous les genres littéraires : comment être assez large pour tout inclure, et assez précis pour ne pas « déborder » sur les domaines voisins ? La science-fiction en donne un exemple frappant : les études critiques à son sujet s’ouvrent traditionnellement sur une liste infinie des autres ouvrages ayant relevé le défi de la définition, et la question n’est absolument pas réglée ! On peut juger que la démarche est vaine en elle-même, car vouée à l’échec, ou bien, en voyant le bon côté des choses, se dire que ça laisse le champ libre pour d’autres tentatives dans le futur.
    Pour la fantasy, une difficulté particulière vient de ce que les anglophones, auxquels nous reprenons le terme, ne désignent pas quand ils l’emploient la même chose que nous : « fantasy » y prend un sens plus large, englobant quasiment tous les genres de l’imaginaire, ce qui ne nous avance guère ! J’ai proposé pour ma part dans mon ouvrage, non pas comme une définition (car je savais à quoi m’attendre), davantage comme un ensemble de traits généralisés (qui seront amendés/contestés/complétés, c’est le but), « ensemble d’œuvres qui exaltent (ou parodient) une noblesse passée marquée par l’héroïsme, les splendeurs de la nature préservée et l’omniprésence du sacré, en ayant recours à un surnaturel magique qui s’appuie sur les mythes et le folklore ». On voit déjà que ça ne marche pas pour l’urban fantasy, pour laquelle il ne faudrait garder que la dernière partie de la phrase, au risque de retomber dans quelque chose de trop général !
    J’en viens donc à la question des sous-genres et de leur multiplication : on touche ainsi à une autre difficulté de la définition des genres, qui est l’articulation de la théorie (qu’est-ce que ce genre ?) et de la pratique, en l’occurrence éditoriale (qu’est-ce qui est proposé aux lecteurs sous le label « fantasy » ?). C’est facile en effet de répondre à la 1ère question par la seconde : la fantasy, c’est ce qui se publie sous ce nom, mais, les impératifs commerciaux imposant un renouvellement constant, au moins minimal, de « l’offre » pour ne pas lasser la « demande », on aboutirait ainsi à ce que la définition du genre se modifie également en permanence, ce qui n’est guère satisfaisant… Là encore, pour ne pas être défaitiste, je précise qu’on n’a ce problème que parce que le genre est vivant et même en phase d’hyper-développement. S’il était figé, on serait certes plus à l’aise pour le saisir et le définir : mais il serait mort !

    K : Autre flou, les origines de la fantasy. Doit-on remonter à tout récit imaginaire ou se limiter au moment où la fantasy est devenu un genre à part entière ?
    A.B. :
    Pour moi, la réponse est claire : n°2, l’apparition du genre en tant que tel, la seconde moitié du 19ème siècle anglais (même si elle était annoncée en amont, rien ne naissant spontanément du jour au lendemain, de loin par exemple par le poème Paradise Lost de Milton, 1662 je crois, très influent sur les romantiques anglais, ou d’un point de vue réflexif, entre autres par l’essai de Samuel Coleridge, Imagination and Fancy, début 19ème). La fantasy, c’est le retour au merveilleux dans les siècles du désenchantement : cette distance avec ce qu’il essaie de ressusciter est pour moi constitutive du genre. Si l’on décide que les mythes étaient déjà de la fantasy, la question de la définition n’a plus (du tout) de sens…

