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Lancelot (Soleil) – Interview de la dessinatrice Alexe

Je reproduis ci-dessous l’interview que j’ai réalisée pour Khimairaworld

Salué par la critique, Prix jeune talent au dernier festival Abracadabulles, le Lancelot d’Alexe et Istin est une très belle surprise pour cette année 2009. C’est avec beaucoup de plaisir, d’autant plus qu’Alexe a longtemps collaboré au magazine Khimaira dans sa version papier, que nous avons posé quelques questions à cette dessinatrice pleine de talent. 

Jean-Luc Istin parle de cette version de Lancelot comme d’une histoire de femmes… C’est aussi ton avis? Penses-tu qu’un dessinateur homme l’aurait abordé autrement ?
Non, en fait c’est devenu une histoire de femmes pour lui. A l’origine Jean-Luc avait ce script dans son tiroir, et l’avait déjà proposé à d’autres dessinateurs bien avant moi. C’est devenu une « histoire de femmes » à partir du moment ou il s’est rendu compte qu’il travaillait avec deux filles, Elodie à la couleur et moi au dessin. C’était une sorte de « private joke » entre nous, un peu Charlie et ses drôles de Lancelottes. Ceci dit, la donne a encore changé, puisqu’Olivier Peru nous a rejoint en co-scénarisation, à compter du tome 2.

Maintenant, je ne pense pas que le fait d’être dessinateur ou dessinatrice sur ce projet soit d’une réelle importance, et pour tout te dire, je n’aime pas trop ce type de clivage. C’est une affaire de sensibilité, mais qui va au-delà du genre.

Quelle est la chose qui a été la plus difficile à dessiner et celle que tu as adoré réaliser ?
Franchement, j’ai lutté pour tout. C’est ma première série et donc mon réel premier album ce qui signifie que j’ai dû tout apprendre, reprendre les bases de A à Z, mais c’est ça qui m’éclate et me fascine dans ce métier, entre autres. C’est d’apprendre, de chercher à m’améliorer et donc de mieux communiquer au lecteur mon ressentit et la narration. J’ai du mal à regarder le tome 1 mais en même temps, ça fait partie de l’évolution, donc il faut l’accepter. Je suppose que j’aurai le même regard sur tous les albums à venir ☺
Pour répondre plus précisément à ta question, j’adore quand je sens que je me lâche et donc que mes planches deviennent un peu plus percutantes. Je commence à peine à le faire sur le tome 2, où je lâche enfin prise avec mes perpétuelles « interrogationsexistenciellestoutesnazesdetaf » et donc où je suis beaucoup moins stressée. Tout devient plaisant à dessiner quand on le ressent vraiment et sereinement.

Tu as été longtemps coloriste chez Soleil. Pour quelle raison n’as-tu pas réalisé les couleurs de Lancelot?
Parce que j’ai trop à faire en dessin pour m’occuper en plus de la couleur. Trop de choses à améliorer comme le posing, le story-board, la narration, la fluidité, le dynamisme… donc l’esprit suffisamment occupé pour ne pas être à 300% sur la couleur comme il le faudrait. Elodie s’en occupe et le fait très bien. Elle donne une vision différente et intéressante de ce que j’aurais fait. Et puis, franchement, si j’avais dû les réaliser, j’aurais mis 3 ans par album…

Tu parviens à imprégner les visages de tes personnages d’une émotion très forte. La colère, la tendresse chez les adultes, l’innocence des enfants… Les expressions, c’est un domaine que tu aimes travailler? D’où te viens cette maîtrise ? De ton passé d’illustratrice ?
Maîtrise c’est un bien grand mot. Mais je ne pense pas que cela vienne spécifiquement de l’illustration. Il me semble que c’est une affaire de sensibilité exacerbée. Je me plonge réellement émotionnellement dans ce que je fais (dans le dessin ou autre d’ailleurs). Je ne sais pas si c’est pertinent ou non, mais en tout cas, je « vis » ce que je dessine, à chaque fois, pour chaque chose que je fais. Bon, je suppose qu’avoir un caractère assez bouillonnant ça aide aussi ^^ Néanmoins, la technique, le travail, n’ont de sens à mes yeux que si on parvient à toucher les lecteurs. C’est certainement une vision simpliste mais ça reste pour moi une vérité absolue. Je crois en notre projet. Je ne l’ai pas signé par dépit mais choisi ; donc j’essaie de donner vie à mes persos sur le papier tel que je les ressens, tel que j’aimerais les lire, sinon autant retourner faire de la pub…