    K : Nombre d’oeuvres fantasy semblent s’inscrire dans une opposition entre la Nature/magie et la Raison. Est-ce là artifices d’auteurs ou une réelle volonté, inscrite dans l’ère du temps ?
    A.B. :
    Eh bien, cela découle de ce que je viens d’écrire à la question précédente : la fantasy naît après l’avènement de l’esthétique classique (17ème), après l’âge des lumières et le triomphe de la rationalité philosophique et scientifique (18ème), après l’industrialisation (19ème : je vais vite), et naît d’un sentiment de rupture, qui est la conséquence « normale » de ces bouleversements longs, d’avec la nature et la magie qui lui étaient associées. Le rapport entre ces deux catégories, de la raison civilisée et son envers immémorial, constitue donc une des grandes polarités constitutives du genre, et il est normal que les auteurs se consacrent à l’explorer, en tentant de lui donner toujours de nouveaux contours – plus ou moins bien, car ils commencent à être nombreux sur ce créneau, et que du coup on a un peu l’impression qu’ils rabâchent. C’est aujourd’hui un cliché de dire que notre époque a besoin de sacré, de spiritualité, pour compenser un « sens de l’histoire » qui ne prenait pas franchement cette direction.

    K : Le genre fantastique semble beaucoup souffrir de la fantasy. Nombre de ses figures ont été récupérées et transformées. On pense au vampire, au loup-garou. Que reste-t-il au fantastique qui n’ait été repris ou transformé par la fantasy ?
    A.B. :
    Effectivement, l’émergence de la fantasy et son succès public ont entraîné une reconfiguration au sein des littératures de l’imaginaire : la science-fiction comme le fantastique souffrent violemment de cette concurrence et se trouvent peu ou prou absorbés par la fantasy. A cela, des raisons de politique éditoriale et de fonctionnement du marché du livre : les éditeurs et les libraires (puis les bibliothèques, les CDI…) doivent proposer aux lecteurs des œuvres identifiables comme conformes à leurs attentes, un « classement », et les auteurs sont bien obligés de s’adapter. Le fantastique avait cependant commencé sa « mutation » en amont, se renouvelant déjà largement sous la plume d’un Stephen King par exemple, et les œuvres « vampiriques », aujourd’hui si omniprésentes, me semblent relever encore de ce fantastique aux frontières élargies. En outre, des œuvres comme celles de Mélanie Fazi en France ou de Graham Joyce en Angleterre, continuent à illustrer le fantastique le plus « classique » qui soit, dans la lignée directe du genre français du 19ème s, des Maupassant ou Mérimée – l’intrusion d’un trouble, dont l’origine reste indécidable, au sein du quotidien familier qu’il vient remettre en question. Mais, nous en discutions encore récemment avec Mélanie Fazi, ces œuvres posent des difficultés de positionnement qui peuvent nuire à leur perception par le public, parce qu’il n’existe plus de « rayon », d’espace, pour le fantastique.

    K : Le retard français explique-t-il son originalité ? En France, on a l’impression qu’on a d’abord voulu copier les maîtres anglophones pour ensuite, très rapidement, s’intéresser aux écarts, aux limites du genre?
    Contrairement au monde anglophone qui affiche ses Tolkien, Lewis, Zimmer Bradley, Eddings, etc. Comment expliquez-vous l’absence d’oeuvres aussi fortes en France ?
    A.B. :
    La tradition « historique » du genre est anglophone, et quand on a commencé à lire de la fantasy en France, tardivement (Le Seigneur des Anneaux n’est traduit qu’en 1973), c’est ce corpus-là qui a été progressivement mis à disposition : Tolkien mais aussi les américains ou les auteurs plus « pulp », Howard, Leiber, Moorcock… Les auteurs français, qui ont d’abord été des lecteurs (et aussi, bien souvent, des joueurs et/ou scénaristes de JdR) se construisent eux aussi par rapport à ces modèles – ils n’ont pas d’équivalents en France, parce qu’historiquement la littérature merveilleuse y est faiblement représentée (pour des raisons culturelles anciennes : nous serions plus « cartésiens ») : elle a glissé très tôt vers le public jeunesse, ou bien s’est perdue dans le réalisme dominant (Salambô de Flaubert, La Peau de Chagrin de Balzac…)
    L’autre grande différence entre les deux aires culturelles qui explique les spécificités de la fantasy française, c’est la conception du métier d’écrivain : pour le dire vite et de façon un peu caricaturale, en Angleterre et aux Etats-Unis (en Allemagne aussi, culture protestante oblige), l’écrivain est un artisan, un « professionnel » qui a intégré les contraintes du marché, tandis qu’en France, l’écrivain est un artiste, dont l’œuvre est l’occasion d’exprimer une singularité personnelle, et qui va dès lors viser l’originalité. Tendanciellement toujours, les premiers auront plus de facilité à respecter des codes de genre, les seconds tendront spontanément à s’en éloigner, et c’est un fait que chez les écrivains français aujourd’hui on ne trouve pas ce qui plaît pourtant le plus au public, de la bonne vieille quête épique ! Les quelques exemples qu’on a pu en avoir aux débuts de la fantasy française (les premiers Fabrice Colin, Loevenbruck, Grimbert…) s’expliquent en bonne partie par le contexte éditorial : celui du « premier Mnémos », alors dirigé par Stéphane Marsan et issu de Multisim, des éditeurs de jeux de rôles, qui cherchaient à publier un type spécifique de fantasy et encouragaient les écrivains dans ce sens. Les auteurs français d’aujourd’hui privilégient en effet l’exploration des marges du genre, la recherche d’un style personnel et d’un imaginaire original, ou bien le jeu sur les codes et les croisements de genre, avec un goût marqué pour le roman historique (Pevel, Mauméjean). C’est moins le cas en littérature de jeunesse, où il apparaît peut-être plus naturel de respecter certaines contraintes, et les gros succès en terme de ventes des auteurs français sont en conséquence à chercher plutôt de ce côté-là…

    K : Si l’on regarde du côté des succès publics, deux oeuvres semblent incontournables aujourd’hui: Harry Potter et le Seigneur des Anneaux. Si, comme vous l’écrivez, le Seigneur des Anneaux est une réponse de Tolkien à son refus de modernité technologique, que représente Harry Potter ?
    A.B. :
    Une problématique très contemporaine, qui parle aux enfants (et aux adultes « adulescents ») la difficulté et la nécessité de grandir – soit une sorte de réponse au si répandu « syndrôme de Peter Pan » dans notre société. Je tire cette idée, que je partage, de l’ouvrage d’Isabelle Cani sur les 7 volumes, Harry Potter ou l’anti Peter Pan, Fayard, 2007. Mais des œuvres telles que celles-ci ne se réduisent pas à un seul message bien sûr… On peut ainsi, par exemple, souligner que le SdA et HP partagent, à plusieurs décennies d’écart pour leurs rédactions, une réflexion sur les leçons à tirer de la Seconde Guerre Mondiale : le pouvoir comme tentation du mal, la nécessaire tolérance, le bon usage du libre-arbitre contre les aveuglements collectifs….

    K : Vous expliquez que le succès de la fantasy tient finalement beaucoup à deux phénomènes: la tradition du pulp américain et le jeu de rôle. Croyez-vous que sans ces deux phénomènes, la fantasy n’aurait pas eu le succès qu’on lui connaît aujourd’hui ? Ou n’en sont-ils que des accélérateurs ?
    On voit également, dans les accélérateurs du genre côté public, le fort impact du cinéma. Un impact qui va également de pair avec des phénomènes sociétaux. Conan dans les années 80 (années du culte du corps) et Le Seigneur des Anneaux dans les années 2000 fortement marquées par un retour de la magie et des croyances…
    A.B. :
    C’est difficile de refaire l’histoire et d’imaginer « ce qui se serait passé si… ». Mais si l’on retire les pulps (qui sont antérieurs à Tolkien je le rappelle, et donc véritablement fondateurs) et le JdR, né dans la foulée du succès grand public de ce même Tolkien aux Etats-Unis, et contemporain des premiers romans qui souhaitent en prolonger l’héritage, qu’est-ce qui reste ? Tolkien seul, avec son œuvre érudite, et ses prédécesseurs anglais encore moins accessibles ? Pas sûr qu’on ait là la base d’un genre « populaire » (au sens noble) ! Pour cela, il fallait à l’imaginaire merveilleux et mythique des relais sur des supports plus facilement reçus par tous : les magazines bon marché mais aussi, le texte n’étant pas, ce n’est pas une découverte, la forme culturelle la mieux partagée, les bandes dessinées, le jeu, le cinéma bien sûr – même s’il y a peu de « chefs-d’œuvre » de fantasy au cinéma, où la science-fiction par exemple a été nettement mieux traitée.
    Bien sûr, les succès des adaptations de « Conan » et du SdA sont liés à leur contexte d’époque, mais ça me semble une question de bon sens, voire une lapalissade : les producteurs sont des commerçants, ils s’appuient sur ce qui marche autour d’eux pour estimer ce qui va marcher ; le body-building est à la mode, adaptons Conan ! « Harry Potter » marche fort, donnons (enfin) à Jackson le budget nécessaire !