Lancelot est ton personnage préféré des légendes arthuriennes?
Honnêtement, je n’ai pas de personnage préféré. Je les trouve tous intéressants et ayant une certaine profondeur, donc un bon potentiel. Maintenant le personnage de Lancelot est peut-être celui qui m’attendrit le plus (certainement son côté « paladin psychorigide ») 😀 Plus sérieusement, j’aime la notion de conflit et cette dualité perpétuelle chez lui. Il incarne à mes yeux le personnage tragique par excellence : à la fois accablé par un destin qu’il subit et encensé par ce même destin héroïque qu’il se construit. Ce qui est intéressant c’est de gratter le vernis du héros solaire pour en montrer les aspérités, les fêlures… ce qui finalement le rend véritablement humain.

Comment t’es-tu prise pour créer les différents personnages ? Tu as suivi scrupuleusement les indications de Jean-Luc ou tu as fais des recherches et proposer des choses ?
Je propose en fait. Nous en parlons tous les 3 (Jean-Luc, Olivier et moi) : la manière dont on les perçoit psychologiquement, physiquement, leur position dans l’histoire etc… et je leur livre un premier jet, après quelques jours de réflexion, qu’on améliore ou non suivant le résultat. J’aime faire les choses à mon idée, et Jean-Luc m’a toujours donné cette liberté là : comme le story-board que je réalise désormais.

Lancelot a reçu le prix Jeune Talent au festival Abracadabulles en septembre dernier. Une belle reconnaissance, non ?
Une sacré surprise tu veux dire ! Une reconnaissance ? Un énorme encouragement, une forme de reconnaissance sans doute, maintenant le terme de reconnaissance me gène un peu, c’est un peu tôt pour parler de ça non ? On en reparlera dans 20 ans si je suis encore là ^^ En tout cas, ça fait vraiment plaisir et surtout ça motive ! D’autant plus que le festival était vraiment chouette.

Pour le tome 2, Olivier Peru sera de la partie. Comment s’est décidé ce changement au niveau scénariste?
C’est Jean-Luc qui m’en a parlé. Il a senti, à juste titre, que j’avais besoin de quelqu’un qui puisse répondre à toutes mes fameuses interrogations sur mon dessin, qui m’aide à progresser, et qui sache me parler pour que j’avance, car je n’étais pas contente de mon travail sur le tome 1. Du coup il a pensé à Olivier Peru, qui est un excellent professionnel (dessinateur, écrivain, illustrateur et coloriste) et un pote de longue date. Quand il m’en a parlé, j’ai dit oui de suite. Tous les trois nous formons vraiment une chouette équipe et nous nous complétons à merveille. Olive a la patience, la technique, et le sens du détail, une vision percutante du scénario, et il m’aide beaucoup à me lâcher. Jean-Luc lui a une vision plus globale et tient vraiment bien la barre du navire, il recadre et synthétise très efficacement. Quant à moi, je me prends la tête comme trois sur les planches en essayant de mettre en valeur leur script ☺

Pour quand est prévue cette suite ? Un petit extra visuel pour nos lecteurs ?

Le Tome 2 sortira en mars 2010, ensuite comptez un album/an, jusqu’au 5ème et dernier tome.

Pas de soucis pour les visuels et merci à toi!

Propos recueillis le 08 octobre 2009.

Richard Ely

Né en Belgique, j'ai passé toute mon enfance à Ellezelles, village sorcier. J'ai ensuite étudié les fées, elfes et lutins à l'université tout en croisant les chemins de Pierre Dubois, Claude Seignolle, Thomas Owen... En 2007, après avoir parcouru bien des forêts et des légendes, je crée Peuple Féerique. Spécialiste du folklore féerique, auteur d'encyclopédies, de livres, d'albums, je poursuis mon exploration de ce Petit Monde de Merveilles pour le partager avec vous.

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