    K : Quel est le rapport entre la féerie et la fantasy ? La première est-elle plus qu’un simple catalogue où puiser des personnages pour nourrir la seconde ?
    A.B. :
    Si par « « féerie » vous entendez la tradition du conte merveilleux, dont l’histoire littéraire remonte au 17ème siècle, elle constitue une des principales sources d’inspiration de la fantasy, avec les mythologies (certains estiment même que les contes font partie d’une fantasy qu’ils font remonter très loin dans l’histoire, mais ça n’est pas mon cas). La fairy-tale fantasy s’en nourrit directement, mais son influence diffuse est plus largement présente : on prendrait alors « féerie » dans le sens de « merveilleux lumineux », du côté d’un surnaturel positif, des beautés de la nature, des créatures bénéfiques, de la magie blanche.. Enfin, sous le nom de « Faërie », Tolkien a décrit sa propre démarche, qu’on appelerait aujourd’hui « fantasy », dans son bel essai « Du conte de fées ».

    K : Dans votre livre, vous évoquez le fait que les auteurs n’ont pas une connaissance directe des sources, qu’ils s’inspirent plutôt les uns des autres. N’y a-t-il pas un danger de voir s’effacer ces sources, que les contes, légendes, mythes, l’Histoire se dénaturent par la fiction ?
    A.B. :
    Je ne crois pas, pas vraiment. Certes, certaines œuvres aboutissent à des « gloubiboulga » terribles, et dès lors qu’une erreur est reprise, il devient difficile de la distinguer de la vérité – le même phénomène se produit à plus grande échelle sur Internet… Mais d’une part, on est ici dans la fiction, et je fais confiance au public pour pouvoir en prendre conscience ; et dès l’origine de la transmission des fictions, que ce soient les mythes, la légende arthurienne, les épopées orales, le processus de déformation était à l’œuvre. Il faut de très longues années d’études et une spécialisation très érudite pour s’y retrouver dans ces sources anciennes et reconstituer la « vraie » version, si tant est qu’elle existe ! Tolkien, toujours dans « Du conte de fées », évoquait déjà (dans les années 30) le « chaudron du conte », une « soupe » où chaque époque a ajouté ses ingrédients, en touillant bien l’ensemble pour qu’il reste « mangeable » !
    D’autre part, dans « culture populaire » il y a « culture », et pour moi le succès de la fantasy aujourd’hui se traduit par une connaissance partagée plutôt impressionnante, dans un public très large, des différentes mythologies par exemple. Je le constate auprès de mes étudiants : ce type de lectures les incite en fait à effectuer un « retour aux sources », ils cherchent à déterminer ce qui est nouveau de ce qui vient de plus loin, ils se renseignent… et au final ils emmagasinent un bon bagage de connaissances, avec les nuances que j’ai dites plus haut – c’est une connaissance des origines du merveilleux telle qu’elle est accessible aujourd’hui, passée par le filtre déformant des siècles, mais cela n’en reste pas moins une forme d’érudition contemporaine, valide et valable.

    K : Vous décrivez la fantasy comme multimédiatique, transposable dans une multitude de médias, ce qui en explique aussi le succès. La science-fiction ou le fantastique n’ont-ils pas le même potentiel ? Pourquoi la fantasy serait-elle plus multimédiatique que d’autres genres ?
    A.B. :
    Il y a effectivement des traits communs aux « genres de l’imaginaire » qui favorisent leur transposition sur les supports médiatiques les plus divers : d’une part le public qu’ils touchent préférentiellement (les « jeunes », aux contours de plus en plus larges), plutôt férus d’images et de technologies, suffisamment « fans » pour consommer des produits dérivés, et du côté des contenus la liberté dont ils disposent (l’intervention du surnaturel anime bien les combats, par exemple…). La SF et la fantasy (le fantastique à la rigueur, si on le considère dans son sens élargi) disposent aussi de chronologies et de géographies potentiellement infinies, où déployer des cycles ou des univers partagés. La fantasy m’apparaît toutefois encore plus porteuse, pour deux raisons principalement : par raport au fantastique, elle propose des univers plus « profonds », ou plus complets (voir sa vieille habitude de proposer des cartes, des chronologies, des lexiques : le monde et les récits qui s’y déploient se mettent en place simultanément) ; par rapport à la science-fiction, elle est plus simple, plus « spontanée » : pas besoin d’être technophile ou doté d’un esprit « scientifique » pour l’apprécier, sans compter son évident caractère pratique pour les créateurs (ses décors en partie naturels par exemple, ou encore la répartition facile de ses personnages en « types » ou « classes »). Il faudrait bien sûr préciser selon les médias concernés…

    K : La fantasy est encore marquée par un temps cyclique, le refus d’une fin… Une façon de répondre à l’angoisse de la mort ?
    A.B. :
    Le principe du temps cyclique n’est pas tant de refuser la mort que de n’y voir qu’une étape elle-même transitoire : dans le cycle des saisons, il faut en passer par le froid et l’obscurité de l’hiver pour, à Noël ou au solstice, mieux se réjouir de voir bientôt renaître la nature. Je ne veux pas dire par là que la fantasy véhicule une croyance dans la réincarnation ! Pour moi, elle correspond au niveau de chaque individu à un désir de préserver une forme de contact avec l’enfance, ou du moins avec l’image qu’on se fait de l’enfance aujourd’hui. La fantasy n’empêche pas de grandir, elle n’est pas régressive à mon avis, mais elle donne sens à un regret qu’on a tous, la nostalgie d’une époque plus « merveilleuse » dans la vie de chacun. Si l’on élargit, de l’individu-lecteur aux grandes tendances de l’époque, l’émergence de la fantasy correspond globalement au moment des grandes antiennes sur la « fin », fin des idéologies, des croyances collectives, fin de l’Histoire… Du côté de l’évasion et du divertissement, « modestement » donc, la fantasy peut apparaître comme une forme de réponse à ces constats désespérants, car son temps et ses histoires se donnent justement comme infinis.

    K : Finalement, la fantasy est-elle un genre à message ?
    A.B. :
    Il y a une part de permanence du genre à travers les décennies (il n’est pas encore très vieux…), mais pas de message unique commun me semble-t-il. Et puis, une part de renouvellement, heureusement, qui bien sûr coïncide avec l’évolution des intérêts de chaque époque : le genre entre autres s’est fait de plus en plus porteur de messages de tolérance, ou encore il a vu l’éclosion de nombreuses œuvres féminines ou féministes qui sont venues équilibrer un côté un peu machiste à l’origine. Que les littératures de l’imaginaire, même si elles s’affichent comme « non-mimétiques », ne soient pas déconnectées des réalités de l’époque où elles sont produites me semble évident, mais en même temps ce n’est pas forcément ce qui m’intéresse le plus en elles. Les lit-on vraiment pour le « message » qu’elles véhiculent, trop souvent convenu, ou plutôt pour le plaisir d’immersion dans un autre monde qu’elles nous procurent ? Ce serait peut-être ça, alors, le message partagé : d’autres mondes sont possibles…

    Propos recueillis en juin 2009.

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